lundi 7 juin 2010

Les secrets. Raja Amiri

Trois femmes squattent une maison abandonnée quoique belle où le fils de l’ancienne propriétaire revenu dans ses murs avec une jeune fille moderne ne s’aperçoit pas de l’existence de ces oubliées. Indifférence et différences de classe, avec par-dessus le marché, un secret de famille bien lourd dont la révélation va tourner au massacre. La problématique de la recherche de la féminité est marquée par des chaussures à talons, du rouge à lèvres : schématique. La folie est la seule issue au bout d’une succession d’invraisemblances qui rend ce film pesant. L’affiche était bien jolie avec des airs de laitière de Vermeer en pays méditerranéen et le sujet des femmes au Maghreb est certes crucial, mais ce traitement sous forme de fable ne me semble pas faire avancer la cause des opprimées.

dimanche 6 juin 2010

Clarika

Je viens de découvrir grâce à la chanson épatante « Les garçons dans les vestiaires » une chanteuse que je croyais toute jeunette, avec sa voix de chippie, mais elle en est à son quatrième album et c’est un régal, tout en regrettant que sa notoriété ne soit pas à la hauteur de son originalité et de sa verve.
Ainsi ces paroles de « bien mérité » qui renouvelle le thème de
« né quelque part » :
« Et tant pis pour ta gueule si t'es né sous les bombes,
bah ouais, tu l'as bien mérité.
T'avais qu'à tomber du bon côté de la mappemonde,
bah ouais, tu l'as bien mérité.
Si la terre est aride y'a qu'à trouver d'la flotte,
bah ouais.
Un peu de nerf mon gars pour la remplir ta hotte,
bah ouais.
On prend pas un bateau si on sait pas nager,
bah non »

Elle chante en duo avec Lavilliers et ça lui donne un bon coup de jeune au Nanar:
« On se dévore des yeux
Sous la lune sanguine
Et on s'croit plus malin
Et on n'a peur de rien »

C’est vraiment bien, drôle, enlevé, sans concession. Léger et attachant.
La poésie du quotidien, mais c’est pas le tout, « il faut qu’on se quitte », la mère et l’enfant.
« Allez va, allez dégage, allez tire-toi, tire-toi et cours
Plus tu grandiras, plus tu prieras pour qu'à mon tour
Je te lâche enfin la main et tout le reste pour qu'un beau jour
C'est ta vie, va
Aller viens-là que je t'enlève ton blouson
C'était comment aujourd'hui et ta leçon?
La maîtresse m'a dit qu'elle t'a mis un A
Pour la peine ce soir open bar Nutella »

« Et rien de tel qu’une petite chanson » pour dire l’absurde sur une musique qui assure.
Elle voudrait « danser comme Shakira sur des textes de Barbara » et elle a des petites pas mal qui prennent la suite : Olivia Ruiz, Anaïs, Jeanne Cherhal…

samedi 5 juin 2010

Caméras ou vigiles ?

De réunions en réunions, quand nous avons fini de discuter sur l’engagement citoyen ou les difficultés des MJC, nous nous donnons des nouvelles. Et le décompte des voitures brulées a tendance à revenir régulièrement dans ces conversations, mais nous nous gardons de tenir des réunions sur la question.
Nous serions contraints à choisir entre caméras et vigiles et n’entendons plus ceux qui replacent ces problèmes de violence quand « la haine de soi se décharge sur les autres » dans une évolution néfaste de la société.
Jean Pierre Le Goff dans Marianne : « La précarité socio économique et l’effondrement de la cellule familiale produisent des effets puissants de destruction anthropologique qui rendent possibles ces actes de violence non maîtrisés. »
« Le travail… permet la confrontation avec les limites du possible et il est une condition essentielle de l’estime de soi par le fait de se sentir utile à la collectivité et de pouvoir être autonome en gagnant sa vie ». Famille et travail.
Cette approche qui désigne l’opposition entre répression et prévention comme un faux débat, souhaiterait la reconstruction problématique d’un éthos commun même si cela ne se décrète pas et en appelle à une réflexion de fond sur les causes de ces phénomènes de violence loin des excuses angélistes où tout était affaire de conditions économiques et sociales.
A regarder les évolutions de la MJC, nous ne sommes pas loin du sujet quand nous regrettons la séparation de l’animation enfance, de celle des jeunes, « les débordements de violence étaient maintes fois jugulés par la collectivité imprégnée d’une morale commune». On pourrait penser que lorsque tu as connu le « rouilleur » quand il venait à la poterie, il y aurait des chances qu’il ne manque pas du RESPECT à celui qui s’occupe aujourd’hui de son petit frère. Ce n’est pas gagné : des petits garçons élevés au Maurice Carème roulent aujourd’hui des pelles à des pitbulls.
« On a dressé la table ronde
Sous la fraicheur du cerisier
Le miel fait des tartines blondes
Un peu de ciel pleut dans le thé.
On oublie de chasser les guêpes
Tant on a le cœur généreux… »

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"Quand Nicolas Sarkozy nous donne des leçons de maîtrise budgétaire, c'est un peu M. Madoff qui administre quelques cours de comptabilité" Martine Aubry.
Le dessin est du canard Enchaîné:

vendredi 4 juin 2010

Destins ordinaires

Sous titré : « identité singulière et mémoire partagée », je pensais voir s’articuler en ces quelques pages l’individuel et le collectif. Interrogation centrale pour mieux comprendre ce qui entrainerait vers mieux de « vivre ensemble » au pays où la compétition individuelle gagne les parts de marché. Jouer, un bref moment, à l’étudiant qui feuillette une publication des presses de Sciences Po. Mais le sabir de la sociologie qui court toujours après la reconnaissance comme science, m’a fait m’attacher aux récits plutôt qu’aux réflexions méthodologiques: « l’injonction de réalisation de soi et de l’impératif de réflexivité qui caractérisent les sociétés contemporaines - n’ont qu’une faible « conscience discursive » … »
Les photos de couverture d’un village et celle d’une barre d’immeuble me parlent de cette autoroute qui nous emmena de l’enfance aux odeurs de forge à la ville et son ciné.
Les deux témoignages d’une femme vivant à la cité des 4000 depuis 30 ans et celle d’une famille aux ancêtres forgerons dans la campagne picarde me concernent jusque dans leur appartenance à une tradition de gauche fière d’elle-même. Les uns aux parcours différenciés vont entretenir avec la mémoire familiale des rapports tout aussi divers. Et l’autre qui regrette la perte des valeurs éducatives voit l’un de ses fils vendeur dans un sex shop et l’autre militaire homosexuel habitant Berlin; de quoi éviter les schémas courus d'avance.

jeudi 3 juin 2010

Lorsque l’art fait scandale avec des images religieuses.

Eliane Burnet conférencière familière des amis du musée commençait sur du velours avec un graffiti romain représentant un âne en croix, jusqu’à une femme bien en chair placée sur la croix de Félicien Rops qui tente Saint Antoine, ou le christ avec un masque à gaz de Görtz. Le Caravage et sa vierge Marie aux pieds sales ou « la sortie de bains » de Michel Ange au plafond de la Sixtine ne choquent plus grand monde, pas plus que Masaccio avec ses chassés du Paradis parce qu’ils montraient leur douleur trop humaine et pas seulement le sexe d’Adam qui disparut sous les feuillages, un temps.
L’art contemporain secoue plus, en principe, mais il a fallu que la sculpture du pape bousculé par un météorite de Maurizio Cattelan arrive en Pologne pour susciter quelque émoi, et le christ - encore lui - crucifié sur un Bombardier de l’Argentin Ferrari, aurait pu être lu comme la souffrance renouvelée du seigneur qui saigne à chaque malheur du monde et pas forcément comme la dénonciation de la collusion de l’église avec les maîtres des orages U.S. Et aujourd’hui quand monseigneur Di Falco fait entrer un christ sur une chaise électrique, il électrise peut être quelques bigotes, mais il ne fait qu’entériner le glissement des églises vers une fonction patrimoniale, muséale.
Si les cochons tatoués de Wim Delvoye ont fait parler d’eux grâce aux défenseurs des animaux et aussi avec quelques intégristes à cause d’images religieuses sur couenne, il y a eu moins de battage quand un homme Tim Steiner a été tatoué par le même artiste. Il devra être présenté trois fois par an afin de permettre à l’acquéreur de l’exposer. Après sa mort, le tatouage sera détaché de son corps. Sur Internet il paraît qu’on peut acquérir un rein par exemple, un ventre à louer… Ce n’est plus du velours, c’est du lourd. L’esclavage a été aboli dans les textes, pas la misère absolue.

mercredi 2 juin 2010

Indochine

En 1992, au moment de sa sortie, ce film de Régis Wargnier ne m’avait pas semblé majeur ; en le revoyant après notre voyage au Viet Nam, je me suis aperçu qu’il avait accroché à notre mémoire quelques images : la baie d’Along terrestre et maritime, le palais impérial de Hué, les hévéas au « sang blanc », plus quelques archétypes qui participent au charme des voyages jusque dans leurs ambigüités. Confort de la colonisation auquel sied bien une lucidité désabusée lors des bals à l’ambassade, dans les fumeries d’opium, à la terrasse du café de Paris, sous les paumes des masseurs, chaleur et lents ventilateurs. Catherine Deneuve est au sommet de son art avec ce qu’il faut de ride naissante sous les yeux pour nous émouvoir et Jean Yanne est vraiment taillé pour la coloniale, Dominique Blanc en « môme caoutchouc », inattendue. Ce genre de film avec destins individuels sur fond de fresque politique, est finalement assez rare en France. En allant revoir sur Internet ce que fut le bagne de Paulo Condor évoqué dans ce film, on révise aussi les horreurs de ces années et la formidable énergie qu’il fallut à ce pays pour se libérer

mardi 1 juin 2010

La théorie des gens seuls Dupuis&Berberian

BD parfaite. Décrit l’époque avec ce qu’il faut de légèreté et d’humour pour faire passer la mélancolie, l’ennui, les difficultés à sortir de la solitude. Les quiproquos, les décalages naissent bien de ces incompréhensions. Monsieur Jean, un doux rêveur, ne se laisse pas importuner tant que ça par des tueurs qui lui apparaissent dans ses cauchemars. Félix son copain qui squatte son appartement, redoutable avec ses leçons définitives, nous conduit à nous situer du côté de ce gentil Jean. Dans ces comédies urbaines où flotte un air de film de Truffaut, les incursions à la campagne prennent des allures de chanson de Bénabar, et là les malentendus deviennent grinçants. Le trait noir élégant convient parfaitement à ces courts récits toujours justes qui disent avec finesse les malentendus avec des parents envahissants, les maladresses les mieux intentionnées, les vérités blessantes qui se voulaient tellement exactes…