mardi 16 décembre 2008
Vieillir
Vieillir c’est perdre l’insouciance.
Ce sont les bobos et les douleurs quotidiennes à ignorer, en attendant le cataclysme final, c’est la mort qui rôde près des parents, à négocier avec plus ou moins d’habileté ou de chance dans le grand virage final et définitif,
Ce sont les amis, sur le visage desquels on découvre ses propres rides et l’insidieux travail du temps qui passe et vous ronge de l’extérieur, en surface .
Ceux qu’on aime, se débattant dans leur marasme personnel, parfois « cernés de près par les enterrements » comme le disait Brassens qui fut lui-même vite vaincu par la camarde,
Et les enfants, dont, privés de la bienheureuse inconscience de nos propres parents, on n'a aucune certitude heureuse quant à leur avenir …
C’est la peur de l’inéluctable solitude finale, arbre bientôt abattu à son tour, dans le no man’s land de nos cimetières perso …
Mais c’est aussi aimer, aimer passionnément la vie, savoir le prix de chaque instant volé au futur désespérant, et se chauffer à l’amitié, au soleil caressant, à la beauté du monde, à chaque occasion suscitée ou volée au hasard, petit soldat anonyme du grand troupeau humain qui court à sa perte programmée…
13 Août 08- Dany Besset
lundi 15 décembre 2008
Caos calmo.
Le monde s’écroule : sa femme vient de mourir en vacances et son entreprise audiovisuelle est en train de fusionner, alors Nani Moretti va s’asseoir sur un banc en attendant toute la journée sa fille qui est à l’école. Bien des personnages défilent dans le square où l’on voit qu’une fermeture centralisée d’une voiture peut être sympathique, où Roman Polanski participe d’un casting qui réserve des surprises. A une époque on s’amusait avec un copain à repérer « le truc » dans un film, tel que casser des noix sans casser la vitre du « Passager de la pluie », ici ce sont les listes qu’il établit en ce moment de bilan qui me semblent une trouvaille poétique : les compagnies aériennes dont il a été client, les endroits où il n’ira plus, ce qu’il n’a pas supporté dans sa vie…J’ai bien aimé ce conte alors que souvent ce genre élude la réalité, là, ce pas de côté révèle les faux-semblants, les trahisons. La position du père protecteur à l’égard de sa fille aurait pu être étouffante, là, c’est l’harmonie, la paix. La petite sera sage sans cesser d’être une enfant. Vive le cinéma italien qui l’air de rien, dit bien l’air du temps, où la désinvolture marque la gravité.
dimanche 14 décembre 2008
Fellag
La sincérité, la fraîcheur de l’humoriste kabyle se sont un peu émoussées dans ce spectacle : « les algériens sont des mécaniciens » où il ne joue plus seul. Le côté légèrement désuet des sketches peut attendrir. La nouveauté des performances antérieures et son courage nous avaient tellement emballés dans ses spectacles antérieurs, qu’il est difficile de rester sur ces sommets même si sa critique est toujours tonique : l’empressement inefficace de tous les mécaniciens proclamés, leur débrouillardise aussi révèlent bien des traits d’une société dans son ensemble. Les chutes sont un peu attendues, mais je retiens la séquence superbe qui clôt le spectacle. Le couple tout excité revient de Bruxelles avec la Mercedes de leur rêve et se fait pulvériser l’objet de leur prestige au premier feu à la sortie du port... alors ils allument la radio qui est restée intacte et ils dansent. La poésie vient élever l’humour et remet des couleurs dans des tableaux qui risquaient d’être un peu fades. Malgré un Jésus de la rue D’Isli qui réussit à guérir les maux les plus graves, sauf celui du fonctionnaire algérien.
samedi 13 décembre 2008
Décomplexés et timides.
Je m’applique dans le débat politique à me monter respectueux de mes adversaires mais il y a des occasions où il faut se ronger les poings.
Quand une formatrice pour adultes dit à l’une de ses élèves qu’elle ferait bien de retourner au bled, il ne s’agissait pas du manuel d’orthographe, mais de l’affichage d’un racisme à l’égard d’un public qui d’ailleurs la fait vivre ! Et que la situation catastrophique des finances française serait causée par… Mitterrand ! Tant de mauvaise foi peut accabler mais aussi nous revigorer.
Je me réjouis à chaque fois que certains ne se soient toujours pas remis de notre victoire de 81. Cette France de toujours qui considère la gauche comme illégitime : ces réacs me ravissent. Et dire que l’affichage d’une droite décomplexée a paru comme un signe de modernité !
La haine de l’autre ce serait plutôt Cro Magnon.
En face, des camarades se bagarrent pour convaincre des parents de la nocivité des mesures qui accablent l’éducation nationale. Eh bien certains, ne veulent pas se mouiller, pensant que la contestation est politique, comme si les mesures ne l’étaient pas, politiques. « Je ne fais pas de politique » signe de la main droite. Encore un vieux retour aux silences d’antan quand il ne fallait pas afficher ses opinions. Mais pas si passés que ça, les pseudos qui sévissent sur Internet n’assument pas leurs opinions : ils éructent, cachés ! Ils sont plus souvent de droite me semble-t-il.
Ce royaume des silences remonte lui à l’antédiluvien.
vendredi 12 décembre 2008
Sarinagara. P. Forest
Un ami m’a offert ce livre.Mais il y a des jours où le bienheureux oubli vire à cette putain de mémoire défaillante: je ne sais plus qui ?
L’écrivain va à l’autre bout du monde au Japon après la mort de sa fille. Il a oublié le tremblement de terre de Kobé qui a eu lieu le jour de l’annonce du cancer de sa petite.
Il nous conte la vie d’un poète qui a écrit en de pareilles circonstances, celle de l’inventeur japonais du roman moderne et enfin du photographe qui immortalisa -comme on dit - quelques images de survivants de Nagasaki. Le titre vient du dernier mot d’un haïku : « je savais le monde - éphémère comme rosée - et pourtant et pourtant ». La survie après la mort d’un enfant est un scandale et la littérature ne peut rien, pourtant il nous dit la beauté du monde avec des mots de la précision du cristal. Je me suis pardonné mon goût pour cette chose chochotte nommée poésie en approchant les haïkus qui unissent l’absolu et le quotidien, j’ajouterai la nature et la culture. Tout ce livre cherche la réconciliation de l’oubli et de la mémoire, du rêve et de la réalité, en termes limpides parfois un peu trop parfaits. La neige se mélange aux pétales du printemps. Merci.
jeudi 11 décembre 2008
Henriette Deloras
Si elle n’avait marié Jules Flandrin serait-elle accrochée présentement au musée de Grenoble ?
Depuis Camille Claudel, il est de bon ton de ressortir des cartons quelques inconnu(e)s pour faire montre d’originalité, exister à côté du barnum picassien, que je m’empresserai d’ailleurs d’aller admirer à l’occasion.
Les pastels interdissent les repentirs, ceux de la dame sont agréables et porteur de nostalgie lorsqu’ils évoquent les artistes attablés aux bistrots de « la belle époque ». J’ai préféré les personnages de dos car les traits des visages traités à la craie tendent à la caricature. Ses interprétations de tableaux de Bruegel à Picasso sont gentiment originales, quelques natures mortes aux couleurs éclatantes apaisent une humeur qui s’interroge souvent : pourquoi elle plutôt qu’une autre ? Dans l’atelier que je fréquente, il y a quelques amateurs dont les productions ne manquent ni de vigueur, ni de personnalité et qui ne connaîtront pas d’exposition.
mercredi 10 décembre 2008
Français.Faire classe#12
Le cœur battant du métier et il ne faudrait pas s’inquiéter ! Langue hachée menue, lecture en vrille, et l’orthographe: "j’te dis pas". Les ravis du temps moderne de chez moderne qui entrent dans le post moderne trouvent que ceux qui veulent « sauver les lettres » sont des amoureux de crépuscule qui exagèrent ; et pourtant nos négligences, nos lâches accommodements portent leurs fruits amers.
Pour ne pas m’embourber dans la déploration, je vais essayer de faire l’état des équipements que j’embarquais à bord des goélettes C.M. 2.
« Ou penchés à l'avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles. »
José Maria de Heredia
Expression orale
Les sabirs régressifs progressent et nous nageons dans un domaine informel qui échappe aux évaluations incontestables, irréalisables par le seul professeur des établissements scolaires.
Il est une bonne tranche de langue qui nous a ravis : les contes.
Dans cette activité, la prise de parole dépasse les catégories enseignées telles que lecture, expression orale, vocabulaire, conjugaison. Elle développe l’écoute, le respect et l’esprit critique, la connaissance d’un répertoire personnel plus étendu, et la recherche de la précision. Elle conduit à une meilleure entente avec les autres et une image de soi bonifiée.
Citoyenneté et culture.
- Chaque enfant était tenu de conter au moins une fois dans l’année devant ses camarades.
C’est le moment de baisser les stores et d’éteindre les lumières, celui d’honorer le rendez-vous pris la semaine dernière, le moment de se jucher sur le tabouret, d’empoigner le bâton de parole ou simplement de se poser sous les seuls feux de la rampe du tableau. Certains étaient au rendez vous chaque semaine.
- Chacun dispose personnellement d’un livret d’une trentaine de contes et d’un stock conséquent dans le fond de classe et à la « bib » du quartier.
- Ceux qui le souhaitent, en prévenant à l’avance, content au micro dans les cars qui nous conduisent au gymnase, au ski. S’en suivent les critiques, systématiquement.
- Un conteur professionnel assure dans chaque classe des moments de formation (6heures)
Une représentation annuelle pour les plus grands concrétise une démarche qui prend naissance en maternelle : c’est le projet d’école. Fédérateur, il a permis une cohérence dans tout le groupe scolaire, entraîné de belles collaborations avec l’union de quartier, les bibliothèques, les associations telles que celles qui gravitaient autour des « arts du récit ». Quand les enfants conteurs se mêlent aux adultes sous les arbres d’un week-end de printemps, les albums de souvenirs s’enrichissent.
- Le spectacle. Spots de la scène ; papa, maman et petit frère sont venus à la salle de spectacle de la ville : c’est bon pour Narcisse, pour petit frère qui attend son heure. Ce n’est pas qu’une représentation pour quelques lignes dans le journal local, encore qu’il existe un peu d’espace entre le jansénisme au silence butté et le battage creux, à faire valoir les réussites de l’école sans que l’esbroufe ne nous bouffe.
Parfois le conte justifie son image un peu poussiéreuse, compassée, mais la ré appropriation par les mômes leur donne une vie nouvelle. Leur structure immuable permet toutes les libertés, elle constitue l’échafaudage autour duquel tout se bâtit, se colore, se personnalise. Les premiers pas se résument parfois à bien dire une blague : il faut quelques talents pour que cela fonctionne efficacement : évaluation instantanée ! La mémoire est sollicitée mais il faut se défaire de la mécanique, savoir différer la chute, maîtriser le squelette de l’histoire, éviter les passés simples pour mieux entrer dans l’échange avec son public : donner vie, redonner ce qui a été recueilli. Dans les bonheurs de la vie, il y a bien cette place que nous nous gagnons dans les discussions ; se faire entendre, se faire comprendre, se faire aimer. Sans s’en laisser conter.
Tchatche, slam, rap, les « battles » crient, disent, savent que le pouvoir passe bien par ces mises en mots. Politique et équilibre personnel.
Des pédagogues aiment qualifier de philosophiques des débats d’enfants alors que la philo, objet de railleries en terminale, remise en cause pour les plus grands, apparaît comme la panacée… en maternelle. La parole donnée aux élèves : c’est bien ainsi qu’ils construisent efficacement une langue, mais pourquoi la maîtresse doit être silencieuse ?
La parole libre, prioritaire chaque journée où la première demi-heure est consacrée aux présentations (poèmes, contes, expériences, actualité) aux débats (vie scolaire) annonces diverses, se maîtrise derrière le doigt levé. Une drastique obsession impose cette posture caractéristique de l’école, évite le monopole des « grandes gueules » et encourage l’antique précepte qui invite à tourner sept fois sa langue dans sa bouche. Condition de l’apaisement, du débat. Le reste de la journée, il s’en est fallu d’une ancienne élève devenue stagiaire pour me révéler que je passais mon temps à poser des questions. La maïeutique, quoi ! La parole des élèves grossit leur petite pelote, les constitue. Je ne prétendais pas être dans la démarche qui mène à l’autosocioconstruction des savoirs. Pas assez auto, un peu trop téléphoné. Ma monarchie s’est essayée à l’éclairage, elle fut constitutionnelle, absolue parfois, tendant à cette forme supérieure de l’ordre qu’est l’anarchie comme le disait Elisée Reclus.
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