Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble rêve
d’attendre le lever du jour en compagnie de quelque nymphe depuis le « Nid
rouge » construit par Nils Udo, l’artiste bavarois qui compte
aujourd’hui 80 printemps. Partons au pays des constructions fragiles.
« Grâce à l’art,
au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et
autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre
disposition » Marcel Proust
« Sans titre », île de la Réunion : les corolles
légères des fleurs de liseron ponctuent le
miroir de l’eau en butant contre une baguette. L’équilibre peut se brouiller,
se détruire.
Nils Udo a entrepris des études artistiques dans la ville de
Nuremberg détruite, il rejoint Paris dont l’école de peinture est encore
réputée dans les années 60, mais renonce pour longtemps à des artifices, au
synthétique, au trompe l’œil, aux redites, en revenant au bord du lac de
Chiemsee.
Dans son « Hommage à Gustave Malher » dont
la Symphonie n° 3 en ré mineur s’intitule : « La voix de la
nature en marche », cet autel éphémère sur un terrain remodelé n’emprunte
qu’aux éléments prélevés sur place : peupliers, tiges de frênes, bannissant
tout lien artificiel.
Il immortalise ses installations en les photographiant en
série limitée, comme les graveurs.
« Je peins avec les
nuages, dessine avec les fleurs»
« Le nid », lieu de naissance et de protection, tient
une place importante dans ses nombreuses productions.
Des matériaux très divers
peuvent être utilisés comme le font insectes et oiseaux pour des formes variées,
ainsi
« l’oiseau
jardinier ».
Comme les présences humaines sont rares, elles sont
saisissantes : « Waternest »
Il s’approche de l’eau, depuis la source jusqu’à la mer, échafaude
un délicat « Nid d'eau », avec des roseaux en hiver et en été,
un « Autel
de rivière » antique rituel de l’homme accédant à un langage
symbolique afin d’honorer les âmes,
une « maison d’eau » où une
cage joue avec les marées.
Les couleurs depuis des jus de feuilles d’ail des ours, de
baies d'obier, éclatent dans « Nid d'hiver »
ou simplement avec des baies du sorbier dont le rouge
électrise le vert, « Sans titre ».
Des
pétales dites « Langues
de feu » étaient toutes indiquées pour souligner une fissure dans une coulée
de lave à la Réunion.
Plus subtilement, des feuilles de cerisier peuvent composer
un nuancier avec osier, feuilles de marronnier à Equevilley « Sans titre »
Des branches composent des cadres de tous
formats qui sollicitent le regard comme
dans le « Petit lac vallery »
A Mexico, il dégage des « racines »,
à Aix la Chapelle il lui a fallu de la
patience pour enfiler les baies de sorbier sur des tiges d’osier à insérer aux
flancs de « genévriers ».
« Baie » affronte vitesse
et stabilité.
Les « dessinateurs de
jardin » (topiarius) depuis les temps antiques, taillent, « tyrannisent »
la nature comme disait Pline l’ancien, c’est l'art topiaire comme à
Marqueyssac.
Et s’il est revenu récemment à la peinture « Sans
titre »
Nils Udo se distingue de ses contemporains du land art
« Ce qui
m'intéresse, c'est le fait que les choses vivent, se développent et meurent.
C'est toute la nature qui m'entoure. Je m'y intègre, je travaille au rythme des
saisons »
A Chaumont sur Loire au festival des jardins sur le thème de
« Grand et petit » sa « Forêt de Gulliver » allait de soi.
Comme son « Temple végétal » à Hauterives en hommage au facteur Cheval qui avait appelé son « Palais
idéal » édifié pendant 33 ans « Temple de la nature ».
Dans ces contrées où se préserve l’enfance, Bachelard
s’invite :
« Enfants, on
nous montre tant de choses que nous perdons le sens profond de Voir. Voir et
montrer sont phénoménologiquement en violente antithèse. Et comment les adultes
nous montreraient-ils le monde qu'ils ont perdu ! »