Erotisme
et pouvoir, lèvres, sang, corps et âme, depuis Isis et le Christ, mais pas de
rouge bannière dans cette conférence aux amis du musée de Grenoble, consacrée à
la couleur rouge, hormis une sérigraphie de 68 où des « Oui » qui
paraissent de loin comme des sens interdits tournent autour du mot révolution.
D’un
filet de vie vermeil aux drapés cramoisis nous entrevoyons quelques tableaux
qui comptent dans l’histoire de la peinture et découvrons quelques œuvres
écarlates.
Au début
était Osiris greffé à un cèdre au Liban. Après avoir voyagé dans un sarcophage
plombé par Seth le frère jaloux, il fut ramené en Egypte par Isis sa sœur par
ailleurs son épouse. Celle-ci le sauve une seconde fois. Alors qu’il avait été
démembré en quatorze morceaux, elle le reconstitue à l’exception du phallus
mangé par une carpe du Nil qui le recrachera sous la forme de la constellation d’Orion. Un substitut en terre du divin organe suffira pour mettre en route leur fils Horus, qui lui, restera à l’abri des
furieux.
Isis, cette
femme en rouge, déesse de la procréation, renvoie au principe du cycle (menstruel) comme
son compagnon Osiris (le renouvelé); Nephtys la stérile épouse de Seth à la pâle figure disparait derrière elle, du
côté du mal.
Le
manteau rubicond du christ fut également découpé au pied de la croix et joué
aux dés.
En toute
complémentarité, cette marque d’humanité incarnat appelle le bleu céleste.
Dans un
tableau d’Andréa Del Sarto, qui fut
un premier choix de François premier, la couleur de la tunique se rapporte aux
stigmates, les yeux bordés d’ombre du supplicié sont pleins de douceur :
l’équilibre est subtil.
Le sang
du crucifié d’Alberto Sozio vient
toucher le point de circoncision et retourne à l’Adama (nom de la terre en
hébreux) par une orbite vide du crâne d’Adam situé exactement sous la croix.
Dans
l’hôpital tenu par les Antonins où était installé le retable de Grünewald, désormais à Colmar, les
victimes du terrible mal des ardents pouvaient-ils calmer leurs folles douleurs
en voyant le corps martyrisé du Christ, vraiment impressionnant ?
Le
tableau du Gréco, où Jésus est
dépouillé de son manteau, se trouve à Tolède dans une sacristie (le sein de la
vierge). Le rouge manteau se reflète sur la cuirasse du centurion, le futur
saint Longin, qui nous regarde. Cette peinture a trouvé sa destination et au
moment où les techniques numériques nous rapprochent des œuvres, il est
important de nous reculer parfois et de savoir le contexte où s’installèrent les tableaux.
Petite
pastille contemporaine : Jana
Sterbak est moins connue que Lady Gaga mais c’est elle qui présenta la
première robe en chair « pour anorexiques », du bœuf.
Saint Michel,
l’ange belliqueux, fut instrumentalisé par les Normands et les Lombards.
Du côté
de Novgorod la couperose est de mise bien avant 1917 sur les icônes, le rouge
royal rejoint celui des patriarches. Le basileus dans les religions orientales,
« servant et lieutenant de Dieu », fusionne le sacré et le profane.
La
pourpre cardinalice indique le haut rang de la hiérarchie ecclésiastique, Dieu
en personne sur sa mitre tri règnes porte le rubis et Léon X, fils du
Magnifique Laurent, peint par Raphaël,
affiche son autorité profane en velours.
Après Richelieu
peint par Philippe de Champaigne en homme
de guerre, l’empereur Napoléon par Ingres
sous son hermine, animal qui ne supportait pas d’être taché, passe au
rouge, il veut être respecté comme un prélat et craint comme un soldat. De même,
son neveu et Louis Philippe portent la
culotte voyante des militaires.
Jan van Eyck sous son turban noué à la bourguignonne
affiche sa virilité.
Ranucio Farnèse
peint par Titien sort de l’enfance. Jean de Médicis avec sa bonne bouille par Agnolo Bronzino tient un chardonneret
qui aurait trempé son bec dans le sang du sauveur comme l’enfant par Francisco Goya qui joue entre ombre et
lumière avec une pie.
Pas le temps de
voir le Caravage, ni Rubens mais Job, Madeleine,
Saint Jérôme, Saint Sébastien, la
Femme à la puce, la diseuse de bonne aventure, les tricheurs…
de Georges De La Tour portent tous un
rouge, brûlant, intense, magnifiquement.