C’est la saison Dezeuze : après la visite,
ci-dessous un compte-rendu de la conférence d’une des commissaires de
l’exposition qui se tient jusqu’au 28 janvier 2018 devant les amis du musée de
Grenoble, dont l’association avait acquis : La Vie amoureuse des plantes. Cette rétrospective, portant sur 50 ans de carrière, s’inscrit
dans une réhabilitation du groupe Support/surface dont D.D. fut un des
fondateurs.
« L'objet de la
peinture, c'est la peinture elle-même et les tableaux exposés ne se rapportent qu'à eux-mêmes. »
Né en 1942 à Alès dans une famille d’artistes, il suit les
cours de son père en auditeur libre, à Montpellier, où il enseignera à son tour.
Il a fréquenté la scène artistique américaine, dans sa jeunesse lors d’un
séjour à Toronto, après un voyage au Mexique dont les muralistes et les sites
indiens l’ont également influencé. Retour de Mexico, est abstrait,
« matiériste » sur toile de jute.
Sa liberté formelle, son refus des catégories, l’utilisation
de techniques mixtes et de matériaux divers ont abouti à la déconstruction du
tableau classique.
« La déconstruction ne veut pas dire un
système définitivement clos, mais un questionnement. […] Elle ouvre un espace
possible avec les autres disciplines : philosophie, politique, littérature,
ethnologie… »
Dans les années 70, le groupe Support surface se distingue des nouveaux
réalistes et des expressionnistes abstraits. La période est effervescente sur
tous les plans, Marcelin Pleynet de la revue Tel Quel annonce: « la
disparition du tableau de chevalet ».
Cette Echelle assouplissant la
« grammaire du châssis » appartient aussi au musée de Grenoble. Dezeuze
a fait rentrer dans les musées quelques châssis squelettiques, dont l’un d’eux
a fait figure de manifeste, alors que tant d’autres, bien en chair, sont restés
à la porte.
Des dessins géométriques épinglés en bois de placage passé
au bitume de Judée avaient joué avec l’écriture et les maths, alors que des
Echelles
de gaze cherchent à alléger la peinture. Par leurs vides, des séries éclatées jouent avec le mur,
légères, évanescentes, impalpables.
Les années 80 font redescendre
des nuages, l’abstraction s’est perdue dans le formalisme, la matérialité
revient, l’objet réintègre le centre : portes trouées et armes de poing.
Duchamp était son maître en insolence: l’Articulation
gothique de l'exposition au pays des "Quetchua" est composée de skis.
Est ce que la tripartition moyenâgeuse entre ceux qui
prient, bataillent, travaillent, permet de mieux lire ce siècle ? Il
retourne vers des pratiques artisanales
voire archaïques.
Comme au temps où les sociétés ne s’étaient pas installées
dans l’architecture, en anthropologue spontané portant les nostalgies de
l’enfance, il installe entonnoirs, porte-savons, filets à papillons, au bout de
graciles bâtons, objets de cueillette. La nature bouillonne en entrelacs
sensuels.
La notion de format est dépassée lorsque la peinture à la
Pollock s’applique sur des barrières amovibles, carrelets de coffrage et autres
panneaux extensibles en vente dans les magasins de bricolage : le métier
de peintre se
réaffirme. Le polyéthylène
permet de la souplesse, les
Pavillons ne
« répètent pas une mesure du même mais mesurent l’écart ».
Avec humour, il installe des Peintures sur chevalet
comme il nomme
Peinture d’histoire blasons et boucliers.
Des Nefs énigmatiques facilement
démontables comme pour les peuples nomades, traversées de lumière
répondent aux
icônes enduites de feuilles d’or aux niches pourtant vides qui aimeraient
capter la lumière de l’esprit.
Le Tsimtsoum,
contraction, survenant quand Dieu se
retire avant la création du monde, d’après
la cabale, témoigne d’une œuvre documentée dans sa quête de spiritualité.
« L’artiste chemine mais ne sait pas où
il va » Soulages.
Dezeuze a
voyagé, a suivi des labyrinthes, a zigzagué, s’est trouvé aux bifurcations :
« L’art n’est plus
cette thérapeutique appliquée sous forme de sédatif opiacé à une humanité jugée
fragile et maladive mais un ensemble de questions formulées AVEC le regardeur,
enfin envisagé comme un être adulte, sain et actif »