mercredi 19 octobre 2011

Lisbonne# J2. Tram historique dans l’Alfama et Graça.

Nous quittons les lieux silencieux après une nuit musicale vers 9h15, à pieds dans les rues traîtres car très pentues, dont la déclivité n’apparaît pas sur le cartoville. Nous hésitons entre marcher sur la route ou sur les trottoirs toujours recouverts de petits pavés inégaux. A la sortie de la casa, Michèle tombe sur un billet de 5 euros : hier elle avait ramassé déjà une piécette de quelques centimes. Bons augures…
Nous nous acheminons vers le Jardim da Estrela (jardin de l’étoile) par la rue Amaro. Celle-ci découragerait le plus aventureux des cyclistes à cause du pourcentage impressionnant de la pente. Le jardin est agréable, il a son aire de jeux pour les enfants, sa mare avec cygne noir et canards et des installations sportives pour lutter contre l’ostéoporose, vélo, poignets pour étirement, moulinet pour les muscles des bras…. Nous visitons la Basilica Estrela, très mexicaine de l’extérieur mais sans grand intérêt à l’intérieur. Une vieille dame nous indique le musée Fernando Pessoa. Mais la dernière demeure du poète dont la façade affiche quelques uns des vers n’ouvre pas le dimanche. Nous nous replions sur le cimetière anglais, que nous contournons avant d’en trouver l’entrée. Des croix celtes, des tombes de différentes époques s’amassent autour d’une église anglicane, dans le respect du panneau « sans fleur artificielle ». Le lieu appartient visiblement à une multitude de chats qui en ont fait leur royaume. Nous remontons l’avenue Alvares Cabral afin de prendre le métro à la station Rato. Nous bataillons un moment devant les machines tactiles pour obtenir pass et billets ; plusieurs personnes nous aident à parvenir à nos fins (17€80 les 4 pass pour la journée dont 0,50€ pour chaque carte valable un an et à recharger quand elle est épuisée). Le métro est flambant neuf, ses lignes se repèrent à leur couleur. Nous empruntons d’abord la bleue (Azul) puis la verte pour la correspondance et ressortons à la station Martin Moniz. Nous repérons rapidement devant l’hôtel Mondial l’arrêt du tram n°28, recommandé par le routard pour son trajet pittoresque à travers l’Alfama et Graça. Nous prenons notre tour dans la queue calme et disciplinée et apprécions la réputation des portugais qui détestent la resquille.
Nous nous installons dans la vieille voiture en bois bringuebalante pleine de charme désuet, côté gauche pour profiter au mieux de la vue. Les fenêtres ouvertes laissent pénétrer l’air léger. Nous grimpons péniblement des rues, en descendons d’autres juste assez larges pour le passage du tram, piétons plaqués contre les murs. Des à coups, des avertissements sonores entre cloche et scie sauteuse rythment le voyage cahotant jusqu’au terminus, au Cemiterio dos Prazeres. Nous remontons illico dans le tram 28 à contre sens pour chercher un restaurant vers le belvédère de santa Luzia. Nous nous repérons plutôt bien pendant le trajet mais pas besoin d’appuyer sur le bouton « parar » pour stopper l’antique voiture, car beaucoup de monde descend à cet endroit. Le point de vue panoramique sur le Tage (Teja) et sur la ville vaut la peine malgré le mendiant éclopé qui nous sollicite et le sénégalais décidé à nous « donner » un cadeau et « vexé » de notre refus. Nous cherchons un restaurant à l’adresse « beco (passage) Esperito Santo » en descendant dans un quartier de petites maisons blanches serrées. Des décorations, des guirlandes et autres ornements en papiers colorés témoignent de fêtes de quartier sur les placettes populaires. Les façades supportent des objets insolites, comme cette jambe de mannequin servant de pot de fleur ou ce baigneur faisant un doigt voisinant avec des représentations de Saint Antoine (= moine qui porte une enfant).
Arrivés à la bonne adresse, le restau signalé par le routard est bondé. Les gens se régalent à de longues tables communes dressées à l’extérieur, assis et serrés sur des bancs. Nous nous rabattons un peu plus haut et nous installons sous des parasols Praça Sao Miguel où nous nous restaurons de bacalhau, calamar, daurade, arrosés de deux bières chacun. Un sénégalais italien, frère francophone, parvient à nous vendre deux bracelets. Le temps pris pour la cuisson de cette cuisine familiale dépasse celui des plats décongelés et réchauffés au micro ondes, et il est presque 16h à la fin du repas. Nous remontons vers la route principale et grimpons vers le Castelo de Sao Jorge (7 € l’entrée). Il nous offre une belle vue surplombant la ville et le Tage. Nous flânons sur les remparts restaurés, au son d’une guitare habile et amplifiée juste comme il faut. Dans l’enceinte, un paon à la queue aussi encombrante qu’une traîne de mariée exhibe ses couleurs et sa crête de bonne grâce et surveille ses femelles et sa progéniture. Nous retournons une dernière fois au point de vue près de Santa Luzia derrière l’église, au lieu dit « Portas del sol », profiter dans un petit jardin du soleil déclinant sur le Tage. Nous retrouvons le chemin de la maison sans risque de nous tromper de rue, bruit et musique nous guident depuis la place aux fleurs. Mais des fenêtres du gite, nos gestes de sioux sont bien compris et les décibels diminuent.

mardi 18 octobre 2011

Pierre qui roule. Lax. Donald Westlake.

Dans la collection rivages/ noir chez Casterman, Lax, dessinateur réaliste aux atmosphères brumeuses réussit bien l’adaptation d’un polar américain rythmé, à l’humour noir comme il se doit.
Un cambrioleur inventif mais malchanceux va être contraint avec sa bande de « bras cassés » de forcer la sécurité d’un musée où trône une émeraude énorme, puis carrément un commissariat, la salle des coffres d’une banque, et un asile de fous bien gardé. Chaque fois, leurs plans "géniaux" échouent, ils sont contraints à l’inventivité et à des procédés de plus en plus spectaculaires jusqu’à une locomotive pour accéder à leur cible qui fuit sans cesse. Pierre qui roule.
Bien que le lettrage rende le texte inconfortable à lire, avec un arrière plan politique quelque peu caricatural, le scénario est simple et enlevé. Certes oubliable mais un moment agréable.

lundi 17 octobre 2011

Et maintenant on va où ? Nadine Labaki

La belle actrice-réalisatrice de Caramel a de l’ambition avec ce film qui traite agréablement du conflit religieux en terre libanaise, voire au delà.
Elle mêle les genres : conte musical, comédie, tragédie, des portraits pittoresques et des échappées poétiques grâce à de belles images.
Les hommes sont décidément benêts, hormis les chefs religieux qui eux ne sont pas des extrémistes, et les femmes sont tellement jolies et futées. C'est  également réjouissant de voir une voilée sortant de sa cache alors que celle qui ne jurait que par la vierge adopte Allah.
Bien que le message premier : « ce n’est pas bien de faire la guerre » soit éculé, des scènes à foison sont bien trouvées et l’humour fait parfois pardonner un simplisme inopérant.
Une des leçons annexe de ce moment plaisant pourrait être : « pour vivre heureux vivons en ignorant les nouvelles d’ailleurs », ce qui gène un peu le dévoreur de journaux.
Je me retrouve dans la même situation que lors du succès de « Good bye Lénine » basé d’après moi sur le mensonge, qui m’avait mis en minorité auprès de tous ceux qui s’étaient régalé.

dimanche 16 octobre 2011

Le sacre du printemps. J. C. Gallotta.

Ravi. Le souffle coupé.
Rien qu’après cette heure magique, je sais déjà que la saison culturelle 2011-2012 sera réussie.
Il est des moments où je ne sais voir les intentions d’un auteur au moment de leur représentation.
Eh bien ce soir, j’ai tout aimé : une « Elue » dans le prologue dont la multiplication pourrait faire penser aux primaires socialistes.
La puissante musique vieille d’un siècle est un sommet que nous fait atteindre notre chorégraphe maison qui peut se permettre de tutoyer Igor Stravinsky tant il se sait fragile ; audacieux et modeste.
Des chemises comme des ailes d’oiseau, une sensualité furtive mais puissante et toujours le galop Gallotta, ses gestes que j’ai plaisir à retrouver où la maladresse touche la légèreté ;
moi le danseur coincé du paturon, j’avais des envies d’entrechats à la sortie.

samedi 15 octobre 2011

Traverses. Jean Rollin.

De « l’Hôtel de la Marne » à Tarbes jusqu’à l’hôtel « Alizé » rue Paradis à Marseille, l’écrivain cherche et trouve l’ennui au cours d’une errance en France, arrosée de pluie et d’alcool. Il ne cesse d’accabler son désenchantement, et pourtant nous le suivons.  
« En face de l’hôtel de ville, le monument à Danton et à la levée en masse est couvert de graffitis « Nique la police » et plusieurs personnages du groupe sculpté, à commencer par Barra, le petit tambour, ont été amputés de leurs mains ou de leurs bras. »
Que dire de plus pour décrire un pays harassé, arasé ?
En passant par la Lorraine des friches industrielles et du parc Walibi-Schtroumpf, au Creusot, les mémoires se vident.
L’ancien mao est toujours d’une sincérité rassurante, d’une précision décapante.
« Ici mes notes reprennent, et, contrairement à ce qui s’est passé avec l’épisode du train, tombé dans un trou noir, je dispose au sujet des suivants [ les épisodes] d’une multitude d’informations très précises bien que d’un intérêt discutable. »
L’humour est désabusé, le livre s’avale comme un alcool de poire qu'on apprécie si parfumé, si fort, et pourtant on sait qu’il vous ruine la santé.

vendredi 14 octobre 2011

Avant- avant- dernier tour.

J’ai finalement accompli mon devoir de citoyen dimanche, faisant mon deuil d’une prérogative du parti - dont je suis parti- à choisir son champion.
Au moment où Julliard et Ronsanvalon signent la fin de la gauche dite américaine, nous voilà dans des jeux politiques à l’américaine. Moi qui me suis complu naguère dans la déploration devant un recul de la politique, cette mobilisation populaire m’a pris à contre-pied, et impressionné. En appelant depuis toujours à un idéal de démocratie participative, je ne peux faire la fine bouche face à l’engouement de millions de personnes. Un des mérites annexe de cette primaire est de révéler encore plus l’inanité des arguments de la droite. Lorsque j’entends Coppé, j’ai des envies de Poutou (NPA).
Si le PS a montré à ses concurrents sa puissance logistique, cette avancée démocratique ne doit pas contribuer à trop asseoir des certitudes dans une gauche qui n’a rien de plus déplaisant que sa conviction d’être le parti de la vérité.
Bon signe : on a moins parlé des journalistes dans les sages confrontations que des protagonistes de la compétition et pourquoi crier à la violence, quand s’exprime un large éventail d’opinions qui permettent de sortir des caricatures. Il est des voix diverses pour penser que l’insécurité n’est pas qu’un vague sentiment, que la BNP n’est pas l’ami Ricoré, que demain on ne rase pas forcément gratis…
Faites moi signe quand à tous les niveaux, cette diversité pourra s’exprimer, quand des primaires pour les élections locales seront organisées avec la même rigueur.  
« Gauche molle » n’est pas forcément un défaut dans un monde en mouvement; la gauche quand elle était Mollétiste, était certes ferme dans le vocabulaire mais bien discutable dans ses actes.
Lors du dernier débat télévisé, Aubry a paru essentiellement dans l’opposition même à l’égard d’un camarade, à interrompre, à ergoter. Elle risquerait de maintenir la gauche toute entière dans cette condition si c’est elle- pour qui DSK a voté- qui est en position d’affronter le président à sortir.
Je m’en voudrais de persister dans mon vote à réaction du premier tour contre les caciques qui auraient été plus volontiers portés à soutenir Hollande.
Dans l'ultime confrontation en 2012, de toute façon, les partisans de la gauche de la gauche ne pourront voter à droite, il est indispensable de gagner côté centriste et là, François Hollande est mieux perçu.
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dans le Canard de cette semaine:

jeudi 13 octobre 2011

Jean Léon Gérôme. L’orientalisme.

Pour être à la mode au XXI° siècle, il convient de revenir vers ceux qui tenaient le haut des cimaises au XIX° siècle et connurent l’opprobre au XX° siècle. Aux « Amis du musée », Gilbert Croué, le conférencier, nous met dans le coût. Les valeurs changent : un tableau de Gérôme se négocie désormais aux Etats-Unis, un million de dollars.
De Verdi (Aïda) à Hugo, Nerval, Byron, l’engouement pour l’ailleurs, l’infini des déserts et les femmes rassemblées dans un harem (qui signifie : interdit) toucha toutes les formes d’expression. Chercher la nudité derrière les murs les plus épais, la liberté au cœur des sociétés les plus corsetées. Dès le XVII°, « être ottoman, c’était être autre », alors le regard d’un persan éclaira notre monde sous la plume de Montesquieu, et des « Enlèvements au sérail » depuis « la Sublime Porte » se jouaient près de chez nous. Constantinople sur les rives du Bosphore était pittoresque quand l’Orient commençait en Grèce. L’expédition en Egypte de Bonaparte embarqua bien des scientifiques, elle annonçait des emprises futures. Le mobilier empire emprunta amplement à l’esthétique du pays des pharaons. Puis vint la conquête de l’Algérie : le tableau représentant « La prise de la smala d’Abd el Kader »par Horace Vernet mesure 21m de long. Désormais à portée de bateau à vapeur, des gens fortunés purent réchauffer leurs images de l’antiquité: femmes à la fontaine et sages bergers. Delacroix, Ingres, Matisse remplirent leurs carnets de croquis et leurs palettes prirent le soleil.  
Gérôme Jean Léon (1824-1904), originaire de Vesoul, bachelier à 16 ans, devint l’élève de Paul Delaroche (« Le supplice de Jane Grey ») à Paris. Devenu académicien, chef de file du courant orientaliste, il s’opposa aux impressionnistes bien qu’il fût le condisciple de Renoir à l’époque de ses apprentissages. Ses casques de gladiateurs brillants lui valurent de figurer comme membre éminent parmi les peintres « pompiers », après avoir été étiqueté comme "pompéiste". A ses débuts à l’école dite des « néo grecs » il fait valoir sa maîtrise de peintre animalier avec sa représentation d’un « Combat de coqs ». Bien que le portrait de « Mademoiselle Durand » qu’il rêvait de tenir dans ses bras lui restât sur les bras, pendant soixante ans ses talents vont être sollicités. La précision de son dessin, ses recherches documentaires scrupuleuses, son mariage avec la fille d’un marchand d’art lui valurent les honneurs de fin de siècle jusqu’au regain d’intérêt en 2010 quand Orsay lui consacra une rétrospective. Dans les vieux dictionnaires il était à l’honneur pour représenter des moments historiques, et de scènes antiques, sans poils sous les bras. Il utilisa la photogravure pour une diffusion large de ses productions.
Le dévoilement de « Phryné devant l’aréopage » dans sa théâtralité annonce dit-on les péplums à venir. Sous le baiser de Pygmalion, Galathée ne reste pas de marbre. Egalement sculpteur méticuleux, il se représenta sur ses toiles où sont rendues avec une précision impressionnante, les nuances des matières, des textures, les harmonies subtiles des couleurs. Nourri par les photographies de Bartholdi avec qui il partit en expédition, ses témoignages sont aimables : celui qui « foule la paille » ou qui achète « une bride », « le marchand de peaux », et ceux qui font commerce de « chevaux », « L’allumeuse de narguilé », et forte « La mort d’un cheval »
Les carreaux brillent dans les bains maures, les moucharabiehs découpent la lumière comme des dentelles et les lumières sommitales inhabituelles des hammams rendent plus évidentes ses réussites quand elles proviennent d’au-delà de la Méditerranée.