jeudi 20 juin 2013

Une passion française : la collection Hays.



Après un tour du côté du cimetière de Montparnasse où subsistent des souvenirs de l’universalité artistique de la capitale, il est intéressant, même rétrospectivement, de voir à Orsay les tableaux d’un couple américain qui aimait tant Paris.  
Ces témoignages de « la belle époque » sont mieux mis en valeur que dans leurs appartements du « nouveau monde ».
Les nabis nous enchantent : Bonnard,  Denis, Vuillard.
Leurs compositions originales contribuent à la chaleur de l’intimité des scènes.
Nous découvrons de nouveaux pastels de Degas  déjà très présent dans les collections permanentes.
Les saltimbanques mélancoliques de Fernand Pelez sont très forts.
La princesse de ligne de Paul Helleu a bien du charme.
Les fauves Derain, Marquet rougissent.
Pour des amateurs, au départ, le couple texan a su s’éclairer et reconnaitre aussi Matisse et Modigliani, les impressionnistes étaient trop chers.
« Les Nabis peignent la famille, les amis, la vie quotidienne. Et c'est ce que nous apprécions »a dit M. Hays qui avait commencé sa carrière en vendant des livres au porte à porte, quand il a été décoré par Aurélie Filipetti.

mercredi 19 juin 2013

Art brut. Lausanne.



La Mecque de l’art brut est située au château Beaulieu à Lausanne depuis 1976 avec au départ la donation du pape du mouvement : Dubuffet.   
« Une chanson que braille une fille en brossant l’escalier me bouleverse plus qu’une savante cantate. Chacun son goût. J’aime le peu. J’aime aussi l’embryonnaire, le mal façonné, l’imparfait, le mêlé. J’aime mieux les diamants bruts, dans leur gangue. Et avec crapauds »
Ma première visite avait été un choc, qui m’avait fait placer cette forme artistique au sommet de l’intensité émotionnelle, je viens d’y retourner et retrouver quelques œuvres singulières, magiques, magnifiques :
les lambris de Clément Fraisse sculptés à l’aide d’une cuiller,
la robe de mariée de  Marguerite Sir, réalisée à l’aiguille à coudre avec du fil tiré de draps usagés,
un retable de Verbena en bois flotté,
et ces fleurs étonnantes, si fines, qu’elles en creusent le papier d’application  
Je ne me souvenais pas de Teuscher mais ses traits ondoyants au café m’ont impressionné, comme celui qui prenait ses cheveux pour confectionner un pinceau et d’autres du suc de fleurs comme couleurs, ou leurs excréments.
Cette nécessité impérieuse de s’exprimer, le caractère élémentaire des moyens sont émouvants, et le résultat appelle souvent les adjectifs les plus étonnés.
Ce lieu nécessiterait des heures d’exploration tant sont nombreuses les œuvres présentées (700), tant sont incroyables les destins des auteurs, souvent  placés enfants comme valets de ferme, dont l’origine s’est diversifiée avec l’enrichissement des collections.
Aloïse après avoir été gouvernante, tellement enflammée en religion qu’elle sera internée, coud ses cartons pour présenter un univers foisonnant de princesses.
Ratier anime des sculptures inventives, Krüsi commence à dessiner ses vaches à l’âge de cinquante-cinq ans…
En ce moment, une exposition temporaire consacrée à Deeds aux dessins délicats est plus saisissante que celle consacrée aux mises en scène des personnages de comics américains de Daniel Johnston.
Une vidéo consacrée à Paul Amar qui compose des tableaux de coquillages aux vives couleurs nous fournit un contre-point joyeux bienvenu dans un ensemble où se manifestent surtout des souffrances.

mardi 18 juin 2013

Le monde est chez moi. Kambiz.



Avec le bandeau : « Le Sempé perse », même avec les yeux bandés, j’aurais acheté ce recueil de dessins.
Je n’ai pas été déçu même si le natif de Shiraz est plus porté vers le symbolique que le bordelais. 
Le rappel des dessins qui sont alors titrés au bout des 115 pages n’était pas vraiment indispensable, comme les poèmes qui séparent les trois parties :
la servitude, le détachement, l’envol.
Le trait dépouillé qui rappelle Bosc ou Chaval se suffit à lui-même.
Les arbres, les ailes, les oiseaux, les livres sont des objets poétiques efficaces et quelques  trouvailles élémentaires sont percutantes.
Un pêcheur a tellement péché que sa barque menace de  couler,
devant sa fenêtre murée un homme ouvre des boites de conserves découvrant des étoiles, une lune.
Des douaniers se montrent soupçonneux devant une valise contenant une plume et un encrier : 
ont-ils raison d’avoir peur?

lundi 17 juin 2013

Blackbird. Jason Buxton.



Prix écran junior à Cannes en  2013, il a récolté une moisson de récompenses  au Canada. 
Film pédagogique sans lourdeur sur les pièges des réseaux internet qui peuvent compromettre la liberté des individus alors qu’ils permettent par ailleurs qu’elle s’exprime. Le danger d’images en fragments sur fond de société parano.
La violence contemporaine est montrée sans complaisance en offrant une issue optimiste qui a en général le don d’agacer nos gencives de ce côté de l’Atlantique mais qui est cohérente avec la démarche positive du film.
Un lycéen qui a adopté le look gothique est exclu par d’autres élèves. Il se défoule sur Internet et la police voulant  éviter un nouveau massacre type Colombine va trouver des éléments pour nourrir ses soupçons d’où enfermement préventif et engrenage répressif inquiétant.
Le poids de la communauté, une famille éclatée, l’emprise du conformisme, mais au bout des épreuves, l’amour est là.

dimanche 16 juin 2013

Chanson française. Alexandre Tharaud.


La saison 2013 à la MC2 finit en beauté avec une soirée de gala autour du pianiste classique qui débuta avec Bartabas des collaborations au-delà de son domaine de prédilection et apparut dans le film « Amour » de Haneke.
Le dispositif fait apprécier la variété des invités. Des reprises de chansons de Barbara lient la sauce d’une représentation respirant une authenticité sans tapage.
« Avant que le soir ne se pose
j'ai voulu voir
les maisons fleuries sous les roses,
j'ai voulu voir
le jardin où nos cris d'enfants
jaillissaient comme source claire. »
Juliette qui a déjà travaillé avec le meneur de jeu virtuose rayonne, emporte le morceau grâce à son abattage formidable et  à sa voix ronde et puissante.
« Le vin comme l'amour, l'amour comme le vin,
Qu'ils soient impérissables, qu'ils soient sans lendemain
Qu'ils soient bourrus, tranquilles, acerbes ou élégants,
Je suis sûre qu'il ne faut pas mettre d'eau dedans ! »
Si Dominique A, le plus loué des chanteurs, ne m’avait pas convaincu en CD, j’ai été sensible à sa singularité.
« Je suis venu vers toi un jour où rien n'allait
Je suis venu vers toi parce que tu étais là
Tu m'as pendant longtemps demandé pourquoi moi
Je ne t'ai pas menti je te l'ai toujours dit
Parce que tu étais là »
Je garde toujours beaucoup de tendresse pour Delerm et Albin De La Simone et je me suis senti vraiment gâté de retrouver mes chanteurs favoris ce soir.
« Les nouveaux murs de la maison
Sous la peinture et les faux plafonds
Notre futur en question
Le souvenir de mes vies premières
Troupeaux de moutons de poussières
Mes gravats de célibataire
Et cet enfant qui pleure qui mange
Kilos de lait, kilos de langes
Et tout cet amour en échange »
Je me suis montré attentif à Alain Chamfort que je ne connaissais guère.
Le public était transporté et  s’est déplacé  de l’auditorium au grand théâtre qui avait ouvert son plateau aux circassiens Mathurin Bolze sur trampoline avec Yoann Bourgeois  qui jongle aussi. 
Alexandre Tharaud  acrobatique au piano va payer de sa personne dans une conclusion où la poésie nait de la performance physique. Merci.
Il n’a fait que jouer la musique de « Quand reviendras-tu ? » et depuis me revient :
« A voir Paris si beau dans cette fin d´automne,
Soudain je m´alanguis, je rêve, je frissonne,
Je tangue, je chavire, et comme la rengaine,
Je vais, je viens, je vire, je me tourne, je me traîne,
Ton image me hante, je te parle tout bas,
Et j´ai le mal d´amour, et j´ai le mal de toi, »

samedi 15 juin 2013

Tout ce qui reste de nos vies. Alain Rémond.


Un livre d’Alain Rémond dont je lis avec plaisir les chroniques en dernière page de Marianne après celles de « mon œil » qu’il délivrait à Télérama, ça ne se refuse pas. J’avais adoré Chaque jour est un adieu (2000).
J’ai trouvé cependant que ces 100 pages reprenaient le chemin déjà parcouru des souvenirs familiaux avec la même sincérité, mais sans la fraicheur première. 
« On devrait écrire chaque livre comme si c’était le dernier ».
Pourtant l’entame de cet ouvrage laisse deviner l’impérieuse nécessité de l’écriture.
Sous le hangar d’une ferme abandonnée où s’abritent des promeneurs sous l’orage, des papiers qui sont tout ce qui reste d’une famille ouvrent la réflexion, éveillent les souvenirs.
Est-ce parce que j’avais pris à la lettre  la comptine du mois de juin : « les cahiers au feu, la maîtresse eu milieu »,  que je ne me suis pas laissé envahir par les papiers ?
Alors j’ai trouvé parfois redondante la plainte du mélancolique qui vire hypocondriaque de la préservation de la facture et de la quittance.
Les actes de vente, les livrets militaires, les fiches d’état civil sont des mines, les sources des histoires, mais j’espère que celui qui a su nous faire partager ses tourments avec les cintres suivra les conseils qu’il délivre à son petit fils :
« Pense aux morts mais occupe- toi des vivants »

vendredi 14 juin 2013

Préjudice moral.



Des millions d' €uros pour Tapie victime d’ « un préjudice moral » au pays de Descartes (à gratter):
« non mais allo ! quoi je cauchemarde ! »
Alors que nous devrions demander des indemnités à celui qui cloua son bec à Le Pen lui que nous avions admis dans notre camp qui était celui de Jaurès : il nous a trompés grave !
Il fut un premier symptôme de notre effondrement moral et nous faisons comme s’il avait toujours été pote seulement avec le conférencier de chez Goldman Sachs.
« La vérité rougit les yeux mais ne les crève pas »
J’ai recopié quelques maximes de la sagesse du Burkina Faso aux éditions Jouvence pour les intercaler entre quelques humeurs disparates.
« Indignez-vous ! » le livret  de Stéphane Hessel a connu le succès une saison parce que sa forme brève faisait également appel à un sentiment qui use d’une mèche courte.
Chaque jour nous pouvons sursauter aux injustices, aux manipulations, aux violences, aux gabegies, à la mauvaise foi. Alors nous oublions Cahuzac en quelques semaines, Tibéri depuis des années et DSK nous lasse. Il a eu sa punition : il en est réduit à son entre jambes.
«Si tu ne sais pas où tu vas, sache au moins d’où tu viens »
Le rapprochement avec les années 30 tellement répandu pour  essayer d’éclairer nos années d’avant 14 devrait intégrer quelques circonstances aggravantes.
Les groupes factieux d’alors n’avaient pas encore vu la concrétisation de leurs idées.
Ils ne pouvaient se faire tatouer « Jedem das Seine »  qui figurait à l’entrée de Buchenwald : « chacun reçoit ce qu'il mérite » comme le font quelques skins branchés.
Les extrêmes nous renseignent sur l’état de notre société. Du côté droit s’ils en sont arrivés à tuer, c’est que le climat de haine envers la gauche a été travaillé par tant de hauts parleurs.
La gauche remporte la majorité de suffrages à toutes les élections  depuis des années: ça les énerve et ils ne cessent de gueuler à l’illégitimité de ceux qui ont été élus. Ils ne peuvent croire à leurs cris et perdent  leurs nerfs.
 « Ce qui est vieux a été neuf »
Côté gauche le  mot charisme est devenu courant dans nos conversations.
Je le préfère prononcé à la François Morel avec le « cha » comme « chat ».
Depuis le fin fond des âges démocratiques, l’identité de la gauche s’est forgée dans le refus du pouvoir personnel des rois, des empereurs, des généraux avec tant de personnalités qui ne se sont guère installées au pouvoir comme Gambetta ou Mendès France. 
Pourtant l’exercice du pouvoir par Hollande passe aujourd’hui pour de l’effacement coupable alors que l’Omnipotent  Azimuté qui l’a précédé lassait même son camp : nous aimons les chefs pour pouvoir les critiquer, les vilipender…   
Et quand un tribun à la rouge écharpe, en appelle à une sixième république, lui qui « sait ce qu’il faut faire contre la crise », il n’est pas forcément le mieux placé pour se réclamer d’une tradition de méfiance à l’égard des pouvoirs personnels.
« Qui déteste les étrangers doit commencer par expulser sa mère »
…..
Dans le canard de cette semaine après un dessin de Politis en cours d’article.