dimanche 10 novembre 2013

Charlebois à la MC2.


Le chanteur ordinaire est dans une forme extra ; le septua affuté est le plus jeune d’entre nous.
« Je t’aime comme un fou
Je t’aime comme un fou
Tu m´donnes de l´énergie comme j´n´en ai jamais eu.
A cause de toi, ma vie a pris d´la plus-value. »
Quand on souligne le professionnalisme d’un artiste, on sous-entend parfois un déficit d’engagement : ce n’est pas du tout le cas dans cette sincère soirée.
« Y’a pas besoin d’alerter les pompiers
Pour savoir que mon cœur s’est enflammé
Pour une de ces sirènes
Qui nous amène que de la peine. »
Le spectacle est rodé, bien dosé et le plaisir d’être sur scène rejoint notre plaisir d’être dans la salle à réviser « Je reviendrai à Montréal, Les ailes d’un ange… »,  porter à son invitation un regard ironique sur « Conception » et trouver que ça balance fort, découvrir « Les talons hauts » et approuver cet hymne à la jeunesse :
« Ent´deux joints tu pourrais faire qu´qu´chose
 Ent´deux joints tu pourrais t´grouiller l´cul»
Au Québec qui « commence par un Q et finit par un bec », on écarquille les yeux, mais on écartille les jambes (écarte). Ses mots, sa voix, ses musiques, son univers : «  Tout est bien », c’est le titre de son dernier album.
« Ça arrive à manufacture les deux yeux fermés ben durs
Les culottes pas zipper en r'tard
Ça dit qu'ça fait un flat ou que l'char partait pas
Ça prend toute pour entrer sa carte de punch dans slot d'la clock »
Il nous rappelle que Dabadie était grenoblois :
« J’me fous pas mal
Du temps qui passe
Tôt ou tard
Les guitares se cassent
La vie, la mort
Je ris, je pleure
S’il faut que je mette
Mon cœur à l’heure »
Je redouble mon plaisir à découvrir des paroles que je n’avais pas pu saisir :
« J´ai eu une boîte de chocolats, un carton de cigarettes
Un disque d´Elvis, un disque de Félix
Un jeu Mécano, un jeu d´mini-brix
Un habit d´Zorro, une flashlight pour voir en d´ssous d´l´eau »
Jolis nez, révolution érable et temps qui passe.
Retour au calme après les battements :
« Et ne pleure pas si tu m'aimes
Je suis seulement passé de l'autre côté
Pense à moi
Souris, prie pour moi
Et continue à rire
De ce qui nous faisait rire ensemble »
Les paroles sont de Saint Augustin.

samedi 9 novembre 2013

La fabrique des mots. Erik Orsenna.


J’ai failli regretter d’avoir impulsivement pris, bien mis en évidence devant la caisse de la librairie, le dernier livre de l’académicien, quand j’ai lu le billet assassin que lui avait consacré le Nouvel Obs.
A l’usage il n’est pas si indigne que cela, même si la veine débutée avec « La grammaire est une chanson douce » a tendance à s’épuiser. Le propos est tellement indispensable en la période qui voit s’amaigrir notre langue que les artifices du conte même un peu émoussés feront l’affaire.
L’ancien compagnon de Sophie Davant ne plaide pas seulement pour de délicieux mots anciens tel « subreptice », il invite grave des mots « véners ». Il m’a fait sortir du cours préparatoire en m’apprenant que CP signifiait : un coup de pression.
Les enfants de son conte suivent, émerveillés de la magie des mots, leur gentille maîtresse en résistance aux directives du dictateur Nécrole qui n’autorise plus que 12 mots dans les conversations. Une occasion pour revenir sur l’étymologie, la composition, la provenance, les familles de mots où « perfection » va avec « confetti », de réviser le programme de vocabulaire en usage au CM 2.  
La maîtresse sait bien se faire comprendre dans la défense de la richesse du français en décidant de ne plus nommer les élèves par leurs prénoms : ils perçoivent très vite le drame.
Les mots sont des fenêtres, des armes,  des outils, « ils nous permettent de choisir nos plats au restaurant. » Sur « la carte du tendre », « inclination » voisine avec « estime et reconnaissance ».
« Au début réussir, c’était trouver la sortie. Aujourd’hui, c’est se protéger pour que personne n’entre. »

vendredi 8 novembre 2013

Médiocres médias.


J’aime la presse au risque de passer pour ce que je suis : un habitant d’un autre siècle, avec mon abonnement à un quotidien en papier et à un hebdomadaire. J'aggrave mon cas par des piles sans cesse renaissantes de tant d’autres et des stations trop longues devant cet ordi même.
Mais le poids des médias me devient parfois insupportable, je trouve certains de leurs comportements navrants et quelques tendances de fond inquiétantes.
Je vais essayer de ne pas accuser ceux qui causent alors que les causes des évènements sont complexes ; le ridicule, dans lequel sont tombés des partisans du « Teigneux Monarque » faisant de la presse l’origine de leur défaite, devrait me préserver d’une vision univoque.
La corporation est variée depuis ceux qui finissent avec deux balles dans la tête pour quelques auditeurs distraits jusqu’à ceux qui courent d’une chaine à l’autre sans avoir même lu le journal qu’ils dirigent.
Dans cette sphère, les gazouillis de Twitter deviennent tellement assourdissants que bien des plumes en perdent leur latin. Quand un tiroir dans un cross over Renault s’appelle « easy life », nous donnons un peu plus, chaque jour notre langue au tchat. Toute une histoire pour une« boite à gants ».
Mais les animateurs, guère rédacteurs, se mettent tant dans la lumière, leurs invités n’étant qu’un prétexte parfois pour leur représentation, qu’ils focalisent les critiques.
Quand il fait soleil à Paris, il fait beau sur toute la France, et par exemple les problèmes particuliers des écoles parisiennes supplantent tous les autres ; c’est que les enfants des journalistes  même ceux de RMC sont à la capitale. Le peu d’enthousiasme des enseignants  vis-à-vis de la réforme des rythmes scolaires a été amplifié par la situation des professeurs des écoles parisiennes qui doivent faire le trajet un jour de plus depuis la banlieue.
Quelle crédibilité ont les chroniqueurs quand ils dénoncent le cumul des mandats des politiques, quand eux-mêmes multiplient les piges et ne prennent jamais leur retraite ?
Le délicieux Jérôme Garcin du « Masque et la plume » et de l’Obs écrit aussi dans « Le Provençal » de Tapie.
Le traitement toujours plus spectaculaire de l‘information est grotesque quand Pujadas annonce après une litanie de noires annonces «  ne quittez pas, vous allez voir ce que vous allez voir dans la deuxième partie du journal » où la frivolité la plus enjouée jouxte quelque malheur claironné. « L’ancêtre d’internet » comme disent les Guignols a du mouron à se faire… et nous donc ! Les divertissements  précédant le « Journal » sont déterminants pour lui, le fond en est affecté.
« Patou » Cohen sur Inter est toujours dans l’attente du prochain remaniement, les sondages  constituant ses lectures de base.
Le futile déconsidère le fondamental. Le barnum de l’émotion, quelques  petits mots dupliqués par un premier rang conformiste, sans culture et sans rigueur colorent injustement la profession.
Je pêche dans Libé les mots d’un député qui dénonce les couvertures du « Point » concernant « La France des assistés » ; l’hebdo a reçu 4, 5 millions d’€uros d’aide en un an.
Bien que  j’essaye d’éviter de ressasser trop de banalités, ces critiques sont habituelles mais nous avons la presse qu’on mérite.
Je trouve ceux qui font honneur à leur métier les Pleynel et Schneidermann pas toujours marrants, et je goûte volontiers les ragots qui trainent dans les coulisses de la politique, et affectionne la légèreté. 
A cet égard le site Gorafi  http://www.legorafi.fr/ renouvelle notre regard sur la presse en la parodiant efficacement.
Dans bien des cas je regrette que ceux qui portent une parole auprès des masses ne s’appliquent guère à être exemplaires dans la forme et sur le fond mais là nous sommes ramenés à des schémas du siècle encore d’avant.
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Sur le site « humour de droite »
- Qu’est ce qui est  rouge à l’extrémité, tendu, et qui sent la crevette ?
- Un breton.
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 Dans le Canard :

jeudi 7 novembre 2013

Ulysses au Frac Marseille.


C’est avec appréhension que nous abordons le Fond Régional d’Art Contemporain dans le quartier de la Joliette car bien des découvertes stimulantes peuvent s’oublier en ces lieux sous des tonnes d’incompréhension, de déceptions, de sentiment d’être pris pour des buses persistant à s’aventurer dans  quelques salles désertes.
Si un des artistes, recopiant l’Ulysse de James Joyce, installant ses 353 pages  manuscrites encadrées sous verre, prétendant faire œuvre de sculpteur sous l’appellation « sans titre » est de cette fade farine prétentieuse, Hans Op de Beeck et Jean Christophe Norman nous ont ravis.

Avec la précision d’un Ron Mueck, le belge crée le trouble par ses personnages sculptés à taille humaine, au  front desquels perle un peu de sueur. Il nous interroge vivement sur la notion de réalité et de représentation. En mettant en scène quelques trucages élémentaires ses vidéos dégagent une poésie limpide. Une maquette d’un navire miroitant constitue une pièce essentielle d’un univers singulier.

« Les constellations » du photographe Franck Pourcel sont tracées autour de « la mer au milieu des terres », où les individus vivent parmi des ruines usées par des temps immémoriaux et s’édifiant encore dans des conflits d’aujourd’hui.
Nous sommes conquis par ces treize séries qui répondent bien au titre évoquant le voyage dont la force est  aussi multipliée par le fait que nous les voyons dans un lieu majeur de cette Méditerranée ou mythologie et modernité ne cessent de se confronter. 
Jusqu’au 22 décembre 2013.

mercredi 6 novembre 2013

Ethiopie J 9. Marché à Turmi.



Deux petits yeux jaunes d’une civette ont été vus en cours de nuit à la lumière d’une frontale. Ce matin la rivière ne coule plus, il ne reste que la trace boueuse de son passage.
Sur la route nous croisons des villageois  venus de loin pour se rendre  au marché de Turmi.
Celui ci se partage en deux zones : dans l’une du sorgho, du maïs sont proposés à la vente, des balances sont pendues aux arbres pour peser des chèvres. Se marchandent du tabac, de l’argile pour les cheveux, des feuilles de morenga, de la paille en fagot ou des roseaux pour les ruches. 
L’autre partie entourée de barbelés est consacrée à l’artisanat bien exposé sur des draps où nous passons un bon moment  à choisir et discuter du prix des bracelets, des poupées en terre, des calebasses, une kalachnikov en bois, une gourde à lait.
Juste avant de manger à l’Hôtel Tourist j’ai le bonheur de récupérer mes lunettes ramenées par un habitant du village des danseurs d’hier. Nos accompagnateurs qui ont favorisés ces retrouvailles redressent avec habileté la monture et les branches quelque peu piétinées la nuit dernière.
Nous passons à table et ne laissons pas un brin de viande de chèvre coupée en fins morceaux ni des légumes qui passent bien avec la St Georges beer.
Nous retournons  au marché plus fréquenté que ce matin après avoir remarqué des vautours perchés à proximité du dispensaire.
Les hommes ont des allures très efféminées, leurs habillements originaux paraissent excentriques, avec leurs jambes fines souvent peintes de blanc comme des chaussettes. Ils persistent dans leur jeunesse comme les femmes aux coiffures inédites dans leurs costumes traditionnels nullement destinés à un quelconque folklore
Nous repartons à pied au camping avant de visiter un village hamar près de chez nous nommé Domba.
Ce village est beau dans la lumière de fin d’après midi. Chaque maison délimitée par une barrière de branches épineuses est entourée d’un terrain sans herbe soigneusement balayé. les enclos servent à parquer le bétail ou abritent de maigres potagers dans lesquels se distinguent des plans de coton, des haricots. Dans une case une jeune fille moud du grain à la meule, dans un mouvement régulier et efficace. Un homme prépare avec un couteau pointu deux peaux de bœuf étalées au sol  tendues par des piquets de bois.
Nous nous rendons à une cérémonie du café chez la mère de notre guide local qui nous a pris en charge depuis hier et s’occupe de la lessive au camping. Nous avons ainsi l’occasion de pénétrer dans une case par une ouverture qui ressemble plus à une fenêtre étroite qu’à une porte.  Nous nous déchaussons à l’intérieur pour ne pas transporter de la terre sur les peaux  recouvrant le sol. Nous nous asseyons dans la petite pièce sombre, basse de plafond mais bien ventilée par une fenêtre de branches et par les espaces ménagés entre le toit de chaume et les murs. Une femme d’une quarantaine d’années nous attend devant une cruche de terre inclinée posée sur les braises. Elle y puise avec une louche en bois un breuvage bouillant qu’elle verse dans de grandes calebasses dans lesquelles flottent des écorces du café grillé.
Le dénuement.
Dehors des demoiselles jouent aux osselets avec des cailloux et des enfants nous attendent pour nous faire un brin de conduite jusqu’à la sortie du village.
Nous revenons à pied dans la brousse entre les champs et aboutissons à la rivière à nouveau alimentée en eau par les pluies de la montagne.
Nous profitons de la douceur du soir sous les manguiers à la lueur de chandelles romantiques ; notre hôte de tout à l’heure est dans l'obscurité.

mardi 5 novembre 2013

Droit du sol. Charles Masson.


Les bateaux chargés de clandestins arrivent chez nos voisins italiens ou dans quelques enclaves espagnoles au Maroc, mais aussi en territoire français à Mayotte où des habitants des Comores voisines veulent bénéficier d’un meilleur niveau de vie.
L’auteur  de cette BD est un médecin dont j’avais trouvé également très fort, le premier album « Soupe froide ».
Il dresse ici en 435 pages un portrait de l’île aux charmes coloniaux vénéneux ; la misère existentielle occidentale trempe ses pieds au bord du lagon où les habitants miséreux d’Anjouan se noient parfois lors de traversées périlleuses.
Des hommes venus de Paris ou Grenoble sont à la recherche d’un Eldorado tout comme les belles malgaches qu’ils vont rencontrer.
« Et quand t'es une belle fille, l'infinie misère est toujours moins profonde que quand t'es un mec. Surtout quand des Blancs avec des cartes bleues traînent en boîte de nuit. »
Le sexe apparait comme une exploitation parfois consentie, sans caricature.
Nous suivons une sage-femme qui débarque dans le milieu « métro » où nous croisons un gérant d’un magasin de téléphonie au romantisme saugrenu. Les idéalistes doutent, un des protagonistes est bien chargé, mais la galerie des portraits est variée comme celles de leurs conquêtes.
Le récit de traversées dangereuses à bord des « kwassas » scande les chapitres où les dessins efficaces teintent de nuit un découpage limpide.
Les nuances, les contradictions,  la reconnaissance des faiblesses humaines n’amoindrissent pas la force du témoignage militant, au contraire !
Nous avons la chance d’être né du bon côté de la frontière, ne pourrait-on avoir un peu plus de compassion envers les pauvres, les dépouillés ?

lundi 4 novembre 2013

Le transperceneige. Bong Joon-ho.



Le gaz qui devait combattre le réchauffement de la planète l’a gelée.
Ne subsiste plus en 2031 qu’un train tournant sans arrêt autour de la terre glacée, chargé de quelques humains : les riches, devant en première classe, les pauvres, à la queue.
Je reprends le mot révisé sur le site « avoir alire.com » de « dystopie » : une utopie qui a mal tourné, et me hasarde à avancer le mot : « apocalypse snow », pour caractériser ce récit aux métaphores politiques et écologiques bien visibles.
L’énergie perpétuelle, qui entraine tous les wagons lancés à toute vitesse, a un prix, que nous  découvrons après avoir franchi bien des portes depuis le wagon sans fenêtre où sont entassés les parias, en passant par le bar à sushis, l’aquarium, la salle de classe, la boite de nuit, le sauna,... jusqu’à la Machine et son maître.
Il en a fallu des corps transpercés, du sang sur les vitres, des membres broyés, mais une certaine ambigüité concernant l’alternance des chefs au pouvoir rattrape de quelques lourdeurs.
Les moyens du cinéma d’aujourd’hui aux décors soignés qui ont du "coûter un bras", servent parfaitement cette fable fatale, avec les traits marqués de la BD des années 80 qui a inspiré le film, quand le monde était simple.
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Le billet de François Morel: C'est pour qui la... par franceinter