samedi 15 décembre 2012

Je vais passer pour un vieux con. Philippe Delerm.



Parmi les phrases qui en disent long, le véloce écrivain débite quelques tranches évidentes :
le « Tout d’abord bonjour »  agressif de l’employé de la FNAC,  
« Comment il l’a cassé ! » bien dans l’air du temps,  
« C’est vraiment par gourmandise », « Quand on est dedans elle est bonne » …
Delerm remet du sens à des expressions banales, par exemple la proposition
« sinon moi je peux vous emmener » n’est guère empressée.
D’autres plus particulières méritent  aussi quelques commentaires rondement menés :
«  Attention l’assiette est chaude » qui amène les clients à prêter attention à ce qu’ils mangent.
J’ai adoré : « Et là, c’en était pas une ? »  qui parlera à tout conducteur à la recherche d’une place, aidé par des passagers de bonne volonté.
« Qu'il est joli, cet imparfait ! Comment peut-on charger un temps verbal de connotations si contradictoires ? Une forme de pleutrerie d'abord. On ne saurait imposer frontalement au maître du volant, au pilote des destinées, l'idée qu'il a tout simplement ignoré une opportunité unique.
Un effort de participation aussi. Bien sûr on va se laisser chouchouter, emmener, mais il serait quand même décent de manifester un peu d'initiative. Une prudence cauteleuse aussi. Si la place entr'aperçue se révélait trop petite, si les efforts scabreux pour la rallier en marche arrière s'avéraient inutiles, il est raisonnable de la considérer comme une possibilité déjà condamnée. C'est le cas, de toute façon, puisqu'un coup d'oeil sur le rétroviseur latéral vous a déjà indiqué que vous étiez suivis. »
Ironique, tendre, Delerm nous repose, nous rassure.

vendredi 14 décembre 2012

Dégrisement.



Maintenant que le divertissement offert par Fillon et Copé a perdu de sa saveur, il est temps pour moi de ne plus  me laisser distraire et affronter la déception née de l’exercice du pouvoir par la gauche.
Cette gaucherie attentiste vient de cette culture d’opposition qui nous permettait de trouver toujours pire en face, et puis il y a les délices qui ont perduré d’être débarrassé d’une clique à claques.
Les palinodies lorraines. Chaque citoyen savait que la situation économique était difficile et  se montrait plus sage que ceux qui ont adressé jusqu’à la dernière minute des promesses qu’ils savaient pourtant ne pouvoir tenir. Pour quelques flaflas immédiats que de ravages à long terme.
Les bonnes paroles concernant les urgences écologiques se heurtent à l’inertie des plus gros états, mais une part de l’écart entre les paroles et les actes pourrait se résoudre par exemple avec des espaces verts chez la Dame des Landes, la nôtre.
Si les discours du ministre de l’éducation sonnent dans le vide, c’est que la désaffection pour le métier d’enseignant a des causes plus profondes qui ne se résolvent pas en quelque annonce.
Cette société qui estime que la transmission est un métier risqué et non plus une ardente nécessité, un plaisir, un honneur, est bien malade.
Nous n’avons plus de monuments à construire, fussent-ils en carton.
Des couacs venant des cancans du côté de Valérie Trierweiler pourraient être anecdotiques si le président que j’ai tellement aimé en « normal » ne laissait apparaître ses préoccupations privées au détriment de sa fonction.
Mais c’est la pusillanimité concernant le non cumul des mandats qui est  la plus grave à mes yeux car elle dépend de tout un édifice politique et pas seulement d’une personne.
Cette mesure simple, économe, réhabiliterait la politique, permettrait d’admettre des mesures difficiles à venir. Mais « ils » font leur niche.
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Dans le Canard de cette semaine: 


jeudi 13 décembre 2012

La fête des lumières 2012 à Lyon.



Les églises du centre ville ont affiché sur une bannière « Merci Marie, Lyon depuis 1852 ».
Cet intitulé m’a fait penser à une entreprise de macarons dont la maison a été fondée dix ans plus tard. Mais le public se pressant dans les rues ne vient pas à une « catho pride ».
Pour ce que j’ai vu, l’admiration par la foule de la basilique de Fourvière tenait plus aux volutes colorées projetées sur ses murs autour du 8 décembre, qu’à l’histoire de son édification voulant  affirmer la puissance du clergé lyonnais depuis « la colline qui prie ».
Chaque année, nous ne pouvons embrasser la totalité d’une soixantaine de propositions « des designers, plasticiens, architectes, vidéastes, infographistes et éclairagistes », c’est que la frustration - n’est ce pas - fait partie du plaisir.
Quatre nuits de poésie, c’est pas tous les jours !
Restés dans le centre ville, nous avons croisé une grosse vache, un tigre, et d’autres animaux lumineux venus d’Inde,
après avoir admiré sur la place des Terreaux bondée, les façades qui dansent et un acteur qui décroche la lune.
Sur le théâtre des Célestins, la main d’un peintre dépose vivement ses couleurs, gratte, recommence à la craie, recompose agréablement la façade.
La statue de Louis XIV à Bellecour s’illumine sous les coups de pédales vigoureux  de certains spectateurs.
La rue de la Ré est magnifiée par des arcades très Bollywood d’un kitch réchauffant nos nuits d’hiver qui commencent à devenir sévères.
Un roi des dragons bien pointu se reflète dans un bassin et des oriflammes sur le pont Lafayette prennent le vent joliment.
Même pas le temps de siffler un canon de vin chaud !

mercredi 12 décembre 2012

Bordeaux # 3. Le fleuve.


En bateau sur la Garonne, nous percevons la courbure du fleuve où se justifie la dénomination «  port de la lune » qui accueille aujourd’hui les bateaux de plaisance et de croisière.
Nous comprenons l’éloignement entretenu par les bordelais avec l’autorité centrale quand on mesure la largeur et la puissance des eaux aux couleurs chocolat en empruntant un bateau.
Une péniche chargée de morceaux d’Airbus attend que la marée baisse pour passer sous le pont de pierre.
Le pont de pierre qui a autant d’arches que Napoléon Bonaparte a de lettres a été le premier pont construit au XIXe siècle et il est resté la seule possibilité de relier les deux rives en attendant le pont d’Aquitaine en 1965, pont suspendu de plus d’un  kilomètre et demi de longueur.
Un nouveau pont dit « Baba » avant son baptême officiel, relie Bacalan à la Bastide, et dresse déjà deux élégants pylônes qui permettront de lever le tablier central pour laisser le passage aux bateaux imposants.
En aval la dénomination « terminal » convient à Bassens qui reçoit les conteneurs comme celui du Verdon à l’embouchure. D’autres sites sont spécialisés pour recevoir ou expédier céréales, bois, papier, produits pétroliers, vin …
La ville a toujours mis ses vins sur les eaux.
Sous une architecture audacieuse, un Guggenheim  consacré au vin est prévu pour les années à venir, le Centre culturel et scientifique du vin.

mardi 11 décembre 2012

Aya de Yopougong. Abouet, Oubrerie.



Sur les six albums parus, j’ai lu le cinquième, en attendant le film.
« Personne ne peut presser tout seul l’abcès qu’il a dans son dos. »
Une vision de l’Afrique revigorante où les femmes tiennent la route, malgré des hommes infantiles.
« Le bouc pue mais les chèvres ne le repoussent pas. »
Dans cette Côte d’Ivoire des années 80, loin de la guerre civile, les jeunes gens et des filles choco se cherchent un avenir, se débattant avec une belle énergie contre la précarité et des traditions.
Du maquis du quartier de Yop (Yopougung) à  Abidjan, à Paris, au village par les pistes parcourues avec des voitures « France au revoir », les histoires qui s’entremêlent sont parfaitement menées avec l’émergence des prédicateurs, l’insuffisance des professeurs, la fatuité des nouveaux riches. 
Une galerie réjouissante de portraits où l’insouciance côtoie la sagesse, la mauvaise foi, la bonne volonté, la joie de vivre dans un pays où le suicide est un truc de blanc.
«  Ce sont les joues qui rendent la figure grosse et tu viens de maigrir devant ta fille »
Truffé de proverbes succulents il n’y a pas toujours besoin du lexique livré à la fin de l’album pour comprendre :
« Dis à ton troisième bras qui est entre tes cuisses d'arrêter de toucher mes fesses. »
On peut se sentir parfois  VDB (Venu direct de la brousse) mais ces 105 pages en apprennent plus sur l’Afrique que bien des reportages, et l‘on rit.

lundi 10 décembre 2012

Dans la maison. François Ozon.



Luchini est prof de français et sa femme Christin Scott Thomas tient une galerie d’art contemporain : nous sommes  encore dans un milieu familier au cinéma français, mais à part d’improbables applaudissements, lors de la rentrée, envers un proviseur qui n’a pas le pouvoir de révoquer un prof dans la vraie vie, les notations sont justes. Et les uniformes au Lycée Flaubert sont une métaphore.
De toutes les façons le propos n’est ni social, ni réaliste, bien que l’auteur de « Potiche » joue habilement du réel et de la  fiction.
Il met en jeu la création, la littérature,  les regards critiques qui  nous font sourire, mais lorsque les malins prennent trop de distance avec les médiocrités de nos vies, le désespoir n’est pas loin.  
Qu’est ce qu’il en sait le jeune apprenant du « parfum de la femme de la classe moyenne » dont la formulation accroche son professeur ?
Cette arrogance toute adolescente subsiste chez bien des observateurs de la société dont nous partageons parfois les postures. 
 Ce dimanche, à Grenoble, beaucoup de magasins avaient peint sur leurs devantures des citations du régional de l’étape : Stendhal.
L’une de ses plus connues vaut pour le cinéma bien sûr :
« Un roman, c’est un miroir que l’on promène le long d’un chemin »,
 il a dit aussi : « toute œuvre d’art est un beau mensonge ». Vrai.

dimanche 9 décembre 2012

Vise le ciel. Francis Cabrel.



Longtemps après Hugues Aufray, voilà le barde d’Astaffort qui reprend Dylan, c’est que Robert Zimmerman  a inspiré Francis Cabrel depuis ses débuts.
N’ayant pas eu en temps utile l’Américan folk attitude, ce « Bob Dylan pour les nuls » était fait pour moi.
Et je persiste avec mes franchouillardes oreilles : si je n’avais su de qui étaient les paroles, je n’aurais pas entendu tellement de différence avec le Cabrel ordinaire que j’apprécie,
« L’hiver approche, le portail grince
La rouille le ronge, la pluie le rince ».
En retrouvant  quelques mélodies oubliées, la curiosité me titille d’aller voir du côté des originaux : « Just like a woman », « I Want you » maintenant qu’ I know.
Sous un emballage très carton recyclé avec dessins pales, les textes sont bien sûr en lettres microscopiques; parfois le produit manque de vivacité.
Les musiques sont agréables mais ne surprennent pas derrière des textes qui coulent tranquillement sans accrocher.
« Je te veux » est joliet, il manque d’impatience.
« Vise le ciel », l’image est mignonne, mais c’est sur « un grand fauteuil » que le poète s’envole.
D’autres évocations sont justes et fortes :
« Tout en haut de la tour du guet
Les princes ont confisqué les longues-vues »
 Mais la rencontre  avec des grands mots n’est pas toujours facile :
«  J’ai demandé aux flics à chaque carrefour
Avez- vous vu la dignité ? »
Quelques visions nous empoignent :
« Les rats mangent ta farine, ils ont empoisonné le puits
Les rats  ont mangé ta farine et empoisonné le puits
Même le ciel veut dire qu’il ne faut pas compter sur lui. »
L’histoire d’Hollis Brown est-elle celle de notre monde désespérant ?