mardi 28 septembre 2021

Journal d’un fantôme. Nicolas De Crécy.

Une forme indéterminée, le fantôme, à la recherche de lui même, voyage au Japon avec son  manager, passe par le Brésil et revient à Paris. 
Le dessin a la parole. « Un concept de dessin en devenir » 
Cette réflexion sur la création artistique permet même de s’interroger sur la Création tout court, bien que ce Dieu là ne soit guère admirable.
La profondeur empreinte de poésie est légère car l’humour est dans chacune des 220 pages.
Nicolas De Crécy, toujours en recherche, est exceptionnel dans ses dessins et dans son récit
Ce pourrait être désincarné, trop métaphysique, c’est aéré, les rêves ne masquent pas une réalité sans cesse interrogée, magnifiquement représentée dans des traits vibrants ou des nuances au brou de noix. 
Beau et simple. Rare.

 

lundi 27 septembre 2021

Drive my car. Ryusuke Hamaguchi.

Un metteur en scène de théâtre en déplacement à  Hiroshima consent à être conduit par une jeune femme de ses lieux de répétition à sa résidence.
Ce film inspiré par une œuvre d’Haruki Murakami est tellement riche que les trois heures de projection passent comme dans un rêve, comme la vie, que cette révision de Tcheckov enrichit avec une interprétation en langue des signes (coréen) époustouflante. 
Le tempo lent mais jamais lassant permet d’aborder le thème du deuil, de la sincérité, de la force des récits, de  la reconstruction, de la construction de soi, et par la grâce d’un scénario limpide récompensé au festival de Cannes, ménageant des silences, nous sommes surpris à tout moment par les personnages.
Une pointe de fantasque vient pimenter un récit qui nous donne un aperçu de la profondeur, de la complexité universelle de l’âme humaine, sans que soient amenuisés les singularités culturelles rendues avec finesse par un réalisateur précieux. 
Il éloigne la peur des grands mots et s’attache à explorer sans forcer l’amour et la vérité.
On sort en se disant « voilà un beau film » sans que jamais il n'ait pris la pose, bien que lors de conclusions multiples, une séquence près d’une sublime maison écroulée soit trop explicative à mon goût.

dimanche 26 septembre 2021

Ballet de l’opéra de Lyon. MC2 2021.

Un petit trait de lumière et le rideau se lève sur un danseur aux bras désobéissants : la saison peut commencer à la MC2. 
Dès que ses trois partenaires entrent, leurs gestes maladroits s’emmêlant, se démêlant, deviennent fascinants par leur précision.
Toute rentrée marque le temps qui passe, alors la souplesse des artistes me parait à chaque fois plus extravagante comme leur capacité à se souvenir de gestes nouveaux sous des cadences endiablées voire dans le silence. 
On entend leurs expirations et alors que souvent les danseurs semblent s’accorder sans se regarder, leurs regards sont expressifs.
Il s’agit de « N.N.N.N» de William Forsythe mais je ne sais pourquoi ces quatre lettres.
En deuxième partie « Solo for Two », du chorégraphe suédois Mats Ek sur des musiques épurées d’Arvo Pärt. Un homme et une femme apparaissent, disparaissent dans les ouvertures du décor, changent de costumes en étant toujours aussi virtuoses. Quelques touches d’humour m’ont plutôt embarrassé, surtout les tressaillements d’un escalier.
Final en beauté avec 8 danseurs solitaires et ensemble pour « Die Grosse Fuge » d’Anne Teresa De Keersmaeker 
reconnue aux premiers gestes quand la danse n’est pas qu'un accompagnement mais rend tangible la musique du quatuor à cordes de Beethoven.
Ardents, tombant, se relevant, vivants, nous vivifiant comme d’habitude.

samedi 25 septembre 2021

Bibliothèque de survie. Frédéric Beigbeder.

Il fut un temps où c’était la honte, dans mon milieu pas centriste alors, d’être surpris à lire le Figaro, magazine de surcroit, et me voilà à chroniquer les livres d’un des marqueurs de la droite qui ne crèche plus seulement à Neuilly.
C’est que le muscadin est moins sectaire que bien des prescripteurs de l’autre rive du Rubicon.
Son choix de 50 livres est varié, de Molière à Virginie Despentes,de Colette citée en épigraphe :
« Etre libre ! … Je parle tout haut pour que ce beau mot décoloré reprenne sa vie, son vol, son vert reflet d’aile sauvage et de forêt. »
à Philippe Lançon
où même les dessins du New Yorker figurent en bonne place 
avec exhumation de Ravalec qui me surprit jadis
et Linhart Virginie que je ne m’attendais pas à voir figurer en si bonne compagnie, 
alors que tant d’autres me sont inconnus : Rinkel, Manteau Tison…
Il va chercher chez les plus grands : 
« Molière a besoin de ridiculiser, Kundera d'ironiser, Wilde cultive l'arrogance, Huysmans et Dostoïevski la misanthropie, Fitzgerald le désespoir chic, Kafka la paranoïa et Roth a raconté la cancel culture depuis La tâche en 2000. » 
Le titre un peu outré est trompeur, il ne s’agit que de littérature et de légèreté qui dit mieux la gravité que tant de pompeux écrits : 
« Les meilleurs livres sont souvent salaces, répugnants, couverts de crachats, obscènes, ils exploitent ce qu’il y a de plus voyeur en nous, ils exposent ce que la société voudrait masquer, ils révèlent la face obscure de notre humanité, ils fabriquent du beau avec du pervers, ils explorent les limites, dépassent les bornes, enfreignent les interdits. Mais surtout: ils se mêlent de ce qui ne les regarde pas. »

vendredi 24 septembre 2021

Blop blop dans le bocal.

Depuis nos écrans, entre petite et grande focale, local et global, nos yeux et nos têtes vrillent. 
« Pisser sous la douche ne suffira pas » comme dit l’affiche de «  Time for the planet » mais ce réchauffement de la planète venu du fond des temps, qu’y pouvons-nous encore?
Pour des périodes à portée d’entendement ici et maintenant, autant « OK boomer » m’agace autant je suis accablé par les inopérants : « c’était mieux avant ! » 
Mâle blanc, donc pas vraiment du côté du bien, j’ai bien d’autres culpabilités à assumer que celle de l’éternel colonisateur et de l’aveugle pollueur. Invité à ne plus bouger même le petit doigt, des fourmis me viennent aux mains quand elles s’approchent du clavier.
A défaut d’être en phase, quelques phrases peuvent rassurer et la lumière de certains phares pourraient nous réjouir de leur lucidité, mais c’est quand même depuis 1957 qu’ils clignotent, désespérément: 
«Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd'hui nous détruire mais ne savent plus convaincre… » Camus.
Je n’ai pas oublié le slogan que je répétais jadis : « Le monde change, changeons l’école » même si j’en suis à lister désormais tous les bouleversements que je ne comprends plus.
Vieux à la peau lisse, je me suis fait à l’idée de tatouages envahissants pour l’éternité quelques épidermes voués à la précarité tout en me fondant dans la foule aux écrans sacrés. Pour préserver quelques critères qui pourraient s’approcher de la notion relative de beauté, les icônes toutes petites de nos phones ne suffiront pas à nous consoler d’immeubles griffés de grafs et de rues balisées de godes en plastique rongés par des chiens de combat.
Autour des écoles « Pas de vague » des mamans dissimulent leur visage, d’autres, monoparentes (une famille sur quatre), n’attendent pas leurs petits à la sortie. La FCPE et l’UNEF ont déserté le camp laïque.
Avant que les vaches aient déserté nos collines, les pelouses bien taillées deviennent inconvenantes, mais les herbes folles des trottoirs luttent-elles contre l’amoindrissement de la bio diversité ? A Grenoble, certaines publicités ont été bannies mais des messages bavards se multiplient jusque dans le moindre bac, rempli de mégots et de canettes, pour en attendant quelque plan de basilic salvateur, poser en défenseur de la planète.
Les donneurs de leçons n’officient plus dans les écoles, mais tiennent le crachoir, frontalement.
Les soignants qui se sont mis en congé maladie pour échapper à la vaccination participent à l‘érosion de la crédibilité des rédacteurs de certificats médicaux, comme l’absentéisme dans la fonction publique favorise le privé. La disparition du doute accompagnant toute démarche scientifique est plus inquiétante que l’ignorance de certaines connaissances, les péremptoires claironnent quand tant d’incertitudes nous assaillent et creusent les paradoxes.
Les policiers portent des armures, ils sont sur la défensive, leur allure impressionne et leur donne l’illusion d’un pouvoir qu’ils n’ont guère.
Le service public oublie parfois les mots «  service » et « public ».
En évitant de stationner dans des lieux communs où les formules se ramassent à la pelle : « tout a un prix », «  la mort fait partie de la vie », je ne comprends toujours pas quand des écolos s’opposent au train après avoir combattu avec succès la liaison par un canal à grand gabarit allant du Rhin au Rhône. On ne jure plus que par la voiture électrique (sans bornes) alors que l’opposition au nucléaire perdure et celle aux éoliennes gagne du terrain.
A la moindre inspiration nous prélevons de l’oxygène et nous expirons du CO2. 
A moins d’être pour le réchauffement de la planète, il serait temps de comprendre que le beau temps n’est pas synonyme de soleil en permanence, la pluie était salutaire quand passaient les saisons en pays tempérés.  
« C'est inutile de reprocher aux anglais de nous avoir colonisés. Je ne hais pas les anglais. Ce ne sont que des branleurs. Nous sommes colonisés par des branleurs. On n'a même pas été capables de trouver une civilisation saine, radieuse, honnête pour nous envahir. Pas du tout. Nous sommes gouvernés par des trous du cul décadents. Et qu'est-ce que ça fait de nous ? Les plus minables des minables, la lie de la terre. Les plus misérables, les plus serviles, les plus lamentables, les plus pathétiques déchets que la Création ait jamais produits. Je ne hais pas les Anglais. Ils font ce qu'ils peuvent avec leur propre merde. Je hais les Écossais. » 
 Film « Trainspotting »

jeudi 23 septembre 2021

6 mois. N°21. Printemps été 2021.

Qui mieux qu’une citation de Prévert sur le rabat de la revue de photographies de 300 pages ? 
« C’est toujours à l’imparfait de l’objectif que tu conjugues le verbe photographier. » 
De réfugiés Vénézuéliens en Colombie aux clichés du sultan Adülhamid II qui lui avaient permis de choisir les prisonniers à amnistier, nous mesurons toute la force de cet art, même si sur l’autre rabat Alain Bergala souligne : 
« Ce serait considérablement réduire la photographie que de l’amputer de sa dimension d’absence, de perte, de ratage et de ne vouloir continuer à y voir, inlassablement, qu’un rendez-vous réussi avec le réel. »
 Et nous continuons à regarder :
Des individus qui ont tout quitté pour vivre à cheval, dans la forêt, dans le froid, la solitude,
Les survivalistes attendant la fin du monde dans leur bunker,
Ceux qui s’entrainent pour vivre sur Mars,
En temps de confinement, les mères et leurs enfants en Australie,
Des femmes saoudiennes aux mariages arrangés,
Des peuples isolés dans le grand Nord russe,
Ou des paumés de banlieue ouvrière en Russie
Des exclus, de marginaux en Amérique...
Il n’y a bien que dans un village espagnol que la chronique des années qui passent semble douce, mais à faire valoir essentiellement les marges, les dissidents, un appel à la collectivité  pour financer les artistes fragilisés par la crise sanitaire peut sembler déraisonnable en regard de tant d’autres misères mises en page sur beau papier.
Les photographies n’auront pas manqué dans la période : 

mercredi 22 septembre 2021

Clermont Ferrand # 3

Comme nous ne sommes qu’à 15 minutes à pied du musée Roger Quilliot, 
nous ne nous encombrons pas de la voiture que nous laissons sur le parking gratuit de Michelin. Nous en sommes à notre dernier jour dans la capitale arverne 
Nous trouvons à déjeuner en terrasse rue Jules Guesde au café restaurant de la Mairie pour 10 € le plat du jour, présentement Carpaccio de charolais, frites salade.
Chassés par le soleil brûlant, nous nous laissons guider par le GPS jusqu’au musée où nous entrons, seuls visiteurs vers 13h 30 (tarif pour sénior et gratuité pour les enseignants).
Le  MARQ (musée d’art de Roger Quilliot) est logé dans un monument historique rénové ; une verrière recouvre la cour intérieure, 
et protège les rampes d’accès menant aux trois niveaux d’exposition qui recueillent des œuvres du XIV° au XX° siècle.
En bas, la partie médiévale propose des chapiteaux, différents objets comme des coffres à pactes ou à chartes, des cathèdres (sièges à haut dossier aussi appelés sièges de l’évêque), des dressoirs, des petits coffres en cuir repoussé et des statues en bois.
Les peintures se trouvent dans les étages ; signalons des portraits d’Elisabeth Vigée Lebrun,
quelques Philippe de Champaigne,
des Vercingétorix (une salle lui est consacrée)
un magnifique et inattendu Delacroix,
Un cycle du Roland furieux (artiste ou atelier anonyme  du XVII°) dont les peintures monumentales  occupent  toute une aile et dont l’histoire nous surprend par sa violence.
Le XX° est représenté par des impressionnistes peu connus (de nous du moins).
Simone et Maurice Combe, marchands d’art et amateurs clermontois, ont enrichi le fonds d’une  période plus contemporaine par une donation puis un legs de leur collection. Celle-ci rassemble des toiles de Bernard Buffet, de Paul Rebeyrolle, 
Jean Foutrier, et d’artistes locaux,  regroupées par thèmes : paysages, natures mortes, portraits…, Ce choix muséographique nous apparait judicieux et intéressant.
Par contre, l’exposition temporaire sur « les mondes rêvés de Rosto » ne nous enchante  vraiment pas. Ce touche à tout néerlandais aborde la musique, la vidéo, et exprime un univers glauque dans lequel nous n’entrons pas. Nos réticences face à une certaine création artistique actuelle ne font que se confirmer…
La visite terminée, nous  rentrons en flânant dans le quartier de Montferrand qui a des allures de petit village assoupi sous le soleil.
Dans la rue du séminaire et surtout de la Rodade, il reste des maisons à pans de bois, elles attestent de l’existence moyenâgeuse de la ville. Nous profitons d’un petit moment de pause ou de sieste au frais alors que le thermomètre indique  33° à l’extérieur. Ce n’est que vers 17h30 que nous repointons notre nez dehors, prêts à suivre l’itinéraire qui nous mène d’abord vers la maison Fonfreyde.
Le centre photographique a élu domicile dans cette magnifique  demeure en pierre de Volvic, dotée d’un remarquable escalier extérieur côté cour, de cheminées en bois, et de fenêtres à vitraux. L’exposition nous ouvre l’entrée des lieux, mais ce qu’elle nous donne à voir en elle-même confirme une fois de plus nos réactions face à l’art contemporain : beaucoup de baratin pour pas grand-chose. Cependant, nous apprécions la démarche pédagogique des portraits de personnes âgées pris par les élèves d’une classe de 1ère en esthétique.
Juste au-dessus à deux pas, la cathédrale  Notre Dame de l'Assomption se détache sur fond de ciel, imposante, noire et gothique, austère par sa couleur et son peu de décoration sculptée. Elle contraste totalement avec toutes celles que nous avons croisées lors de notre voyage.
A l’intérieur, elle respecte l’architecture habituelle avec son déambulatoire  et ses satellites de chapelles, la présence de fresques dont certaines sont occultées par le buffet de l’orgue et des vitraux que nous renonçons à « lire »par flemme.
L’itinéraire passe devant la Mairie  puis par la rue du Port pour atteindre la basilique Notre Dame du Port.
De style roman reposant après tout ce gothique, elle mélange la pierre de Volvic à une pierre beaucoup  plus claire pour que leur l’alternance, leur contraste  jouent dans les motifs de décoration. 
Ce très beau bâtiment s’effondra lors du tremblement de terre de 1490. Il sera remonté au XIX° siècle.Nous poursuivons jusqu’à la Place Dellile .
Là nous pénétrons dans un hôtel 4 étoiles, le Best Western Hôtel littéraire Alexandre Vialatte attirés et intrigués par le côté « Hôtel littéraire ». Il s’agit en fait d’un concept, d’une chaine hôtelière haut de gamme conçue par le bibliophile et collectionneur Jacques Letertre désireux de faire partager sa passion des livres. Situés en centre-ville, ces établissements proposent un séjour culturel original dédié à la littérature. Leur décoration rend hommage à un grand écrivain dans sa ville emblématique  avec la possibilité de (re)découvrir sa vie et son œuvre grâce à des bibliothèques, un espace de collection, et de multiples expressions artistiques. Pour notre part, nous n’apercevrons que quelques photos et écrits exposés dans le hall.
Nous remontons la rue Neyron, la rue couronne,  nous tournons autour de la basilique  pour  rejoindre la rue Barnier puis empruntons la rue Blaise Pascal où se situe  le plus vieux chocolatier de la ville nommé « le vieillard ». 
La promenade nous mène place du Terrail, et enfin Rue Massillon. Nous y trouvons le restaurant «Sisisi » recommandé par M. et bien qu’il soit encore de bonne heure, nous ne pourrons pas profiter de la terrasse, toutes les tables étant déjà retenues ; le monde repéré hier ne va pas tarder à se manifester. La patronne nous installe  confortablement près de portes fenêtres béantes,  en compagnie d’un spritz et de quelques canapés de « carpaccio » de tomates. Nous choisissons ensuite un très bon dos de cabillaud au chorizo et petits légumes pour l’un, une truite pommes cuites pour l’autre qui complète avec par un trou royal (Sorbet champagne Mojito Rhum).
Après ce repas fin, et dans la douceur de ce beau soir d’été, nous marchons  à petits pas rue des Chaussetiers parallèle à la rue des Gras, 
traversons la place Jaude  empruntons le petit tunnel qui nous ramène rue Charretière.
Demain, nous prendrons le chemin du retour où s’achève notre périple 2020 commencé à Saint Etienne.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2021/01/saint-etienne.html