Alors que je grattais consciencieusement des autocollants
apposés sur le mobilier urbain :
« Non aux
immeubles dans nos petits quartiers »,
j’ai répondu à un monsieur qui m’interpellait :
« Je suis contre
ceux qui ne veulent pas accueillir de nouveaux habitants ».
Reniflant d’emblée le gaucho, il a déversé toute sa haine
contre la gauche :
« raciste contre les français », à en perdre le
souffle.
J’en ai été jusqu’à défendre Piolle; c’est dire le vert
chemin aux grasses couleuvres que j’ai dû parcourir prestement pour confirmer
que j’étais décidément sur le gauche versant.
Comme quoi, rien de tel qu’une droite bien assumée en face pour se
sentir de gauche comme au premier jour, et vice-versa.
Dans cette discussion expresse nous ne sommes pas entrés
dans la subtilité, à l’image de bien des tracts qui ne font pas mieux :
500 000 fonctionnaires en moins pour Fillon,
contre 3 500 000 emplois créés par Mélenchon.
C’est comme si c’était fait !
« Aujourd’hui, la
révolution numérique décuple les forces intellectuelles des êtres humains tout
en fragilisant le fondement même de la démocratie » Frédéric Lazorthes
Nous ne croyons plus aux mots et continuons à bavarder, à
nous exciter sur « mariage » ou « manif pour tous » alors
que les migrants sont là, et l’Europe pas là.
« Vivre ensemble » allait de soi depuis des
décennies.
Une fois établi en slogan, il devient un lettrage à
barbouiller pour grapheurs subventionnés.
Pourtant il va bien falloir se supporter et réanimer les
mots de « paix », « fraternité », tombés en désuétude.
« Give me some words » pour redorer la façade, nous
redorer la pilule.
En farfouillant parmi quelques feuilles mortes, autant dire
les journaux papier, peuvent se trouver des chroniqueurs qui prennent le temps de rappeller que sous les gravats des industries
travaillant dans le concret, il y a des hommes qui ne peuvent tous se reconvertir dans les emplois immatériels.
Nous ne savons plus voir les prolos.
Et pendant ce temps les fauteurs de tractations financières toutes
en algorithmes, illusions et cauchemars virent les travailleurs ici ou là et mènent
le monde à l’abîme.
A cette opposition tangible / abstrait,
peuvent s’entremêler d’autres antagonismes :
libertaires / autoritaires,
bobo / beaufs,
centre ville / péri urbain,
vélo / diesel,
« sachants » contents contant / « laissés
pour compte »,
productifs / intermittents du spectacle…
Quand les identitaires individualistes ont des enfants
mondialistes, c’est encore la coupure générationnelle. Seigneurs séniors, nous
apprécions en général la stabilité sociale mais nos héritiers ont des rapports
plus détachés vis-à-vis du travail sous la contrainte de l’intérim, CDD ou Uber
voire volontairement avec années sabbatiques et coolitude entre deux stress.
Nous avions rêvé de cette liberté conjuguée à une dynamique
individuelle et nous angoissons aujourd’hui.
D’ailleurs, pouvons nous être autre chose que spectateurs
face aux évolutions qui voient la libéralisation de l’économie et « une
réaffirmation d’un cadre national étatique » comme le pose Marcel Gauchet ?
Tiens, ce coup ci je n’ai rien dit de l’école, pas plus que tant
de candidats « sauveurs de la patrie » qui préfèrent ne rien voir des
femmes interdites dans certains lieux comme Hamon ou s’essayent à faire un lien entre Pétain et la
laïcité pour Peillon le dernier ravi arrivé, ou renier à la « 6 4 2 » le 49 3 pour Vals qui
donne le tournis avec tant de contredanses.
Enfin, si j'aime cultiver encore quelques
réflexes primitifs, pour l’instant l'envie de primaire est absente.
……
Le dessin de la semaine ci-dessous est du « Canard »,
celui du titre de Sean Delonas(EU) repris par « Courrier International ».