La saison 2015/16 à la
MC 2 commence fort.
Au moment de s’abonner et choisir les spectacles à voir
cette année, les noms du metteur en scène et de l’écrivain,
nous disaient quelque chose.
Cependant en prenant connaissance du sujet : « le
devenir de slovènes en Carinthie pendant la seconde guerre », quelques
craintes de ne pas se sentir concernés pouvaient apparaitre, surtout que la
pièce dure trois heures.
Le titre se plaçant en référence à Shakespeare est à la
hauteur :
le bruit et la fureur, les dilemmes ne manquent pas, le
souffle de l’histoire et les destins brisés ; la formidable capacité
d’interpellation du théâtre se renouvelle encore ce soir.
Universel :
« une lande, une steppe, une lande steppe, ou
n’importe où »… « maintenant, au Moyen Âge, ou n’importe
quand »
Bien que le grand-père
ne veuille pas entendre le mot « tragédie », « Dieu », ni
« je », ni « amour », c’est bien de tout cela dont il sera
question dans la reconstitution par l’écrivain metteur en scène batard, né de
père allemand et de mère Slovène dont il ne parle pas la langue, bien qu’il l’évoque
poétiquement.
« Les vivants, disait Auguste Comte, sont
toujours, et de plus en plus, dominés par les morts. » Ici, par la
finesse du narrateur faisant renaître ses ancêtres à sa façon, nous ne restons
pas dans un pays figé.
La dialectique est féconde entre vivants et
morts.
La
réflexion sur le temps, la mémoire, la création, est stimulante.
«Leur pas typique du
Jaunfeld, passant d’un pied sur l’autre ».
Au-delà
d’une incursion dans la complexité des Balkans et les facéties tragiques de
l’histoire, le récit d’une « quête identitaire émancipatrice »
avec ses contradictions, le choix aléatoire entre soldat de l’armée du Reich ou
« cadre vert » dans la résistance est passionnant.
La mise en scène est limpide, les arbres couverts de pommes
sont à la fois très concrets et en même temps, débarrassés de leurs branches,
les fruits rappellent les mythes fondateurs.
Les acteurs sont excellents et l’auteur qui vit désormais en
France, est un grand, aux accents d’une
lucidité âpre très autrichienne, tel Haneke.