mercredi 22 janvier 2014

Ethiopie J 17. Harar.


La route goudronnée est chargée de camions et de grands travaux d’amélioration rendent la circulation encore plus dense. Un arrêt nous permet de bien voir une nouvelle catégorie de babouins sur le bord de la route, des mâles barbus à la fourrure longue et épaisse, sont affublés d’un jabot. La circulation diminue après la bifurcation pour Djibouti, nous sommes sur les terres des Afars. Les cases ont le toit en pointe, parmi des enfilades d’agaves et des champs d’opuntias chargés de fruits. Dans un village, un marché très coloré et important déborde dans l’oued à sec. C’est ici, à 25 km du village de Girmay, que nous avions repéré de loin à Francfort comme devant être notre guide, qu’on lui demande s’il est… Chinois. Depuis un moment nous longeons la voie de chemin de fer aujourd’hui à l’abandon. Après une halte thé/café dans un restau orné des drapeaux de la région, de l’Ethiopie et du Canada qui sert de résidence à des tisserins affairés à construire leurs nids, nous entamons la route de montagne.
Dany remarque les branches d’acacia arrimées à l’arrière des camions : elles dissuadent les gamins de s’y accrocher. Nous nous élevons régulièrement, rencontrons les arbustes de khat en boules régulières sur les pentes. 
Nous suivons la ligne de crête, plongeant de chaque côté sur une vue grandiose quasi aérienne .
De nombreux contrôles policiers ralentissent notre progression mais presque tout le temps, il ne s’agit que d’un simple arrêt pour notre mini bus de touristes, sauf une fois, où un policier « sous influence » vérifie les papiers et invente une nouvelle loi qui imposerait un uniforme aux chauffeurs. Un deuxième complice, tout aussi peu à jeun, nous libère d’un grand coup de sifflet et d’un geste ample.
Nous mangeons local dans le village de Kulubi dont le marché est vivement coloré avec des camions chargés de dromadaires. Il accueille deux fois par an de grands pèlerinages. Directement du boucher mitoyen au restaurant : bœuf grillé ou en sauce, chèvre en sauce, sur galette de tef à la main.
Nous arrivons à Harar vers 17h et déposons nos bagages au Rwenda Hôtel. Nous y accédons par la cour arrière, grimpons l’escalier au milieu des gravats. L’hôtel est en rénovation et s’agrandit. L’une d’entre nous est perplexe est ce que sa chambre va être rénovée ou  a été rénovée ?
Nous sortons à la découverte de la ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, quatrième ville sainte de l’islam. Les quartiers anciens sont éloignés de 2 km ; un toctoc nous contient à 5 plus un jeune qui nous parle de Nicolas Hulot venu faire un reportage sur le repas des hyènes. Pour 30 birrs il nous laisse à la porte de la ville grouillante de monde. Nous découvrons une ville au caractère arabe avec ses murailles blanches crénelées, ses mendiants estropiés, ses échoppes et des tenues vestimentaires musulmanes dominantes.
Pourtant au bout de la rue principale, nous tombons sur une église pendant un office religieux : les hommes passent par la porte de gauche, les femmes celle de droite, tous suivent l’office parlé et chanté au micro par le prêtre et au bout d’un moment chacun entre après avoir embrassé le chambranle de la porte, et va s’asseoir sur les côtés.
Nous trouvons des ruelles calmes dont les murs d’enceinte des maisons ont des couleurs inattendues qui chantent dans la lumière de fin d’après midi. Une dame nous invite à pénétrer dans sa cour intérieure et présente la Mama, son jeune mari de 24 ans qui a maintenant deux épouses (25 et 28 ans) et deux enfants, lui n’en parait que 16. D’un côté de la cour s’élève une belle maison avec des inscriptions calligraphiées autour de la porte, elle est bien arrangée, de l’autre des pièces s’ouvrent sur la cour, habitations sans doute de certains membres de la famille.
Nous rentrons à l’hôtel dans une des Peugeot 404 bleues qui servent de taxi, rafistolées dont il faut s’extraire en passant la main par la fenêtre. Il ne reste que le strict minimum des fragiles enveloppes roulant depuis 1960 ! Dommage que les publicités ne parlent plus de robustesse : ici l’obsolescence est reportée à plus tard.
Nous retrouvons à l’hôtel un noble personnage avec écharpe blanche, calot et cane qui nous a interpelé et reconnu dans notre visite d’Harar. C’est notre guide local et la première visite nocturne a pour but d’assister au repas des hyènes.
Près des murailles, un homme assis tend au bout d’un bâton un morceau de viande devant deux hyènes très tentées mais très peureuses, une troisième rentre carrément dans une maison. L’homme les appelle en sifflant, nous les voyons bien, car une ampoule électrique de la rue reste allumée en raison du ramadan, l’obscurité n’est donc pas complète. Les autres bêtes n’approchent pas, craintives et certainement empêchées par leur chef. L’homme propose aux visiteurs de nourrir à leur tour les animaux soit en tenant le bâton à la bouche. Les plus courageux essayent, impressionnés de voir si près les dents du carnassier. Les hyènes pénètrent la nuit dans les ruelles de la ville et font le nettoyage. Dans certaines ruelles étroites si l’on croise une de ces bêtes, elle ne recule pas mais effrayée elle fonce et force le passage. BRRR ! Lorsque nous retrouvons la vieille ville, les rues débordent de vendeurs des gâteaux : samossas, zlabias, de personnes qui mangent, ou vont dans une des 99 mosquées prier.
Nous déposons notre guide et finissons la soirée au restaurant sur des tables basses avec pizzas, soupe ou pâtes.

mardi 21 janvier 2014

Ma mère était une très belle femme. Karlien De Villiers.


La vie quotidienne d’une famille blanche en Afrique du Sud des années 70 à 2000 racontée par une petite fille qui grandit.
Dans ces contrées nous nous étonnons qu’il y ait une vie avant et après des évènements  exceptionnels qui ont occulté l’existence de tous les jours.
Je me souviens de m’être étonné d’entendre des palestiniens s’exprimer sur d’autres sujets que l’injustice qui leur est faite ou de voir des Iraniennes affrontées à des problèmes de couple.
Ici les afrikaners ont des enfants qui sont des enfants qui aiment les glaces et détestent les rognons, pourtant cette autobiographie pudique nous emmène au cœur des drames. 
A énumérer quelques thématiques : les nounous noires, le poids de la religion, du racisme d’état, les blessures intimes et celles de l’apartheid, je ne rends pas compte entièrement de la complexité, de la subtilité du récit.
Sous des couleurs franches, une ligne claire, des rapports humains impitoyables :
 « S'il arrivait quelque chose à votre père, vous iriez à l'orphelinat. Ne comptez pas sur moi pour m'occuper de vous.
Je n'ai jamais voulu d'enfants. Ce n'est pas ma faute si votre mère est morte. »
Mais il n’y pas de règlement de compte, ces souvenirs intimes tiennent une distance rendant les péripéties intéressantes pour chaque lecteur, tout en étant assurés que cet album a été salutaire pour l’auteur qui attire notre sympathie.

lundi 20 janvier 2014

L’amour est un crime parfait. Arnaud et Jean-Marie Larrieu.

Je n’étais pas resté jusqu’à la fin d’un film précédent « Voyage dans les Pyrénées » tellement il sonnait faux, cette fois j’ai suivi les frères Larrieu dans les Alpes et j’ai apprécié leur comédie noire dans la neige, qui souffle le chaud et le froid.
De glauques relations frère/sœur, prof/élèves… se multiplient, s’inventent dans des décors magnifiques.
Nous passons du confort des chalets, à l’éblouissement du dehors, de l’évidence des grands espaces à leurs failles, de la transparence architecturale d’un établissement d’enseignement où la littérature se cherche au dévoilement de secrets vénéneux.
Amalric est parfait dans l’ambigüité, Sara Forestier à baffer, Maïwwen à découvrir, Viard à soigner.
Cocasse, d’un humour ouaté, le thriller légèrement frapadingue n’est pas frileux, nous nous laissons balader avec de belles images dans un univers familier aux alpins, traité avec originalité.
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dimanche 19 janvier 2014

Panorama. Philippe Decouflé.


La notoriété de celui qui émerveilla la public à l’ouverture des jeux d’Alberville se justifie dans cette rétrospective ludique de séquences de ses spectacles précédents.
L’intitulé de sa compagnie « DCA » signifie Diversité, Camaraderie, Agilité : c’est ça, avec particulièrement l’humour pour régaler le public qui se pressait à la MC2.
Le genre appelait la variété, nous entrons d’emblée dans des univers différents : du fond de la mer jusqu’aux aux étoiles, avec des musiques concrètes, slaves ou de boite de nuit, des images de lanterne magique ou de BD, utilisant des techniques spectaculaires du cirque et des mouvements de mains discrets, des costumes gais, inventifs et des dépouillements émouvants.
Une bonne introduction pour des jeunes qui en seraient à leur initiation à la danse, une agréable redécouverte pour ceux qui connaissent déjà un des maîtres du spectacle vivant et apprécient sa malice, son inventivité, sa précision.

samedi 18 janvier 2014

Balzac et la petite tailleuse chinoise. Dai Sije.


J’ai lu ce roman magnifique dans une édition destinée à des collégiens et cette intention est vraiment adaptée, bien que le vocabulaire des commentaires, « le schéma actanciel », eut tendance à dévitaliser un texte limpide.
Par contre en conclusion, je ne peux qu’approuver l’accompagnatrice de lecture qui évoque l’écriture:
« lyrique, comique, pathétique, polémique, ironique, héroï-comique… » sensuelle, poétique.
Livre d’initiation, d’amour, d’amitié, un hymne bref, léger et profond, aux conteurs et aux livres, déclencheur de réflexions et source d’un plaisir renouvelé de bouquiner.
«  Elle a fini par mettre ta foutue veste, ça ne lui allait pas mal d’ailleurs »
J’avais commencé en appréciant la liberté, l’audace, de deux jeunes gens en rééducation dans la campagne chinoise dans les années 70, par la suite l’histoire devient plus âpre : l’autre face de la liberté. Le dénouement inattendu accentue la force de cet ouvrage paru chez nous en 2000.
 « Nous nous approchâmes de la valise. Elle était ficelée par une grosse corde de paille tressée, nouée en croix. Nous la débarrassâmes de ses liens, et l'ouvrîmes silencieusement. À l'intérieur, des piles de livres s'illuminèrent sous notre torche électrique; les grands écrivains occidentaux nous accueillirent à bras ouverts: à leur tête, se tenait notre vieil ami Balzac, avec cinq ou six romans, suivi de Victor Hugo, Stendhal, Dumas, Flaubert, Baudelaire, Romain Rolland, Rousseau, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, et quelques Anglais : Dickens, Kipling, Emily Brontë... - Quel éblouissement! - Il referma la valise et, posant une main dessus, comme un chrétien prêtant serment, il me déclara : Avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde. »

vendredi 17 janvier 2014

Simples.


Ce n’est pas le moment d’être faux-cul. Dans la rigolade générale retenir:  
« Trierveiler moins pour Gayet plus » ne nous distrait pas forcément des sujets plus graves, quant à savoir si la politique de « la demande » avait besoin d’un Joffre, même les économistes qui se sont tant trompés n’en savent rien.
Alors je continuerai à ne pas trop m’aventurer bien au-delà du périmètre des cours de récréation que je connus jadis.
- Il y a des façons de penser qui sont devenus des tics :
ainsi face à des sujets (voile, quenelles,…), une réponse teintée de complotisme se multiplie :
« le chômage est un sujet plus important », qui évite également d’être dérangé.
Quant au chômage il croît.
- Le sénat : à quoi sert-il ?
- Le racisme : n’est pas une opinion.
- Des limites s’imposent pour que vive la liberté. A l’entrée du camp d'Auschwitz : 
« Arbeit macht frei » (le travail rend libre) : le mot liberté mourait sur cette enseigne, le mot travail aussi.
- Le syndicaliste Edouard Martin continue sa lutte en politique, quel est le problème ? Les offusqués qui surjouent ne savent pas que le syndicalisme c’est aussi de la politique. Jacob de l’UMP qui vient du syndicalisme agricole lui reprochera-t-il ? Je fus à la CFDT puis au PS, dont j’ai fuit, il me semblait que c’était cohérent.
- Quand La France perd des places au classement PISA, plutôt que de continuer d’applaudir à l’abaissement des exigences et participer encore à la dévalorisation de l’école, ne regarderait on pas vers le haut du classement comme d’autres regardaient, il fut un temps, du côté de nos maternelles ? Il serait question de travail, de respect, d’ambition et non de flatter les attentes passives sans investissement de la part de parents et de certains enfants.
- Les brigades internationales étaient du côté républicain en 36, aujourd’hui des jeunes idéalistes de tous pays rejoignent les fondamentalistes les plus radicaux, les plus épris de contraintes dont l’obscurantisme est la réponse à la complexité du monde.
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Sur la couverture de 100 dessins pour « Reporters sans frontières »

jeudi 16 janvier 2014

Le Titien vs Michel Ange.


La peinture contre le dessin, « la querelle des coloris » qui sera développée au cours d’autres conférences par Michel Hochmann aux amis du musée remonte à la Renaissance et même à l’ Antiquité entre Aristote pour qui la beauté est matérielle (à l’huile) et Platon qui penche pour la beauté idéalisée (la ligne) .
A rechercher au-delà de l’heure où nous ont été présentés surtout des textes mais assez peu d’images, il y aurait aussi « la remise en question du Maniérisme (M. Ange) au nom des critères d'un classicisme ».
En tous cas lorsqu’une élève en 2013 regrette de ne pas assez dessiner en art plastique : ça remonte à loin.
Les critiques d’art s’empoignent déjà au milieu du XVI° siècle :
Vasari  auteur de « Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes » contre Dolce dont le livre « Dialogue de la peinture intitulé l'Arétin » a remis en cause Michel Ange le maître de Rome et de Florence.
Quand il est question du passage obligé par la copie de l’antique, Annibal Carrache dit :
« Je n’ai pas assez de place pour prouver la sottise de ce couillon de Vasari. » 
Querelles de campaniles entre Florence (pierre noire) et Venise (vert Véronèse) ?
L’homme (croquis) affronte la nature (fresque)
et l’idée (crayon) contrarie la spontanéité (pinceau),
mais « le maquillage n’empêche pas la laideur ».
Le graphisme comme procédé éducatif c’était jadis, la liberté a pris le pas.
Nous n’aurions pas soupçonné des prémices impressionnistes chez Le Titien (ci-dessus) pourtant Vasari le chantre du trait (ci-dessous) en personne ne disait-il pas ?
« les dernières [œuvres] sont peintes par touches apparentes, largement brossées dans un style de taches, si bien qu’on ne peut les regarder et qu’il faut s’éloigner pour les voir dans leur perfection. »