« Coopérative » : revenu du fond des âges politique et pédagogique, le mot redevient tendance :
version ordinateurs au PS (la « coopol » réseau social)
et avec Cohn Bendit dans son appel du 22 mars 2010 qui n’a pas suscité beaucoup d’échos.
Dans notre commune où la gauche rassemble 64 % de suffrages aux régionales, nous sommes minoritaires au niveau municipal depuis belle lurette. Nous essayons, à plusieurs, de résoudre cette énigme.
Nous avons cherché sur le plan associatif à fédérer localement les énergies
mais « Réussir Ensemble » n’a pas réussi.
Nous cherchons de nouveaux dispositifs car « la politique ne prend sens que depuis une certaine configuration de la vie sociale » ( Bruno Karsenti),
Un travail a été possible "tous ensemble" à la région.
Que ferons-nous ?
Une plate-forme pour confronter des projets ?
Une estrade pour faire entendre nos voix ?
Une scène où Cassandre donnerait la réplique à Narcisse ?
Un lieu commun pour les perroquets d’espèce papamadi ?
Un cercle pour tous ceux qui ont perdu leurs cartes ?
Un terrain d’entraînement à la démocratie ?
Un club de réflexion ?
Un pont entre associations ?
Un jardin, pour le temps nécessaire aux éclosions, et les forêts de métaphores, même si « l’heure de la fermeture a sonné dans les jardins de l’occident » Cyrill Connolly ?
Un forum pour se donner de l’aire ?
Une allée vers la Métro ?
Une île en Utopie?
Un « machin » en trop ?
Une rocade qui contourne les conformismes ?
Un bûcher des vanités où d’impénitents grognons grognent ?
Un sas de décontamination pour des personnalités partantes pour de nouvelles aventures, un trampoline ?
Un champ d’échange, d’expériences, d’idées ?
Un mouvement modeste ?
Une association ?
Des citoyens ?
Un interface que les partis chercheraient à débrancher car ils seraient, eux, les seuls lieux légitimes de négociation et de validation pour une lutte des places ?
Un espace d’expression, de propositions, où la politique reviendrait à sa définition originelle quand il est question des affaires de la cité ?
J’ai mêlé des intentions nobles et des risques déjà éprouvés. J’aurai aimé encore livrer quelques belles citations mais je reviens abasourdi de ma rencontre avec un converti de fraîche date aux plaisirs du cumul des mandats qui me reproche de trop prendre les mots au pied de la lettre ; alors j’éviterai de me draper dans des phrases trop jolies. Mais je continue à croire aux mots et à la noblesse de l’action politique qui est de faire - d’essayer- de faire coller les actes aux mots.
Dans cette énumération pourtant contrastée qui se hasarde à échapper à la naïveté, je n’ai à aucun moment mentionné lieu de conformisme, d’obéissance, de flagornerie, de trahison, de manque de respect.
« Coopérative » me semble aller pas mal, qui verrait un rouge trinquer d’un verre de rosé, un lecteur du Monde Diplo causer avec un abonné du Dauphiné Libéré, un de Rochepleine avec une de La Monta.
....................................................................................
Petit supplément made in ATTAC : « On veut persuader l’opinion que le coût du travail est un frein à l’emploi, alors que le principal obstacle est le coût du capital, c'est-à-dire le coût que le capital impose à la société en terme de rémunération des actionnaires et l’accroissement des inégalités. »J.M. Arribey.
samedi 27 mars 2010
vendredi 26 mars 2010
Reportages
A la librairie du square, j’ai ramassé machinalement sur le comptoir une brochure éditée par leur soin. Malheur à moi ! Ce recueil d’une centaine de pages distribué gratuitement va élever gravement la montagne des livres que je souhaiterais lire. En effet c’est une cohorte d’écrivains qui parlent d’autres écrivains et donnent souvent envie de lire leurs productions conjointes. Ce panorama de la littérature de reportage convie bien sûr des noms tellement connus que leur notoriété m’avait masqué leurs livres : Londres, Mac Orlan ; d’autres que j’ai tant aimé dont il me reste à découvrir tant de pages évoquées avec talent par Tangui Viel pour Jean Rollin ou Briatte avec Bowles. Saviano l’auteur solitaire de Gomorra ou Anna Politkovskaia assassinée le jour de l’anniversaire de Poutine, ont payé de leur liberté et de leur vie pour illustrer cette phrase d’Orwell : « c’est toujours là où je n’avais pas de visée politique que j’ai écrit des livres sans vie ». Et pourtant brûle toujours l’espoir que les mots écrits rendront ce monde moins brutal. Même si comme l’écrit Jean Paul Mari à propos de Bao Ninh : « Un gamin est parti se battre autrefois, le but semblait clair, la mort héroïque et bienvenue. Il est revenu et la paix ne ressemble à rien. Ceux à qui il a offert un futur le regardent comme un objet inutile, désuet, un jouet cassé. » Ou cette citation de Sainte Thérèse D’Avila au détour de l’article consacré à Truman Capote « il y a plus de larmes versées sur les prières exaucées que sur celles qui ne le sont pas ». London Jack, Kessel, Leroux Gaston, Simenon, Cendrars et ce Werth à qui fut dédié « Le petit prince » et Colette et John Berger si vigoureux, à revoir, et Anne Marie Schwazenbach si mystérieuse et Kapuscinski qui « s’attache à des destinées singulières pour dire l’universel »… Et une interview évidemment des fondateurs de « XXI » le livre des beaux reportages, que j’attends impatiemment à chaque saison.
jeudi 25 mars 2010
Le Caravage
Le conférencier des amis du musée n’a pas insisté sur les anecdotes les plus spectaculaires de la biographie de Michelangelo Merisi qui vécut à Caravaggio où sa famille n’était pas si pauvre ; il entretint aussi toute sa vie une culture religieuse certaine. Il eut à subir l’acharnement du clan favorable aux espagnols après avoir tué l’un deux au cours d’un duel. Tout de même plus qu’un coquin ! Mais l’historien d’art a emballé son public par sa passion pour celui qui tient une place centrale dans l’histoire de la peinture. Héritier des sculpteurs antiques avec ses corps magnifiques, des flamands aux fortes natures mortes, il annonce le baroque. Faisant honneur sur ses toiles aux peaux exposées au soleil des gens les plus humbles pour figurer la spiritualité la plus élevée. Le sacré et le profane, la terre et le ciel, l’ombre et la lumière. Les corps magnifiques aux pieds poussiéreux, tellement humains, à l’heure de la contre réforme et de la peste. Cette mort qui rend si précieuse la vie et ses ivresses. A tomber par terre comme Saint Paul saisi par la révélation divine, ou bénéficier comme Matthieu de la présence chaleureuse d’un ange pour guider ses écritures, mettre le doigt dans la plaie comme Thomas. Il peignit la mort de la vierge et non sa dormition, tragique dans sa robe rouge la main sur le ventre des commencements. Ce fut un scandale, magnifique !
mercredi 24 mars 2010
J 27. Phnom Penh
Dany se lève assez tôt, va faire un tour, elle revient ébranlée par la misère entrevue des enfants abandonnés.
Nous allons au « marché russe » en tuk-tuk pour 2$(8000Riels). Nous ne tournons pas longtemps autour du bâtiment et passé un magasin extérieur d’antiquités intéressantes nous pénétrons dans le marché couvert, en cambodgien Psaar Tuol Tom Pong. Nous sommes loin de l’activité des marchés vietnamiens. Les marchands attendent sans nous haranguer, certains ont même carrément abandonné leur échoppe. Nous ne tardons pas à nous lancer dans des négociations pour des éléphants et oiseaux sous forme de boîtes en cuivre, une serpe pour couper le riz utilisant de la corne animale, boites à bétel et écharpes multicolores pour ramener des souvenirs aux familles. Nous reprenons le tuk-tuk pour l’hôtel assez tôt pour ne pas manquer notre rendez-vous.
Amreth nous attend, en jean, tongs et polo qui ont remplacé la chemise blanche du service. Pour 15$ le tuk tuk à 4 places s’ébranle et attaque ses quinze kilomètres sous une pluie timide. Il se passe un certain temps avant que nous entrevoyions des champs et la campagne. Tout à coup un bruit inquiétant suivi d’un cahotement anormal : crevaison. Nous sommes à l’embranchement qui conduit à Choeung Ek, le mémorial du génocide que nous gagnons à pied. Un immense stupa khmer contient une vitrine comprenant de nombreuses étagères où sont déposés 8000 crânes. Le bas est réservé aux misérables habits retrouvés sur les corps. Autour quelques stèles émergent encore de cet ancien cimetière chinois où ont été creusés des charniers découverts en 1980. Il y a le charnier des hommes frappés à la tête par un bâton ou un fléau qu’on laissait agoniser et souffrir jusqu’à la mort, le charnier réservé aux femmes et aux enfants découverts entièrement nus, le charnier des corps sans tête, l’arbre où l’on frappait les bébés quand ils n’étaient pas jetés en l’air puis mitraillés comme au tir aux pigeons et qui chutaient sur des haches et des lames. Choeung Ek ne servait pas de prison, mais de lieu d’exécution, l’espérance de vie n’excédait pas 24h. Dans un petit musée nous pouvons voir des informations sur « la clique » à Pol Pot, quelques photos et crânes et les vêtements noirs d’un couple de khmers rouges avec leur écharpe à carreaux rouges. Sous ce régime les enfants de quinze ans étaient éduqués pour tuer : « un enfant, c’est une feuille blanche ».
Amreth s’applique, avec tact et justesse, à nous raconter cet épisode douloureux de son pays « mon grand papa est là, il était policier ». Nous retrouvons notre tuk tuk pour aller jusqu’à la prison S 21.
Dans un ancien lycée, les khmers rouges ont transformé les salles de classe en salles de torture. Des photos individuelles des nombreux prisonniers provenant des dossiers des bourreaux sont exposées, restent aussi des fers collectifs pour immobiliser les jambes avec des anneaux fixés au sol, quelques lits métalliques. Dans un bâtiment enveloppé de barbelés pour empêcher les suicides, l’intérieur a été cloisonné en de nombreuses et minuscules cellules aux cloisons de briques. On peut voir aussi des instruments pour faire souffrir, des photos de morts après leur calvaire et des témoignages d’anciens khmers rouges. A l’extérieur les installations sportives de l’ancien lycée ont été recyclées en instrument de torture, notamment le portique destiné au grimper de corde : les mains attachées dans le dos, le prisonnier était hissé et quand il s’évanouissait, on lui plongeait la tête dans un jarre nauséabonde. Dans la cour les 14 tombes des dernières victimes de Pol Pot. Sur les 20 000 prisonniers, sept personnes ont échappé à la mort. A l’entrée de chaque bâtiment un panneau demande au public de ne pas rire à gorge déployée. Nous sommes dans l’hébétude devant tant de sadisme systématique qui s’est déchaîné pendant trois années entre 1975 et 1978.
Nous discutons encore un peu avec notre gentil étudiant. Nous le quittons à 17h pour assister à la projection du film « histoire d’un génocide » en français, monté et commenté par le patron d’un bar qui recadre les évènements, leurs causes et leurs conséquences, très utile. Ces années noires cambodgiennes ne sont pas si lointaines, nous les avons vécues en paix, social traitre pour les derniers marxistes léninistes les plus acharnés, alors que nous savions. La nuit tombe sur la ville annonçant l’heure du repas vers 18h30. Nous dinons à l’Edelweiss restaurant qui affiche des influences bavaroises. Je teste l’Amok (poisson au curry légumes riz) spécialité cambodgienne.
Nous allons au « marché russe » en tuk-tuk pour 2$(8000Riels). Nous ne tournons pas longtemps autour du bâtiment et passé un magasin extérieur d’antiquités intéressantes nous pénétrons dans le marché couvert, en cambodgien Psaar Tuol Tom Pong. Nous sommes loin de l’activité des marchés vietnamiens. Les marchands attendent sans nous haranguer, certains ont même carrément abandonné leur échoppe. Nous ne tardons pas à nous lancer dans des négociations pour des éléphants et oiseaux sous forme de boîtes en cuivre, une serpe pour couper le riz utilisant de la corne animale, boites à bétel et écharpes multicolores pour ramener des souvenirs aux familles. Nous reprenons le tuk-tuk pour l’hôtel assez tôt pour ne pas manquer notre rendez-vous.
Amreth nous attend, en jean, tongs et polo qui ont remplacé la chemise blanche du service. Pour 15$ le tuk tuk à 4 places s’ébranle et attaque ses quinze kilomètres sous une pluie timide. Il se passe un certain temps avant que nous entrevoyions des champs et la campagne. Tout à coup un bruit inquiétant suivi d’un cahotement anormal : crevaison. Nous sommes à l’embranchement qui conduit à Choeung Ek, le mémorial du génocide que nous gagnons à pied. Un immense stupa khmer contient une vitrine comprenant de nombreuses étagères où sont déposés 8000 crânes. Le bas est réservé aux misérables habits retrouvés sur les corps. Autour quelques stèles émergent encore de cet ancien cimetière chinois où ont été creusés des charniers découverts en 1980. Il y a le charnier des hommes frappés à la tête par un bâton ou un fléau qu’on laissait agoniser et souffrir jusqu’à la mort, le charnier réservé aux femmes et aux enfants découverts entièrement nus, le charnier des corps sans tête, l’arbre où l’on frappait les bébés quand ils n’étaient pas jetés en l’air puis mitraillés comme au tir aux pigeons et qui chutaient sur des haches et des lames. Choeung Ek ne servait pas de prison, mais de lieu d’exécution, l’espérance de vie n’excédait pas 24h. Dans un petit musée nous pouvons voir des informations sur « la clique » à Pol Pot, quelques photos et crânes et les vêtements noirs d’un couple de khmers rouges avec leur écharpe à carreaux rouges. Sous ce régime les enfants de quinze ans étaient éduqués pour tuer : « un enfant, c’est une feuille blanche ».
Amreth s’applique, avec tact et justesse, à nous raconter cet épisode douloureux de son pays « mon grand papa est là, il était policier ». Nous retrouvons notre tuk tuk pour aller jusqu’à la prison S 21.
Dans un ancien lycée, les khmers rouges ont transformé les salles de classe en salles de torture. Des photos individuelles des nombreux prisonniers provenant des dossiers des bourreaux sont exposées, restent aussi des fers collectifs pour immobiliser les jambes avec des anneaux fixés au sol, quelques lits métalliques. Dans un bâtiment enveloppé de barbelés pour empêcher les suicides, l’intérieur a été cloisonné en de nombreuses et minuscules cellules aux cloisons de briques. On peut voir aussi des instruments pour faire souffrir, des photos de morts après leur calvaire et des témoignages d’anciens khmers rouges. A l’extérieur les installations sportives de l’ancien lycée ont été recyclées en instrument de torture, notamment le portique destiné au grimper de corde : les mains attachées dans le dos, le prisonnier était hissé et quand il s’évanouissait, on lui plongeait la tête dans un jarre nauséabonde. Dans la cour les 14 tombes des dernières victimes de Pol Pot. Sur les 20 000 prisonniers, sept personnes ont échappé à la mort. A l’entrée de chaque bâtiment un panneau demande au public de ne pas rire à gorge déployée. Nous sommes dans l’hébétude devant tant de sadisme systématique qui s’est déchaîné pendant trois années entre 1975 et 1978.
Nous discutons encore un peu avec notre gentil étudiant. Nous le quittons à 17h pour assister à la projection du film « histoire d’un génocide » en français, monté et commenté par le patron d’un bar qui recadre les évènements, leurs causes et leurs conséquences, très utile. Ces années noires cambodgiennes ne sont pas si lointaines, nous les avons vécues en paix, social traitre pour les derniers marxistes léninistes les plus acharnés, alors que nous savions. La nuit tombe sur la ville annonçant l’heure du repas vers 18h30. Nous dinons à l’Edelweiss restaurant qui affiche des influences bavaroises. Je teste l’Amok (poisson au curry légumes riz) spécialité cambodgienne.
mardi 23 mars 2010
« Le pays d’où je viens… »
Au pays d’où je viens, le Plat Pays, ses maigres chevaux, les rivières ne coulent pas : elles sont canaux paisibles, porteurs de péniches ou se baladent sous terre, se font marécages et les égouts puent.
Au pays d’où je viens les murs sont de briques usées, rouges et noires parfois blanchies de peinture grasse vite ternie.
Ce pays d’où je viens dressait autrefois de hautes cheminées dominant les crassiers. Aujourd’hui les terrils ont verdi, devenus collines en hiver, modestes pentes pour timides skieurs.
Au pays de mes grands parents, dans les cités processionnaires, au pays de mes grands parents, Pas-de-Calais, il y a encore des corons. Leur maison toujours debout, deux pièces en bas, deux pièces en haut, si exiguës. Les temps nouveaux ont ajouté des vérandas. L’aluminium tient les fenêtres.
Ma mère y a grandi, si vite passant de l’enfance à l’âge adulte. Ma mère, ses onze frères et sœurs. Les filles promises aux « wassingues », les garçons « au fond », aux lampes à éthylène, aux boyaux, à une mort pas facile.
Au pays de mes ancêtres les hommes mouraient jeunes. Les veuves se mettaient en ménage avec un mineur moribond. On ne se mariait pas : ça faisait deux pensions.
Il y a une vingtaine d’années je suis retournée à Auchel (Pas de Calais) dans une de ces petites maisons de briques restaurées. Il y avait sur une couche mauve à volants l’avant-dernier de mes oncles, à son côté des bouteilles d’oxygène, sa future veuve aussi. Le mineur en tenue de momie, visage d’Indien.
Au pays d’où je viens les survivants ont le souffle court. Ils jouent aux boules et à la belote en toussant. Le foot c’était il y a si longtemps.Ils jouent dans les vestiaires de la vie en buvant leur bistouille (du Genièvre dans un fond de café).
Au pays d’où je viens, la pluie est mère fidèle, lavant et délavant, jamais découragée, son enfant meurtri.
En Novembre, il y a la Grande Braderie ; on y mange des tonnes de moules et de frites. La bière autrefois, en un temps moins écologique, coulait des braguettes aux caniveaux. Les femmes se retenaient.
Le soir on brûle toujours des géants de tissu, de papier et de bois sur la grande place de la Bourse, autrefois celle du Général de Gaulle.
Les Lillois font la ronde en chantant sous un ciel blanc et gris.
Misérabilisme ? Passéisme ? Nostalgie ? Que dalle !
Ecoutez ma mère :
« On a eu une enfance si joyeuse, on se faisait des farces, je lavais les longs cheveux de ma mère. Mes parents s’adoraient. On craignait la ceinture du père mais on courait plus vite qu’un mineur essoufflé.
On voisinait, on s’entraidait, on se mettait des branlées ; on était communistes et on baptisait les nouveaux-nés. »
Marie Treize
Au pays d’où je viens les murs sont de briques usées, rouges et noires parfois blanchies de peinture grasse vite ternie.
Ce pays d’où je viens dressait autrefois de hautes cheminées dominant les crassiers. Aujourd’hui les terrils ont verdi, devenus collines en hiver, modestes pentes pour timides skieurs.
Au pays de mes grands parents, dans les cités processionnaires, au pays de mes grands parents, Pas-de-Calais, il y a encore des corons. Leur maison toujours debout, deux pièces en bas, deux pièces en haut, si exiguës. Les temps nouveaux ont ajouté des vérandas. L’aluminium tient les fenêtres.
Ma mère y a grandi, si vite passant de l’enfance à l’âge adulte. Ma mère, ses onze frères et sœurs. Les filles promises aux « wassingues », les garçons « au fond », aux lampes à éthylène, aux boyaux, à une mort pas facile.
Au pays de mes ancêtres les hommes mouraient jeunes. Les veuves se mettaient en ménage avec un mineur moribond. On ne se mariait pas : ça faisait deux pensions.
Il y a une vingtaine d’années je suis retournée à Auchel (Pas de Calais) dans une de ces petites maisons de briques restaurées. Il y avait sur une couche mauve à volants l’avant-dernier de mes oncles, à son côté des bouteilles d’oxygène, sa future veuve aussi. Le mineur en tenue de momie, visage d’Indien.
Au pays d’où je viens les survivants ont le souffle court. Ils jouent aux boules et à la belote en toussant. Le foot c’était il y a si longtemps.Ils jouent dans les vestiaires de la vie en buvant leur bistouille (du Genièvre dans un fond de café).
Au pays d’où je viens, la pluie est mère fidèle, lavant et délavant, jamais découragée, son enfant meurtri.
En Novembre, il y a la Grande Braderie ; on y mange des tonnes de moules et de frites. La bière autrefois, en un temps moins écologique, coulait des braguettes aux caniveaux. Les femmes se retenaient.
Le soir on brûle toujours des géants de tissu, de papier et de bois sur la grande place de la Bourse, autrefois celle du Général de Gaulle.
Les Lillois font la ronde en chantant sous un ciel blanc et gris.
Misérabilisme ? Passéisme ? Nostalgie ? Que dalle !
Ecoutez ma mère :
« On a eu une enfance si joyeuse, on se faisait des farces, je lavais les longs cheveux de ma mère. Mes parents s’adoraient. On craignait la ceinture du père mais on courait plus vite qu’un mineur essoufflé.
On voisinait, on s’entraidait, on se mettait des branlées ; on était communistes et on baptisait les nouveaux-nés. »
Marie Treize
lundi 22 mars 2010
Ghost writer
Décidément, après le « nègre » de Dumas, voilà l’histoire d’un autre écrivain qui va être un révélateur de vérité très efficace dans un milieu des plus inhumains. Le dernier film de Polanski baigné de couleurs océanes, décrit avec de brillants dialogues, et des acteurs excellents, une mécanique du pouvoir terrible. Le marchand de livres, commanditaire de la biographie demande une écriture « qui parle au cœur » mais uniquement pour des raisons marketing, il est un maillon de cet univers impitoyable comme le métal et les vitres teintées. Le film est élégant et bien ficelé.
dimanche 21 mars 2010
Cannibales
J’ai apprécié les derniers spectacles de la MC2 qui réveillent notre regard sur l’époque. Cette pièce de théâtre de David Bobée sur un texte de Ronan Chéneau est attrayant avec une esthétique art contemporain, mêlant le cirque, à la vidéo, avec des déclamations en slam brillantes, de la musique, de la danse, des chants. Mais les interventions d’une comédienne surlignant les intentions de l’auteur semblent faire croire que celui-ci ne croit pas à son dispositif. Pourtant les acteurs sont convaincants, le décor clean, en accord avec le propos.
Le lit est un élément central où les convictions s’exercent à sauter sur le matelas, et la tendresse à se cacher sous la couette. Ces trentenaires cherchent une vie qui ait un sens, échappant à l’ensevelissement sous le confort.
Ils se mettent le feu au moment où ils sont heureux.
Le bidon d’essence restera sur la scène tout au long de la pièce.
Ma part adolescente se retrouve dans cette complaisance dans la noirceur, le bi trentenaire à bouffées moralisantes ne peut accepter que la jeunesse s’immole ainsi paresseusement. L’abus d’un jeu mortel avec le mot « flamboyant » n’est qu’une défaite face au monde des faux semblants, le résultat d’un avachissement de gavés, de revenus de tout sans être allés nulle part.
Le lit est un élément central où les convictions s’exercent à sauter sur le matelas, et la tendresse à se cacher sous la couette. Ces trentenaires cherchent une vie qui ait un sens, échappant à l’ensevelissement sous le confort.
Ils se mettent le feu au moment où ils sont heureux.
Le bidon d’essence restera sur la scène tout au long de la pièce.
Ma part adolescente se retrouve dans cette complaisance dans la noirceur, le bi trentenaire à bouffées moralisantes ne peut accepter que la jeunesse s’immole ainsi paresseusement. L’abus d’un jeu mortel avec le mot « flamboyant » n’est qu’une défaite face au monde des faux semblants, le résultat d’un avachissement de gavés, de revenus de tout sans être allés nulle part.
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