vendredi 24 octobre 2014

Le temps presse.

Mes contemporains me chiffonnent quand ils ne se tiennent pas à l’heure :
les écrans s’affichent à la minute près, mais à moins le quart, toujours personne au rendez-vous de la demie.
Cette désinvolture très partagée ignore les impératifs des autres. Nous ne sommes loin du temps de la diligence.
Des communes ont été amenées à infliger des amendes à des parents qui systématiquement ne récupéraient pas leurs enfants à l’heure.
Alors tropisme familier pour ma bafouille du jour : je ne peux m’empêcher de relier cette nonchalance essoufflée, à peine excusée, au problème des rythmes scolaires.
Leur réforme a aggravé la fatigue des enfants quand elle visait à la réduire, alors quand les élèves sont plus fatigués le lundi matin, ce sont les loisirs qu’il conviendrait de revoir.
Les nouvelles dispositions donnent le pouvoir aux communes, elles mettent en évidence la perte de pouvoir de l’école : ce n’est plus elle qui structure le temps. Elle ne contredit plus les enfants rois issus de dynasties que nous avons élevées dans la méfiance de l’institution/  institutrice et la toute puissance des émois et du moi.
Au moment de se placer en pôle emploi position, à bac donné plus quelques années cadeaux, comment accepter de choisir de se poser face à de jeunes arrogants?
Pénurie de profs et ce n’est pas qu’une affaire de salaire, l’arbre de transmission est brisé et les câbles pètent.
On ne parle que d’échecs, subséquemment il est question de supprimer toute note, pendant que les évaluations redoublent d’intensité.
Toujours est-il que les contrariés, les décrocheurs se multiplient.
Tous ne se « sauvent » pas en Irak, mais les brigades internationales d’aujourd’hui ne tirent pas pour un monde meilleur, en se suicidant, les aspirants visent le paradis.
Tous ne traduisent pas leurs ressentiments en allant vers l’extrême droite, mais ils barbouillent nos fenêtres, foutent en l’air le peu d’innocence qui nous restait.
Avoir chanté : «  mais on est chez nous » dans un Bourgoin-Grenoble et se retrouver devant une affiche du FN qui dit pareil : alors là ce n’est plus du jeu !
J’en étais à ces réflexions harassées quand je trouve dans Libération de samedi 18 octobre, un entretien avec Alex Williams et Nick Srnicek qui viennent d’écrire un manifeste… « accélérationiste » qui s’appuie sur les technologies pour « reconquérir le futur, délaissé par la gauche nostalgique ». Un petit extrait
« Rafraîchir la modernité consisterait à reprendre possession des idéaux de l’universalisme, du progrès, de l’humanisme, de la raison et l’émancipation. Cela signifierait combattre la conception néolibérale limitée de la liberté et admettre que la liberté doit inclure une dimension positive, constructive et pas seulement une protection négative contre l’Etat. Et reconnaître la valeur du raisonnement collectif (qui doit être opposé à tous points de vue aux images classiques de la raison). » Vive la jeunesse.
..............
La photo en noir et blanc est de Chema Madoz qui a illustré d’autres articles de ce blog : http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/09/rencontres-photographiques-arles-2014.html

………..
Dans le Canard de cette semaine :

1 commentaire:

  1. Hmmm... aujourd'hui c'est moi qui ose timidement avancer que tu exagères peut-être un petit peu ?
    C'est étrange.. oui, une des premières choses que cette petite immigrée a remarqué était que l'école structurait le temps en France.
    Non seulement le temps des écoliers, mais... le temps de quasiment tout le monde.
    Je n'avais jamais connu ça dans mon pays d'origine, et pourtant, l'école est/était hautement investie à l'époque où je prenais son chemin.
    Qu'est-ce que ça pouvait signifier, que l'école structurait le temps de tout le monde ?
    Ça donnait un pouvoir... quasiment exclusif à l'école, à mon avis, et mon expérience me dit que plus on va dans la concentration des pouvoirs, plus la révolte contre la concentration se fait violente. Le fameux retour du balancier.
    Pour les enfants rois... il est assez extraordinaire que dans le pays de la Révolution, si peu de personnes imaginent de combien peu est le vrai "pouvoir" du Roi, qui, en tant que personne investie d'une haute valeur symbolique, doit se comporter de manière à se plier à sa fonction. (Et gare à lui s'il n'est pas à la hauteur de la fonction.)
    Et nos enfants... rois ? Tu ne crois pas qu'ils paient un prix très élevé pour concentrer nos aspirations pour un monde meilleur, et garantir notre futur immortalité, ainsi que de nous permettre de nous revoir "innocents" pendant quelques années ?
    Moi, je crois que si, malheureusement.
    Etre en place d'un idéal, c'est vraiment la poisse.
    Mais je constate que je m'époumone dans le désert quand je dis cela...

    RépondreSupprimer