Il fallait bien un prof pour profs comme guide pour aborder
la rétrospective de l’œuvre d’un artiste qui m’était jusque là complètement
inconnu. Et j’ai pu dépasser une anecdote insistante depuis que j’avais vu l’affiche
avec une barrière barbouillée qui me rappelait mon père ayant affublé un de ses
collègues agriculteurs du sobriquet de « Picasso », depuis que
celui-ci avait repeint une herse de façon approximative.
Une des rares toiles sur châssis : Le tambour major, vigoureux
et généreusement brossé dans les années 60, ouvre l’exposition se tenant
jusqu’au 28 janvier 2018.
Le jeune homme né en 1942 à Alès va voyager au Mexique et
aux Etats-Unis où il apprécie l’art minimaliste. Ses productions variées
s’apparentent également à l’ Arte povera.
Châssis avec feuille de plastique tendue fait
passer le support rigide des peintres pour une sculpture souple. Il
participa au groupe support/surface (67/ 71) dont le musée de Saint Etienne est
une place forte et que Claude Viallat résumait ainsi :
« Dezeuze peignait
des châssis sans toile, moi je peignais des toiles sans châssis et Saytour
l'image du châssis sur la toile. » http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/11/claude-viallat-et-confreres-montpellier.html
. Ils vont plus loin que Cézanne qui laissait parfois apparaître la
toile. Ils cassent aussi les modes de présentation classique, exposant par
exemple dans des villages et produisant leur propre critique.
Dès la quatrième salle, les triangulations qui
déconstruisent les perspectives habituelles, mènent parfois vers l’extérieur de
ces productions. Sans titre.
La peinture imprègne les tissus :
la Gaze, plus précisément la tarlatane, découpée,
soulignée de ruban adhésif, attire notre regard dans des coins où la rêverie
peut se réfugier.
En poursuivant le circuit, des portes
adossées aux murs sont plutôt des barrières que des lieux de passage devant
lesquelles sont rassemblées des Armes de poing, réalisations
enfantines genre art brut.
Les Palans familiers à l’artiste
sétois évoquent des jeux avec les tensions présentes dans plusieurs œuvres.
Comme
ces
Arbalètes
et arcs venus de l’imaginaire indien ou du moyen âge, vers qui
pointent-ils ?
Vide et plein, mouvement et stabilité s’opposent,
Par une forêt obscure II fait
référence à l’enfer de Dante.
Comme autant de perches à selfie qui se
seraient égarées dans des vergers,
ces
Objets de cueillette bricolés sont
des prolongements poétiques de la main.
Grille, tissage, moucharabieh,
croisillons, claustras : la Peinture sur panneau extensible inspire
et expire. Des mâchoires tiennent les supports, « la peinture est
coincée » disait un enfant.
Les Réceptacles sont des
pièges de fortune, des nasses construites avec des riens comme font des gens de
peu.
Occasion de rappeler que Picasso avait fondu en bronze des voitures en
plastique pour
La Guenon et son petit, révolutionnant
une fois de plus le vocabulaire artistique.
Le cœur de la
Forêt obscure III est bien
impénétrable sous ses 28 couches. Morellet le voisin est plus léger.
Nous sommes bien dans un musée, des dessins sont là, qu’il
n’a jamais abandonnés :
La vie amoureuse des plantes
saisissent les soubresauts de la nature.
Trois diptyques inspirés par la philosophie chinoise font face
à des tissages issus de jardineries qui veulent évoquer des Pavillons,
des voiles et poursuivent les propositions visant à tordre le rectiligne en
courbe, passer du carré au cylindre, décoller du mur.
Des perles surgissent dans l’espace : Les
peintures qui perlent me parlent ; alors quand on dit qu’elles
sont décoratives, serait-ce péjoratif ?
Lions, bateaux, remparts et aigles se rencontrent en général
sur les blasons ; Dezeuze les parodie sur du papier peint. Ses Boucliers ne
protègeraient même pas du vent mais ils vont bien pour une parade métaphorique.
Papillons et Tableaux valises voisinent pour une
invitation au voyage en imaginant comment
remplir ces bagages vivement colorés, prêts à partir, surélevés par des
cales dynamisantes.
La visite se termine avec un labyrinthe
version1 de La forêt obscure où les formes géométriques se combinent, devant
une série de baguettes collées vibrantes de couleurs qui se souviennent de recherches
aux confins de la non-peinture … pour mieux y revenir. « Les lignes ont
bougé ».