jeudi 9 novembre 2017

Jacques Truphémus, Georges Michel, Nicola Verlato.

De la Tronche à Bourg en Bresse et retour à Grenoble, à la découverte de trois peintres.
L’exposition au musée Hébert concernant le grenoblois Jacques Truphémus a été prolongée jusqu’au 27 novembre.
Le souvenir de ses toiles a été réactivé récemment par l’auteur Marie Hélène Lafon à la librairie du Square qui a placé en exergue de son dernier livre l’expression du peintre : « je dois être corps dedans» pour souligner la force, l’intériorité des tableaux lumineux de celui qui vient de disparaître à Lyon . Ma romancière favorite qui se coltine silences et solitudes a trouvé des échos à son travail chez celui qui peut rappeler Bonnard et qu’appréciait Balthus.
Dans l’ensemble gigantesque du monastère royal de Brou à Bourg, une salle est réservée à Georges Michel jusqu’au 7 janvier. Le titre de l’exposition «  Le paysage sublime » met la barre très haut mais ne déçoit pas. Dans la production très abondante des paysages, l’originalité du parisien qui s’inspira beaucoup des Flamands, ressort. Ses toiles présentent souvent des ciels d’orage propices aux lumières contrastées et les lieux où il a posé son chevalet nous intéressent : Montmartre et ses moulins était alors en pleine campagne.   
Son surnom de « Ruisdael français » n’éclairera guère le visiteur amateur. Mais nous pouvons discerner sous des touches puissantes et libres, une modernité qui s’annonce chez bien des peintres de cette époque, même si leur notoriété n’était pas aussi évidente que celle d’un Delacroix ou d’un Monet. Van Gogh  admirait ce « précurseur de la peinture de plein air » aux horizons sublimés.
L’espace « Space junk » présente rue de Génissieux jusqu’au 10 novembre quelques artistes sous le titre non moins ambitieux : « La belle peinture » contenant cependant une dose d’ironie dans ce lieu voué au street art. J’ai surtout retenu Nicola Verlato dont la puissance s’appuie sur une formation classique probante. L’originalité de cet américano-italien n’a pas besoin de longs discours pour apparaître dans toute son évidence. Son style pop, hyper réaliste, nous emmène vers le sur réel, vigoureusement et l’angoisse vient. L’ampleur des toiles aurait mérité des locaux plus vastes, mais nous pouvons être reconnaissants aux responsables des lieux d’avoir déniché une telle pointure réconciliant classicisme et innovation.

mercredi 8 novembre 2017

Venise en une semaine # 8

De bon matin nous nous dirigeons vers notre deuxième location RBNB, ne comptant pas le nombre de ponts à franchir avec la valise à roulettes. Heureusement la Calle dei Miracoli 6012, n’est pas si loin, mais bien cachée. C’est le papa de Chiara qui nous réceptionne. Le coquet appartement n’est pas encore prêt, une dame s’emploie à le nettoyer. Notre logeur nous montre la fonctionnalité du matériel, photographie nos cartes d’identité et encaisse la taxe de séjour (3 € par jour et par personne). Nous entrevoyons le studio bien agencé au matériel et décorations modernes et de bon goût. Mais il parait impossible d’ouvrir les rideaux sur l’extérieur sans s’exposer au regard des passants, la pièce restant sombre à cause des ruelles de la largeur d’un piéton. Par ailleurs nous percevons parfaitement les discussions de nos voisins.
Nous nous délestons des bagages, tout heureux de pouvoir profiter de la journée sans attendre midi, heure prévue pour prendre possession du local.
Le Pont du Rialto est toujours aussi fréquenté quelque soit l’heure de la journée ou du soir.
Nous le franchissons et flânons dans le marché, bien achalandés en légumes colorés et fruits de saison appétissants : fraises, abricots, figues, groseilles, pêche plates, framboises, mûres, cerises noires… Beaucoup d’étals sont tenus par des indiens.
Les poissonniers exposent leurs marchandises soit dans des magasins soit sous la halle.
Il y a des seiches de différentes tailles, des calamars, des pieuvres, des palourdes (vongole) et des moules, des sardines, de la petite friture, quelques tranches de saumon, de la saumonette, de la lotte, des poissons qui inspirent les verriers, tous ces produits à retrouver sur les cartes des restaurants.
Nous revenons sur nos pas et suivons la signalisation qui nous amène Place San Marco, portés par le flot des vacanciers.
Nous testons un fast food de pâtes ouvert seulement depuis une semaine où nous consommons les tagliatelles à la carbonara perchés sur un tabouret derrière la vitrine, face aux passants. 
A nous deux nous remplissons quasiment l’échoppe minuscule pas encore assaillie à cette heure.
Mais si nous mangeons tôt c’est que nous espérons qu’il y aura moins de monde pour visiter la basilique Saint Marc dont la première construction fut érigée en 832.
Mais la queue s’étire déjà longuement le long du palais ducal.
Nous ne souffrons pas trop de la chaleur car le ciel a perdu sa couleur bleue qui nous a accompagnés jusque là.
Un ciel laiteux l’a remplacé, nous évitant la brûlure du soleil, l’air est lourd et moite. La file progresse assez vite dans la calme et nous pouvons pénétrer dans le narthex de 60 m de long où les touristes trop dénudées se voient équipées de toiles non tissées fournies par de gardiens vigilants.
Pour échapper à la vigilance des douaniers musulmans les restes du corps de Saint Marc ont été mêlés à de la viande de porc.
Nous avons à peine le temps d’admirer des mosaïques au sol car nous sommes limités au chemin balisé sans possibilité de déambuler librement. C’est pareil dans la basilique où le pavement est recouvert de tapis protecteurs épais sur le passage des visiteurs en circuit latéral.
Au centre, des chaises recouvrent le sol et le cachent aux regards. J’avais souvenir d’une débauche d’or  éclatant avec les mosaïques qui occupent une superficie record de 4 240 m2.
De l’or lumineux nous en voyons sur l’iconostase et derrière l’autel avec le retable d’or (ou palo d’oro) extraordinaire travail d’orfèvre incrusté de pierres précieuses et émaux pour relater la vie du christ et de San Marco. Pour le voir il faut payer 2 €. Nous poursuivons le circuit dans le bâtiment aux dimensions impressionnantes de 76,5 m de long et 62,6 m de large, sous les coupoles aux arcades couvertes de scènes, de personnages et d’inscriptions latines. A la sortie nous prenons l’escalier raide qui conduit au musée et à la galerie extérieure (5 €).
Là sont conservés les chevaux authentiques à l’abri de la corrosion pas loin de leurs copies majestueuses. Ils viennent de l’hippodrome de Constantinople, et objets de toutes les convoitises, ils furent volés par Bonaparte pour agrémenter l’arc de triomphe du carrousel avant d’être rapatriés en 1815 quand tomba son empire, comme tomba l’empire austro-hongrois en 1918 quand ils furent déplacés par crainte des bombardements.
Le petit musée expose des maquettes de la basilique et des morceaux de mosaïque restaurés. Depuis la galerie extériere nous bénéficions d’une vue sur la place monumentale dont Bonaparte disait que c’était le plus grand salon d’Europe.
La première heure de la tour de l’horloge est celle de quatre heures du matin sur la pendule surmontée d’un jacquemart où officient deux mori
 au dessus du cadran orné de signes astrologiques et du lion de l’évangéliste.
Sur la piazzetta, deux colonnes sur la rive s’élèvent élégamment avec en fond San Giorgio Maggiore. Les superstitieux évitent de passer entre ces perches où se déroulaient les exécutions capitales.

mardi 7 novembre 2017

Crevaisons. Larcenet Casanave.

Je n’avais pas croisé Larcenet depuis deux ans
alors cette « aventure rocambolesque du soldat inconnu » était bien tentante, tant j’apprécie la variété de sa tendre production.
Un homme vit dans un cimetière ; ayant envie de voir du pays, il s’aventure au-delà des murs pour n’apercevoir que d’autres tombes à perte de vue.
Revenu dans son gourbi, le voilà en présence du « soldat inconnu » qui ne mérite pas forcément d’être connu, mais « à la guerre  comme à la guerre »…
Je trouve que ce récit se lit trop vite : ne connaissant pas le punk rock qui occupe plusieurs pages dans la langue des Sex Pistols et des Clash, un texte traduit est bienvenu :
« Léon part pour le front,
La fleur au canon
En chantant comme un con
" C'est nous qu'étions les bons "
Il est content, il a raison,
Il va morfler pour la nation
Quatre ans dans les tranchées,
Ta fleur est toute fanée
Mais mec si tu t'voyais,
Je serais toi j'm'inquièterais
Et il tire sur les teutons,
Pour la patrie, pour la nation
On est le 11 novembre,
Tu t'es pas fait descendre
Tu as même tous tes membres
Mais ton cœur est en cendre »
Sous un titre coriace, le propos est pacifiste et un retour vers ces années qui amenèrent 10 millions de morts sous terre n’est pas inutile, malgré quelques inscriptions au dessus des croix :
« Se souvenir n'est pas produire » ou « Honorer ses défunts, c'est négliger son gagne-pain ».

lundi 6 novembre 2017

Au revoir là-haut. Albert Dupontel.

La bande annonce laissait craindre trop de scènes baroques pour décrire une époque impitoyable, mais encouragé par des avis favorables, j’ai apprécié ces deux heures de cinéma. Le premier plan est bien vu, à la suite d’un chien traversant le champ de bataille. La conclusion est plus convenue.
Entre temps les péripéties s’enchaînent, les images aux angles multiples sont magnifiques, patinées à souhait, le salaud est vraiment typé, et les malhonnêtetés de deux rescapés du grand carnage, pardonnables.
Les thèmes abordés sont forts : quand le « stress post- traumatique » concernait des nations entières, quelles traces garder pour un futur rédempteur? « L’arnaque était monumentale »
Les différences de classes perdurent voire paraissent avec encore plus d’évidence en regard de la fraternité entre poilus quand la mort frappait à égalité. Les identités des vivants et des morts sont trafiquées. Les masques pour cacher le visage arraché d’un artiste soulignent la comédie tragique de cette période insensée, tout en évoquant le riche contexte culturel de l’époque.
Bien que portée à son paroxysme, la haine du fils à l’égard de son père offre une scène poétique qui à mon avis, enlève de la force à un des fils conducteurs d’un scénario bien mené. Il parait que le film est fidèle au livre de Pierre Lemaitre qui obtint le Goncourt en 2013, mais si le réalisateur Dupontel est convainquant, son personnage naïf est joué d’une façon qui m’a semblé quelque peu mécanique, alors que son partenaire dissimulé est plus émouvant.   

dimanche 5 novembre 2017

En état d’urgence. Mathieu Madénian.

Les comiques variés venus à Saint Egrève aiment souvent jouer avec le manque de notoriété de la commune: 
L’ancien de chez Drucker et chroniqueur à Charlie qui se produisait chez nous avait bien retenu, ce qui fonde notre identité, depuis toujours et jusqu’au fond des campagnes de l’Isère : l’hôpital psychiatrique.
Et toute la soirée fut aussi directe, « sans filtre », rafraîchissante, émouvante, rythmée, sincère, drôle.
En ces temps où les plagiats en littérature de Macé-Scaron, Attali, PPD, Minc… finissent par s’oublier, c’est au tour des humoristes, Gad Elmaleh, Arthur, Jamel Debbouze,Tomer Sysley… s’inspirant trop servilement des textes de collègues américains.
Cette fois, quelques vannes de l’artiste intéressant qui se produit en première partie, Ahmed Sparrow, sont reprises par le natif de Perpignan : qui a commencé ?
Mais l’heure et demie de Madénian est bien personnelle et si les jeux avec le public m’embarrassent toujours, quelques récits d’enfance parlent aux spectateurs vite emballés.
Ainsi la caricature des jeunes choyés d’aujourd’hui avec des grands parents ne laissant pas aller leurs petits enfants au jardin par peur du danger, alors que lorsqu’ils étaient parents, ils distribuaient force claques à l’aveugle dans la voiture enfumée.
Le choix de la musique de « La vie en rose » en version live, pour l’enterrement de la tante qui « avait pris toute sa vie ses cinq fruits dans la sangria », a fait que son cercueil est entré dans l’église sous les applaudissements.
Il vaut mieux se retenir de rire de peur de rater la saillie suivante, la boutade qui fait mouche à venir, l’improvisation qui surprendra : ça va vite.
Son trash joue à cache-cache avec la tendresse et fait du bien.

samedi 4 novembre 2017

Charles. Le Un. FF.

Alors que le papier journal ne sert surtout plus à emballer le poisson, la découverte, au prix de quelques arbres, de revues et journaux relativement neufs peut être réjouissante.
La revue « Charles » trimestrielle en est à son 22° numéro. La présence de son rédacteur en chef Arnaud Viviant au « Masque et la plume » laissant supposer une certaine finesse, le dossier «  littérature et politique » m’a convaincu d’aller voir de plus près.
« Charles » prénommé comme "notre général", laisse deviner une certaine élégance à l’imitation de « George » de John John Kennedy dans les années 90.
Ce numéro rédigé avant l’élection d’ Emmanuel Macron dépasse les petites histoires sitôt dites sitôt oubliées. Par ailleurs dans la série des goodies ( produits dérivés) en politique, je n’avais pas souvenir de l’humour des jeunes républicains distribuant sur les plages des préservatifs sous l’intitulé : « Merci pour ce moment ».
Je n’ai pas lu le texte de l’ « allergique administratif », Thomas Thévenou,  se glissant dans la peau de Mitterrand, mais n’ai pas manqué un mot de l’interview de François Bayrou qui se fait rare, par l’ancien directeur de campagne d’Alain Juppé,  E. Philippe, ni les anecdotes d’Anne Fulda qui vient d’écrire «  Un jeune homme si parfait » au sujet de notre juvénile président, ajoutant:
«  François Baroin n’est pas un gentil ».
Yann  Moix, « mec de gauche de droite » est vraiment dans l’air du temps, et Henri Guaino ou Bernard Pivot, tellement monde ancien, restent intéressants. J.L Debré est connu pour avoir écrit quelques polars mais c'est aussi le cas d’Eva Joly, Eric Halphen, Alain Lipietz et Edouard Philippe. Le récit de la mauvaise fortune des « Editions du moment » pariant sur des livres suivant l’actualité dans l’instant est instructif. « Le roman vrai de DSK » par exemple n’a pas  rencontré son public alors que « Carla et Nicolas » avait bien marché. La rencontre de la littérature et de la politique est d’une autre teneur avec Léon Blum, critique littéraire se retrouvant avec Barrès devant la dépouille de Jaurès et le nationaliste de confier :
«  Votre deuil est aussi le mien ».
Figurent aussi  dans ce numéro: le proustien Bruno Lemaire, le plus jeune maire de France, Marcela Iacub en littéraire victime de la politique. Cécile Guilbert nostalgique de la culture inouïe des révolutionnaires de 89 regrette qu’Hollande n’ait pas connu Shakespeare pour prévenir les trahisons ou Balzac et Stendhal pour mieux voir venir l’élève de Paul Ricœur qui cite volontiers René Char.
«  Le un » en est à son 163° numéro d’hebdomadaire en traitant chaque fois une seule question d’actualité avec plusieurs regards, sous une forme dépliante passant du format A4 au A3 puis à son double. L’agencement m’a paru plus innovant que le fond, concernant cette fois : «  que dit la chanson de notre époque ? » L’équilibre est respecté entre les contributeurs  inconnus Georgio ou Safia Nolin et les plus chevronnés Dick Annegard, Jeanne Cherhall, Camille, Albin de la Simone. J’ai  par contre été déçu par mes chers Philippe Meyer, Yves Simon et le tellement conventionnel Didier Varrot qui ne veut surtout pas l’être, citant sempiternellement Souchon et Renaud, avec évidemment Gainsbourg à la rescousse dans deux articles à propos de la chanson «  art mineur ». 
Les dessins ne sont pas très neufs non plus.
Finalement la nouveauté la plus fraîche viendrait à mon goût de France football comptant 3000 numéros derrière lui qui peut séduire dans sa nouvelle formule à la maquette dynamique, tout en  rappelant des souvenirs anciens. Le foot est une nostalgie,  qui se met  au goût du jour en adoptant un ton mordant et rigolo avec Julien Cazarre et ses « tacles à retardement ». Un making off lors d’une interview complète est bienvenu, assurant le recul nécessaire et la transparence attendue dans toute entreprise de presse. Et ils savent de quoi ils parlent, eux, quand ils analysent l’évènement Neymar.

vendredi 3 novembre 2017

Votez pour moi ! La clique des Lunaisiens.

«  La droite qui boîte, emboîte, déboîte ses preux.
    La gauche qui fauche, qui embauche, débauche ses gueux.
    Le centre qui rentre son ventre, reste entre les deux »
A la MC 2, l’allègre trio lyrique nous a régalé de ses airs d’opérette XIX°, quand les clins d’œil valant pour le XXI° siècle ne manquent pas.
Le spectacle est plaisant mais ce recueil de chansons bien troussées m’a paru presque trop divertissant par rapport aux enjeux présents.
Pourtant les revendications féministes sont toujours d’actualité, les opportunistes toujours prêts, ceux qui se saoulent de grands mots, ceux qui se gavent, ceux qui se drapent dans le drapeau : on a les mêmes depuis des lustres.
Est-ce que la rime déprime de voir la persistance de tant d’injustices, de faux-semblants ?
Les musiques finissent-elles par être complices de la comédie du pouvoir ?
« Voulant pénétrer vos secrets ;
On dit c’est d’la politique !
Refrain :
Grâce à ce mot magique
On peut avec simplicité
Se moquer de la loyauté,
On peut, avec sérénité
Manquer à la moralité,
Ou s’arroger la privauté
D’ignorer la légalité
L’honnêteté, la dignité, l’équité
On peut n’avoir nulle capacité
D’un mot tout est escamoté,
Chut ! C’est de la politique »
Le document d’accompagnement proposé aux spectateurs comporte toutes les paroles des chansons bien que sopranos et baryton aient été clairs. Cette initiative prolonge notre plaisir et pourrait inspirer d’autres spectacles dont l’intelligibilité n’est pas forcément à la portée de tous.
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Dessin du « Canard enchaîné » de cette semaine :