jeudi 3 février 2022

Chaïm Soutine. Marie Ozerova.

La conférencière devant les amis du musée de Grenoble 
a donné d’emblée quelques précisions à partir d’un premier « Autoportrait » de l’inclassable artiste né près de Minsk (Biélorussie) en 1883 ou 84. La présence d’un personnage au dos de la toile rappelle les difficultés de Soutine à accepter que quelqu’un le regarde travailler et d’autre part la grande misère qui le conduisit à peindre sur des toiles déjà utilisées.Il est le dixième enfant d’une famille de onze très pratiquante dont le père était ravaudeur. La religion juive interdisant toute figuration, il est roué de coups quand il représente un rabbin.
« L’homme au chapeau » n’est pas le portrait en question, car il ne reste aucune trace de ses travaux de jeunesse, mais ce témoin d’une religion exigeante, aux mains puissantes, garde aussi en fond les dorures des icônes orthodoxes. 
Sa vie est aussi difficile à Vilnius (Lituanie), où ses parents lui fournissent un pain par semaine, qu’à ses débuts à Paris.
Les fourchettes se tendent avidement vers les poissons dans  « Nature morte aux harengs ». Il arrive en terre promise, dans le quartier du Montparnasse qui vient de supplanter Montmartre,  soutenu par Chagall et celui qui deviendra son ami, Modigliani.
Il fréquente les musées, « Le bœuf écorché » de Rembrandt le fascine. 
Sous le même nom il produit une série, elle le fâche avec ceux qui l’hébergent, quand il entrepose des carcasses impropres à la consommation arrosées de sang frais. 
Ses natures mortes insistent sur l’issue de la vie et reflètent sa pauvreté.
« Les Perdrix au volet vert »
Les
 « Glaïeuls » finissent fanés. 
Il détruit de nombreuses toiles. Il signe parfois mais ne date pas ses portraits qu’il nomme « figurines ». Il est en phase avec Picasso , tous deux considèrent Cézanne comme leur père à tous et pense que l’art n’est pas fait pour décorer.
Il ne se ménage pas dans un autre « Autoportrait »
pas plus qu'il ne ménage un de ses hôtes
« Portrait du sculpteur Oscar Miestchaninoff » bien calé dans son fauteuil.
« La femme folle » entrevoit un monde au-delà de notre vie quotidienne.
Au bord de la Méditerranée, il multiplie les paysages :
« La maison blanche ».
L’
« Arbre au vent » possède des racines solides et des branches énergiques.
Les maisons sont fragiles prises dans le mouvement circulaire de la nature
 
« Paysage avec maison et arbre ».
Devant «  Le petit pâtissier » (1922/23) le collectionneur Barnes a un coup de foudre.
A partir de ce moment là, « le peintre maudit » voit le prix de ses œuvres multiplié par dix.
Le « Portrait de Madeleine Castaing » (1929) une de ses mécènes,
parait presque sage en regard de «  La déchéance » (1920/21),
alors que l’ « Enfant de chœur » (1927/28) exprime la sérénité du croyant.
« La colline à Céret »
se cabre, la terre est houleuse. 
Il meurt en 1943 miné par un ulcère à l’estomac.
Des historiens de l’art discernent chez l’ « emmuré vivant dans la peinture » un précurseur de l’expressionnisme.
« Le marchand Sborowski rapporte de Soutine : « Savez-vous comment il peint ? Il s’en va par la campagne où il vit comme un misérable, dans une sorte d’étable à cochons. Il se lève à trois heures du matin, fait vingt kilomètres à pied chargé de toiles et de couleurs pour trouver un site qui lui plaise et rentre se coucher en oubliant de manger… C’est la lumière d’avant l’aube que cherche Soutine. L’instant où la nuit bascule dans le jour comme basculent les éléments de ses tableaux. Il ne trouve le regard juste, la juste maîtrise de sa main, de son pinceau, qu’au terme d’une immense fatigue physique, comme certains mystiques ne trouvent la révélation et la jouissance qu’au terme d’une souffrance extrême  »

1 commentaire:

  1. Tout compte fait, c'est bien qu'il y ait des musées de la nation pour l'oeuvre de Soutine. Je n'aimerais pas l'avoir dans mon salon. Je ne la vois pas dans une église non plus (encore que... le rétable de Grünewald est pas mal dans son genre, hmmm).
    Bien pour les musées.
    C'est le moment de dire que je lis les mémoires de jeunesse d'Arthur Rubenstein qui était vraiment à dix milles lieux de Soutine...
    Heureusement que les coups de foudre existent, n'est-ce pas ? (Existent-ils toujours ? probablement.)

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