mardi 5 décembre 2023

Le retour de Lagaffe. Delaf.

Pour contrarier les puristes  qui nous puristent la vie en ne voulant pas de successeur à Franquin, j’avais un à priori favorable envers ce nouveau 
Lagaffe  très bien saisi par Delaf.
«  Remettez moi tout ça en place !… Bam ! » 
Le lunaire débonnaire est plus que jamais indispensable, sa gentille fantaisie, son inventivité renouvelée nous manquaient depuis l’enfance. 
« Rogntudju ! »
L’indolent ne manquant pas d’énergie était parti en vacances, il retrouve sa boite de petit chimiste, sa mouette, son chat et mademoiselle Jeanne, dont ma petite fille regrette que ses sentiments ne soient pas reconnus par le propriétaire du Gaffophone. 
« M’enfin ! » 
Gaston désormais va en salle de sport et utilise un Aïe-Phone, Longtarin s’habille en civil et un psychanalyste peut s’avérer utile.
Bien que fidèle à l’univers du paresseux, des innovations scénaristiques surviennent bien naturellement chez l’inventeur hyperactif d’un purificateur d’air à essence. 
« ZZZZZ Rôôôô »
Il peut bien se reposer de temps en temps. 
« Wouaa Hahââ »

lundi 4 décembre 2023

Napoléon. Ridley Scott.

Nino 10 ans : J’ai bien aimé ce film car il y avait de la bataille. Des scènes sont choquantes comme à un moment quand Napoléon veut faire déguerpir les anglais de Toulon. Il charge et paf !  son cheval se prend un boulet de canon. A la fin de la bataille, Napoléon prend le petit boulet qui était dans le cœur de son cheval et dit : « pour ma mère !» 
Donc c’était un peu glauque et d’autres fois pareils. Mais j’ai adoré quand même. 
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Les commémorations discrètes autour du bicentenaire de la mort de Napoléon en 2021 ont suscité moins de commentaires, me semble-t-il, que le dernier film de l’auteur d’Alien et de Thelma et Louise.
Pourquoi un anglais ne serait-il pas légitime pour présenter sa version ? Quitte à aller voir ce qui est contestable, réviser ou apprendre. Par exemple, j’ignorais tout des relations du tsar Alexandre 1° et de Joséphine dont la personnalité n’est pas secondaire dans cette œuvre de 2h 30 trop courte pour faire valoir la dimension politique de la trajectoire qui a amené le général de la Révolution à devenir Empereur.
Certes on peut trouver contestable l’esthétisation de la violence guerrière mais les images d’actualité font naître encore plus sûrement des cauchemars chez les enfants, peu nombreux à cette séance de fin d’après midi, quand l’ignorance de l’histoire se cultiverait sous de lénifiantes intentions essayant de masquer la sauvagerie du monde. Ils ne sauront que mieux  en apprécier bonté et beauté.
A voir.

samedi 2 décembre 2023

La fille qu’on appelle. Tanguy Viel.

Le maire d’une ville au bord de l’Océan va devenir ministre, Max son chauffeur boxeur remet les gants pour le combat de trop dont la fille (jolie) Laura cherche un appartement : le déroulement de l’intrigue est sans surprise, avec méchant bien identifié et jeune innocente.
Les couleurs ne manquent pas aux métaphores. 
« C’est comme ça donc que la fusée blanche largua dans l’espace son premier étage désormais inutile, Max comme des lambeaux de métal qui exploseraient dans la nuit dont l’éclat ne serait plus l’éclairage des piscines plutôt les néons des bars à l’heure de la fermeture, avec ce teint jaunâtre qu’on se trouve dans le miroir des toilettes, et l’envie de frapper à mains nues dans son propre reflet. » 
La simplicité psychologique des personnages et l’évidence du scénario contrastent avec une écriture qui pour être travaillée en parait affectée, artificielle. 
«… elle s’était à nouveau barricadée derrière la fatalité, celle d’une jeune fille qui n’était pas née pour prendre des décisions et se laissait faire depuis longtemps par ceux qui savent s’y prendre- elle si clairvoyante en même temps, si capable de sonder toute situation, effarée elle-même peut être par la stérilité de sa propre intelligence. »
Les pensées parfois tarabiscotées des personnages n’empêchent pas leurs actes brutaux.
Cette distance entre réalité et raison, renvoie à notre époque ou le sens des responsabilités devient une denrée rare alors que la victimisation est le moteur de la vie sociale. 
« Elle a senti sa respiration se couper, comme un clou qu'on aurait enfoncé dans une horloge pour en arrêter l'aiguille, et elle n'a plus bougé pendant de longues secondes, interdite en somme, le cerveau à l'arrêt... »
Cependant le questionnement autour du consentement pour devenir banal n’en est pas moins intéressant à traiter avec quand même moins d’emphase. 
« Mais pour l’heure il lui semblait que du fond de l’océan toutes les déesses de la mer se dessinant sur l’écume chuchotante avaient décidé de parler, ou non pas lui parler mais pérorer comme elles savent si bien faire en commentant l’action. Et c’était comme un coryphée antique posé au coin du soir, une assemblée tenue par cinquante naïades qui psalmodiaient autour d’elle : Oh qu’as-tu fait, Laura ? Qu’as-tu fait ? »
Le chœur des déesses de l’Obs et de Télérama a bien aimé ces 170 pages. Pas moi.

vendredi 1 décembre 2023

Artificielle Intelligence.

Bien des remplisseurs de colonnes de journaux dénigrent systématiquement la France et nourrissent les haineux. Pourtant ils sont les premiers à vouloir accueillir tous ceux qui en canots essayent de rallier notre pays avant de le railler.
Patrick Boucheron critique une vision trop dramatique de l’histoire au Puy du Fou tout en vantant son dernier livre « Le Temps qui reste » sur deux pages du « Monde » et brode lui-même en noir : 
« Lorsqu’on a le sentiment d’aller cap au pire, on ne peut se contenter de s’en remettre au jeu convenu des routines, des postures et des tribunes. »
Cette critique des « bien pensants » médiatiques, ne me vaut pas, j’espère, d’entrer forcément dans la catégorie des démagos toujours brocardant les experts, pour mieux se fier à quelques délirants conspirationnistes.
Je mesure trop la difficulté de se gouverner soi même, alors le Moyen-Orient !
Mais je manque d’indulgence à l’égard des lanceurs d’alerte fascinés par les ZAD (zone à défendre) bien timorés pour défendre les ZFE (zones à faibles émissions) ou les ZAN (zéro artificialisation nette), mesures concrètes pour lutter contre le réchauffement de la planète.
Leur courage est resté dans la sacoche de leurs vélos. 
Notre civilisation attaquée, rongée de l’intérieur, accueille les autres civilisations dans ses Instituts, ses musées, ses hôpitaux, ses universités, ses cuisines.Tant de décolonisateurs ont trouvé chez nous les munitions pour s’émanciper de la métropole et plus récemment des officiers formés en France sont à la pointe de l’anti-occidentalisme sous les yeux énamourés des Russes et des Chinois dispensés forcément de toute leçon de démocratie.  
Un islamiste a tué un prof de français, il cherchait un prof d’histoire. La destruction de l’école n’est pas que métaphorique, combien de salles de classe ont brûlé pendant les émeutes de juin ?
Quelques restes d’optimiste jeunesse d’un autre siècle me permettent de ne pas désespérer tout à fait d’une espèce terrestre attachée à sa perte.
Lecteur fervent d’ « Actuel » du temps des nouveautés excitantes, et du progressisme jadis marqueur de gauche, je ne suis pas effrayé par l’intelligence artificielle aggravant pourtant la confusion entre réel et virtuel. Elle est humaine, forcément humaine, et fait ses preuves dans nos vies chaque jour, en évitant par exemple quelques fautes d’orthographe.
Nous n’en sommes plus aux cartes routières et autre chambre noire, même s’il faut veiller à  ne pas devenir machines nous-mêmes, quand sur les réseaux sociaux, l’anonymat réduit les mots à d’anodines abstractions et les émetteurs à des fantômes. 
« La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable. Il y a eu une modernité pour chaque peintre ancien. » Baudelaire
Les rues crient, les réseaux sociaux braillent, les institutions (ONU) sont paralysées.
Peut-on ranger dans la liste des paradoxes, les positions de la Turquie membre de l’OTAN soutien du Hamas avec d’autres incongruités ?
- L’extrême droite française fille du « détail » se retrouve à côté de l’extrême droite israélienne
- Des organisations LGBT+ défendent le Hamas, tueur d’homos
- Que disent les féministes, fan de l’abaya, des Iraniennes à l’indécente chevelure ?
Tiens l’interdiction à l’école de cette robe couvrante n’a guère suscité les vagues annoncées, bien qu’une collégienne de mes connaissances m’ait expliqué que « muslim, c’est tendance ! ». 
« L'homme prie pour obtenir le mal, comme il prie pour le bien.
L'homme est toujours trop pressé. » 
Le Coran
………….
Sous le titre « d’artifices » j’ai déjà tourné autour du thème où pastiche et contrefaçons ne sont pas loin, il n’y a pas si longtemps. 

jeudi 30 novembre 2023

Picasso et l’antiquité méditerranéenne. Gilbert Croué.

Pour le cinquantième anniversaire de la disparition de Picasso, le conférencier, devant les amis du musée de Grenoble, a consacré son temps à la partie jugée la plus élégante de l’œuvre de Picasso qui créa pendant 78 ans (il a vécu 92 ans) sous l’œil de « La chouette » (1953) symbole de sagesse depuis Athéna.
Le grand déconstructeur des formes et des conventions picturales était un homme de traditions.« Le Pigeon aux petits pois » a été réalisé en 1911
et « Mandoline et clarinette » en 1913, avant la mort de Rodin.
La vie à Malaga où il est né en 1881 était plus proche des temps très anciens que du siècle qui allait advenir. « Trois femmes à la fontaine».

Son père professeur de dessin lui a sûrement fait connaître au musée la mosaïque de 
« La naissance de Vénus »

et d’autres vestiges d’une occupation romaine 
qui eut Trajan et Hadrien comme empereurs venus de la péninsule ibérique.

« Héraclès combattant Nessos »  figurait sur une amphore 2700 ans

avant « Nesus et Déjanire » de Picasso aux volumes suggérés.
Nesos ou Nesus sur ses quatre pattes avait proposé au puissant Héraclès ou Hercule de faire traverser le fleuve à Déjanire sa femme mais le centaure fut traversé par une flèche vengeresse pour avoir essayé d’abuser de la belle. Son sang va imprégner une tunique que Déjanire donnera à son époux qui ne pourra s’en défaire: la tunique de Nessus désigne depuis une vengeance différée, une obsession difficile à évacuer et tout cadeau empoisonné.

« Héraclès secourant Déjanire enlevée par Nessos »  figure sur un  kylix (coupe à libation).

Picasso est lui même « Le centaure »  au trait déroulé sans lever le crayon.

La mythologie a inspiré toutes les époques : dans la sculpture de table de Jean De Boulogne  (1575), Déjanire appelle au secours. 
Picasso a illustré de 30 eaux fortes aux traits épurés, 
le texte d’Ovide « Les métamorphoses ».

« Jupiter et Semele » La maîtresse ne devait pas voir le visage de son amant mais quand celui qui lui avait fait un enfant se découvre, tout prend feu et le maître de la foudre a juste eu le temps d’arracher le petit Dionysos du ventre de sa mère et de le coudre dans sa jambe d’où la prestigieuse provenance inspirera bien des arrogants.

« Le repos du sculpteur » (1933), 
convient pour évoquer les moments de plénitude avec MarieThérèse Walter.

« Pan et Aphrodite » sur un miroir de bronze étrusque,
ou une « Idole des Cyclades » rappellent que la modernité date de bien longtemps.

« Homme avec un masque, femme avec un enfant dans ses bras » 
L’artiste à tête laurée est également semblable au faune au crayon, ou à l’eau-forte et aquatinte,

« Faune dévoilant une femme ». Il réalise toute une série à Antibes de ces êtres lubriques.

Jouant de la diaule, le « Faune musicien » célèbre les rapports amoureux :   
 « C’est curieux ; à Paris je n’ai jamais dessiné de faunes ; on dirait qu’ils ne vivent qu’ici » Sans quitter Marie-Thérèse, la mère de sa fille,
il s’engage dans une relation passionnelle avec Dora Maar.

« Dora et le Minotaure » : c’est lui encore mi-homme, mi-bête en 1936. 
Le mythe rejoint une passion précoce pour l’archaïque corrida où le sang des taureaux servait à féconder les champs.

« Corrida aux personnages ».
A 9 ans, il représente un « Picador dans l’arène »
et plus tard «  La mort du torero ».
Ce taureau de 1400 av. J.C. , provient d’Iran, il est plus âgé que ces charmants tanagras béotiens de 400 av JC .
« Tanagra au chapeau » plus exactement coiffée de la tholia et portant chiton, la tunique.

Ses plis élégants se retrouvent chez  
« Femme assise au chapeau et femme debout drapée. »

L’« Idole féminine mycénienne » datant de 1300 av. J.C.

ou l’ « Aiguière rituelle » du 16ème siècle avant J.-C venant de Santorin 
auraient pu être modelées par le prolifique maître.

Il avait dessiné à 14 ans un  « Jeune portant un agneau »,
son « Homme au mouton » semblable au

« Porteur de veau » « Moschophore » antique (550 av. J.-C.) 
 s’inscrit dans une connaissance de l’histoire de l’art que confirme

le « Portrait de Jacqueline » (1957) tellement semblable à une fresque où apparaît une

« Jeune crétoise dite la parisienne » (1400 av.J.C.).
 « Nos morts continuent de vieillir avec nous. » Pablo Picasso.

mercredi 29 novembre 2023

Définitivement. Grand corps malade. Thomas Baas.

Ma frangine, fan du slameur, m’a prêté un album destiné aux enfants pour me convaincre des talents de Fabien Marsaud, le citoyen du neuf trois.
Je reconnais sa singularité accompagnée de dessins sympathiques créant une belle ambiance de douceur,  quand même trop uniformément mélodramatique.
Tout au long des textes on peut imaginer ses scansions caractéristiques mais sa poésie reste pour moi, trop surlignée.
La première partie « Définitivement » est consacrée à son fils qui va naître :
« Tu vas bousculer ma vie, définitivement ».  
Se retrouvent des accents de Renaud qui jadis m’enchanta, avant de m’agacer:
« J’ai déjà la rage contre tes profs, quand ils donneront trop de devoirs ».
 « Tu peux déjà » titre la seconde partie consacrée à son fils ainé : 
« Tu peux déjà rire chanter et bavarder »
 Bien sûr, bien des papas retrouveront de telles émotions : 
« Et quand tu perds au Memory, tu fais la gueule
J’te laisse bouder je joue au papa insensible
Mais à ce moment là t’es encore plus irrésistible »
 
Cette proximité avec son public dans le partage des sentiments assure le succès mais n’oblige pas à la banalité:
« La deuxième fois, c'est toujours autant d'émotions ».

mardi 28 novembre 2023

Les trompettes de la mort. Simon Bournel-Bosson.

Un enfant déposé par son père chez ses grands-parents va grandir.
Les couleurs tranchées conviennent bien à la description d’une maison froide voire inquiétante mais le grand-père tellement hostile en arrive à être peu crédible.
La rigidité des traits ne s’accorde pas au glissement onirique du récit et ce titre qui promet des saveurs rares n’est représentatif du récit courant sur 240 pages que par le mot « mort » qui évoque l’atmosphère angoissante et « trompette » pour le ton tonitruant de cet album.
« Tu sais, les poissons rouges sont petits parce qu’on les enferme dans un bocal. » 
Des commentateurs évoquent le conflit de générations, encore faudrait-il qu’elles se parlent : chacune campe dans sa solitude armée.