mercredi 13 juin 2012

« On refait le voyage » : Saint Petersburg 2004 # 11

Pas de nuage ce matin à 7h30, à la fin de notre dernière nuit Saint-pétersbourgeoise. Nous laissons nos bagages à la consigne de l’hôtel. La météo télévisée prévoit –14° : caleçon supplémentaire.Durant la nuit, les services de la voirie ont débarrassé la ville de la neige abondante d’hier, mais les trottoirs recouverts d’une fine pellicule glacée se révèlent traîtres. Nous projetons de diriger nos pas vers l’église baroque Notre-Dame-Vladimir. Nous la découvrons sous le soleil, dominatrice, jaune et blanche, chapeautée de cinq bulbes noirs. Nous y pénétrons pendant un office; les quatre popes se relaient pour chanter et la chorale répond de la tribune. Pour prétendre être pope, il doit falloir impérativement être chanteur, de préférence basse ! C’est magnifique !
Quelques remontrances aimables ou plus courroucées nous remettent sur le droit chemin car nous avons piétiné le tapis déroulé pour les popes, parlé trop fort ou tourné le dos aux icônes.Lorsque nous sortons, nous faisons l’aumône à trois vieilles dames. A deux pas, nous assistons au contrôle d’identité et à la fouille des poches d’un jeune par la police. L’une d’entre nous remarque que la fermeture de la petite poche de son sac est souvent ouverte, et ce n’est pas un oubli de sa part… Nous rentrons presque immédiatement dans le marché Kouznietsni. Le marché couvert propose un choix et une grande variété de marchandises. Les commerçants aux dents en or nous interpellent pour que nous goûtions leurs denrées. Leur provenance fait parfois rêver : abricots secs de Samarkand ! Derrière les étals, une armada de serveurs se disputent le peu de clients présents. Pourtant, quel choix de produits : miel, fruits séchés, peakles, salades russes, légumes, verdures, poissons, les bouchers débitent devant tout le monde de grosses pièces qui patientent sur des chariots. Nous suivons la promenade en direction de l’église de Saint-Sauveur du sang versé, fermée aujourd’hui. Nous traversons le marché aux souvenirs tant décrié par le routard, mais je déniche des poupées russes à l’effigie des personnalités politiques russes.
Nous longeons un canal qui nous mène sur le côté de la grande place du palais d’hiver avec sa colonne centrale. En tant que touristes, nous sommes vite identifiés et repérés par les vendeurs de chapkas en renard, vison ou en synthétique, de caviar douteux vu le prix ou de poupées russes, le tout à l’abri dans de gros sacs de voyages. La température ne s’améliore guère malgré la présence incontestée du soleil : Dany constate que son en-cas en pain d’épice rangé dans son sac est inconsommable, il a gelé. Sur les bords de la Neva vers la statue de Pierre le grand à cheval et l’église St Isaac, nous pouvons voir de plus près l’impact des bombardements sur les colonnes du bâtiment. Nous envisageons de retourner à l’église St Nicolas des marins, mais auparavant nous nous réchauffons dans un café en sous-sol. Nous pouvons commander des soupes chaudes, borchtch ou soupes de poissons, suivies d’une douceur (Jean essaie la glace avec du vin dedans) et d’un café. Nous serions tentés de prolonger le moment de torpeur qui succède au repas, mais le temps n’est pas un élastique et nous partons à la recherche de St Nicolas des marins. Nous la retrouvons dans le calme, hors cérémonie quoique dans un coin, le pope procède à un baptême devant une famille peu nombreuse. La lumière du soleil entre par les fenêtres et caresse l’or des icônes et de leurs cadres. Nous avons tout loisir d’observer la diversité des icônes. Les femmes en blouse noire grattent à quatre pattes la cire des bougies répandue sur le sol et surveillent celles qui se consument dans leur bougeoir.
Mais soudain, dans ce lieu respirant la tranquillité, nous prenons conscience de l’heure avancée (15h25) et c’est au pas de charge, sur des trottoirs inégaux et dangereux que nous regagnons l’hôtel à notre rendez-vous fixé à 16h avec Igor. La course nous réchauffe, nous avons juste le temps de reprendre possession de nos bagages à la consigne et de les jeter dans le Mercédès d’Igor, et nous voilà sur le chemin de l’aéroport. Nous reconnaissons le chemin qui passe par le mémorial des morts de 1940-1945. St Pete nous devenait familière. A la douane nous devons abandonner une bouteille de Vodka, confisquée parce qu’entamée.

mardi 12 juin 2012

ZMinus n° 1.

J’aime les journaux, les commencements, et souvent j’ai apprécié des numéros 1 prometteurs.
Mais ce bimestriel consacré aux dessins de toutes sortes (BD, strips, images satiriques, avec ou sans paroles…), découvert en kiosque après une brève dans Libé, m’a paru fade.
Je n’ai pas décelé d’originalité particulière, sinon quelques provocations faisant presque passer Wuillemin pour un gentil, genre :
« Abruti ! Je t’avais dit de ne pas aller trop vite avec ton doigt, t’as monté mes pertes en neige !... » 
Si ! Un dialogue d’images Panini entre footballeurs style gravure sur bois, pas mal.
Sinon la routine : un chameau porte le voile intégral dans le Nord Mali, et les « cons »sempiternels, qui prospèrent malgré les piques des humoristes, deviennent à mon goût un carburant un peu frelaté.
Ayrault en Droopy et une peau de banane qui attend Hollande ne constituent pas des sommets dans l’impertinence en politique.
Les reportages sont maigres.
24 pages vite feuilletées, vite oubliées.

lundi 11 juin 2012

Sur la route. Walter Salles.

Comme je n’aurai pas le temps de lire toutes les œuvres « cultes » des siècles passés, je suis allé voir le film inspiré du livre de Kerouac, malgré des critiques mitigées avec lesquelles je suis d'accord : c’est du « light ». J’étais bien dans la cible avec ceux à qui le livre a été vendu au prix d’un film.
Je ne sais la distance qu’apporte l’adaptation, mais pendant 2h 20, l’écrivain d’origine québécoise apparaît comme un simple spectateur assis à l’arrière d’une voiture américaine des années 50, sans dilemme, sans passion.
Les paysages sont beaux, oui ! Les images du début passant du noir à une route qu’arpentent vivement une paire de jambes étaient  pourtant de bon augure et les personnes qui ont vu le film avec moi ont aimé les musiques : c’est bien le moins pour le père de tous les road books traduit en sages images.
Il y a bien vers la fin une poussée de fièvre mais due à une tourista un peu sévère, autrement peu de sueur, pas de flamme sinon celle de briquets pour joints et Camel, pas vraiment d’ivresse, ni même de désir qui passerait entre des personnages que j’ai trouvé trop lisses.
La réalisation est trop conformiste pour traiter de ceux qui désiraient s’évader des conventions dont la quête initiatique est dépourvue ici de spiritualité.
Il ne semble être question que du passage de l’adolescence à l’âge adulte sur fond d’amitié bancale.
Ce n’est pas désagréable mais trop sage.

dimanche 10 juin 2012

Louis Armstrong. Antoine Hervé&Michel Delakian.


Comme d’habitude, Antoine Hervé évoque avec talent tous les instruments de l’orchestre, mais cette fois il est venu avec un complice trompettiste plus convainquant d’ailleurs avec son instrument qu’avec sa voix, pour une évocation de « Satchmo » (satchelmouth, « bouche en forme de besace »).
Sont mis en évidence, les suraigus et les vibratos de celui dont le premier conservatoire fut une maison de correction.
Depuis les orchestres sur les bateaux à aube du Mississipi à ses formations « hot » five ou seven :
« ce que nous jouons c’est la vie » disait il.
De la Nouvelle Orléans à NewYork en passant par Chicago, des racines afro Caraïbes jusqu’à la consécration mondiale, la figure tutélaire du jazz a donné au soliste toute sa place et popularisé le scat, aussi inventif avec sa voix qu’avec sa trompette.
« Je viens d’une ville où tout le monde rit, chante, danse et tape du pied » 
Sa personnalité généreuse a contribué à sa popularité
« Pourquoi souriez- vous toujours ? » 
« Parce que je suis payé pour ça » 
Pour donner une leçon à un de ses batteurs qui était venu à un concert diminué par une consommation excessive d’alcool, il l’invita à un plantureux repas bien arrosé et à la fin de la fête, en claquant la porte il lui dit :« ça, pas avant un concert ! ».
Les batteurs, nous dit Hervé, sont comme les capotes :
 « c’est plus sûr avec, mais sans c’est quand même meilleur ». 
Le conférencier qui sera dans le off à Avignon, considère que
« le jazz est comme une gambas, à décortiquer » 
et Roland Yvanez ajoute qu’ « Antoine Hervé le débarrasse d’une enveloppe pédante indigeste pour retrouver sa pleine saveur originelle ; en particulier dans sa relation au corps, au rythme, à la danse. Sa métaphore culinaire affiche d’emblée les tonalités principales de ses leçons : simplicité et humour… en contrepoids d’une érudition encyclopédique. »
J’avais trop confiance en Internet pour me redonner la citation qu’il fit de Gerber qui a si bien écrit sur Louie mais je ne l’ai pas retrouvée. Nous avons eu droit à « Hello dolly » à « When the saints » mais pas de « Wonderful world » mais rien que dans l’introduction de « West End Blues » deux phrases permettent à Gunther Schuller d’écrire « à elles seules, résument presque entièrement le style de Louis Armstrong et son apport au langage du jazz. La première est saisissante, en raison de la force, du dynamisme de ses quatre premières notes (sol, mi bémol, ut, fa dièse). Nous sommes immédiatement sensibles au swing terrifiant qu’elles expriment, bien qu’elles soient jouées sur le temps, non syncopées, et qu’aucune référence rythmique ne nous soit fournie, puisque Louis Armstrong joue sans accompagnement. »

samedi 9 juin 2012

France culture papier.

Format et périodicité de XXI pour une lecture confortable de 200 pages de textes courts et variés.
« En moyenne on prend sa retraite ou on perd ses parents à l’âge de 63 ans. On vit toute sa vie sous le regard des parents. » Jean Viard.
« En France 800 000 enfants de 4 à 10 ans sont encore devant la télé à 22h. » 
De Rousseau :
« Il est donc à croire que les besoins dictèrent les premiers gestes et que les passions arrachèrent les premières voix »
à Frédéric Pommier qui « dresse un bilan humoristique des pathologies langagières des hommes politiques » :
« en amont », « s’inviter dans la campagne électorale », « il ne faut pas stigmatiser », 
« faire bouger les lignes », « indigné »
Où apparaît le paravent de Karen Blixen, les racines « White trash » d’Eminem, où j’ai découvert Alan Turing inventeur de l’informatique et apprécié de relire un entretien avec Tavernier alors que Sicco Mansholt ressurgit depuis les années 70 dans un dialogue avec PMF (Pierre Mendès France) c’était au moment des prophéties du Club de Rome : saisissant d’actualité !
Et Vilar avec Varda quand ses innovations pour un théâtre populaire passaient par les horaires, le vestiaire gratuit, un prix des places unique, la suppression des pourboires …
Il est question de Santé avec Servier et les PIP (prothèses mammaires), du vin qui gagne en degrés, du Sahara et de Vienne, d’un déjeuner sous l’herbe, quand Spoerri avait enterré les restes d’un pique nique et fait appel à des archéologues aujourd’hui.
Politique avec Clémentine Autain, Philippe Meyer, le retour des rois, et une plaisante radiographie de la France quand à Hénin Beaumont les pompes funèbres sont florissantes alors qu’une photo témoigne à Sarcelles du « ï »de laïcité qui disparaît chaque fois qu’il est réinstallé sur une façade pour ne laisser voir que « La cité », un prof se désespère à entendre: « faire de l’argent comme on fait du fromage » et il ne parle pas que des élèves.
De l’actualité et du temps long.
« Quand l’enfant dessine un rond, il montre qu’il a construit un espace de sécurité interne suffisamment fermé et que le rond peut se refermer »
 Alors à deux ans il peut dire « Oui »
« Dire oui, c’est accepter que quelque chose de l’autre vienne en soi »

vendredi 8 juin 2012

Revenu maximal, revenu moral ?

« Dans les années 1970, les ouvriers pouvaient espérer atteindre le niveau de vie des cadres supérieurs en un peu plus de trente ans. Contre 150 ans aujourd’hui... »
Les droits étaient différenciés mais des relations d’interdépendance étaient possibles, continuer à «faire société» devient donc au XXI° siècle de plus en plus difficile quand les pourvoyeurs en huile sur le feu sont légion.
Les images peuvent se multiplier pour évoquer l’explosion des inégalités mais le sociologue Robert Castel et Christophe Deltombe Président d’Emmaüs ne se sont pas attardés sur les constats au forum de Libération à Grenoble quand « une masse croissante vit au jour la journée ».
Jean Luc Mélenchon a lancé dans le débat public, la proposition d’un revenu maximal à hauteur de 20 fois le Smic. Cette proposition permettrait d’améliorer la condition des plus démunis. Dès le début de son mandat, Hollande a pris des mesures concernant les dirigeants du secteur public et les salaires de ses ministres et de lui-même : bravo !
Mais finalement au cours de ce forum, il a été plus question du minimal que du maximal.
« Le renforcement des minima sociaux et du RSA pourrait fournir une réponse plus consistante, à condition qu’il soit reformé. Ainsi le RSA étendu aux jeunes pourrait inclure aussi, outre l’API, la SS et la prime pour l’emploi, couvrant de ce fait la plupart des situations sociales déficitaires. L’allocation de base devrait être augmentée. Surtout, il devrait devenir un dispositif accès à l’emploi durable et non un palliatif qui risque d’entretenir la précarité. Sous ces conditions le RSA pourrait accomplir la double fonction de garantir un revenu assurant la satisfaction des besoins de base de ceux et de celles qui sont à distance de l’emploi durable, et d’accompagner les bénéficiaires sur la voie du retour à cet emploi durable. »
A distinguer d’une allocation universelle ou revenu d’existence qui semble une formule dangereuse car d’un montant forcément médiocre, elle déstructurerait le marché du travail. Les protections les plus fortes étant historiquement liées au travail.
Si l’importance de revenir à ses questions va de soi pour ceux qui fréquentent ces colloques, où le partage du travail n’est pas un gros mot, où chacun réserve sa tolérance à d’autres domaines que l’écart entre le salaire des hommes et des femmes, l’écho de ses belles intentions était étouffé à l’époque par le brouhaha autour des beefsteaks Hallal ou les extases de Carla !
Alors qu’au-delà de l’économie qui accepte plus de huit millions de personnes sous le seuil de pauvreté(< 954€) sur notre sol où il y a 1 700 000 travailleurs pauvres, et selon l'INSEE, environ 90 000 sans abris, il s’agit encore de cette lutte sempiternelle qui voudrait que chaque homme soit un sujet de droit. 1/3 des ménages éligibles au RSA n’y recourent pas.
....
Dans le Canard de cette semaine:

jeudi 7 juin 2012

Au Musée d’art moderne de Saint Etienne : Jan Fabre.


 Le belge qui fit scandale en tant que metteur en scène à Avignon en 2005 présente de sages productions néanmoins fortes dont le titre « l’heure bleue » suggère une approche poétique.
Les œuvres parfois gigantesques impressionnent par l’intensité du travail avec des stylos bleus recouvrant le papier usés en quantité industrielle. De l’entrelacs des gribouillis naissent des formes crayonnées ou arrachées aux feuilles.
Le classique recul nécessaire pour voir naitre des formes qui n’apparaissent pas d’emblée est renouvelé, notre admiration devant tant d’énergie au service d’une démarche originale n’était pas offerte à priori. La visite sur place la rend incontestable.
J’avais acheté il y a fort longtemps, sans connaître la notoriété du belge, un poster intitulé « le facteur Rollin » où n’apparaissaient telles des étoiles dans le ciel provençal, que les boutons de la vareuse du modèle de Van Gogh, il m’avait déjà bien plu.
« Je crois à la beauté parce que la beauté est la couleur de la liberté, et la liberté la couleur de la beauté » 
 Par ailleurs la diversité d’artistes Coréens invités exposés avec six artistes stéphanois est stimulante.
La finesse est un trait commun à beaucoup et si je ne suis toujours pas convaincu par certaines vidéos qui squattent trop largement les installations d’art contemporain, j’adhère plus facilement aux choix de ce musée qu’à ceux de notre « Magasin » grenoblois.
Le travail de Jee Soo Kim enchante le quotidien, les dessins sur calque de Sylvia Marquet sont émouvants, les gouaches d’Elzevir familières et rafraichissantes, les trames de Park et les lignes de Chung minutieuses et sensibles.