mercredi 2 septembre 2015

Bouts du monde.

Le titre est excellent : modeste et ambitieux. 
Séduit par les thèmes, je suis allé au-delà d’une accroche séduisante dans les bacs de mon libraire, en ce qui concerne le numéro 18 de cette publication trimestrielle.
Les rédacteurs sont nombreux, en des formats différents, par la photographie, le dessin, les textes dont une apologie de la panne mécanique qui en appelle à Nicolas Bouvier le père de tous les voyageurs avec un humour bienvenu.
Carnets de voyages sur 148 pages, sans pub, aux humeurs variées : enchantements et désenchantements, coups de gueule et poésie.
De la Belgique à un squat à Patras en Grèce avec de kabyles, en passant avec des catcheuses de l’Altiplano, balade avec des ânes entre Barcelone et Amsterdam, croquis d’Irlande et photographies d’un cirque en Hongrie, soufre en Indonésie, Yellowstone et Cuba, Inde, Chine. Retour sur un voyage au sud de la Tunisie en1913.
Les annonces disent « regard neuf », ce n’est pas mensonger.

mardi 1 septembre 2015

La revue dessinée. Eté 2015. N° 8


Le recueil trimestriel  de reportages en BD a des tonalités moins sombres que d’ordinaire, bien qu’en page une, les gouaches aux allures de vacances portent quelques ombres.
Si la thématique principale est consacrée au sport, tout ne sera pas traité forcément sur le ton ironique et drolatique comme lors d’une séance de capoeira, ni celui compatissant envers les lanternes rouges du tour de France. Quand il est question d’Adidas et de sa puissance on retrouve la spécificité de la revue : sérieux et combativité.
Le reportage à Bobigny, bastion rouge passé à l’UDI, prend le temps de nous faire entendre des protagonistes divers et va au-delà des classiques observations unilatérales.
Partager la vie d’un jeune afrikaner en Europe dans les années70 est inhabituel.
Une crise de la vocation chez un pasteur suisse traitée comme un « burn out » est vue aussi sous un angle nouveau et charitable.
Les rubriques habituelles sont toujours intéressantes :
- les lectures d’images photographiques ou d’une séquence de cinéma sont éclairantes,
- celle concernant la sémantique porte sur  la formule : «  je crois »,
- en histoire : le destin de l’Abbé de Choisy mérite la lecture,
- dans le domaine des sciences, «  le tour du cadran : derrière la course du temps, ils (scénariste et dessinatrice) dévoilent notre imaginaire collectif : celui des étoiles et celui du pouvoir car qui maitrise le temps, contrôle souvent le cours de l’histoire… »
- en informatique, les années 2000 ont des airs préhistoriques : apparition de la clé USB, de Lara Croft et de Wikipedia…
- Nico sur la musicale face B mérite d’être connue : Warhol, Fellini, Gainsbourg, Garrel  la reconnurent, elle fut une des mères des gothiques et  des punks.
Plus célèbres encore étaient Albert Simon, Michel Cardoze ou Alain Gilot Pétré, vedettes du temps qu’il fera : mais connaître l’histoire d’un des mots les plus recherché sur Google est indispensable. Météo.
A l’époque de Napoléon III, « les catastrophes maritimes liées au mauvais temps et le coût des assurances vont encourager le développement des recherches météorologiques. »

lundi 31 août 2015

Vice versa. Pete Docter.

Merveilleux. Terme à utiliser avec parcimonie, mais comment dire l’inventivité, la subtilité, la complexité mise à la portée de tout public de ce beau film d’animation émouvant et drôle qui nous fait réviser nos fonctionnements en symbolisant finement la mémoire, les affects, les rêves…
« Joie », « Tristesse », « Colère », « Dégoût », « Peur », drôles de petits personnages très vifs, se contrarient aux manettes du poste de pilotage dans la tête d’une petite fille au moment où elle déménage du Minnesota à San Francisco.
Au sortir de l’enfance, ses îles intérieures « Famille », « Amitié », « Bêtises », « Honnêteté »… sont ébranlées.
Comme chez chacun de nous, la « Tristesse » a ses charmes indolents mais la « Joie » aura besoin d’elle, évitant tout dilemme manichéen. Comme dans « Toy story » la nostalgie est au rendez vous et donne une profondeur que bien des films Depléchinesques ou Garelliens n’atteignent guère.
A revoir, parce dans le rythme  échevelé des films d’animation, il est difficile de tout saisir tant les trouvailles sont nombreuses.
Parmi les caisses que trimbale le train de la pensée, les « faits » se mélangent aux « opinions ».
Et tant de scènes seraient à déguster une nouvelle fois.
Ainsi l’abandon de l’ « ami imaginaire » construit de bric et de broc, attachant et pathétique, parmi les billes de verre désormais noircies d’une mémoire qui ne peut tout retenir, est d’une poésie poignante.
S’il y a un domaine où  la rengaine « c’était mieux avant » peut se taire c’est bien dans le domaine de l’animation où les textures sont magnifiques, vagues et nuages plus vrais que vraies, mais de Disney à Pixar comme il est dit sur Chronic’art, c’est toujours  « une figuration de l’angoisse aux couleurs d’un enchantement.»
Tiens, pourquoi ce titre ?

dimanche 28 juin 2015

On achève bien les anges. Zingaro.

Chaque semaine, j’essaye de partager des moments de musique, de théâtre, mais les spectacles de Bartabas me semblent appartenir à des lieux situés au-delà. 
Ils posent la question de notre humanité, de notre animalité, à chaque fois, magnifiquement.
Depuis le temps que je le retrouve, mon inconditionnalité envers l’homme en colère ne fait que s’affermir.
Pourtant aux yeux des amis qui m’ont signalé que sa troupe passait dans les parages, ce spectacle manquait de cohérence, de liant.
Alors que j’y ai vu, comme dans la vie, la juxtaposition des traditions du cirque et d’un projet poétique grandiose, entre burlesque et tragédie, tellement politique, quand il est question de liberté et de dressage, avec Bach et Tom Waits sous le chapiteau.
Un cheval aux couleurs de lune galope seul, débarrassé de son licol, et un ange pathétique essaye de générer de pauvres nuages. La sincérité et l’engagement, un sourire, la vitalité.
« Elégies » précise le titre : ce sont des poèmes autour de la mort. J’en ignorai le sens, soumis au mouvement d’une culture qui perd tant de plumes.
Nous ne pleurons pas le prix de nos billets : une soixantaine de personnes nous ont offert une fête magnifique et chaleureuse, réglée au millimètre, qui avait planté ses tentes et garé ses roulottes dans le parc de Parilly à Bron.
Des anges aux ailes froissées, voltigent au dessus des croupes sublimes, arrachent aux dindons un glougloutement unanime, soulèvent un poney trottinant devant un chariot volubile. Ils ont rencontré des fantômes inquiétants et beaux sur leurs raides échasses, fragiles, toujours sur un fil ; nous les aimons. Etourdissants dans les cavalcades, tendus et forts quand les chevaux se couchent, légers quand ils dansent parmi les fumées, les bulles, la fausse neige et la vraie poésie. 
Ils nous amusent, ce sont des rêves. Un cheval aux puissants paturons passe pour égaliser le sable de la piste.
Me revient un adage de mon grand père :
« Balzane un : cheval de huns, balzane deux : cheval de gueux, balzane trois : cheval de roi, balzane quatre : cheval à abattre »
J’ai vu un magnifique cheval avec le  bas de ses quatre pattes blanc, nullement abattu et tant d’autres superbes, une mule blanche et un âne et un grand gars en long manteau, unique, pour lequel je me précipiterai lors d’une prochaine création.
……….
Je reprends mes chroniques le lundi 31 août. Bons juillet /août.

samedi 27 juin 2015

La France périphérique. Christophe Guilluy.

Rien que le sous titre : «  comment on a sacrifié les classes populaires » a pu soulever des polémiques : le terme populaire sentant désormais le soufre !
Après l’exode rural qui s’est déroulé au début de l’autre siècle,  un mouvement inverse s’est opéré comme un exil urbain. Le mot «  rural » a laissé place à «  commune isolée hors influence des pôles ».
Au moment où le mille feuilles administratif semblait bien bourratif, pour 34.000 communes (sur 36.000), soit 60% de la population française, l’échelon départemental semble le plus en mesure de défendre cette France périphérique contre les grandes métropoles.
 Si les électeurs imposent la ligne politique des partis plutôt que l’inverse, ceux-ci  continuent à «  parler  républicain », mais «  l’ensemble des partis politiques a en réalité intégré la question ethnoculturelle à son marketing »
Là où  paradoxalement «la critique de l’État-providence ne sera plus portée par en haut mais par ceux-là mêmes qui en ont le plus besoin.  »
C’est que « Imprégnés d’idéologie mouvementiste, les classes dirigeantes qui ne perçoivent le monde qu’à partir des métropoles hyper mobiles n‘ont pas encore pris la mesure du changement culturel qui s’opère dans les périphéries de l’ensemble des pays développés. Car le monde de la sédentarisation qui vient est aussi celui de la relocalisation… »
Parmi tant de questions soulevées sans périphrases, d’angles nouveaux, d’observations pertinentes, d’outils statistiques qui se cherchent, en un ouvrage de 185 pages nerveuses :
 « N’est-il pas temps d'accepter que la question du village soit au cœur des préoccupations des catégories populaires ici et ailleurs ? Des montagnes de Kabylie aux grandes villes chinoises, la question universelle du village raconte, à l'heure de la mondialisation, la nécessité pour les plus modestes de préserver un capital social et culturel à l'heure où l'Etat ne protège plus. »
En ne se plaçant surtout pas en donneur de leçons, Guilly dépasse l’opinion qui se raréfie mais qui a fait du mal, de considérer les classes populaires comme des mal élevés.
Dans la diversité de ceux qui se penchent sur le mal être français, qui agacent les dents de la gauche-Clémentine, je vais aggraver mon incorrection politique, en me précipitant sur le livre de Le Goff «  La fin du village » qui me semble prometteur.
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Ces jours les illustrations sont de  Dan Perjovschi en ce moment au Magasin.

vendredi 26 juin 2015

Nous sommes Charlie.

Le livre de poche a invité soixante écrivains à écrire :
d’Attali, convenu, à Voltaire, incontournable.
Quelques citations :
 «  Il n’y a qu’un seul Dieu, et il n’existe pas » Laurent Binet.
 « Dès qu’on bouge un coude, ça fait le jeu du front national, mais il n'y a jamais rien qui fait le jeu de la gauche ! » Catherine Dufour.
Sous le titre «  Je suis Charlie, mais un peu tard », Philippe Claudel fait remonter le « Munich de la pensée » à 2006 lors de la publication des caricatures de Mahomet.
Dominique Fernandez, était à Florence, et décrit bien la force du symbole d’un ruban noir au bras du David de Michel Ange.
Nicolas d’Estienne d’Orves revient aussi à l’histoire, à la culture :
« nous voici aux temps médiévaux du Nom de la rose, lorsqu’un vieux moine fanatique tue ses camarades de cloître qui osent dire que le christ était gai. Comme si le rire était le premier pas vers un abîme inimaginable aux yeux des imprécateurs : celui de la lucidité. »
Marc Lambron rappelant les morts de toute origine :
« avec des balles meurtrières, les assassins ont fait surgir l’autoportrait d’un pays »
Caroline Fourest dans la foule du 11 janvier:
« Abbas et Netanyahu dans la même marche, quand même ça avait de la gueule.
Un peu côté Plantu, mais quand même, ça avait de la gueule »
Philippe Grimbert :
« Et quand ils surent que le seul Dieu auquel ils se soumettaient ne s’appelait pas Allah mais Tthanatos, qu’il siégeait non pas sur un trône de nuages mais au plus profond d’eux-mêmes et qu’aucune des cents vierges promises par son frère Eros ne les attendait au paradis, ils ne pouvaient plus savoir. »
Vincent Brocvielle et François Reynaert, qui aiment les nuances, reprennent le mot « islamophobie » de leur livre « Kit du XXI° siècle » :
« il faut savoir que le mot est contesté car il est ambigu. Etre raciste, c’est reprocher à autrui d’être ce qu’il est : personne n’a demandé d’être blanc, noir ou jaune, c’est un fait de nature. Etre islamophobe, au sens strict, c’est en vouloir non pas à un individu mais à une croyance. Ce n’est pas du même ordre. Dans une démocratie, on a parfaitement le droit de critiquer une religion, quelle qu’elle soit, cela ressort de la liberté de pensée… » 

jeudi 25 juin 2015

Dan Perjovschi. Magasin Grenoble.

Dans un des temples en général assez désert de l’art contemporain que je fréquentais avec constance malgré la régularité de mes déceptions
un dessinateur, personnage presque incongru dans ces lieux, un dessinateur roumain branché sur le monde et ses folies, est visible jusqu’au 27 juillet 2015.
Il joue sur les mots et les traits, acerbe, allègre, politique, différent des  figures tutélaires subsistant dans nos quotidiens ou illustrateurs d’hebdo.
L’expo s’intitule : «  Pression, liberté, expression », l’artiste y ajoute quelques points d’exclamation, à la craie ou au feutre dans l’ancienne halle Bouchayer Viallet, après avoir eu les honneurs du Moma et de la Tate.
Un accrochage plus traditionnel eût mieux convenu, les graphies sur des plaques de verre recto verso se brouillent entre elles et la somme en quelques livres des productions antérieures pourrait décourager le visiteur par sa profusion, mais l’universalité des messages emporte la mise.
Il suffit de quelques fulgurances pour se dire que ce lieu est fréquentable pour le commun des préoccupés de l’humour, des soucieux des lettres et des tracassés de l’état de la planète.
Une promenade agréable dans un beau lieu à côté de La Belle Electrique à l’esplanade avenante.