Quelques grands lecteurs que j’écoute volontiers n’hésitent
pas à dévorer tout ce que publient leurs auteurs favoris; trop soumis aux
plaisirs des nouveautés, je me gardais de tomber dans la passion exclusive
jusqu’à la rencontre avec cette auteure qui me touche au plus profond.
Et il a fallu de la persévérance : le livre découvert
chez Finkielkrault n’était pas disponible à la FNAC, ils me l’ont commandé et à
l’issue de procédures automatiques, remboursé quelques jours après sans que je
l’obtienne ; la librairie du Square m’a sauvé et l’a déniché.
Pour se régaler de
mots aussi évidents que l’été:
« C’était le mois
de juin, capiteux, riche, fourré d’herbes longues. L’ombre et la lumière
crépitaient dans la cour. »
Mais ce sont surtout des fleurs de Novembre qui sont
présentes dans cette série de portraits, de destins, de maisons dont tant de
pièces sont vides.
Roland, le grand menuisier s’est pendu, la vie des habitants
de ces pays « au plus serré des
hivers » est tellement rude.
Le lien intime du lecteur et de l’auteur avec ceux qui comme
moi ont commencé à lire surtout « Vaillant » au bord d’un champ tout
en gardant les vaches, se tricote avec le portrait cette fois de l’institutrice
partie en ville :
« Elle n'était
plus de ceux qui gagnent leur vie avec les bêtes, leur viande, leur lait, avec
la terre ouverte, charruée, ensemencée, avec ce que la terre donne et ce
qu'elle refuse, avec les saisons, leurs attentes longues, leurs coups de colère
et leurs soudaines embellies »
Pourtant : « Quelque chose de la pâleur
des livres, peut-être, avait coulé dans la chair de Jeanne, qui parlait
d'ailleurs et d'autrement. »
130 pages pudiques et charnelles, violentes, telluriques et d’une
minutie qui rejoint mon goût maniaque des gros plans en photographie.
Tellement fort, que même un parisien peut découvrir et
comprendre ces « territoires » d’outre temps, avant que les
technocrates n’aient vidé ce mot de toute sa densité, à force de le répéter.
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