La conférencière CDB a pu dévoiler devant les amis du musée
de Grenoble, des peintures, des fusains, de vastes réalisations, au-delà des
belles affiches du maître de l’ornement « grand style ». Elle a
conseillé à son auditoire d’écouter pour
rester dans l’ambiance, la musique de son compatriote Smetana (La Moldau).
Mucha, ici peint par
Tasev Warszawa, est né en Moravie, au
sud de Prague en 1860 dans une famille qui a perdu cinq de ses enfants. Lui,
petit chanteur, ne se sépare pas de son crayon, il est cependant refusé par
l’académie des Beaux arts de Prague.
« Choisissez une
autre profession où vous serez plus utile. »
Il deviendra une des personnalités les plus marquantes de l' Art nouveau.
Il passe par Munich et Vienne, creusets des recherches d’alors,
avant de devenir illustrateur à Paris.
En 1894, il est choisi par défaut, car il était le seul
disponible, pour réaliser l’affiche de théâtre de la Renaissance «
Gismonda » avec Sarah Bernhardt. L’histoire
de la martyre chrétienne fut un succès.
« La lionne en vogue »,
« La Divine
indomptable » l’introduit dans les cercles mondains.
Alors il produit toute une série d’annonces élégantes qui
« s’arrachent » comme « Médée ».
Dans cette
affiche, tout concourt à l’efficacité du message : le lettrage rappelle la Grèce, lieu d’une passion
brûlante où la rivale, terrassée, gît aux pieds de la barbare assassine.
« La
Samaritaine » d’Edmond Rostand entourée de
caractères évoquant la culture juive est gracieuse sous son immense chevelure
traçant des courbes et des contre courbes affolantes.
Après la tournée américaine de Sarah B., en collaboratrice
rousse qui joue dans « La dame aux camélias » où
les motifs floraux vont de soi, comme une certaine langueur, il sera reconnu du
côté de New York comme « le plus grand
artiste décoratif du monde ».
« Salammbô »,
au milieu des fumées d’encens, la belle de Flaubert, dans Carthage
revisitée nous fait penser à Klimt.
Il a célébré exclusivement la femme, même
avec
« Lorenzaccio »,
puisque Sarah Bernard interprète le rôle.
Il partagea des moments pas tristes avec Gauguin.
Passionné d’occultisme, de spiritisme, de théosophie, il s’intéressa aussi aux
travaux de Charcot et de Freud et fut un franc-maçon assidu. Il a exposé avec la Sécession viennoise. Mackintosh et les préraphaélites l’ont inspiré.
C’est dans son atelier, en tant qu’ami des frères Lumière et de Léon Gaumont,
qu’eut lieu la première expérience cinématographique au monde !
Si les couleurs émeraude et roux s’accordent dans la
publicité du « Lance- parfum Rodo », les volutes et les boucles de la
jeune femme se pâmant sous l’effet de ce qui est contenu dans le papier
cigarette étaient vouées à « Job ».
Les bières de la
Meuse, des imprimeurs, le PLM, le chocolat Idéal, Nestlé, les
cycles Perfecta, des champagnes, bénéficient de son talent, et les petits
beurres Lefèvre Utile
« Je ne
trouve rien de meilleur qu'un Petit LU, oh
si ! Deux petits LU. ». Sarah Bernhardt
Arabesques entrelacées, étoffes soyeuses, ses décors épurés
recèlent des motifs signifiants et le halo qui entoure ses modèles sensuels
identifie facilement un style.
Ainsi, les
fruits généreux de la nature s’étalent sur les palissades des chantiers du
Paris de la « Belle époque ». Il décore menus, cartes postales,
emballages, papier à en-tête, calendriers, la façade et l’intérieur du magasin
du bijoutier
Fouquet avec qui il collabora depuis un serpent enroulé au bras
de Médée. La boutique est visible aujourd’hui au musée Carnavalet.
Il réalise
un répertoire des formes à exploiter
dans les arts décoratifs et met en images « Le
Pater » dans un livre ambitieux. Cet élan spirituel chargé de références maçoniques traduit
la lente ascension de l’homme vers l’idéal.
A l’occasion de l’exposition universelle de1900, il réalise
une fresque pour le pavillon de la Bosnie-Herzégovine
où le tilleul et le faucon, symboles slaves, sont présents ainsi que le
tabac allégorie de la liberté.
Lorsqu’il est revenu au pays pour trente ans, il n’est pas
accueilli à bras ouverts. Après un séjour aux States, le millionnaire Charles
Crane finance son œuvre colossale « L’épopée
slave » composée de 20 toiles de 6m X 8m.
« Bourgeois décadent » pour les communistes,
« judéophile » et « franc-maçon » pour les nazis, il a
tenté de sortir de son image trop liée au commerce, pourtant ce soir nous avons
mieux fait connaissance avec un artiste profond parfois sombre.
La diversité
des supports de sa virtuosité peut d’ailleurs souligner la richesse de son
parcours ainsi le « Vitrail de la cathédrale Saint Guy » à Prague.