jeudi 14 février 2019

Andrea del Sarto (1486/1531). Kaïs Bennani.

Est-ce parce qu’Andréa del Sarto arrive au moment où  Florence perd son monopole artistique et que ses maîtres, De Vinci, Michel Ange, Raphaël, sont partis à Rome, que la notoriété qu’il connut de son vivant s’est estompée ? Il a assuré le passage du classique au maniérisme.
Comme pour beaucoup d’artistes, son véritable nom Agnolo di Francesco di Luca a été transformé en del Sarto, « le tailleur », la profession de son père.
A travers quatre œuvres religieuses et une plus politique, le conférencier devant les amis du musée de Grenoble s’est employé à vanter les qualités de celui qui s’est imposé « comme le chef de file de la peinture à Florence en créant un style où la grâce et l’harmonie se confondent avec la grandeur et le drame ».  Œuvres destinées à instruire, émouvoir, marquées par une foi nourrie par une connaissance approfondie des textes et des symboles.
 « L’annonciation » comporte plusieurs temporalités: en arrière, la figure nue représente  Adam ou le Christ, interprété comme le nouvel Adam, sur fond de ruines romaines, sous le regard des prophètes de l’ancien testament. Et pour ne pas perdre une occasion de préciser son vocabulaire : pour Jésus on ne parle pas de sa « conception » mais de son « incarnation ». La rose sans épine qualifie la Vierge.
« Dispute de la Trinité » ou plutôt  devrait-on dire « exposé de Saint Augustin », le grand théologien appuyé contre une colonne soulignant son rôle éminent, devant Saint Laurent, Saint Pierre martyr et Saint François. Le groupe rassemble des personnes qui ont vécu à des époques différentes, ils surplombent Marie Madeleine, proche des fidèles, la pécheresse qui peut ainsi intercéder auprès des pères de l’église. Saint Sébastien survivant à une première volée de flèches est là  aussi pour être invoqué contre la peste. Mais aucun ne regarde les protagonistes au cœur de la question de la Trinité, le père, le fils et le nuage, le Saint Esprit ; c’est que l’œil physique est différent de l’œil spirituel. Les contraintes, les symboliques ne sont pas seulement religieuses, un des fils du commanditaire s’appelait Laurent, d’où la présence de ce Saint. Les œuvres sont aussi des productions sociales.
« La madone aux harpies » se tient sur un piédestal, comme une statue bien vivante au dessus de deux anges apeurés. Au moment où Luther remet en cause bien des dogmes, cette représentation plaide pour l’utilité des images, bien que le deuxième commandement stipule : « Tu ne te feras pas de sculpture sacrée ni de représentation »
Encadrée par Saint François et Saint Jean l'Évangéliste, tenant un livre ouvert, Marie est-elle au dessus d’un puits d’ombre, en rempart contre le mal ?
La dénomination «  harpies » pour les figurines sculptées viendrait de Vasari, « le mécène de la renommée », un des pères de l’histoire de l’art, il s’agit plutôt de locustes, sauterelles au corps de femme.
Si « La charité », protégeant les enfants, pour laquelle son épouse Lucrezia a servi de modèle, figure au Louvre, c’est que le Florentin l’a réalisée pendant son séjour à Fontainebleau à l’invitation de François 1°. Il reprend la composition pyramidale et des couleurs vues ailleurs mais les traite de façon cohérente et sensible. La grenade qui symbolise les fidèles unis dans la même foi, peut aussi représenter le corps du Christ et également l’abondance.
Après l’épisode Savonarole, les Médicis sont de retour et commandent une fresque, le « Tribut à César » qui vise à afficher leur légitimité sous un patronage prestigieux. La scène est animée, l’atmosphère est fastueuse, devant une architecture puissante, la girafe venant d’Egypte est bien petite tout au fond. Dans un coin la justice ne laisse pas paraître son visage et Dante se montre bien méditatif.
« Le peintre sans erreurs »  est mort de la peste à 45 ans.
Au hasard du web j’ai trouvé ce « Portrait d’un jeune homme », superbe.
Il avait d’ailleurs servi pour un hommage qui lui avait été rendu par Serge Déry.

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