vendredi 21 janvier 2022

Colibri c’est fini.

Le réel peut disparaître face à la fiction quand un non vacciné admis en réanimation ne veut pas reconnaître le diagnostic qui indique que lui aussi est atteint par la pandémie, puisque pour lui la Covid lui semblait une invention. Il a accepté d’être ventilé.
Cette histoire peut susciter l’incrédulité, mais nous sommes également dans un déni à l’égard de l’état de la planète ou dans l’acceptation des inégalités, voire vis-à-vis de notre inéluctable fin. Mais comment vivre, quand tant de choses nous dépassent ?
Nos directeurs de conscience se sont semble-t-il aperçus qu’à faire sonner du matin au soir les sirènes de l’apocalypse, nous ne pouvions plus les entendre. Reste à nous débrouiller avec nos faiblesses, nos lâchetés, nos aveuglements.
Pour éviter de se fustiger trop facilement, l’émergence d’effets pervers entrainés par des mesures de justice nous rend prudents face à des solutions miraculeuses, avec l’exemple de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux qui a participé à la fragilisation de l’institution. Me voilà absout vite fait de mes reniements et de mes essoufflements.
Nos impuissances s’égayaient avec quelques oiseaux minuscules aux couleurs chatoyantes prétendant éteindre l’incendie de leurs gouttelettes dérisoires, mais Pierre Rabhi le père de l’association Colibris est mort et Sandrine Rousseau squatte les plateaux. Le titre de cet article n’hésite pas sur le jeu de mots mais se garderait d’une quelconque prophétie.
Bien qu’ayant une aversion de toujours envers les gourous, la modestie de l’habitant du plateau ardéchois et ses engagements forçaient un respect que je n’accorde pas à tous les radicaux de salle des profs qui ne nettoient jamais leurs tasses.
La croissance démographique qui fut un vecteur de l’épuisement des ressources de la planète est en train de s’inverser, entrainant d’autres problèmes de main d’œuvre et de retraites.
Les débats qui animent petites et moyennes communes quant à la construction de nouveaux logements seront bientôt caducs et les tas de déchets moins hauts.Laissez venir à nous réfugiés climatiques et politiques ! Mais arrêtez de faire des mômes, et pour préserver la planète évitez les préservatifs en plastique, revenez à la vessie de mouton des origines dont Madame de Sévigné, disait: 
« c'est une cuirasse contre le plaisir, une toile d'araignée contre le danger ». 
Toutes ces forces vives en barque vers nos pays plus policés ne viennent pas forcément d’états policiers, privant ainsi bien des pays qui ne cessent d’émerger de leurs éléments les plus dynamiques. 
« Le monde, c'est un bateau norvégien rempli de réfugiés afghans en rade au large de l'Australie. » Marie Darrieussecq
J’ai passé une semaine avec Houellebecq où les barges coulent,
mais me reviennent depuis ses romans plus noirs, la mise en lumière d’une campagne où les suicides de paysans ne sont pas des simulacres.
Depuis nos territoires climatisés où le travail est essentiellement source de stress, où tout est tourné en dérision, le jeu et ses manettes tiennent la main du « je ». La prise du palais d’hiver se résoudrait aujourd’hui en un selfie maintenant que des avatars tiennent meeting. 
« Cage dorée ne nourrit point l’oiseau.» Proverbe italien.

jeudi 20 janvier 2022

Basquiat. Julian Schnabel. Jean Serroy.

Le dernier film de la série « Les peintres au cinéma » présenté devant les amis du musée de Grenoble, après Michel Ange et Caravaggio,
a été réalisé par un peintre contemporain du si jeune maître de la figuration libre.
Basquiat est mort en 1988 à 27 ans, le film après 6 ans de gestation date de 1996.
Le réalisateur dans un souci d’authenticité a choisi des acteurs proches du milieu des artistes émergents dans les années 80 : Bowie en Warhol, Dennis Hopper, Christopher Walken, Jeffrey Wright a la ressemblance troublante avec le grapheur et Keith Richards, Iggy Pop pour une bande-son forcément marquante avec l’inoubliable Tom Waits.
Il est surtout question des rencontres qui ont permis à celui qui dormait dans des cartons de devenir une star. Le mot semble le plus approprié pour désigner le créateur séduisant le marché de l’art.
« En 1980, Jean-Michel Basquiat survivait à peine en vendant ses dessins 50$ pièce. Aujourd’hui, certaines de ses peintures se vendent plus de 50 millions de dollars. »
Des aspects de sa biographie sont habilement traités comme le retour impossible vers une mère qui avait déterminé son destin
ou la rivalité/amitié entre Warhol, Basquiat et Schnabel oubliant Keat Harring dans son récit : qui était la création de l’autre ?
Jeffrey Deitch un marchand d’art avait pu dire de lui :  
« Toute la force de Basquiat réside dans sa capacité à opérer une fusion entre les images absorbées dans la rue, les journaux, à la télévision, et le spiritualisme de son héritage haïtien pour mettre ces deux éléments au service d’une compréhension merveilleusement intuitive du langage de la peinture moderne. »
Bien que la présence de critiques et de galeristes souligne les aspects financiers que les films américains ne négligent jamais, quand le talent se mesure en dollars, nous restons au bord de cet engouement soudain pour un peintre se réclamant d’un « art ignare » et de « la peinture moche ».
Serait-ce l’éternel remords d’avoir ignoré Van Gogh, la fascination pour l’underground, l’émergence enfin d’un noir qui se voulait créole, l’originalité de celui qui était toujours en recherche dans les styles, les techniques, les substances qui l’ont tué ?
Sa carrière fulgurante ne pouvait que solliciter le cinéma, bien que malgré tous ses atouts, l’émotion ne soit pas au rendez-vous, pas plus qu’un dévoilement des mystères de la créativité, alors que bien des aspects de sa biographie sont bien présents. 
 Le cinéaste qui a adapté «  Le scaphandre et le papillon », revenu récemment sur la vie de  Vincent Van Gogh « At Eternity's Gate » ( À la porte de l'éternité) est aussi un peintre côté adepte du collage, il était un personnage du film « The square » 

mercredi 19 janvier 2022

Colmar # 2.

 
Il a plu et après un faux départ, nous retournons par précaution chercher des pulls,
vite enchiffonnés dans un sac à dos.
Aujourd’hui sera consacré à la visite de la ville, aussi avons-nous besoin d’un plan et de conseils que nous trouvons à l’Office du tourisme.
- Le parcours proposé débute par la maison des têtes. Cette vénérable maison de style Renaissance sert actuellement d’écrin à un restaurant multi étoilé. 

Elle doit son nom aux figures grimaçantes qui se détachent sur un oriel (sorte de bow window) à cheval  sur deux étages. Au sommet un tonnelier en étain du célèbre Bartholdi  se dresse sur un pignon, un verre dans une main, la bouteille dans l’autre, prêt à nous servir et sa présence nous rappelle  qu’à l’origine le bâtiment abritait la  Bourse aux vins
- A deux pas, l’Eglise des Dominicains nous invite  dans un monde plus spirituel.  Elle recèle un joyau de la peinture religieuse  du XV°siècle: « La vierge au buisson de roses » de  l’artiste alsacien Martin Schongauer.
Habillée de la couleur de la passion elle est  enchâssée dans un triptyque doré et sculpté où des angelots musiciens surgissent au milieu d’entrelacs floraux. Nous ne pourrons admirer le cloître de cet ancien couvent, car la plupart du  bâtiment subit des transformations et des rénovations afin de devenir prochainement une bibliothèque et un musée du livre et de l’image.
- Continuons dans le religieux  avec la collégiale Saint Martin de style gothique. Bicolore, elle utilise deux pierres différentes, près du sol une pierre rouge plus résistante à l’humidité  et au-dessus une pierre bien jaune (grès). Nous  croisons un grand-père en compagnie de son petit-fils, et au détour d’une interrogation nous engageons la conversation. Cet homme érudit et passionné par cet édifice,  répond gentiment à nos questions, voire les devance.
Ainsi, il nous explique pourquoi les touristes s’approchent en ricanant d’une petite statue anodine placée dans une voussure ; le personnage  représente un homme qui défèque, le sculpteur a poussé la plaisanterie jusqu’à cacher les testicules que les passants peuvent tâter en glissant les doigts à l’intérieur. Au toucher très lisse de la pierre, il est évident que la tradition se perpétue…D’autres œuvres surprenantes pour  un lieu religieux, bien que petites et discrètes, apparaissent  aussi sur la façade.
Notre grand-père nous emmène découvrir le personnage qui mord les parties génitales du démon,
et la vieille femme recommandant à ses congénères l’attitude à observer à la messe, le doigt dans la bouche pour se taire, et la main à l’oreille pour écouter.
Certaines scènes  anti sémites font polémiques comme cette gargouille représentant trois juifs portés par un cochon, faut-il les enlever ou les conserver ? Notre guide occasionnel  nous indique enfin une  tige de métal, à hauteur d’homme  encastrée dans un des murs : elle servait  de coudée les jours de marché pour mesurer les tissus.
- De l’autre côté de la place, l’ancien corps de garde d’époque renaissance marque  le pouvoir laïc : hôtel de ville un temps, lieu de marché puis tribune des magistrats. Sa loggia rajoutée peu après sa construction et ses ornements  lui confèrent  un petit côté italien,  balcon à la Roméo et Juliette.
Sur la même place  La maison Adolph est considérée comme l’une des plus anciennes de Colmar (XVI°) elle relève des monuments historiques.
- Nous nous déplaçons rue des marchands vers la célèbre maison Pfister. Son architecture intègre une tour d’escalier, une galerie en bois, un magnifique oriel. Ses commanditaires n’ont pas lésiné sur la décoration, que ce soit sous forme de médaillons d’hommes historiques, de sculptures ou  de peintures religieuses (les vertus, la bible…) C’est sans doute la plus belle, la plus originale de la ville
- Nous passons ensuite devant l’ancienne douane appelée Koïfhus.
Malheureusement pour nous, des travaux avec leurs bâches et panneaux  de protection nous empêchent  de le voir. Le peu que nous discernons accentue nos regrets !
Durant notre déambulation de ce matin, nous avons  trouvé la cité particulièrement bien entretenue, très propre,  façades pimpantes et enjolivées par les enseignes en fer forgé ouvragées et nombreuses.
Nous souhaitons interrompre notre promenade et désirons manger dans un établissement proposé par Le routard « Jadis et gourmande ». Devant l’afflux de clients, des locaux habitués à réserver dès le matin, nous retenons une table pour 13h 30.
- En attendant, nous découvrirons  le musée du jouet, installé dans un ancien cinéma. Il est désert à cette heure. Sur 3 étages, des vitrines rassemblent une collection de jouets du XIX et XX°siècles triés par catégories :
Les poupées se déclinent, de la poupée en porcelaine en passant par le poupon en celluloïd  puis par la Barbie sous tous ses avatars.
Peu de peluches et de nounours en revanche occupent les étagères.
Des théâtres, des dinettes, des maisons de poupées, des instruments de musique pour enfant, des accessoires, rien ne manque.
Des  voitures miniatures ou  des voitures à pédales attestent du temps et des modes qui ont  passé. 
De magnifiques trains électriques fonctionnent encore  sur de longs circuits, ils roulent sur des voies ferrées bordées de maisons, de gares richement décorées, leurs réseaux s’étendent sur l’ensemble du 2ème niveau.
Ils ont dû en faire briller, des yeux émerveillés de gamins !
Il y a aussi des jeux de société et de construction, des jouets mécaniques, des robots et des Playmobil.
Une exposition temporaire tourne autour des avions datant de leurs débuts, miniatures fragiles et au plus proche de la réalité jusqu’à  des machines plus récentes.
- Il est juste l’heure d’aller au restaurant tester le menu du jour : des lawerknepfla (quenelles de foie) accompagnées de salade et pommes de terre sautées. C’est bien bon !
Nous déjeunons en terrasse ;  à l’intérieur, de vieux  nounours  épient la rue derrière les fenêtres de l’étage.
- Le ventre contenté avec cette recette alsacienne,
nous nous apprêtons à passer l’après-midi au musée Unterlinden