En football, la coupe de France en mettant en compétition toutes les équipes du territoire laisse espérer à chaque joueur de pouvoir fouler un soir la pelouse du stade « deuf » après avoir écarté une série d’adversaires de tous niveaux par élimination directe. Tout le monde de Valencogne à Paris, sur la même ligne de départ.
Il y avait des surprises jadis et mythologie éternelle et mobilisatrice : Goliath pouvait chuter.
Cette année l’équipe de Guingamp (8000 habitants ; stade de 15 000 places) a gagné contre l’équipe de Rennes, la métropole régionale. Et les éditorialistes paresseux de reprendre la même image : « le foot des champs a gagné contre le foot des villes ». Hypocrites ! La multiplication des compétitions, conduit les entraîneurs à faire des impasses. Maintenant la coupe est devenue accessoire. D’ailleurs quelle coupe ? Celle là, l’historique qui convoque les souvenirs, ou les autres, celle de la ligue ou celle à Toto ? Le spectateur se lasse- d’ailleurs dit-on encore spectateur ? On parle de supporters. Allant à Gerland pour un match de rugby, j’avais refusé à la charmante hôtesse, un maquillage aux couleurs de Clermont, je crois.
L’équipe de France, elle, est devenue un produit TF1 et les campagnes publicitaires ne peuvent rien pour convaincre que des individualités surpayées se bougent pour une étoile de plus sur la poitrine. C’est Domenech qui ramasse pour ce qu’est devenu le foot : une arène pour la com’ où les convictions se sont enfuies. On ne joue pas impunément avec l’innocence éternellement.
J’ai applaudi, encouragé, le GF 38 promis à redescendre en ligue 2, nous restons en une : bien fait! Mais pour une fois qu’ils passaient à la télé, en demi-finale de la coupe, les « grenoblois » nous ont gratifié d’une prestation insipide, sans conviction. Derrière la même vitre passent des matchs anglais à 100 à l’heure, sans jérémiades, et là le désinvestissement des deux équipes sautait aux yeux. Difficile de faire plus banal que l’injonction de « mouiller le maillot », mais le pauvre môme qui dort avec l’écharpe de club est bien peu respecté. Grenoble reste en ligue 1, Guingamp vainqueur de la coupe, la ligue des champions au Barça : parfait. L’OM de la ville des passions et des réprouvés, que j’aime aussi parce son destin est capricieux, a finalement réussi sa saison. Si j’aime poser en amoureux des faits, des fois ce sont les fées qui me font môme. De surcroit l’équipe d’Aulas, l’OL, a perdu de sa superbe. Il voulait un championnat genre NBA (basket américain) avec des équipes immuables jouant entre elles au niveau européen : une élite sous cloche à donner en spectacle aux pauvres. Cette mise en retrait laissera un sursis au rêve pour toutes les équipes même celle où votre boulanger garde les buts.
samedi 6 juin 2009
vendredi 5 juin 2009
Celui qui n’est jamais venu
Alain Rémond a quitté Télérama, je me suis détaché de Sa Sainteté bien pensante.
Mais je me suis lassé plus tard de ses chroniques dans Marianne où il a usé beaucoup du cintre et de l’anodin. Dans ce dernier livre lu avec jubilation, je retrouve la veine autobiographique qui m’avait fait acheter de nombreux exemplaires pour offrir de « Chaque jour est un adieu ». Il excelle dans le genre en racontant une fois encore ses vingt ans, sans jamais renier ses exaltations poétiques d’alors. Il ne poursuivra pas sa vocation de prêtre, et évoque sa solitude, ses amitiés, son amour. Il reprend les conseils que lui a adressés Jean Cayrol « L’inspiration lâchée sans bride peut paraître neuve à celui qui écrit soumis à ses pulsions, mais en réalité elle traine tout l’héritage d’une culture et le tout venant des images et des paroles dans lesquelles nous baignons… »
Il est question du destin, de cœurs brulants comme avec les pèlerins d’Emmaüs, dans la simplicité, la limpidité, l’évidence d’une vie honnête. Merci.
Mais je me suis lassé plus tard de ses chroniques dans Marianne où il a usé beaucoup du cintre et de l’anodin. Dans ce dernier livre lu avec jubilation, je retrouve la veine autobiographique qui m’avait fait acheter de nombreux exemplaires pour offrir de « Chaque jour est un adieu ». Il excelle dans le genre en racontant une fois encore ses vingt ans, sans jamais renier ses exaltations poétiques d’alors. Il ne poursuivra pas sa vocation de prêtre, et évoque sa solitude, ses amitiés, son amour. Il reprend les conseils que lui a adressés Jean Cayrol « L’inspiration lâchée sans bride peut paraître neuve à celui qui écrit soumis à ses pulsions, mais en réalité elle traine tout l’héritage d’une culture et le tout venant des images et des paroles dans lesquelles nous baignons… »
Il est question du destin, de cœurs brulants comme avec les pèlerins d’Emmaüs, dans la simplicité, la limpidité, l’évidence d’une vie honnête. Merci.
jeudi 4 juin 2009
Richter Gerhard
Dimanche premier juin, c’était le dernier jour, pour l’exposition au musée de Grenoble du peintre allemand aux productions très variées. Le professeur reconnu est en recherche constante avec des couleurs aux nuanciers semblables à ceux du commerce, jusqu’au gris qui recouvre des séries de toiles.
Des couches recouvrent et se découvrent sous les coups de spatules, elles produisent des repentirs qui n’en finissent pas et entretiennent l’éternelle interrogation du moindre barbouilleur : quand arrêter son geste ?
Il réinvente « les vanités » qui ont jalonné l’histoire de la peinture. Je préfère ses flous, sa marque de fabrique, à ses tableaux abstraits. Ses dialogues avec la photographie contredisent ceux qui annoncent la mort de la peinture.
Des couches recouvrent et se découvrent sous les coups de spatules, elles produisent des repentirs qui n’en finissent pas et entretiennent l’éternelle interrogation du moindre barbouilleur : quand arrêter son geste ?
Il réinvente « les vanités » qui ont jalonné l’histoire de la peinture. Je préfère ses flous, sa marque de fabrique, à ses tableaux abstraits. Ses dialogues avec la photographie contredisent ceux qui annoncent la mort de la peinture.
mercredi 3 juin 2009
Profession des parents et métier de parents . Faire classe # 32
La « transparence » est l’un des maîtres mots de la communication et pourtant des enfants méconnaissent le métier de leurs parents. Cette ignorance me semblait un signe de déficit de maturité.
Il faut constater que les lieux d’activités se sont éloignés des lieux de vie et l’éclatement des statuts participe aux difficultés à se connaître d’une société tout entière. De plus en plus de jobs apparaissent difficilement compréhensibles par les enfants (et par les adultes aussi d'ailleurs). Les salariés soumis aux fonds de pension à l’appétit sans fond, ne connaissent plus leur patron ; les cadres auront besoin de stages pour cultiver le patriotisme d’entreprise, mais où sont les fiertés dans le travail ?
Au moment des choix d’orientation, les représentations des débouchés sont floues et il est de mise désormais de viser un Bac +3 sans préciser la destination. Les filières tournées vers la production sont souvent inadaptées, le temps est à la tertiarisation et là les qualités de réactivité, d’adaptation requises ne sont pas toujours bien cultivées à l’école.
La grande arnaque qui confond démographie scolaire et démocratie scolaire quand les facs ajoutent des zéros à leurs effectifs, va-t-elle se révéler ?
Qui produit en France ? Les métiers aux créations tangibles rejoignent les imagiers obsolètes avec la cocote minute qui sifflait au rebord de la fenêtre. Le chant du coq dérange comme la cloche du village. Cet éloignement de la diversité et des rythmes humains, accompagne le silence des pères - en particulier- à la table familiale. Ceux-ci se sont effacés surtout dans les milieux déjà les plus fragiles : quand on dit famille mono parentale, c’est maman parentale qu’il faut entendre.
« Plus rien ne me semblait dangereux parce que j’étais à vingt pieds du sol, dans les bras de mon père qui, par la seule force de sa volonté, faisait en sorte que rien ne m’arrive ! Rien ne pouvait m’arriver ! » Michel Tremblay.
Gardons nous de généralisations hâtives; en ces années que Ségo traversa, beaucoup d’enfants ont gagné des pères attentifs, présents, ils grandissent du bon côté de la fracture, la sociale facture. Mais souvent la table familiale a disparu, remplacée par un zapping dans le réfrigérateur. Concernant le mobilier, de dévorantes machines ordinatrices gardent trop bien les enfants. Livrés à eux même, ils tombent plus facilement sur le petit prince « taillant une pipe » que sur des sites incontestablement enrichissants. Les relations se tendent, tournent parfois à l’hystérie ; la cellule familiale pèse sur les libertés des enfants d’avantage par amour dévorant que par manque d’investissement. Papa parti, petit perd sous les tonnes de sentiments de maman.
Il faut cesser de croire que l’école fournit toutes les solutions à tous les problèmes en déresponsabilisant les familles. Mais nous avons à aider ces chères têtes (les blondes et les brunes) à s’échafauder une identité dans le monde des grands en complétant les références parentales parfois défaillantes. L'école doit maintenir un lien avec son environnement social et humain.
Le temps d’une scolarité dure trois ou quatre quinquennats. 50% des emplois futurs n’existent pas pour les enfants qui entrent au C.P. , mais ce n’est pas plus mal que l’école s’épargne les urgences de la conjoncture.
De toutes façons le long terme sied mieux à ses rythmes pachydermiques, elle a la possibilité de regarder plus loin que la réalité du moment.
Les défauts d’orientation des jeunes tiennent aussi à cette difficulté à se représenter des professions autres que bateleur télé. Faudra-t-il travailler pour atteindre mon objectif ?
Travail : gros mot à éloigner des oreilles enfantines comme s’il s’agissait de la honte remontant au XIXième siècle des corvées pour enfants !
Il est tentant de considérer l’école comme un sanctuaire; mais les murs sont en carton, les familles et les enseignants débattent avec difficulté. « L’école c’est l’affaire de tous » s’inscrivait en gros sur nos affiches fraternelles quand nous voulions nous mêler aussi de médecine et d’agriculture et d’énergie et de justice… et que tout était politique. Nous souhaitions mieux impliquer les parents dans la vie de l’école pour assurer une meilleure cohérence éducative. Aujourd’hui le consommateur, l’usager demandent des comptes. Le « tout à l’égo » gouverne ; et la politique n’offre plus les moyens pour investir à long terme au moment où le mot « durable » ponctue tous les discours. Que les professeurs des écoles continuent avant tout à être des instituteurs qui instituent, donnent sens à leur travail, et réaffirment que ce sont eux les mieux placés pour choisir leur méthode ! La confiance, en face, est décisive pour laisser s’approcher le monde. Il ne s’agit pas d’aimer tout ce qui est proposé mais en prendre connaissance. Si en maternelle : « la maîtresse a dit » annonce un impératif catégorique, plus tard trop de parents affichent une défiance aux enseignants qui coïncide avec une aversion envers les savoirs.
- L’efficacité se gagne avec des rapports francs et cordiaux. Combien l’hostilité naît des craintes, des manques d’assurance ?
- Dans ma classe, une fiche navette devait être signée toutes les deux semaines par les parents pour attester qu’ils avaient pris connaissance du travail du petit. Cela évitait la vérification laborieuse des signatures sur les cahiers, et permettait de relancer les parents oublieux.
- Recevoir papa, maman en présence du petit non pas entre deux portes mais sereinement après rendez-vous, permet de ne pas perdre de temps. Le respect se conquiert aussi dans la réciprocité.
Même s’il y a des attitudes inédites qui vous scient. Une mère défendait ainsi son fils qui avait traité une surveillante de naine : « Si elle n’arrive pas à assumer son complexe, ce n’est pas mon problème ». Les gens sont petits parfois et les temps sulfuriques.
Le redoublement par exemple ne sera profitable que s’il y a accord de toutes les parties ou au moins une compréhension (pourquoi? et dans quel but?)
L’enfant nous étonne de plus en plus avec des réflexions adultes et les parents Casimir aiment régresser. Mais gardons l’humour, la distance, ne brûlons pas les étapes. Que d’enfants de maternelle invités à être autonomes, une fois devenus étudiants n’ont pas accédé à la maturité !
Il faut constater que les lieux d’activités se sont éloignés des lieux de vie et l’éclatement des statuts participe aux difficultés à se connaître d’une société tout entière. De plus en plus de jobs apparaissent difficilement compréhensibles par les enfants (et par les adultes aussi d'ailleurs). Les salariés soumis aux fonds de pension à l’appétit sans fond, ne connaissent plus leur patron ; les cadres auront besoin de stages pour cultiver le patriotisme d’entreprise, mais où sont les fiertés dans le travail ?
Au moment des choix d’orientation, les représentations des débouchés sont floues et il est de mise désormais de viser un Bac +3 sans préciser la destination. Les filières tournées vers la production sont souvent inadaptées, le temps est à la tertiarisation et là les qualités de réactivité, d’adaptation requises ne sont pas toujours bien cultivées à l’école.
La grande arnaque qui confond démographie scolaire et démocratie scolaire quand les facs ajoutent des zéros à leurs effectifs, va-t-elle se révéler ?
Qui produit en France ? Les métiers aux créations tangibles rejoignent les imagiers obsolètes avec la cocote minute qui sifflait au rebord de la fenêtre. Le chant du coq dérange comme la cloche du village. Cet éloignement de la diversité et des rythmes humains, accompagne le silence des pères - en particulier- à la table familiale. Ceux-ci se sont effacés surtout dans les milieux déjà les plus fragiles : quand on dit famille mono parentale, c’est maman parentale qu’il faut entendre.
« Plus rien ne me semblait dangereux parce que j’étais à vingt pieds du sol, dans les bras de mon père qui, par la seule force de sa volonté, faisait en sorte que rien ne m’arrive ! Rien ne pouvait m’arriver ! » Michel Tremblay.
Gardons nous de généralisations hâtives; en ces années que Ségo traversa, beaucoup d’enfants ont gagné des pères attentifs, présents, ils grandissent du bon côté de la fracture, la sociale facture. Mais souvent la table familiale a disparu, remplacée par un zapping dans le réfrigérateur. Concernant le mobilier, de dévorantes machines ordinatrices gardent trop bien les enfants. Livrés à eux même, ils tombent plus facilement sur le petit prince « taillant une pipe » que sur des sites incontestablement enrichissants. Les relations se tendent, tournent parfois à l’hystérie ; la cellule familiale pèse sur les libertés des enfants d’avantage par amour dévorant que par manque d’investissement. Papa parti, petit perd sous les tonnes de sentiments de maman.
Il faut cesser de croire que l’école fournit toutes les solutions à tous les problèmes en déresponsabilisant les familles. Mais nous avons à aider ces chères têtes (les blondes et les brunes) à s’échafauder une identité dans le monde des grands en complétant les références parentales parfois défaillantes. L'école doit maintenir un lien avec son environnement social et humain.
Le temps d’une scolarité dure trois ou quatre quinquennats. 50% des emplois futurs n’existent pas pour les enfants qui entrent au C.P. , mais ce n’est pas plus mal que l’école s’épargne les urgences de la conjoncture.
De toutes façons le long terme sied mieux à ses rythmes pachydermiques, elle a la possibilité de regarder plus loin que la réalité du moment.
Les défauts d’orientation des jeunes tiennent aussi à cette difficulté à se représenter des professions autres que bateleur télé. Faudra-t-il travailler pour atteindre mon objectif ?
Travail : gros mot à éloigner des oreilles enfantines comme s’il s’agissait de la honte remontant au XIXième siècle des corvées pour enfants !
Il est tentant de considérer l’école comme un sanctuaire; mais les murs sont en carton, les familles et les enseignants débattent avec difficulté. « L’école c’est l’affaire de tous » s’inscrivait en gros sur nos affiches fraternelles quand nous voulions nous mêler aussi de médecine et d’agriculture et d’énergie et de justice… et que tout était politique. Nous souhaitions mieux impliquer les parents dans la vie de l’école pour assurer une meilleure cohérence éducative. Aujourd’hui le consommateur, l’usager demandent des comptes. Le « tout à l’égo » gouverne ; et la politique n’offre plus les moyens pour investir à long terme au moment où le mot « durable » ponctue tous les discours. Que les professeurs des écoles continuent avant tout à être des instituteurs qui instituent, donnent sens à leur travail, et réaffirment que ce sont eux les mieux placés pour choisir leur méthode ! La confiance, en face, est décisive pour laisser s’approcher le monde. Il ne s’agit pas d’aimer tout ce qui est proposé mais en prendre connaissance. Si en maternelle : « la maîtresse a dit » annonce un impératif catégorique, plus tard trop de parents affichent une défiance aux enseignants qui coïncide avec une aversion envers les savoirs.
- L’efficacité se gagne avec des rapports francs et cordiaux. Combien l’hostilité naît des craintes, des manques d’assurance ?
- Dans ma classe, une fiche navette devait être signée toutes les deux semaines par les parents pour attester qu’ils avaient pris connaissance du travail du petit. Cela évitait la vérification laborieuse des signatures sur les cahiers, et permettait de relancer les parents oublieux.
- Recevoir papa, maman en présence du petit non pas entre deux portes mais sereinement après rendez-vous, permet de ne pas perdre de temps. Le respect se conquiert aussi dans la réciprocité.
Même s’il y a des attitudes inédites qui vous scient. Une mère défendait ainsi son fils qui avait traité une surveillante de naine : « Si elle n’arrive pas à assumer son complexe, ce n’est pas mon problème ». Les gens sont petits parfois et les temps sulfuriques.
Le redoublement par exemple ne sera profitable que s’il y a accord de toutes les parties ou au moins une compréhension (pourquoi? et dans quel but?)
L’enfant nous étonne de plus en plus avec des réflexions adultes et les parents Casimir aiment régresser. Mais gardons l’humour, la distance, ne brûlons pas les étapes. Que d’enfants de maternelle invités à être autonomes, une fois devenus étudiants n’ont pas accédé à la maturité !
mardi 2 juin 2009
Dormir, dormir encore…
Dormir, dormir encore. Le chat est couché sur les pieds de l’enfant, chaton léger, si léger. C’est un chat qui jamais ne ronronne. C’est un chat de guerre qui craint les guerres. Son refuge, ce n’est pas la cave. Son refuge, il le trouve sur les pieds d’une enfant qui respire lentement pour retarder l’avenir. Elle rêve vite, elle veut terminer son rêve avant que ne se fende le silence. Le silence quand on le laisse tranquille, c’est le poids d’un chaton.
On marche dans la rue. La mère regarde par la fenêtre. Dans le ciel des fleurs de lumière achèvent de se faner. Les tirs de la défense anti-aérienne font leur boulot d’éclairagiste. Le spectacle son et lumière commence par la lumière. Faut bien qu’ils y voient, ceux qui vont tuer et ceux que l’on tuera. Les étoiles du feu d’artifice dégringolent quand se tait le chant des sirènes. Ils glissent sur les toits, le beffroi, disparaissent. On va peut-être mourir cette fois, murmure la mère, c’est beau pourtant ce ciel en fleurs.
L’homme et l’enfant ont sursauté. Ils ne se sont pas réveillés. Peut-être qu’ils rêvaient de l’enfer. Il faudrait réveiller l’enfant avant que le ciel ne lâche la mort. La mère regarde la rue, comme si c’était la chose la plus importante à faire par cette nuit d’été : prendre le frais à la fenêtre. Des ombres marchent, chuchotent. La petite s’enfonce sous son drap. La mère se penche pour l’écouter respirer. Dormir, dormir encore, c’est ce que disent les cheveux, le front de l’enfant, sa main posée sur la patte du chat… Elle n’a pas entendu les sirènes. Les nuits précédentes, elle était la première à jaillir du lit. Elle n’a pas entendu les jurons de l’homme répandu, long et large au travers du lit. « Merde ! Je ne descends pas, laisse-moi, tant pis… Y en a marre… Va… Prends l’enfant ou laisse-la avec moi… J’veux pas mourir sous terre… »
Déjà, il se fout la tête sous l’oreiller.
Dormir. Elle voudrait s’étendre près de l’homme long et large. Cacher son visage à l’aisselle de son homme, respirer sa vie, laisser passer la guerre, confier l’enfant au chat, à la maladresse des bombardiers. S’endormir, ne pas rêver, ne jamais se réveiller.
Elle se redresse. C’est ce silence. Un bloc de gelée aux tympans. Ses oreilles guettent les vibrations qui font de la gelée du silence imbécile mille aiguilles de terreur. C’est un bruit qui prendra à peine le temps de passer par les oreilles, qui ira droit au ventre pour le saccager. Alors, il sera trop tard.
Elle enroule la petite dans sa couverture.
Le couloir, c’est du goudron dans la gelée du silence. L’enfant ne pèse pas lourd, le sommeil l’allège encore. Parfois elle murmure, ne veux pas, veux pas… Mais la mère fait son travail de mère avec douceur et furie, c’est une chatte son petit entre les crocs.
La rue a le gris des vieilles rues sous les nuages frôleurs de lune. La mère évite les trottoirs, les murs traîtres ; elle gagne le milieu de la chaussée. Tout ce qui est de main d’homme lui fait peur. Soudain le vent les frappe. Pas de bruit formidable, à peine quelques cliquetis de tôles, le grincement de la girouette au carrefour de leur rue et du boulevard. La lumière arrive brutale sur le front de l’enfant. Elle ouvre si grand les yeux que la mère trébuche. Elle dit à la mère qu’elle veut marcher. Elle montre le disque filant sous l’effilochure des nuages.
- C’est une bombe ?
- C’est la lune, la pleine. Vite, on n’a pas le temps.
Le bourdonnement qui se retenait de l’autre côté du ciel, lance son boucan. Une sauvagerie, un hurlement. Retour des titans d’acier.
Les deux courent. Les tigres à leurs trousses lancent des rafales de frelons : c’est la lune bien sûr, c’est cette saleté de lune. Si elle brille de son gros ventre obscène, alors les tigres et les frelons arrivent pour le percer. Rien à faire. La petite pleure. Elle court plus vite que sa mère, ses pieds nus font clap, clap sur les pavés. Les mères ne sont pas rapides quand les coursent les tigres : elles hésitent entre fuir ou faire face.
- Regarde ! Ils sont là, les salopards ! Regarde bien, n’oublie pas !
Elles sont pétrifiées au carrefour. Puis sèchement l’enfant libère sa main. Volte-face. Elle court vers leur maison ;
- On a oublié le chat ! On l’a oublié !
Dans la chambre, l’homme n’a pas bougé. Tout est blanc et noir : des zébrures jaunes de plus en plus rapprochées. La maison tremble. Une gravure pieuse tombe dans un fracas de verre. A terre, saints, saintes, dieux et grigris ! Ils font une drôle de gueule les dieux lares ; personne ne sera épargné surtout pas les ventres des mères, aucun enfant, aucun chat. C’est contre eux que se font les guerres.
L’enfant compte, elle ne sait pas ce qu’elle compte. La voix froide qui jamais n’a peur lui dit de compter. Elle lui dit que si l’on entend le sifflement c’est que la bombe n’est pas pour vous. Alors elle espère les sifflements et se glace quand le silence revient.
Près de la mère, sous la table aux pieds grêles, elle guette les sifflements. Les pieds de l’homme font une drôle de danse. Ils courent. L’homme court dans son sommeil. Les tigres le pistent, rugissent dans son rêve.
La mère, son enfant, leurs dents claquent dans leur mâchoire… qu’une mâchoire pour hacher la peur… leurs entailles se vident… un seul ventre… ventre labouré, troué, explosé… oh…oh…oh… les serpents ne sifflent pas sur les têtes… les serpents se tordent et mordent dedans…
Les tigres sont repartis. Ils ont griffé la lune, ils ont chié dans les nuages, ils ont pété les tympans. Les pieds de l’homme sont au repos. L’enfant s’est rendormie, le chat entre les bras. La mère s’accoude à la fenêtre. Les gens sortis des abris regagnent leur demeures : c’était Five les usines de locos, ça brûle là-bas… Ce coup c’était pas pour nous… Ils sont heureux de respirer l’air de la nuit après la puanteur des souterrains.
On saura demain qui a casqué.
La mère se recouche. Pour se faire une place elle repousse le bras de l’homme. Le ciel est une fumée. Elle regarde la lutte que font les nuages aux fumées de la guerre. Elle ne peut pas dormir. Elle ne peut pas dormir. Elle ne veut plus dormir.
Lille 1943 ou 44 ou… ?
Kaboul, Bagdad, Gaza, Darfour, Sri Lanka, Peshawar et cetera.
Philomène
On marche dans la rue. La mère regarde par la fenêtre. Dans le ciel des fleurs de lumière achèvent de se faner. Les tirs de la défense anti-aérienne font leur boulot d’éclairagiste. Le spectacle son et lumière commence par la lumière. Faut bien qu’ils y voient, ceux qui vont tuer et ceux que l’on tuera. Les étoiles du feu d’artifice dégringolent quand se tait le chant des sirènes. Ils glissent sur les toits, le beffroi, disparaissent. On va peut-être mourir cette fois, murmure la mère, c’est beau pourtant ce ciel en fleurs.
L’homme et l’enfant ont sursauté. Ils ne se sont pas réveillés. Peut-être qu’ils rêvaient de l’enfer. Il faudrait réveiller l’enfant avant que le ciel ne lâche la mort. La mère regarde la rue, comme si c’était la chose la plus importante à faire par cette nuit d’été : prendre le frais à la fenêtre. Des ombres marchent, chuchotent. La petite s’enfonce sous son drap. La mère se penche pour l’écouter respirer. Dormir, dormir encore, c’est ce que disent les cheveux, le front de l’enfant, sa main posée sur la patte du chat… Elle n’a pas entendu les sirènes. Les nuits précédentes, elle était la première à jaillir du lit. Elle n’a pas entendu les jurons de l’homme répandu, long et large au travers du lit. « Merde ! Je ne descends pas, laisse-moi, tant pis… Y en a marre… Va… Prends l’enfant ou laisse-la avec moi… J’veux pas mourir sous terre… »
Déjà, il se fout la tête sous l’oreiller.
Dormir. Elle voudrait s’étendre près de l’homme long et large. Cacher son visage à l’aisselle de son homme, respirer sa vie, laisser passer la guerre, confier l’enfant au chat, à la maladresse des bombardiers. S’endormir, ne pas rêver, ne jamais se réveiller.
Elle se redresse. C’est ce silence. Un bloc de gelée aux tympans. Ses oreilles guettent les vibrations qui font de la gelée du silence imbécile mille aiguilles de terreur. C’est un bruit qui prendra à peine le temps de passer par les oreilles, qui ira droit au ventre pour le saccager. Alors, il sera trop tard.
Elle enroule la petite dans sa couverture.
Le couloir, c’est du goudron dans la gelée du silence. L’enfant ne pèse pas lourd, le sommeil l’allège encore. Parfois elle murmure, ne veux pas, veux pas… Mais la mère fait son travail de mère avec douceur et furie, c’est une chatte son petit entre les crocs.
La rue a le gris des vieilles rues sous les nuages frôleurs de lune. La mère évite les trottoirs, les murs traîtres ; elle gagne le milieu de la chaussée. Tout ce qui est de main d’homme lui fait peur. Soudain le vent les frappe. Pas de bruit formidable, à peine quelques cliquetis de tôles, le grincement de la girouette au carrefour de leur rue et du boulevard. La lumière arrive brutale sur le front de l’enfant. Elle ouvre si grand les yeux que la mère trébuche. Elle dit à la mère qu’elle veut marcher. Elle montre le disque filant sous l’effilochure des nuages.
- C’est une bombe ?
- C’est la lune, la pleine. Vite, on n’a pas le temps.
Le bourdonnement qui se retenait de l’autre côté du ciel, lance son boucan. Une sauvagerie, un hurlement. Retour des titans d’acier.
Les deux courent. Les tigres à leurs trousses lancent des rafales de frelons : c’est la lune bien sûr, c’est cette saleté de lune. Si elle brille de son gros ventre obscène, alors les tigres et les frelons arrivent pour le percer. Rien à faire. La petite pleure. Elle court plus vite que sa mère, ses pieds nus font clap, clap sur les pavés. Les mères ne sont pas rapides quand les coursent les tigres : elles hésitent entre fuir ou faire face.
- Regarde ! Ils sont là, les salopards ! Regarde bien, n’oublie pas !
Elles sont pétrifiées au carrefour. Puis sèchement l’enfant libère sa main. Volte-face. Elle court vers leur maison ;
- On a oublié le chat ! On l’a oublié !
Dans la chambre, l’homme n’a pas bougé. Tout est blanc et noir : des zébrures jaunes de plus en plus rapprochées. La maison tremble. Une gravure pieuse tombe dans un fracas de verre. A terre, saints, saintes, dieux et grigris ! Ils font une drôle de gueule les dieux lares ; personne ne sera épargné surtout pas les ventres des mères, aucun enfant, aucun chat. C’est contre eux que se font les guerres.
L’enfant compte, elle ne sait pas ce qu’elle compte. La voix froide qui jamais n’a peur lui dit de compter. Elle lui dit que si l’on entend le sifflement c’est que la bombe n’est pas pour vous. Alors elle espère les sifflements et se glace quand le silence revient.
Près de la mère, sous la table aux pieds grêles, elle guette les sifflements. Les pieds de l’homme font une drôle de danse. Ils courent. L’homme court dans son sommeil. Les tigres le pistent, rugissent dans son rêve.
La mère, son enfant, leurs dents claquent dans leur mâchoire… qu’une mâchoire pour hacher la peur… leurs entailles se vident… un seul ventre… ventre labouré, troué, explosé… oh…oh…oh… les serpents ne sifflent pas sur les têtes… les serpents se tordent et mordent dedans…
Les tigres sont repartis. Ils ont griffé la lune, ils ont chié dans les nuages, ils ont pété les tympans. Les pieds de l’homme sont au repos. L’enfant s’est rendormie, le chat entre les bras. La mère s’accoude à la fenêtre. Les gens sortis des abris regagnent leur demeures : c’était Five les usines de locos, ça brûle là-bas… Ce coup c’était pas pour nous… Ils sont heureux de respirer l’air de la nuit après la puanteur des souterrains.
On saura demain qui a casqué.
La mère se recouche. Pour se faire une place elle repousse le bras de l’homme. Le ciel est une fumée. Elle regarde la lutte que font les nuages aux fumées de la guerre. Elle ne peut pas dormir. Elle ne peut pas dormir. Elle ne veut plus dormir.
Lille 1943 ou 44 ou… ?
Kaboul, Bagdad, Gaza, Darfour, Sri Lanka, Peshawar et cetera.
Philomène
lundi 1 juin 2009
Looking for Eric
Tout pour me plaire : foot et cinéma social. C’est le film qui m’a le plus ému à la suite de la série de vingt quatre vus à Cannes. Histoire d’amour et d’amitié, avec de l’humour, de l’autodérision pour Cantona, et même un morceau de thriller, un nuage de fantastique et ce regard empreint de nostalgie de Loach sur la classe populaire, la solidarité. Toujours des gueules d’acteurs crédibles, les mystères du football mis à la portée de tous les manchots et une profondeur, une noirceur que je n’avais pas soupçonnées en écoutant les cris des « mouettes » fascinées par le tapis rouge cannois. Le temps a passé, Manchester a été racheté par les américains, et les enfants abandonnés dans la vie ne recousent pas forcément tout ce qui est déchiré comme dans cette fin trop mièvre, à mon goût. Elle fait, disons, partie d’un rêve qu’on voudrait prolonger. Comme on se repasserait le plus beau geste dont Eric C. se rappelle : non pas un but mais une passe, comme une caresse. Un sport collectif.
dimanche 31 mai 2009
Terrine de lapin
J'ai pensé à une recette pour ton blog.
C'est une recette pour l'été, ma mère la faisait souvent quand nous avions des invités.
Je crois qu’elle la tenait de paysans de la Mayenne, chez qui elle passait des vacances dans les années 1910.
Je n'ai pas en tête les proportions exactes, je cuisine un peu au pif mais voilà.
Il faut : un lapin coupé en morceaux, des lardons natures ou salés mais surtout pas fumés, des oignons, du sel, un peu de poivre, du vin blanc sec et une feuille de laurier.
Dans une terrine qui va au four on met : une couche d'oignons, une couche de lardons, une couche de lapin. On sale légèrement, surtout si les lardons sont "natures".
On recommence, oignons, lardons, lapin, on sale encore un peu, un soupçon de poivre, on ajoute le vin blanc, la feuille de laurier sur le tout, on ferme le couvercle et on met au four.
Je dirais four chaud, (autour de 200 °) à peu près une heure. Le lapin cuit vite, quand ça sent bon, c'est cuit. On sort la terrine, on la laisse refroidir, quand elle est froide on la met au frigo. Le vin blanc prend en gelée au bout de quelques heures. Une nuit, c'est parfait. Il n'y a plus qu'à dresser un plat avec la gelée tout autour. On peut servir des haricots verts avec. Régal assuré.
Elisabeth
C'est une recette pour l'été, ma mère la faisait souvent quand nous avions des invités.
Je crois qu’elle la tenait de paysans de la Mayenne, chez qui elle passait des vacances dans les années 1910.
Je n'ai pas en tête les proportions exactes, je cuisine un peu au pif mais voilà.
Il faut : un lapin coupé en morceaux, des lardons natures ou salés mais surtout pas fumés, des oignons, du sel, un peu de poivre, du vin blanc sec et une feuille de laurier.
Dans une terrine qui va au four on met : une couche d'oignons, une couche de lardons, une couche de lapin. On sale légèrement, surtout si les lardons sont "natures".
On recommence, oignons, lardons, lapin, on sale encore un peu, un soupçon de poivre, on ajoute le vin blanc, la feuille de laurier sur le tout, on ferme le couvercle et on met au four.
Je dirais four chaud, (autour de 200 °) à peu près une heure. Le lapin cuit vite, quand ça sent bon, c'est cuit. On sort la terrine, on la laisse refroidir, quand elle est froide on la met au frigo. Le vin blanc prend en gelée au bout de quelques heures. Une nuit, c'est parfait. Il n'y a plus qu'à dresser un plat avec la gelée tout autour. On peut servir des haricots verts avec. Régal assuré.
Elisabeth
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