mardi 5 octobre 2010

Blast. Larcenet

Le gentil dessinateur de BD à barbiche qui mettait en cases ses premières expériences de papa était craquant. Quand il avait évoqué son père, sa ligne claire s’était assombrie. Avec ce premier volume, « Grasse carcasse » d’une série à venir, il nous trempe dans la noirceur totale.
Un interrogatoire policier fait remonter aux sources de son malheur, un personnage accablé par le poids de son corps, fuyant la société dans une nature sans ruisselets chantants où se réfugient quelques miséreux. La nuit et la boue sont sur le chemin de Polza Mancini qui n’atteindra pas, pour de vrai, les statues de l’île de Pâques qu’il voudrait rencontrer. Les seules couleurs dans cet univers ténébreux sont des crayonnages d’enfants pour traduire un moment exceptionnel de soulagement intense (le blast), délire halluciné, qu’à pu vivre cet écrivain clochard dont on s’en veut de le trouver sympathique alors qu’il a commis quelque chose de grave dont on ne sait rien : troublant.
Beau et fort jusque dans ses silences.

lundi 4 octobre 2010

Benda Bilili. Renaud Barret Florent de La Tullaye

Du fin fond d’une misère noire viennent des étoiles. Sur leurs fauteuils roulants le « staff » des musiciens atteints de la polio, dans les rues de Kinshasa, où vivent 40 000 enfants, nous enchante. Le tempo de leurs chants, de leur musique venue de cordes élémentaires, cet optimisme qui renverse les montagnes nous font partager un conte rude mais vrai. La « cour des miracles » n’a jamais si bien porté son nom avec deux réalisateurs qui concrétisent cet éternel mirage : le cinéma peut servir. Un CD est sorti qui prolonge le plaisir et une tournée européenne a été organisée. Sans déférence, à bénéfice réciproque : de grands bonhommes se révèlent. La fraternité autour de la musique nous fait sortir de la salle avec des larmes d’émotion et un sourire qui a pu naître de situations rigolotes mais aussi d’une foi dans la vie qui économisera bien des cachets. Nous nous levons de nos fauteuils. Même si le mythe de l’Europe comme Eldorado ne risque pas d’être ébranlé. « Très très fort ».

dimanche 3 octobre 2010

Concert à Courchevel avec Lodéon

La FACIM, fondation qui valorise le patrimoine savoyard, conviait gratuitement à un concert présenté par Frédéric Lodéon dans son auditorium haut perché à Courchevel. Le pédagogue bavard nous a fait découvrir Jean Cras et Joseph Suk. Le premier, breton, est resté toute sa vie officier de marine, le second, tchèque, a gagné sa vie comme violoniste. Le programme était de qualité et il n’était nul besoin de titrer « Star académie classique ». Un quintet ouvrait sur des évocations maritimes. Si la harpe souffre à mes oreilles de ses connotations cristallines tellement aquatiques, j’ai apprécié cette fois les cordes. Au dire des mélomanes, que j’accompagnais, Suk avait des airs de Brahms, et là encore le dialogue entre piano et violon plus perceptible en vrai, a soulevé la salle pleine de jeunes et de coréens. L’accessible Lodéon auprès de qui je m’étonnais de cette forte présence asiatique m’a rappelé qu’il y a trois ans, il y avait 50 millions de pianistes chinois, et là bas les choses vont très vite. Deux pianos face à face ont joué West Side story de Bernstein clôturant cette belle soirée après trois romances de Schumann. Nous ne nous souvenions plus du nom du réalisateur de la comédie musicale, mais le compositeur avait marqué les mémoires. Ses harmonies en constante rupture nous ont embarqués avec leurs rythmes énergiques, mais la réconciliation entre les deux bandes rivales, les Jets et les Sharks, est apparue plus que jamais du domaine du rêve.

samedi 2 octobre 2010

Le chemin des âmes. Joseph Boyden

Mon amie Dany a beaucoup aimé ce livre :
« L’horreur de la guerre des tranchées vécue par deux volontaires, indiens canadiens Cree, en parallèle avec les souffrances de la dure vie traditionnelle de leur vieille tante Niska.
Double découverte : une nouvelle approche des conditions de survie des soldats - et Xavier et Elyah ont un rôle particulier de « chasseurs ». Un récit magistral et sombre
d‘une force rare, et l’exotisme des traditions indiennes lorsque Niska a la parole.
Remarquablement agencé, de France en Grand Nord, on est emporté par un souffle irrésistible servi par une écriture nerveuse et précise. »

C’est encore plus fort d’être transporté par ces 470 pages parce qu’elles traitent une nouvelle fois de la guerre de 14/18, sujet rebattu. Deux indiens du Canada dans l’enfer des tranchées. A aucun moment n’apparaît la recherche formelle d’un angle original, une posture vendeuse. Ces deux hommes avec leur formation au plus près de la nature rencontrent l’inhumanité à son sommet. L’alternance des récits en forêt et sur les rivières constituent une respiration-quoique- après les déchaînements furieux sur la ligne de front. La narratrice restée au pays recueille un des rescapés ; son récit alterne avec celui du neveu devenu guetteur et tireur d’élite. Les changements de voix se font subtilement et posent, au cœur du chaos, le problème de l’identité.
Au cours d’un incendie en forêt :
« Les deux jours suivants, rien ne change. C’est à croire que la rivière nous a conduits sous terre. La fumée ne veut pas s’en aller ; pas un souffle de vent ; on se sent suffoquer. Il n’y a plus un oiseau qui chante ; plus un arbre dont le feuillage pourrait bruire… »
Difficile de lâcher ces destins palpitants même si je n’ai pas saisi ce qui amène ces coureurs des bois en mocassin à s’engager dans l’armée. Je ne peux que me joindre au concert de louanges entourant cette œuvre que je vais m’empresser d’offrir à quelques vieux potes qui pourront vérifier que l’excellent titre est à la hauteur de ce qu’il annonce.

vendredi 1 octobre 2010

Retraites à la Woerth.

Ce samedi 2 octobre à 14h 30, nous remettrons nos pas dans nos pas pour la manif.
Mes Jiminy Crickets, bien qu’ils aient pris de l’embonpoint, m’ont tiré par la manche pour que j’aille marcher avec eux en prenant toute la largeur du cours Jean Jaurès.
Certes, il vaut mieux « anticiper en réformant avant d’y être contraint comme en Grèce », pour reprendre les termes de Xavier Bertrand au forum de Libé à Lyon samedi dernier. Il donnait ainsi raison à Bernard Thibault qui insistait sur le poids de la crise dans les mesures avancées.
La citation d’un certain président, qui sait que lorsque « la CGC se retrouve avec la CGT », c’est bien qu’il y a un problème politique, par le secrétaire de la CGT en conclusion d’un débat, a contrarié le modérateur bien partial, Gérard Leclerc qui ne savait même plus le prénom du syndicaliste. Mais débat il y a eu, pourtant quelle pauvreté dévoile notre démocratie en constatant l’originalité d’une telle rencontre !
Dans les assemblées, c’est verrouillé, et la dépréciation des opposants, alors que la manif parisienne n’était même pas partie, relevait une fois encore de la méthode de l’enfumage médiatique, qui vous met les nerfs en vrille.
Parce qu’ils se savent impopulaires ils se disent courageux; le courage serait de mettre à contribution leur électorat : les riches et les vieux riches!
La droite entonne aujourd’hui la main sur le cœur que la réforme est engagée pour maintenir la retraite par répartitions, alors qu’ils rêvaient de capitalisation il y a vraiment peu. Réforme qui n’aurait pas eu à être engagée puisque l’éternel candidat l’a dit lui-même en mai 2008 : il « n'a pas de mandat » pour reporter l'âge de départ en retraite, puisqu'il n'en a «pas parlé» pendant sa campagne. Et à gauche la pusillanimité a été de mise jusqu’à présent !
L’argument de l’égalité de traitement entre public et privé pourrait ne pas paraître comme un dérivatif si cette équité balbutiée était la règle dans tous les actes du gouvernement.
Alors que c’est l’aggravation des écarts entre riches et pauvres qui saute aux yeux.
Quand le chômage des jeunes et celui des séniors sont au plus haut, « passer la main » me semble constituer un acte de solidarité. Une société se tient si sa jeunesse à une place sur le quai de l’avenir. Ce n’est pas l’épaisseur des boucliers sécuritaires en bas des HLM qui fera le ciment. Et les autres boucliers fiscaux destinés aux méritants à la déchéance de la nationalité, qui ne cherchent qu’à gruger la France, se fissurent.
Le vent a tourné : j’ai gardé mes gênes cédétistes et depuis la prudence de 2003, je retrouve avec eux les accents d’une lutte des classes que l’arrogance des ceux qui nous ponctionnent et leurs mensonges, ne font que redonner couleur : rouge.
L’apparition de débats sur la pénibilité qui se réduit à la constatation des handicaps, la double peine aggravée pour les femmes, posent le problème des conditions de travail en amont, en Hamon.
La gauche doit reprendre le travail.
« La retraite, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas »

jeudi 30 septembre 2010

Grandeurs et misères de la peinture de femmes#1

Il faudra bien un cycle de trois conférences pour traiter le sujet devant les amis du musée même si le conférencier Serge Legat n’ira pas jusqu’à Frida Khalo.
Certes très tôt la femme est présente nue sur les toiles sous des prétextes mythologiques et bibliques, jusqu’à « L’origine du monde » dont on ne s’est pas privé récemment, après les croupes des odalisques de Boucher.
Mais du côté du pinceau, ces femmes soumises au regard de l’homme, qui sont elles dans les temps premiers ?
De l’antiquité au monde baroque.
Pline l’ancien raconte que la peinture naquit d’une jeune fille vierge qui traça le contour de l’ombre de son bien aimé. Mais si l’antiquité mentionne quelques femmes peintres du temps où Sapho livrait des poèmes, aucune œuvre n’est restée même si l’on voit sur des vases ou des fresques à Pompéi, des femmes en train de peindre.
A la période médiévale, des enluminures sont aussi réalisées par des religieuses telle Herrade de Landsberg dont les originaux d’un jardin des délices ont disparu dans l’incendie de la bibliothèque de Strasbourg durant la guerre de 1870.
Les frères Van Eck eurent une sœur qui eut sa part dans l’atelier. Les pionnières furent liées aux hommes, femme, fille ou sœur de.
Pendant la renaissance, La Tintoretta, acquit une certaine renommée mais son père ne la laissa point s’éloigner de lui.
Lavinia Fontana, apprendra aussi de son père mais elle gagna son autonomie jusqu’à être reçue à l'Académie romaine, une première dans le seizième des siècles, bien avant Marguerite Yourcenar à l'Académie Française (1980). Femme de peintre, celui ci deviendra son manager.
Sofonisba Anguissola, vécut 96 ans et à la fin de sa vie Van Dyck fit son portrait c’est dire quelle était sa notoriété. Elle a laissé une belle série d’autoportraits
Artemisia Gentileschi violée par un élève de son père peignit des tableaux tellement forts que l’un d’eux fut attribué au Caravage. Alors que la peinture de portraits avait fini à être acceptée de la part du sexe faible, après les natures mortes et les fleufleurs, elle est la première à peindre des scènes d’histoire et de religion. Sa série sur la décapitation d’Holopherne par Judith traduit une belle énergie ainsi qu’une Suzanne au bain convaincante.

mercredi 29 septembre 2010

J4 à New York. Le Moma

L'éruption du volcan en Islande empire.
Nous déjeunons copieusement, puis nous nous élançons pour une nouvelle journée newyorkaise, sans se presser car le Moma n’ouvre pas ses portes avant 10h30. Nous allons vers Grand central et le Chrysler building, en interrogeant chemin faisant les gens que nous croisons. Il ne fait pas chaud, mais les filles mettent leurs avantages en valeur sous des robes d’été, et les tongs voisinent avec les bottes de neige.
Nous débarquons dans la gare de Grand central, impressionnante par sa taille, ses niveaux différents et son luxe d’une autre époque, ses lustres, sa grande horloge du film « La Mort aux trousses ». Le niveau inférieur propose des restaurants, des fauteuils profonds pour patienter, des échoppes. L’accès aux quais (il y en a 44) nous intrigue car on ne débouche le plus souvent que sur un seul quai sans vue sur les autres.
Nous atteignons le Chrysler Building si caractéristique de loin à cause de sa pointe ouvragée en forme de feuilles palmées. Nous sommes en weekend et nous ne pouvons le visiter comme nos amis l’avaient fait auparavant, affirmant que c’était le plus beau. Nous ne pouvons que jeter un coup d’œil dans le hall où le luxe se devine rien qu’en regardant le sol et les murs en marbre rouge moucheté.
En peu de temps nous gagnons le Moma, le muséum of modern art. Nous l’avions aperçu déjà ce matin et la queue des visiteurs remontait déjà le long de plusieurs blocks. C’est toujours le cas, mais nous pouvons rentrer directement grâce au City Pass.L’intérieur grouille de monde. Nous commençons la visite au 5° étage avec des Seurat, la nuit étoilée de Van Gogh, des Cézanne… tant de choses à voir… et la possibilité de photographier librement, sans restriction. Impossible d’énumérer toutes les toiles et leurs illustres créateurs. Fabuleux. La collection permanente abrite 100 000 œuvres. Au bout de deux heures nous ne sommes pas venus à bout du 5° étage. Alors que deux d’entre nous vont à la cafète, nous bénéficions d’une expo Tim Burton à entrée limitée. Partout dans le musée nous croisons des touristes français, et des gens charmants et prévenants, respectueux des queues, comme nous l’avons déjà observé dans le métro, et malgré ce monde nous ne sentons jamais d’exaspération ni de nervosité.
Nous reprenons nos visites jusqu’à 17h 15, presque l’heure de la fermeture. Aux autres étages nous découvrons d’autres peintures Picasso, Warhol, entre autres innombrables, au 4° les contemporains avec Pollock, Rothko, une galerie de photographies au 3°, du design.
Les jambes se font lourdes, nous trouvons la ligne F à quelques blocks de là et le métro nous ramène jusqu’à la maison malgré les travaux sur la ligne.