jeudi 13 juin 2013

Résonances/raisonnances. 2013.



La formule qui associe peinture et musique s’appliquait cette fois à l’Italie, terre de peinture et de musique s’il en est.
Pour clôturer la saison des conférences aux amis du musée, Catherine De Buzon historienne d’art et Daniel Jublin musicologue ont réuni leur érudition pour nous offrir deux heures de découvertes, de retrouvailles, de plaisir, malgré des reproductions de tableaux aux couleurs parfois saturées et des aléas techniques qui ont fait perdre de l’ampleur à la musique.
Je rabâche volontiers que « la culture c’est retrouver », mais ce soir là, j’ai surtout apprécié des surprises : Vivaldi n’a pas que quatre saisons sous l’archet, et l’étal du boucher de Carrache, arrache.
Inspiré par la thématique ritale, j’aurai bien imité Cavanna qui excellait à sous-titrer des peintres pompiers en jouant avec la Sainte famille de Michel Ange.
Ainsi j’aurai bien fait dire à Marie qui semble refourguer son Jésus à Joseph :
«Tiens occupe t’en un peu, c’est toujours moi qui suis sur la photo avec lui… »
Au pays de Messiaen, les couleurs de la musique ne sont pas que métaphores et si les mélodies suivent des courbes, les sons forment  aussi des architectures. 
La Galatée de Raphaël est sensuelle, l’Atalante de Reni est blafarde lors de sa rencontre avec Hypomène d’une violence saccadée soulignée par un extrait combatif de Monteverdi.
Nous sommes plus familiers de la renaissance italienne que de ses peintres du XIX° qui m’ont beaucoup plu : Morbelli et sa gare centrale, Severini avec une bagarre effervescente dans une galerie marchande, et Quadrone dont un chasseur dit à ses chiens: «  Entrez, il fait froid ».
Le chien de Balla le futuriste a la laisse dynamique et les contemporains Merz et Penone  représentant de l’arte povera frappent fort et poétiquement quand il s’agit de « respirer l’ombre ».
"Avoir le temps d’un arbre, de la pierre, du fleuve, du son, de la lumière, de l’escargot, de l’insecte, la stabilité, l’éternelle durée d’une fleur pour un papillon."
Morricone et Rota les accompagnent à merveille. Et Caresana que je ne connaissais pas sur fond de Masaccio : ça va bien  comme le poing de Zorio avec « Orlando finto pazzo » de Vivaldi.
 Qui d’autre que Pergolèse mort à 26 ans et son stabat mater avec la pietà éperdue de Carrache ?
Et Le Caravage évidemment, sa sainte Catherine et son « manteau de certitude », Masaccio, Rossini le gourmand, Mantegna le sévère, Verdi, Fra Angelico, Scarlatti, Le Titien
E un gelato al limone !

mercredi 12 juin 2013

France culture papier. Eté 2013.



Le trimestriel trouvé à Carrefour en est à son numéro 6. 
Il est bien bon de s’attarder sur des paroles fortes avec des personnes qui parlent comme des livres. Comment ne pas y avoir pensé plus tôt de fixer ces voix sur du papier?
Rocard, avec l’insolence que l’on prête à la jeunesse bénéficie d’un cahier spécial, il évoque son père et porte des paroles toujours aussi exigeantes et décapantes :
« Il vous tombe dessus tous les jours des pulsions de l’opinion sur n’importe quoi et le gouvernement a pratiquement l’interdiction de la négliger [….]  C’est naturellement idiot, dangereux et inefficace mais c’est une créance médiatique sur le pouvoir qui est un empêchement de gouverner sérieusement. »
Danielle Sallenave qui plaide pour la transmission évoque Cocteau, à qui l’on demandait ce qu’il emporterait si le feu prenait dans sa maison, a répondu : le feu ! Elle : la transmission de la langue.
Le récit de la vie de Walt Disney artiste et entrepreneur est passionnant, retraçant un parcours exceptionnel sans négliger le côté sombre.
Les articles autour de la thématique principale de la clandestinité ne sont pas tous périphériques comme: Cartouche le bandit populaire, un détective privé et un ouvrage clandestin  de sciences de la vie du XVII°. 
Il est aussi question d’un prisonnier chinois qui a vécu l’enfer de la torture, de l’ « odyssée des bas fonds » de sans papiers, de la « black économie » ( 2/3 de l’économie au Bénin est informelle) et du rappel de séminaires secrets d’intellectuels à Prague pendant la guerre froide.
Les sujets graves ne manquent pas : les enfants sorciers du Bénin sont parfois protégés, comme en témoignent des femmes travaillant dans un hôpital, mais il arrive pour des dents qui poussent d’abord sur la mâchoire supérieure,  qu’un bourreau fracasse la tête d’un petit contre un arbre.
Les témoignages d’un guetteur, d’un charbonneur des quartiers Nord de Marseille sont intéressants, désespérants et inattendus puisque l’article s’interroge : « pourquoi les dealers vivent chez leur maman ? »  
Il faut bien un entretien avec Resnais ou un retour vers Blondin suiveur de 28 tours de France qui rappelle que « l’homme descend du songe et a tendance à y retourner » pour  souffler un peu. 
Les dernières pages finissent sur un sourire par l’équipe des « papous dans la tête » :  Dans une bibliothèque, la vie de certains romans et pas des moindres avec une « Madame Bovary » jamais contente qui se confie à « Guerre et paix » chez monsieur Duval, un dormeur. L’étagère finit mal, car de toutes les façons « la bêtise consiste à vouloir conclure », et ça c’est de Flaubert.

mardi 11 juin 2013

Guide du mauvais père. Guy Delisle.



Trop court.
La surprise est au rendez vous à chaque moment de ses histoires éducativement incorrectes, qui font éclater de rire à tous coups.  
Papa, va-t-il oser ? Oui, tout le temps et au-delà.
Il oublie à plusieurs reprises de mettre sous l'oreiller l’argent de la petite souris qui vient récupérer la dent tombée de son fils et se sert de sa distraction pour dire que si les parents jouaient le rôle de la petite souris, ils n’auraient pas oublié la pièce !
La vie familiale du dessinateur canadien apparaissait dans ses chroniques originales et éclairantes en Birmanie, à Jérusalem, à Pyongyang ; cette fois le décor a disparu, les enfants sont au centre.
Ils ont bien de la chance d’avoir un papa qui a autant d’humour même si parfois il les fait hurler de peur ; c’est si bon de crier, de se déculpabiliser de ses manquements et de rire de soi.

lundi 10 juin 2013

Perfect mothers. Anne Fontaine.


Dans les combinaisons amoureuses possibles, l’option : « je  couche avec le fils de mon amie » n’avait pas été très explorée, à ma connaissance, et j’étais curieux de voir comment la réalisatrice de « Nettoyage à sec » avait  traité le sujet.
Nous aurions envie de croire à  ces générations successives descendant le chemin vers la plage, mais les inaltérables grands-mères  sont des mères totalement absentes.
Aucune complexité, aucune nuance, aucune émotion, film de surfer. Les tourments du vieillissement ne sont même pas traités, et nous ne pouvons croire à ce ponton sur des eaux turquoise hors du temps, hors du monde, où les beaux garçons sont bien mal élevés. N’incestons pas : ce paradis bidon est un enfer qui ment, un enfermement.
Au paradis, les fils calent.

dimanche 9 juin 2013

"iTMOi" ("In the mind of Igor"). Akram Khan.



Igor dont il est question dans le titre d’une façon allusive, c’est Stravinski dont on fête le centenaire du  « Sacre du printemps ».
Dehors ou sur scène, les printemps ne font guère fleurettes, et dans  ce « sacre » il faut entendre «  sacrifice ».
Très différent  de « Gnossis » par le résident grenoblois, dont la grâce énergique nous avait touchés, cette  version du « printemps » nous a tout autant enthousiasmés par sa force où la violence alterne avec la douceur.
Le chorégraphe a tant de choses à montrer.
Les musiques les plus concrètes succèdent à des airs folkloriques voire à une citation furtive de Stravinski avec toujours les corps magnifiques qui imposent la pulsation.
Des photographies sur le net ne correspondent pas forcément à ce qui est présenté sur scène, preuves d’une recherche en marche.
Le dossier de la MC2 nous renseigne sur les personnages :
 « Kali, l’incarnation de la tradition, la déesse. Kali en sanskrit signifie celle qui est noire et dans l’hindouisme Kali est la déesse du temps qui représente à la fois la destruction et le changement. Ce personnage mythologique est souvent associé à l’amour matriarcal. La mariée, l’élue, l’agneau, la victime…les polarités du bien et du mal ou le yin-yang. »
Mais peu importe finalement qui est qui, nous sommes emportés dès le début  rien qu'avec un éclairage qui laisse deviner une forme humaine dans le brouillard aussi belle qu’une volute. Pourtant le coup de la fumée on nous l’a déjà fait, hé bien là, j’ai marché à fond comme  avec l’image de cet homme relié à des cordes qui battent en cadence, entravé à sa naissance, ou la lune du temps compté qui se balance. Les costumes  soulignent la beauté des gestes, avec des vestes qui font presque robes, ce sont des corolles quand elles sont longues et cerclées sans jamais apparaitre comme des accessoires. Même si nous sommes ravis par la beauté, nous ne sommes pas que tapés à l’œil : on aura beau se tordre les bras, gambader, on se rappelle que la mort ne porte pas de pâquerette derrière l’oreille, elle ne nous lâchera pas.

samedi 8 juin 2013

Les gauches françaises. Jacques Julliard.



#2. Le tableau.
Julliard qui fut un des phares de la deuxième gauche (les Rocardiens, la CFDT de Maire) est d’une lucidité décapante, il sait que ce courant décentralisateur « est condamné à se réfugier dans la sphère idéologique et se voit détroussé par sa rivale, en général beaucoup plus pragmatique. » Il apporte une documentation historique qui ne peut se contenter d'images pieuses bradées au pied du génie de la Bastille, il rend hommage à Régis Debray qui a opposé :
« la laïcité républicaine à la religiosité démocrate ; le monde de la politique à celui des affaires ; l’universalisme au localisme ; le civisme au moralisme ; l’école fermée à la communication ; la mémoire à l’amnésie ; l’idéal d’égalité sociale à l’acceptation des inégalités utiles ; le citoyen à l’individu ; le masculin au féminin ; la caserne au bordel ; et de conclure avec équité un parallèle tout imprégné d’esprit républicain, c'est-à-dire jacobin : « une République Française qui ne serait pas d’abord une démocratie serait intolérable. Une République française qui ne serait plus qu’une démocratie comme les autres serait insignifiante. »
Ouvrant sa réflexion sur la notion de nature, l’historien engagé conclut par là :
« la confrontation entre les hommes se complique d’une confrontation entre les hommes et la nature ».
Au commencement advint la démocratie, les derniers mots qui prennent du relief au bout d’une telle somme sonnent l’alarme:
«Une course de vitesse est en effet engagée aujourd’hui dans la plupart des sociétés entre l’indifférence des citoyens et leur besoin de participer. Pour la gauche, ne pas donner suite à cette aspiration, ce serait avouer qu’elle n’aurait été qu’une étape, en voie d’être dépassée, dans l’histoire de la liberté. Désormais, pour être à la hauteur de son passé, elle a besoin d’hommes nouveaux, qui n’aient pas peur du peuple ni des idées qui lui ont permis, pendant deux siècles, de faire l’Histoire. »
Pour ne pas à être condamnés à « vivre du parfum d’un vase vide », comme Renan le disait joliment de la société post chrétienne, il est de plus en plus nécessaire de revenir au cœur de cette épaisseur historique. 
«  L’instruction est ce qui unit et, parfois nivelle. La culture est ce qui distingue. »
Etudions, sachons ce que nous devons à Antigone face à Créon, même si dans notre société sans sommeil, les mémoires se cachent de préférence dans les machines.
Nous pourrons constater la  péremption de certains mots : ainsi « bobo » signifia bolchevique-bonapartiste par opposition aux lili (libéraux libertaires), il n’y a pas si longtemps.
Qui est héritier des jansénistes ou des jésuites ? Sommes-nous du côté de l’initiative divine ou de la liberté humaine, avec les bourgeois parlementaires contre l’arbitraire royal ?
Nous aurons besoin de toute notre raison pour faire carburer nos sentiments.
……………………………….Copinages…………………………………………………
 A la bibliothèque Barnave de St Egrève rencontre avec Marie-Thérèse Jacquet
( dont des nouvelles sont en ligne sur ce blog à la rubrique écrits de lecteurs) où son dernier roman « Le radeau de Victoire » sera présenté mercredi 19 juin 2013 à 18h30.
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Du lundi 10 juin 14h au vendredi 14 juin17h : Mandala de sable à la résidence du Bois d’Artas 1 rue Augereau à Grenoble par le groupe « Grain de sable graine de sagesse ».
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vendredi 7 juin 2013

Quelle mobilité pour désenclaver la jeunesse ?



Dans ce débat au forum de Libé à la MC2,  modéré par une craquante Gracques,  j’ai  osé prendre la parole pour remercier les intervenants  taxés de « parisianisme » par des spectateurs alors qu’ils venaient de porter à notre connaissance leurs actions concrètes pour permettre plus particulièrement à des publics en difficulté d’accéder à un bien aussi indispensable que l’eau et l’électricité : la mobilité.
Le troisième frein à l’emploi après la qualification et l’âge.
Ce n’était pas que du baratin sur « l’économie du partage source et gisement d’emplois non délocalisables, moteur d’innovation » répondant à un pressant besoin, quand 10 millions de personnes sont en empêchement de mobilité chez nous depuis la mamie sans ascenseur à celui qui ne peut s’offrir une automobile revenant à 4000 € par an. En envisageant des complémentarités, des assouplissements qui éviteraient que des bus trimballent des banquettes vides à certaines heures, en rappelant le rôle des « bureaux du temps » qui existent dans certaines villes, Rennes, Poitiers, Paris.
A l’heure de la mondialisation, j’ai été étonné que 50% des jeunes ne souhaitent pas sortir de leur ville ou de leur canton pour accéder à un emploi. Ce n’est pas qu’une question de transport.
Parmi les éléments apportés lors de ce débat qui articulait réflexion globale et actions précises autour des 3 C : comme CO2, cogestion urbaine (le kilométrage moyen a été multiplié par 6 en 40 ans malgré une densification croissante) et coût :
-        le covoiturage correspond  actuellement à 1000 TGV
-        la production automobile en croissance a atteint 80 millions de véhicules
-        1 milliard de voitures occupent notre planète de 7 milliards d’habitants
Voiture & Co  dont la devise est « tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » a permis avec ses douze plateformes de mobilité à un millier de personnes de devenir autonomes et ainsi d’accéder à l’emploi  par le prêt de véhicules, aide pour le permis de conduire, accompagnement, possibilités de réparations à prix coutant …
Ils travaillent à un partenariat avec Renault  par sa fondation Mobiliz qui s’inscrit dans une démarche durable (voitures électriques), avec des préoccupations autour du recyclage et de la déconstruction, une approche multimodale et connectée. Il ne s’agit pas de mécénat puisque l’ambition est la pérennité d’un modèle économique autoporteur : du social business pour une entreprise sociale qui vise les 30 plateformes en 2015.
Ecolotrans transporte écologiquement  des marchandises avec des véhicules électriques, au gaz, en réfléchissant pour utiliser les transports en commun à cette fin. Cette entreprise Parisienne qui emploie 23 personnes est dans une démarche qui vise à mutualiser du matériel à faire se rencontrer producteurs et consommateurs, en apportant la preuve que les idées neuves génèrent de la créativité et de l’emploi. 
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Dans le Canard de cette semaine: