mardi 28 février 2017

La légèreté. Catherine Meurisse.

La bande dessinée était l’outil tout indiqué pour tenter de guérir l’auteur rescapée du massacre de Charlie, voire consoler le lecteur blessé à jamais de la perte de Cabu et Wolinski.
L’humour permet d’aligner sans vergogne les références littéraires de Baudelaire, Stendhal, Proust, derrière une citation de Nietzsche :
« Nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité ».
La dessinatrice va au bord de l’océan et ses aquarelles évitent la mièvrerie par la présence de son personnage à long nez et cheveux raides. Elle revient vers les grands auteurs, sans affectation, avec une connaissance affûtée déjà prouvée :
Le retour sur son histoire d’amour finissante est d’autant plus réconfortant que cette petite douleur là, lui épargnera la vie : ayant traîné au lit, elle est arrivée après le passage des frères Kouachi à la conférence de rédaction. Dans le chemin de la reconstruction avec psy, protection policière, grande manif malgré les médias lourds, tout lui rappelle le drame absolu : une réplique de théâtre ici, et là c’est devant le Bataclan, l’avant-veille, qu’elle se sépare de ses amies avec lesquelles elle avait ajouté l’image au pochoir d’Honoré, oublié sur les murs des locaux du journal.
Pendant un court séjour à la Villa Médicis
elle tombe sur un groupe de statues représentant les enfants de Niobé transpercés par les flèches d’Apollon vengeant sa mère Léto moquée pour une fertilité plus clairsemée que celle dont il reste une source qui pleure pour l’éternité.
La préface de Philippe Lançon, lui aussi rescapé, est d’une grande finesse, et si parfois mon admiration de sa prose dans Libération se mêlait d’incompréhension devant trop de sophistication, ces trois pages sont très belles et fortes, et totalement en harmonie avec la jeune femme en robe blanche qui a posé enfin son manteau au bout des 130 pages. 
«  Nous vivons désormais en funambules, les pieds posés sur le fil du cauchemar et de la créativité, un fil à couper le cœur »

lundi 27 février 2017

La la land. Damien Chazelle.


Je suis resté baba devant « La la land », vraie comédie vraiment musicale, histoire d’amour pas si conventionnelle que ça et hommage à Hollywood. Il faut grandir pour réaliser son rêve et s'épauler. La naïveté trop attachée au genre est mise à distance tout au long des deux heures sous le charme et la grâce d’un scénario fluide et malin.  Il ne s’agit pas seulement de la recréation d’un univers enchanté, mais des questionnements très contemporains sont amenés avec des formes nouvelles rythmées et délicates: jazzy et romantique, aux belles couleurs qui ne fatiguent pas les yeux, dialogues efficaces et chorégraphies emballantes.
« Ville d’étoiles, il y a tant de choses que je ne peux pas voir. »
L’hommage à Paris depuis la ville des anges est bon à prendre pour mon pays qui s’aime si peu, si mal, sur le point de devenir détestable aux yeux du monde et de ses propres citoyens hébétés.
Ryan Gosling  et Emma Stone professionnels et vibrants sont excellents dans cette histoire qui marche sur l’eau, danse dans les étoiles, et sait aller au-delà des illusions.
Commencé en trombe par un embouteillage, le film garde un rythme chaloupé jusqu’à une conclusion où se mêlent allégresse et mélancolie, évitant justement les dégoulinantes conclusions américaines.  
« Un peu de folie est la clé pour nous donner de nouvelles couleurs pour voir. »

dimanche 19 février 2017

Renaud.


J’étais parti pour la déception et suis revenu ayant fait le plein d’émotions.
La foule, 15 000 personnes en trois soirées au Summum de Grenoble, avait envie d’être aimable, sentimentale, chanteuse. La tournée du sexagénaire s’appelle « Phoenix ».
Je craignais le pire avec en première partie un clone de « Tatatam » : Gauvain Sers qui m’a  paru bien tendre pour chanter «  Mon fils est partir au djihad » ou pour dénoncer ceux qui ont supporté le FN à Hénin Beaumont, tellement conventionnel.
Enfin au bout du tunnel d’un visuel qui débouche sur de belles images d’une vieille ville la nuit, les lumières éclaboussent.
« Toujours debout » : « Mister Renaud Mister Renard », un tombereau de cailloux dans la voix.
On pardonne tout, à notre miroir, et chamboulé, je suis, sous les souvenirs en avalanche.
« Il est midi passé,
Je reviens les mains vides
Trop de vent, pas assez,
L'eau était trop humide »
Patrimonial : « En cloque », « Pierrot », « Dans mon HLM, « Les mots »,« Bal à l’ambassade », « Morgane de toi », « Germaine », «  Hyper cacher », « J’ai embrassé un flic », « Manhattan-Kaboul », « Paris –Dakar »,«  It is not because you are », « Etudiant poil aux dents » en défense et illustration du rock français et du musette, « Gérard Lambert » avec retour sur ses passions privées additionnés des nouveaux venus, Malone : « Ta batterie »,  et sa petite fille :  « Héloïse » pour finir par un pot pourri « tout pourri » : « Hexagone », « Laisse béton », « Miss Maggie », « La mère à Titi »… « Fatigué »...
« J'emmènerai dimanche
Si je peux la gamine
S'emmêler dans les branches
A la pêche à la ligne »
Avec ce qu’il faut d’auto dérision,  par exemple à propos de « Mistral gagnant » qu’il se désole de voir comme chanson préférée des français, il accompagne le public qui la chante très bien comme tant d’autres, sa voix est devenue plus audible en cours de route.
Mais comme on reste à l’écoute d’une radio crachotante, quand la musique est bonne, on ne veut plus se quitter : oui on lui laisse le temps de tirer sur une cigarette et on en redemande : ça lui fera du bien et pourtant il se fait du mal, il nous a fait du bien : une autre ! Une autre !
« Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons... »
Le jingle que je mettais à mes élèves pour leur annoncer qu’on allait partir en classe de mer, les dépassait peut être à l’époque, mais ils pouvaient avoir saisi l’allégresse du moment qui allait nous porter au delà de nos jours, au-delà de nous. Devenus grands, je pense que la chanson leur parle.
« Ne pleure plus ma mère
Ton fils est matelot
Ne pleure plus mon père
Je vis au fil de l'eau, »
…………
Le dessin est extrait d’un album de bandes dessinées qui vont bien à ses chansons paru chez Delcourt.
…………
La semaine qui vient, papou poule est avec ses poussins.
Je reprends les parutions sur ce blog lundi prochain, on sera le 27 février.


samedi 18 février 2017

Le tour de France, exactement. Lionel Daudet.

Quel exploit ! Parti du Mont Blanc le 14 juillet 2011 et revenu 15 mois après une périple suivant scrupuleusement les frontières de l’hexagone, passant par Ouessant en ce qui concerne la position la plus à l’Ouest et la Corse pour le Sud, nous suivons le natif de l’Anjou établi dans les Hautes alpes sur 320 pages.
Alpiniste de haut niveau, sans tous ses doigts de pieds, il va utiliser tous les moyens à l’exception des véhicules à moteur pour mener son entreprise périlleuse:
vélo, voilier, kayak, allant jusqu’à suivre des frontières souterraines dans les Pyrénées.
Depuis Frison Roche dans l’adolescence, je n’avais pas lu de tels récits :
« Nous plongeons dans cette arête des Hirondelles, 700 m d’un vertigineux toboggan, entrecoupé de blocs plantés comme des herses. Tout à coup nous nous sentons lents et pesants, engoncés dans nos armures d’homme »
Il n’est pas toujours tout seul : des sherpas le rejoignent, des amis l’accompagnent, sa femme le suit en camping car et assure la logistique : des histoires d’amitié et d’amour, de ravissements et de dangers.
« Les pointes émoussées des crampons couinaient sur la roche au travers d’une couche de neige inconsistante, je swinguais dans une danse macabre, passant d’un précaire équilibre à un autre. »
Mais s’il y a matière à impressionner le sédentaire aux horizons Windows, il va à l’essentiel sans insister dans des louanges à la nature et récolte volontiers des paroles de compatriotes heureux de vivre où ils sont.
Le bonhomme dur au mal, maigre comme un clou, sait apprécier les plats régionaux et les alcools locaux, les beautés des paysages, sans ignorer les espaces abîmés.
«  La transylvestre, promenade à travers les richesses naturelles d’un territoire transfrontalier, me ravit par ses paysages d’une nature paisible et surtout par les citations distillées sur des panneaux explicatifs. Comme si, parce que la frontière a synthétisé de nombreux évènements par trop tragiques, le doigt est mis sur l’essentiel, imposant par là une prise de conscience, et l’urgence d’un changement :
« A l’échelle cosmique l’eau est plus rare que l’or » (Hubert Reeves) ou encore
«  Ecoutez la forêt qui pousse et non l’arbre qui tombe » (Friedrich Hegel) »
Il apporte des références historiques indispensables, des précisions sur les sols et les natures de roches. Homme complet, le sportif est aussi littéraire, sociologue sans prétention, écolo sans surplomb, philosophe sans baratin, authentique, en colère et en harmonie, il avait arpenté bien des sommets de la planète, là il chante souvent «  Douce France » par monts et par vaux.
Il apporte de jolies nuances et une tangible force à la définition d’identité, en finissant par ces trois mots : « Fraternité, Egalité, Liberté ».    

vendredi 17 février 2017

Fictifs.

Fictifs : le mot dit des semaines passées avec quelques emplois fantômes, occulte toute réflexion concernant tant d’autres emplois perdus, à inventer, à partager.
« Dieu a créé trois ennemis à cause de nos péchés : la souris dans nos maisons, le renard dans la montagne et le curé dans notre village. » Proverbe espagnol.
Ah ! On retrouve  la droite comme on l’aime: malhonnête, faux cul et agressive, sans égal à ce niveau.
Faute de pouvoir présenter un Sarko en plan B, Fillon fait du Sarko.
Sans insister, tellement c’est évident, sur sa difficulté à appeler les français à la frugalité quand il s’est tellement gavé, qu’il ne s’en rendait même plus compte.
Comment peut-il en appeler à l’autorité, lui qui la sape du matin au soir ?
Comment un ado aujourd’hui pris la main dans le sac, ne peut-il incriminer celui qui vient de le prendre en défaut ?  Et de dire « y a pas que moi ! » Ses parents viendront à son secours pour dénoncer l’institution éducative comme ceux squattant l’armoire à modèles, remettent en cause les médias ou la justice quand leurs turpitudes sont mises à jour, que leurs paroles sont rappelées !
DSK a retiré ses billes et Cahuzac qui nous a fait tant de mal ne sévit plus, Balkany…
L’évitement est devenu une stratégie fatale dans les conversations, à gauche  comme à droite : quand est abordée la question de l’insécurité, de l’E.I., ça file vers le chômage avec eu bout de course : Trump, tellement facile que même sur l’autre versant on ne s’attardera pas sur lui, mais on glissera de chômage à insécurité à l’Islam.
Tout le monde s’accorde à dire que le « n’importe quoi » a gagné aux Etats-Unis, est ce que cela autorise d’espérer que personne n’ait vu qu’ici le roi était nu aussi ?
L’aveuglement, le déni de la réalité ne sont pas fatals, non ?
«  Hamon, ce n’est pas sérieux, Macron, ce n’est pas solide, et Fillon ne peut plus faire campagne » : c’est de Hollande, en chroniqueur pertinent, qui pourrait bien prendre la place d’éditorialistes qui eux ont laissé la place aux humoristes, mais où sont les politiques ?
« Qui ne nourrit pas le chat nourrit le rat »
Qui croire à gauche, quand un Vals dont on ne pouvait pas dire qu’il n’était pas droit dans ses bottes renie la 49-3 ? Heureusement, ça ne lui a rien rapporté, sinon pour ceux qui s’obstinent à suivre l’actualité politique la confirmation que les convictions sont vouées à être éphémères.
Les positions tenues contre tous les vents, finalement c’était pour du jeu. Et zap !
La primaire a tué les partis, les soces courent après Hamon et les républicains ne peuvent répudier Fillon : allez collez jeunesse !
La contrition n’est pas un passage obligé depuis que des divans ont été aménagés dans les confessionnaux, mais un peu d’humilité et des analyses de nos défaites seraient bienvenues pour supplanter nos désarrois.
Ceux qui font profession d’indignés préfèrent le vrombissement des mots aux complexités du pouvoir et finalement Macron à qui il est reproché de ne pas avoir de programme ne risque au moins pas de le trahir.
Où tomber? D’un côté ceux qui estiment que le pouvoir est pour eux depuis Clovis, jouissant de leur noir cynisme, et de l’autre, les légers au rose cœur, qui ne veulent pas des responsabilités car des compromis sont nécessaires.
« Insoumis » ou « frondeur » ont de belles couleurs dans l’opposition, puis  comme « l’encre des billets doux pâlit » et ils ne peuvent se voir en président. Ces postures adolescentes fatiguent.
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Dessin du « Canard » dessous et ci dessus de Plantu dans « Le Monde »

jeudi 16 février 2017

Quand l’art part à l’aventure… Thomas Schlesser.

Pour conduire les amis du musée de Grenoble sur les sentiers du « Land art », le conférencier part du mot « tourisme » dont l’origine est à chercher du côté du « Grand tour » que pratiquaient les aristocrates, les artistes, au XVII° siècle. Ceux-ci devaient ainsi conforter leurs connaissances livresques à la vue des plus beaux monuments de l’antiquité et des plus beaux paysages aux alentours de la Méditerranée.
Le jeune professeur à l’école polytechnique, auteur de « L’univers sans l’homme », va procurer une dimension épique aux artistes en les peignant en aventuriers.
Dans le domaine des livres, Jules Verne qui donna de l’ampleur à bien des fantasmes techniques, exprima les paradoxes de l’explorateur avide de lointains pour lequel un tour de 80 jours ce n’est finalement pas si long.
Dumas traita de l’ampleur historique, alors que Conrad était plus mélancolique.
« La vitesse a supprimé jusqu’aux aventures ; tout est plus simple, plus direct, pas du tout fabuleux et beaucoup moins charmant. La science a détrôné la poésie ; l’homme a substitué sa propre force aux dieux jaloux, et nous voyageons orgueilleusement, mais assez tristement, dans la prose. »
C’est d’ Eugène Fromentin qui a écrit « un été dans le Sahara », il était aussi un peintre orientaliste qui alla au désert, renouvelant ainsi les pratiques de son art. Dans « Le pays de la soif » l’aventure a terrassé les membres de l’expédition : le monde est décidément indifférent aux humains.
Le « Naufrage » de Joseph Vernet intensifie aussi la « modicité » de la place de l’être humain. A son propos, comme pour Turner, la même anecdote fut contée : épris de sincérité, ils se seraient fait attacher au mât d’un bateau pour vivre les tempêtes de plus près.
« Le naufrage en grande tempête » de Philippe-Jacques de Loutherbourg est cataclysmique.
Au XVIII° siècle, au moment où la géologie se constitue en sciences et que le mont Blanc vient d’être gravi,Caspar Wolf en peignant  « Les montagnes du Lauteraar », peut évoquer la présence récente de l’homme sur la terre.
Au XIX °, Thomas Morand de  l’Hudson River School accompagne les pionniers et contribue à la topographie du « Nouveau monde ». Face aux « Jupiter Terrace » à Yellowstone, des silhouettes humaines sont tout juste mentionnées pour donner l’échelle, parmi ces roches dépositaires d’un passé immémorial.
Alors que le paysage était à l’arrière plan dans les peintures de la Renaissance, les personnages n’ont plus que la portion congrue.
Si l’on peut voir dans l’arc-en-ciel, une alliance de Dieu et des hommes, « Les chutes du Niagara » de Frederic Edwin Church, célèbrent la nature sauvage dans un pays qui a préservé très tôt quelques sites grandioses alors que dans son expansion il a détruit, avec frénésie.
Au siècle dernier, Michael Heizer de la génération - on n’hésite pas avec les grands mots- « héroïque » du « land art », fait creuser des ravins rectilignes dans le désert du Nevada comme autant de sculptures gigantesques en négatif : « Double négative »
Sa « City » n’est pas achevée,  cette colossale construction est un artefact surdimensionné (« Objet fabriqué par l’être humain découvert lors de fouilles »), à destination des archéologues des siècles à venir, après la grande déflagration.
Robert Smithson est mort dans un accident d'avion tandis qu'il repérait un nouveau site après s’être affronté à la nature en une spirale difficile d’accès et parfois recouverte par les eaux  du grand lac salé : « Spiral Jetty ».
C’est par ses marches que Richard Long a marqué sa singularité. Ses traces fugaces « Walking a Line in Peru » sont conservées par la photographie pour les galeries, ou inscrites dans des protocoles. Sans témoin, il frappe 1000 fois deux roches,  lance plus de 3000 fois une pierre qu’il reprend, ou revient plusieurs années après disperser des galets qu’il avait disposés en cercle.
Hamish Fulton ne déplace pas une brindille et ne laisse pas de trace.
Bas Jan Ader, artiste conceptuel, parti pour traverser l’Atlantique sans expérience de la navigation avec le plus petit bateau possible, disparut en mer.
Pour déplacer les montagnes, Francis Alÿs, fait appel à des centaines de personnes munies de pelles pour remuer dix centimètres de terre sur une ligne de 500 m. Il court après les tornades pour se placer en leur vortex.
Ses performances souvent à visée politique sont poétiques, mais le sourire se crispe parfois lorsque Abraham Poincheval se met en danger  en passant sept jours et sept nuits en haut d’un mât à 20 m du sol.
Baudelaire me convient mieux, et n’est-ce pas un de nos problèmes contemporains de  tout prendre au pied de la lettre ? « Marcher dans les nuages » ne demande pas forcément de cramer du kérosène, ni de se faire du mal en mettant son body (art) en jeu dans la lande.
Un enfant qui s’applique à marcher sur le bord d’un trottoir, évoqué par un auditeur, échappe heureusement aux galeristes et commentateurs patentés. Je me souviens aussi de la créativité d’élèves appelés à assembler brindilles et feuilles dans un projet qui avait de l’allure, mais aussi de jeux avec marrons et feuilles qui n’avaient pas eu besoin de formulaires, ni de service de presse, pour prendre du plaisir et en donner, sans protocole.
 « Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! Que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! »
Et la version intégrale, de ce monument grandiose de la poésie, se conclut :
« Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! Levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons !
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau ! »

mercredi 15 février 2017

Equateur J 13. Incas et Panamas.

Vers Ingapirca, José nous fait remarquer les maisons des expatriés et nous raconte quelques histoires.
Juste marié, un jeune partit faire fortune aux USA, mais au bout d’un an, sa femme lui demande de revenir car elle souhaite un enfant. Ce n’est pas possible, alors comme il a entendu parler de la fécondation in vitro, il lui propose de le lui envoyer une bouteille de coca remplie de sa semence. Elle lui répond que ça marche, mais lorsqu’il revient enfin au pays, il découvre un enfant dont il ne reconnaît pas les traits.
Un autre expatrié s’était acheté une belle voiture, par contre il ne savait pas conduire alors il construisit autour une maison pour la protéger avec juste une petite porte pour la regarder.
Ingarpica : le nom se traduit en langage cañari (peuple avant les Incas) par « le mur de pierre inca ». C’est le site inca le plus important d’Equateur et ici la pierre est chargée d’histoire. Bâtie par Huayna Capac au XV° siècle, ce fut une importante forteresse abritant également un temple du soleil, des entrepôts et un observatoire.
Ce complexe constituait certainement un tambo (relais), le long de la route royale de Quito à Cuenca. A l’entrée du site, sous un cercle de galets se trouve une ancienne tombe cañari où furent découvertes en plus du mort, douze vestales pour l’accompagner dans l’au-delà, richement apprêtées pour le passage vers une autre vie.
Lorsque les curés découvrirent cette petite nécropole, ils ne jugèrent pas convenable que des morts ne reposent pas dans un cimetière. Ils y pallièrent et empochèrent les richesses. Les escaliers et les portes aux formes trapézoïdales, résistent mieux aux séismes.
Notre véhicule, en route vers Cuenca, emprunte d’abord une piste au milieu des vaches et d’une belle mosaïque de champs.
Aux abords de la ville  nous nous arrêtons à la fabrique de panamas de Homero Ortéga, qui comporte un musée. C’est très intéressant : d’abord les chapeaux tressés avec les feuilles d’un palmier « cardulavia » d’où provient la paja toquilla, ne sont pas exécutés sur place mais traités. Ils arrivent des campagnes et ils sont triés. Après la récolte, il faut chauffer les feuilles au bon moment. Puis les femmes débutent leur tressage par le centre et selon le serrage y passent un nombre de jours variables.
Une démonstratrice habile nous épate. Comment ne s’emmêle-t-elle pas ?
Nous pouvons suivre les différentes étapes, le lavage des chapeaux dans de grandes cuves de lessive, le séchage, le repassage, les mises ne forme sur des moules, la teinture, la confection des fleurs décoratives de la même matière, le travail du cuir associé pour certains articles à la fibre végétale (sac, ceintures) la pose d'un ruban… Le prix d’un Panama varie de 30 $ à 2500 $, et c’est vrai que  la différence se voit. Il convient plutôt de dire Montechristi, le nom de Panama venant des ouvriers qui ont construit le canal qui portaient ces chapeaux. Ceux qui ont des têtes à chapeau craquent : l’un pour un « Borsalino » gris tout à fait seyant, ou pour d’autres plus fantaisistes.
Nous nous rapprochons ensuite du centre ville, conforme à l’idée de jolie ville coloniale que l’on nous avait présentée. Nous ne pouvons accéder  juste devant la porte de l’hôtel Morineca del Rosario car la rue est en travaux pour un tram à venir mais le personnel diligent a déjà embarqué la plupart des bagages. Nous sommes pratiquement face à l’église San Dominico. Encore un hôtel de charme avec salons bourgeois, lits à baldaquin pour certains et très confortable pour tous avec décoration recherchée style brocante bourge et petits balcons à balustrades.
Avant que la nuit ne tombe, nous partons découvrir une ville coquette, bourrée d’églises.
Une banda joue une musique bien peu religieuse que l’on entend de l’intérieur de l' Iglésia Carmen de la Asunción, église curieuse dont la chaire reflète la lumière par ses miroirs incrustés. L’orgue est bien à la tribune mais les tuyaux sont cachés par un hermétique buffet. Lorsque nous ressortons le marché aux fleurs est terminé, la marchandise reste sur place juste cerclée par un simple grillage pour protéger du vol.
Soudain au milieu de la rue pète un feu d’artifice qui stoppe la circulation, et puis l’artificier libère la rue sans plus de cérémonie à la fin de son spectacle. Nous regagnons l’hôtel sans problème car la ville suit un plan en quadrillage.