mardi 12 février 2013

Le néolithique c’est pas automatique. Jul.



Troisième volume de la série « Silex and the city » qui se lit en un souffle, jubilatoire.
Feu d’artifice à chaque case, clin d’œil à chaque bulle,  depuis que la vallée qui résiste à l’évolution essaye de conserver son triple A : « Arriérés, Anthropophages, Analphabêtes » au pied de son volcan EDF,  les habitants sont stressés, le conseil de discipline au collège Dolto est impitoyable,  mais le progrès est en route: les traiteurs  proposent des baguettes pour ceux qui ne savent pas se servir de leur pouce préhenseur. A la maison de retraite  les résidents regardent  la « guerre du feu de l’amour »,  et le collectif « pour un âge de pierre citoyen » connait  des dilemmes concernant les néanderthaliens en situation régulière :
«  - Quand ils sont venus chercher les organismes monocellulaires, je n’ai rien dit. 
Quand ils sont venus chercher les ichtyosaures, je n’ai rien dit… je n’étais pas un ichtyosaure. 
Quand ils sont venus chercher les diplodocus je n’ai rien dit, je n’étais pas un diplodocus. 
Quand ils sont venus chercher les mammouths je n’ai rien dit non plus, je n’étais pas un mammouth et quand ils sont venus me chercher moi il n’y avait plus personne pour protester…
-  Mais qui ils ? »
Les alternatifs proposent des lâchers de lucioles mais « les antispécistes radicaux ont soutenu que l’instrumentalisation des lucioles  était une dérive anthropocentriste inadmissible ».
Et tout à l’avenant avec « Flèches book » le réseau social où l’Association des Anthropophages Anonymes organise un apéro géant dont il y a toutes raisons de se méfier.
Le volcan va exploser mais il n’y a rien à craindre, « la flamme est l’avenir de l’homme ».

lundi 11 février 2013

Lincoln. Steven Spielberg.


Il est bon de se faire raconter des histoires, et se plonger dans l’Histoire, et quand les occasions d’admirer deviennent si rares dans le domaine politique, tant de courage éblouit.   
2h 30 sur le  débat autour du 13ème amendement à la Constitution permettant l'abolition de l'esclavage, nous rappellent une nouvelle fois ce que les victoires d’Obama ont d’extraordinaires quand on mesure l’évolution de ce continent  avec des républicains américains alors abolitionnistes.
Les idées les plus généreuses triomphent par le truchement de magouilles parlementaires :
« La plus grande mesure du XIXe siècle, obtenue par corruption, avec la complicité de l’homme le plus intègre d’Amérique. » 
Les blessures de l’homme qui remua les montagnes sont émouvantes mais il conserve également dans la sphère privée une grandeur, une douceur, un humour qui contrastent avec la violence incommensurable d’un temps où l’égalité n’était pas une évidence pour tous, où mourraient 630 000 personnes lors de la guerre de sécession. Quand l’évocation du vote des femmes révulsait une assemblée toute entière.
Depuis mes représentations je trouve que Daniel Day-Lewis incarne magistralement la légendaire figure assassinée en 1865.
Et je ne me suis pas empêché de faire le lien en plein débat sur le mariage pour tous, au vote des étrangers aux élections locales ou au non cumul des mandats.

dimanche 10 février 2013

Que la noce commence. Didier Bezace.



En lien avec la MC2 salle Juliet Berto, était proposé le film de Horatiu Malaele « Au diable Staline, vive les mariés ! ».
Cette comédie dramatique de 2008 a inspiré Didier Bezace qui  nous procure avec dix huit acteurs un bon moment de théâtre populaire.
Je pensais enrichir mon plaisir, j’ai terni la pièce vue dans la foulée du film qui avait le mérite de porter un regard original sur la résistance d’un village roumain aux ordres bureaucratiques.
Avec les couleurs, les sons, on ne peut s’empêcher de penser à Kustorica,  dans les deux propositions.
Mais à mon avis, les nuances entre les deux  formes de récits sont trop rares.  
La noce condamnée au silence, car Staline vient de mourir, offre des moments très drôles,  avec sur scène une dimension poétique supplémentaire : un hommage au théâtre justement.
Et la pirouette avec le matériel volé des reporters donne au dénouement un rythme qui a été défaillant à d’autres moments des deux heures et demie.
Bien des registres de l’humour sont utilisés : burlesque, grotesque, caricature, malice et spontanéité.
Appliqué à une situation où les « Camarades » n’ont pas vraiment le beau rôle entre ridicule et tyrannie sanglante, je touche du doigt que c’est finalement assez inhabituel que l’on nous présente Peppone massacrant son peuple. J’ai beau savoir les horreurs derrière les rideaux de fer, les accents de l’Internationale n’arrivent pas à me glacer, ils font partie d’un rêve jamais éteint, pourtant…
Le peuple se détourne d’un « chef d’œuvre » fourni par la propagande, il résiste avec ingéniosité, oppose son appétit, sa soif de vivre, d’aimer, sa fraternité, son insolence aux fantoches voulant les asservir qui parlent de paix mais ne la laissent pas à ceux qu’ils prétendent représenter.
Le rire contre la mort.
La mariée en robe blanche est devenue un fantôme noir errant dans les ruines.
« Pourquoi le Roumain est content ?
Parce qu'il aime être content et qu'il est Roumain. »

samedi 9 février 2013

La malédiction des colombes. Louise Erdrich.


La manière dont on lit influe bien sûr sur nos opinions.
A trop trainer, je me suis perdu parfois parmi les personnages, mais l’écriture de l’écrivaine américaine parmi les plus célèbres m’a fait reprendre chaque fois ce roman de 460 pages avec plaisir. 
Avec ses talents de conteuse, elle fait croiser les récits de quatre personnes qui reconstituent ce qui hante la mémoire d’une ville du Nord Dakota : un lynchage après un crime abominable. Son attention aux choses les plus infimes de la vie, aux tremblements de l’atmosphère,  constitue une prose poétique qui va trouver des saveurs jusque dans des vies mal parties.
Au-delà  du charme aux couleurs indiennes, elle nous fait aborder des mystères nouveaux, pas seulement les dramatiques mais aussi les loufoques. Elle illustre parfaitement l’expression pourtant trop rebattue : « elle réenchante le réel ».
« J’avais cru que je me sentirais joyeuse, mais j’éprouvais une peine confuse, ou peut-être de la peur, car ma vie me paraissait une histoire vorace dont j’étais la source, et avec ce baiser j’avais maintenant commencé à me livrer toute entière aux mots. »
Des moments épiques : par exemple quand celui qui doit prendre la succession d’un défunt  après avoir joué du violon que l’on vient d’extirper du cercueil, le brise !
Foisonnant  et chaleureux.
« Et il n’y aura rien d’autre qu’un bal éternel, la poussière venant s’ajouter à la poussière, où que l’on porte le regard.
 Oh là là ! Trop apocalyptique, me dis- je au moment de quitter ma maison pour rejoindre celle de Neve et aider mon amie à affronter une nuit sans sommeil. »

vendredi 8 février 2013

« Etats généraux de la république » avec Libération à Grenoble.



Le journal Libération qui est parfois plus concis dans ses titres a multiplié les accroches : « Partout en Europe jeunes débattez-vous » pour une édition nouvelle de forums que nous avons la chance de suivre à la MC2 à Grenoble depuis des années après d’autres « Etats généraux du renouveau ».
Bien des fois on a pu s’apercevoir en fin de discussion que la dimension européenne qui figurait pourtant dans l’intitulé avait été oubliée : un classique significatif.
Cette fois, le regret récurrent du manque de mixité parmi celles qui sont sur les estrades n’était plus de mise, alors que le souhait de voir plus de jeunes intéressés pouvait être réitéré, bien que le samedi ils aient été plus nombreux ; et  d’ailleurs, le vendredi, ne sont-ils pas en cours ?
Un autre lieu  a été proposé à la Villeneuve mais l’Espace 600 n’a pas connu d’affluence malgré la présence de Dhorasso ; fallait-il Beckam ?
Il y avait moins de monde cette année, mais sur deux jours et non trois, pour des thématiques moins nombreuses et hors échéances électorales. Un signe de plus des difficultés des politiques et de ceux qui les suivent ou les accusent  à penser hors de l’urgence.
D’autres formes ont été  expérimentées : un ring de boxe pour recevoir « les sujets qui fâchent » accueillait au moment où je passais une personne âgée - mon âge- qui regrettait qu’il n’y ait « pas plus de jeunes », alors qu’un jeune à côté d’elle attendait qu’elle lâche le micro dans lequel elle susurrait la scie d’une « info différente » dont la seule différence visible était de ne pas savoir parler dans un micro.
Les livres exposés par la librairie du Square pour prolonger les débats ont marqué  la réduction  de la production éditoriale à propos de la thématique écologique : riquiqui comme banquise.
Pour se substituer au terme épuisé de  « concertation », la nov’  langue propose « co-construction ».  Le mot « plate-forme » est souvent utilisé aussi et le terme « culture populaire » accolé au développement d’Internet ouvre des perspectives.
A deux reprises la question de l’abaissement de l’âge pour obtenir le droit de voter a été évoquée.
Par contre  que l’école soit appelée en renfort de toutes les insuffisances de la société est habituel. Pour les huit débats que j’ai suivis, sur les quartiers sensibles, les transports, Internet, le sentiment d’appartenance à l’Europe,  la famille, une économie différente, et au débat sur l’école idéale bien sûr, c’est de cette pelée de cette galeuse que le salut doit advenir. 
Personnellement je la chargerai de mes lacunes en économie qui me sont apparues béantes quand je béais aux explications de Patrick Viveret.
Chaque vendredi j’essaierai de rendre compte de quelques débats sur les trente six proposés, histoire de retriturer des réflexions qui  ont pris en général le temps de se déployer ; qu’elles nous dérangent ou nous confortent.
……………..
Dans le Nouvel Observateur :


jeudi 7 février 2013

L’art des cavernes en Europe.


Bien que Jean Clottes, le conférencier aux amis du musée, directeur de la grotte Chauvet, préfère des termes moins connotés que celui d’artiste, la beauté des travaux de nos ancêtres est saisissante.
Ces œuvres préhistoriques, découvertes dans des grottes profondes, des abris ou à l’extérieur sont situées essentiellement en France et en Espagne, dans l’Oural et en Roumanie, elles comptent  leurs 35 000 ans d’âge. En Afrique du sud ont été retrouvées des coquilles d’autruche décorées datant de 60 000 ans.
Des animaux sont représentés surtout des grandes espèces, mais pas forcément ceux qui sont chassés, ni obligatoirement présents à proximité. Les biches abondantes  dans les représentations en Espagne sont sans doute des animaux possédant des pouvoirs.
Des nuages de points, des traits les accompagnent ; nous y voyons des figures géométriques comme un enfant d’aujourd’hui ne verrait que le croisement de deux traits dans une croix dépourvue de tout sens symbolique.
Les dessins d’humains sont rares et non naturalistes, les femmes ont des petites têtes avec des attributs sexuels mis en évidence, les enfants sont bien plus rares que des créatures composites aux bois de cerf, aux pattes de lion.
Les mains au nombre varié de doigts seraient des marques propitiatoires (qui permettent d’attirer les faveurs des dieux).
Les exécutants les plus habiles ont suivi des enseignements et la variété des techniques en gravure, peinture, modelage, sculpture est impressionnante, ils s’adaptent aux supports. Souvent les tracés complètent des reliefs naturels, les animaux semblent prêts à sortir des noires profondeurs.
Commencé  en noir du bout d’une torche le trait se grave plus loin dans la roche tendre.
Le moyen duc tracé au doigt dans la pellicule argileuse a tourné sa tête pour nous suivre.
La magie de la chasse n’explique pas uniquement la profusion des représentations animales sur les 400 sites européens. 150 mammouths sont recensés à Rouffignac, les animaux totems ne sont pas tués, ce sont des mythes, des acteurs d’histoires sacrées.
En ces temps stables les religions n’évoluaient pas.
Le spécialiste de l'art préhistorique du Paléolithique recherche vers les rites chamaniques pour expliquer  la présence de tels ornements dans ces cavernes.
Les pratiquants entreprennent un voyage vers un monde surnaturel ou reçoivent la visite d’un esprit. Les univers, à leurs yeux, sont fluides, perméables.
Dans la foule des anecdotes que le  conférencier, plongeur émérite (il lui fallait ce diplôme de plus pour accéder à la fabuleuse grotte Cosquer à Cassis) : celle concernant des peintures  anciennes dans une zone tribale indienne recouvertes par le texte de la charte de l’ONU, nous scie les pattes.
Nous effleurons les vertiges du temps : le sanctuaire à 35 m sous le niveau de la mer méditerranée était à 200 m du bord, aujourd’hui il est inaccessible au public, ce qui en subsiste sera englouti : la planète se réchauffe.

mercredi 6 février 2013

Naples ville d’art. Eric Mathieu.


Modèle de désorganisation, Naples, celle de la Camorra, des montagnes de poubelles, et des thromboses circulatoires, la ville du chaos est passionnante!
Inspiré, le conférencier Eric Mathieu a su communiquer sa passion de la ville et des artistes aux amis du musée de Grenoble.
Dès le XVIII°  on savait qu’une personne sur six seulement travaillait là bas, un religieux sur six était un repris de justice, et une religieuse sur six venait de la prostitution.
Le royaume de Naples « La plus grande maîtresse de l’Europe »  passa de l'Autriche à la Sardaigne aux  Bourbons d'Espagne et connut les Bourguignons et les Angevins à sa tête.
Son vaste centre historique qui porte toute cette diversité historique est classé dans le patrimoine mondial de l’UNESCO.
La plus grande ville d’Europe au XVII° siècle comptait 400 000 habitants, trois fois la population de Rome, elle va chuter à 120 000 habitants après la peste de 1635.
Survenant après les éruptions de l’Etna de 1631 et des révoltes en 1647, ces évènements forment le caractère et la présence de 575 églises ne sera pas superflue.
Les fêtes durent après les ébranlements mortels.
L’église Pio Monte della Misericordia, Mont de Piété toujours en activité,  est riche, pas seulement du monumental Caravage intitulé « les sept œuvres de la miséricorde ».
« Nourrir les affamés. Donner à boire aux assoiffés. Vêtir les dénudés. Héberger les sans-logis.Libérer les prisonniers. Visiter les malades. Ensevelir les morts »  
Ce tableau  est complexe : celui dont on sait à présent qu’il est né à Milan, ajouta après une première couche de vernis, la vierge oubliée qui figurait dans le contrat.
Avec ses « modèles à 10 pesetas » comme disait Picasso, Merisi le vrai nom du plus cité des peintres dans nos conférences, marie culture savante et populaire, le divin et le prosaïque.
Le mauvais garçon protégé par les Colonna échappe à la loi papale et livre des tableaux où il se représente en Goliath  vaincu pour se faire pardonner. Il est présent  aussi dans son armure derrière Sainte Ursule qui vient de recevoir une flèche.
Il était fait pour Naples et la  représentation de la fin de Saint André était pour lui : le saint avant sa mort fut entouré d’une lumière qui dura trente minutes.
A Capodimonte  se trouve le christ à la colonne de notre chouchou avec  Artémisia Gentileschi et son Holopherne qui pisse le sang.
Ribera, suiveur du Caravage,  fut également un chef de bande qui menaça ses concurrents.
Il peint un aristocrate devant  des intestins de mouton, plat populaire pour illustrer un des cinq sens.
Les œuvres de Giovanni Battista Caracciolo se retrouvent dans de nombreuses églises napolitaines à la suite du maître des ténèbres, il accentue les reflets argentés des tissus.
Dans la rubrique faits divers alimentée par les artistes : Baglione est un ennemi personnel du Caravage qu’il admire pourtant et qu’il attaque.
Le Dominiquin,  représentant du baroque mourut empoisonné, Ribera le remplaça.
Dans l’abondance des chefs d’œuvres, d’une période pourtant brève, présentés en deux heures, il fallait un sculpteur magnifique : Giuseppe Sanmartino qui représenta le christ allongé sous un voile de marbre si léger que des interprètes jugent encore possible l’intervention de Raimondo di Sangro, un génial inventeur qui aurait transformé le tissu en pierre. Canova en voyant le chef d’œuvre aurait dit qu’il aurait donné quinze ans de sa vie pour l’avoir réalisé.
 C’est au siècle suivant, au XVIII°, que Pompéi fut découverte.

mardi 5 février 2013

La tour des miracles. Brassens. Davodeau Prudhomme.


La bande dessinée convient bien à cette adaptation du roman de Brassens dont la langue  est respectée avec l’esprit de la bande de copains qui vivaient chez Jeanne, la Jeanne.
« En ce temps-là nous habitions Montmartre. Une maison miraclifique de sept étages par temps calme et de six les jours de bourrasques. Nous occupions tout l’étage amovible et l’avions baptisé " l’abbaye gré-du-vent ", mais chez les pupazzi de pacotille on ne le désignait pas autrement que sous le nom de " tour des miracles " par allusion à la fameuse cour de malandrins. »
Le dessin qui évoque Dubout avec ses femmes callipyges a des airs surréalistes.
On retrouve les mots du poète qui tout en vivant au dessus de la ville en rendit toutes les fureurs, toutes les tendresses,  mais je préfère ses chansons.
Les belles images n’ont pas forcément rencontré les miennes et j’ai préféré les crayonnés qui revenaient à la réalité que les traits précis d’un l’imaginaire quelque peu daté.

lundi 4 février 2013

Comme un lion. Samuel Collardey.



Le film montre le miroir aux alouettes que constitue pour un jeune africain la carrière de footballeur professionnel mais alimente ce rêve vain avec une conclusion sirupeuse.
Pourtant des plans de stades noyés sous la brume en Franche Comté ou les terrains cabossés  du Sénégal portent  avec élégance la poésie du réel ; des personnages sont sympathiques, vivants, bien brossés.
Alors que la télévision filme de mieux en mieux le jeu,  le cinéma ne réussit pas à varier les plans, et  l’acteur principal est peu convaincant en prodige du foot. Ses passages en force à deux reprises pour montrer ses talents sont peu crédibles.
Le jeune tape un baratin bien troussé à une secrétaire mais se montre bien mutique vis-à-vis de ceux qui l’aident, hormis une effusion de dernière minute qui  surcharge encore la séquence émotion dans le temps additionnel.
Ce rêve persistant porté par les africains et leurs parents, ces agents véreux, existent comme la violence et  la solidarité entremêlés.  
Sur le même sujet, je viens de prêter à un jeune enfant talentueux balle au pied, la cassette du « Ballon d’or », film de 97 qui retrace le destin de Salif Keita, « la panthère noire », qui avait pris le taxi de Paris à Saint Etienne comme on prend le taxi de brousse. Il est joué sur un rythme reggae alors que  dans le film d’aujourd’hui  le rap est scandé dans le car qui emmène les jeunes vers la finale où l’un d’eux montre son cul par la fenêtre.

dimanche 3 février 2013

Chick Corea. Antoine Hervé



Il se prénommait Armando, mais Corea n’est pas un pseudo; avec  l’ajout de « Chick » son nom lui convient bien, qui allie un tempo claquant et du sentiment.
Notre professeur Hervé lors de sa deuxième leçon de jazz de la saison à la MC2 rassemble toujours une foule d’amateurs ; il joue d’une manière époustouflante du piano auquel il ajoute d’autres instruments de vive voix.
J’ai retenu ses interprétations de « Spain », « Children songs », « Armando’s rumba », « la fiesta »…
Il s’amuse avec les mots  et la musique en toute langue.
Pas besoin de traduire l’expression «  cross over » pour qualifier celui qu’il  évoque ce soir.
Né en 1941 dans le Massachussetts, d’origine sicilienne et espagnole, il  est mis au piano à 4 ans par son père trompettiste et montre des aptitudes à la caisse claire. Il découvre la musique classique et  le jazz.
Une de ses références majeures sera Bud Powell, par ailleurs ses dédicaces sont allées souvent au fondateur de la scientologie  Ron Hubbart qui l’avait « lavé » de ses addictions.
Interprète, compositeur, il tranche avec les usages du jazz en accordant du soin à l’écriture tout en restant un improvisateur hors pair.
Il enregistre une centaine de CD, de Miles Davis au jazz-rock, avec Bobby McFerrin, le vibraphoniste Gary Burton, toujours curieux des possibilités nouvelles apportées par la technique. Il s’illustre avec le groupe « Return to Forever ».
Aux claviers électriques, il combine jazz et rumba, des accents espagnols et  des dissonances à la Bartók.
Alors que sa formation de batteur et les commentaires sur son style insistent sur ses qualités rythmiques, j’ai surtout retenu une musique atmosphérique, aux mélodies distinguées, aux  accords recherchés.

samedi 2 février 2013

Solaire. Ian McEwan.



Délicieux.
Livre salutaire, documenté sur les enjeux concernant notre environnement, à la trame narrative enjouée, aux personnages burlesques.
« Puis il se lança dans des considérations sur la variabilité du climat, la hausse des températures, liées au doublement de la teneur en dioxyde de carbone depuis la révolution industrielle. Lorsqu’ils rentrèrent dans Londres ce fut le forçage radiatif, et ensuite la litanie familière de la fonte des glaciers, de l’expansion des déserts,  de la mort des récifs coralliens, de la perturbation des courants océaniques, de la montée du niveau de la mer, de la disparition de telle ou telle espèce, et ainsi de suite… »
La planète ne se porte pas mieux que le personnage principal dont les bonnes résolutions ne durent que quelques heures, à peine.
« Ce surpoids faisait gonfler ses articulations, l’arthrose le guettait, son foie était hypertrophié, sa tension artérielle remontait, et il courait un risque croissant d’infarctus. Même pour un anglais son taux de mauvais cholestérol était trop élevé. »
Beard, prix Nobel de physique quinquagénaire, en est à sa cinquième épouse.
Il est opportuniste, vulnérable, veule, mais sympathique : est ce  parce que sa paresse excuserait nos faiblesses ? La satire des milieux universitaire est féroce, le regard sur les politiques sans illusion, les coups de pattes au politiquement correct et aux abus féministes salutaires, la petitesse des humains se rachète dans un sourire.
Le conteur savoureux nous mène du Pôle Nord où il fait si froid avec des artistes conceptuels au torride Nouveau Mexique en passant par la dégustation d’un paquet de chips qui prend des allures de parabole.
Pas mieux que le cliché : « l’humour est la politesse du désespoir » pour donner mon sentiment sur ces 380 pages qui vous font l’effet euphorisant d’un bon whisky dont on sait qu’il ne faut pas abuser, mais  dont on se verse un deuxième verre.
Drôle, burlesque, grinçant, anglais, pédagogique :
« Un type est dans une forêt sous la pluie, et il meurt de soif. Il a une hache ; il se met à abattre les arbres pour en boire la sève. Une gorgée par arbre. Il se retrouve entouré d'un désert sans vie, et il sait qu'à cause de lui la forêt disparaît à toute vitesse. Alors pourquoi n'ouvre-t-il pas la bouche pour boire la pluie ? Parce qu'il abat très bien les arbres, qu'il a toujours fait ainsi, et qu'il se méfie des gens qui lui conseillent de boire la pluie. »

vendredi 1 février 2013

Rythmes scolaires. « C'est au bout de la vieille corde qu'on tisse la nouvelle. »



Faut-il que la profession de professeur soit devenue si dévalorisée pour que reviennent sans cesses,  les problèmes de rémunération ? Il fut un temps qu’enseigner la numération nous dispensait de  passer notre temps à compter nos paies : marchandisation des actes.
« Corporatiste » : l’expression revient dans le débat public concernant surtout les instits parisiens qui ont des conditions particulières. Signe des temps froids pour un syndicalisme qui ne porte guère sur ce coup de  flamboyant projet mais galope après des intérêts bien particuliers. L’émancipation des individus était sur les bannières de gauche au XVIII° et XIX° siècle, l’individualisme est un des marqueurs de la droitisation présente de la société. L’UMP vient courtiser FO.
La mauvaise foi  devient un élément de la dialectique, quand tous  semblent s’accorder à trouver que quatre jours de classe ce n’est bon pour personne, avant d’ajouter un « mais » fatal.
Revenir simplement à quatre jours et demi avec le mercredi à la place du samedi ne mettrait pas les collectivités locales sur les dents, et tarirait les récriminations concernant les frais de garde des enfants… de profs.
Trois quarts d’heure de classe de moins par jour, avec les déplacements supplémentaires,  ne diminuera pas la fatigue et vous aurez le temps de faire quoi ? Tranquillement.
Le surmenage des enfants ne tient pas qu’à l’école, cette pauvre bourrique chargée de tous les remèdes et de tous les maux.
La réduction du temps de sommeil de toute une société est préoccupante, qui fait marcher les plus petits à son allure folle à laquelle s’ajoute la farandole des activités qui n’a pas attendu quelque réforme pour s’emballer.
On ne clique pas seulement sur les souris, les  zapettes, on n’effleure pas que les tablettes, on consomme à toute blinde. Les applications se bousculent sous les vitres, mais sait on s’appliquer encore, s’impliquer ?
Petite séquence à l’imparfait, un temps fini.
Avec une semaine plus étalée, les journées pouvaient être plus apaisées. Nous nous permettions de rentrer doucement dans chaque journée : entretiens, présentations, poésies. Nous n’avions pas l’évaluation au bout de chaque parole et ce n’était pas la couleur de l’encre qui pouvait traumatiser si ce qui était dit était bienveillant mais franc, la confiance était de mise.
Et cette poésie : un temps pour laisser infuser les mots était nécessaire à la maison, va-t-on interdire encore une fois, ce qui avait résisté à des décennies de circulaires, de prendre du temps pour revoir, pour apprendre, tranquille ? Les devoirs.
Quand on réalisait un film d’animation que de travail ! La pate à modeler qui prenait vie s’inscrivait dans la cohérence des apprentissages,  ce n’était pas une activité !
Et on pouvait avoir la fraction distractive et l’expression écrite ludique. 27 h, c’était vraiment pas le bagne,  il y avait du stress qui va avec toute dynamique et du plaisir.
A présent.
Peillon : je suis complètement d’accord sur la priorité aux petits en maternelle, pour le reste j’entends les mots qu’il s’écoute prononcer, il est bien content, mais je ne le crois guère.
Il répare le Chatel, quant à la refondation,  « ainsi font font », elle fond comme banquise. 
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Dans le Canard de cette semaine:
 

jeudi 31 janvier 2013

Raphaël, un génie de la Renaissance. C. De Buzon.



Les anciens n’avaient pas la critique forcément délicate : au XIX° siècle, les « pré-raphaéliques » anglais qui vinrent bien après la renaissance, sous un tableau de Raphaël, invitaient à « cracher ici ».
Né un Vendredi Saint à Urbino, le fils de Giovanni Santi, atteint ses 17 ans en 1500.
Il va apprendre dans le plus grand atelier d’Italie, chez Le Pérugin à Pérouse.
Il en retiendra les mises en place habiles de la profondeur et assouplira plus tard les compositions organisées  invariablement autour d’un axe médian.
Les tonalités chantent haut et clair. Les mains élégantes des madones effleurent le corps de l’enfant comme un instrument de musique.
Le paysage où des architectures se reflètent devient un protagoniste, même lorsque la vierge est au premier plan avec l’enfant joufflu.
Son expérience à Florence est passionnante avec rien moins que Léonard de Vinci comme maître des sfumatos et de la composition en triangle. Il obtient ses premières commandes.
Son « chevalier rêve » est partagé entre méditation et action, entre la fleur  et l’épée.
Les « trois grâces » tout en courbes représentent les trois corps de Vénus : la terrestre, la céleste, la souterraine nous a-t- on dit, alors qu’ailleurs on y voit l’allégresse, l’abondance et  la splendeur. Elles sont splendides.
Les portraits se multiplient : « La Madone du Belvédère », «  la Madone au chardonneret », « la Madone au grand duc » sur fond noir, « la Belle jardinière » nous sont familières, elles respirent le calme.
La mélancolique « dame à la licorne » devait être vierge pour apprivoiser l’animal.
Bramante, son ami architecte, l’entraine à Rome chez le pape Jules II, et il travaillera aussi  pour son successeur Léon X.
Dans la salle dite de la signature, devaient figurer : le Bien, le Beau, le Vrai.
Au cœur du lieu saint, la ferveur religieuse s’ouvre sur la culture antique.
Quelle audace  avec tous ces corps !
Aristote et Platon et toute l’école d’Athènes sont en discussion, « le Who’s who du ciel et de la terre », selon les mots de la conférencière aux amis du musée, est représenté : Diogène, Michel Ange, Dante, Virgile et lui-même…
Raphaël n‘est pas que le peintre de la limpidité. Exploitant habilement les contraintes de l’architecture au dessus d’une porte au Vatican, sa fresque nocturne réalisée avec Romano son meilleur suiveur, où « Saint Pierre est délivré par un ange », joue sur les éclairages, magnifiquement.
La forme ronde  du tableau de « la vierge à la chaise » souligne la tendresse d’un moment intime où Jean Baptiste le cousin est encore dans les parages.
« La vierge de la Sixtine » apparaît d’une façon théâtrale entre St Sixte et St Barbe, les petits anges sont décontractés et paraissent même s’ennuyer doucement ; ils vont bien mériter de figurer pour l’éternité sur des boites de chocolat.
Catherine de Buzon nous donne envie de faire un tour à la villa Farnesina où l’amoureux de la belle Fornarina (« la boulangère ») exécuta quelques fresques généreuses.
Il devait l’aimer sa douce ; en  Donna velata,  dans ses riches habits, elle est vraiment pleine de grâce.
Il meurt à 37 ans, un Vendredi Saint. Elle rentre au couvent et meurt peu après.
Son dernier tableau partage les commentateurs : là, j’ai lu que « La transfiguration » était son chef d’œuvre absolu,
Ici, la coupure parait trop radicale entre le monde où souffle le vent divin et celui chaotique, affolé des mortels impuissants face au démon. Début du maniérisme.
« Qui est-ce qui a vu Dieu ? C’est Raphaël, c'est le Guide ».  Diderot. 

mercredi 30 janvier 2013

Misia au musée Bonnard du Cannet.



Un musée consacré au peintre qui passa par le Grand Lemps ( prononcer « leins » : c’est un indice qui montre que vous êtes dauphinois) vient de s’ouvrir au Cannet.
Nous voyons des carnets de l’impressionniste/nabis, de ses gravures, des statuettes, nous apprécions quelques  paysages mais j’ai été un peu en manque de scènes de salle de bains emblématiques du maître.
Si l’abondance qu’on peut attendre dans un musée consacré à un seul artiste comme les musées Cocteau ou Léger à proximité, n’est pas au rendez-vous, l’exposition temporaire consacrée à Misia dite « Reine de Paris » est une découverte intéressante.
Trois fois mariée, la pianiste posa pour Bonnard, inspira Valloton, Vuillard, et en fit damner quelques autres.
C’est la « Belle époque », celle de la « Revue blanche » (Mallarmé, Gide, Blum…)
Coco Chanel la surnomma "Madame Verdurinska" reprenant une partie de Godebska son nom de jeune fille, et celui de madame Verdurin dont le salon mondain décrit par Proust est célèbre. Celle-ci l’accompagna  dans ses derniers instants, et la jugea comme une femme de génie qui  ne fit pas que poser. Elle eut de l’influence dans le monde des arts et lettres.
Sur son yacht,  se croisèrent Debussy et Ravel, Stravinsky… Nous nous promenons dans cette période d’avant guerre dont l’inventivité nous étonne encore cent ans après.

mardi 29 janvier 2013

L’hôte. Jacques Ferrandez.



Je viens de vérifier, je n’avais jamais parlé dans ce blog de Ferrandez, auteur majeur, qui avec ses 10 volumes de « Carnets d’Orient », croise des histoires individuelles pour retracer la présence française en Algérie dans des tons d’aquarelle qui vont aussi très bien à ses chroniques provençales.
Il était fait pour illustrer une brève nouvelle de Camus parue dans « L’exil et le royaume ».
Ce n’est pas l’Algérie des bords de mers mais celle des hauts plateaux dans le froid et la misère où un instituteur apprend à des élèves les fleuves de France.
Un gendarme arrive dans  la maison d’école isolée, accompagné d’un prisonnier que le jeune instit devra conduire au bourg prochain par les sentiers pierreux.
Les dilemmes, concernant le libre arbitre, la loyauté et les malentendus, sont aussi évidents que les pierres. La dignité, la pauvreté, la sobriété sont rendus admirablement avec une palette offrant aux paysages minéraux une beauté qui détache du temps et nous aide à nous interroger sur les chemins à prendre pour l’homme à la fois si fragile et si têtu.

lundi 28 janvier 2013

Inception. Christopher Nolan.



Pas très porté sur les films US, ni sur la science fiction, je m’applique.
Pour entreprendre  mon éducation, il faut rien moins que Di Caprio et Cotillard  à l’affiche d’un film culte de 2010 pour passer les deux heures et demie agréablement.
« Inception » signifie « origine »
Si j’ai failli décrocher au début sous les coups de pistolets incessants, je suis entré progressivement dans ce thriller onirique.
Le défi de persuader l’héritier d’un riche industriel de démanteler l’entreprise familiale n’est pas dans mes préoccupations prioritaires, mais la manipulation pour y arriver est bien ficelée.
L’architecture des rêves où interviennent plusieurs protagonistes pas toujours maîtres de leur inconscient est étourdissante et les décors magnifiques, les effets spéciaux réussis.
Nous naviguons dans quatre niveaux mentaux, avec force labyrinthes, distorsion du temps, retour vers le passé, jeux de miroirs, apesanteur, humidité et explosions à volonté.
Où est la réalité ? Le cinéma est bien une usine à rêves.
La violence, mêlée à une complexité certaine, font paraître les épisodes romantiques encore plus nunuches, surtout au moment de la conclusion qui n’échappe pas aux habitudes hollywoodiennes. 

dimanche 27 janvier 2013

Lendemains de fêtes. Julie Berès.



On n’en a pas fini des œuvres sur la vieillesse avec le vieillissement de la population et spécialement des publics du théâtre. Alors que Haneke dans « Amour » au cinéma a choisi l' huis clôt, l’enfermement,  la jeune auteure a privilégié au théâtre, le rêve, le voyage permis par les trous de mémoire.
Une structure molle au centre de la scène permet, sous un aspect de pierre, toutes les inventions, les dérobades de la réalité, d’autant plus qu’un trampoline y est caché dedans qui favorise les rebonds, les envolées.
Nous portons moins notre attention au texte qu’aux corps qui grimpent élégamment aux murs, qui volent lentement, magnifiquement éclairés quand ils se roulent, se confondent  avec les chairs encore belles de deux personnages âgés mis à nus.
Le passé n’est plus présent que par bribes, le puzzle s’éparpille, la tendresse  vient ajouter de la poésie aux images où les artistes de cirque impriment leur rythme tantôt ralenti, planant, tantôt enjoué, voire optimiste.  Une chorale apporte la puissance de la musique vivante sur le plateau surtout qu’il y a du Purcell, du Pergolèse, du Schubert…

samedi 26 janvier 2013

Mélancolie ouvrière. Michelle Perrot.


© numemoris.fr
Le livre retraçant la vie de Lucie Baud ouvrière en soierie à Vizille ouvre une nouvelle collection  « Héroïnes » dirigée par Caroline Fourest et Fiammetta Venner chez Grasset.
L’historienne Michelle Perrot ne se contente pas de remercier au détour d’une dédicace ceux qui l’ont aidée  pour ce travail, elle les met en scène dans un ouvrage bref mais passionnant ; ainsi Gérard Mingat  ancien instit’ à Notre Dame de Mésage qui a travaillé sur l’histoire de la région.
Née en 1870, Lucie Baud devenue veuve d’un garde champêtre de Vizille, mène la grève chez Duplan en 1902. En 1906, elle participe à Voiron à un 1°mai historique. Elle tente de se suicider en septembre de la même année. Elle meurt en 1913 à Fures, où elle est enterrée.
Mais bien des éléments de son existence sont incertains : depuis une photographie pour laquelle l’historienne fait part de ses doutes jusqu’à un texte qu’elle avait signé dans « Le mouvement socialiste », est ce bien elle qui l’a rédigé ?
Dans ce texte, Lucie dit rarement « je », au début et à la fin. Elle use du « nous », gommant son action propre, sur laquelle la presse voire la police qui l’a à l’œil, nous informe bien davantage. Sans doute pensait-elle obscurément comme Jaromil, le jeune poète de Kundera, qu’on ne peut être totalement soi même qu’à partir du moment où l’on est totalement parmi les autres »
Le récit du livre en train de se construire, avec des rencontres, des hésitations, n’est pas seulement original et honnête, il nous captive car nous ne sommes pas prisonniers d’anecdotes. Nous participons à une recherche où le contexte est rappelé dans une écriture chaleureuse qui nous relie à ce début d’un autre siècle.  
L’éclairage féministe n’est pas un effet de style, il est indispensable pour saisir ce que ce destin avait d’exceptionnel. Les préoccupations de l’auteure à parler du devenir des enfants, de leur fragilité, ses questions concernant leur garde, les moyens de leur subsistance sont rarement abordés dans ces ouvrages où les héros maniant les idées générales apparaissent peu derrière les fourneaux. La solidarité ouvrière, la fièvre des luttes primordiales peut éveiller des nostalgies, mais  ne sont éludés ni le machisme régnant chez des leaders syndicaux, ni le racisme à l’égard des italiennes qui vivaient dans des conditions inhumaines dans les dortoirs de chez Permezel à la Patinière. Les réseaux religieux pourvoyaient en main d’œuvre doublement asservie : femmes et étrangères. L’une d’entre elles, morte de tuberculose pendant les grèves, se nourrissait de pain trempé dans du vinaigre

vendredi 25 janvier 2013

« Le feu qui te brûlera, c'est celui auquel tu te chauffes. »



Le proverbe est africain.
En ce moment une opinion est bien peu convaincante si elle n’est accompagnée d’une mitraillette.
Pour avoir parcouru le Mali à deux reprises, je m’autorise à me sentir plus proche des préoccupations des habitants de Mopti ou Bamako, mais en ayant effleuré la diversité des cultures africaines, les secrets et l’humour de là bas,  je me dispenserai de toute réflexion péremptoire.
Les experts se multiplient sur nos écrans et comme les économistes, ils prévoient après coût, ils nous apprennent  par exemple que des bases secrètes américaines étaient dans le Sahara, que des soldats maliens formés par leur soin avaient rejoint la rébellion touareg, que Ouattara aurait mis jusque là des bâtons dans les roues de l’armée malienne…  alors la faiblesse de l’état malien, les manques algériens à sécuriser un site stratégique peuvent-ils nous étonner ?
Du haut de nos « sans confiance » (espadrilles bien nommées), avec mes compagnons de voyage, nous avions saisi à quelques années d’intervalle la montée de l’intolérance religieuse qui nous interdisait désormais de pénétrer dans l’émouvante mosquée de Djenné quand le prosélytisme musulman faisait pousser les mosquées en pays Dogon : une pour ceux qui sont allés à la Mecque, l’autre pour le tout venant. Sous les falaises de Bandiagara une civilisation originale et forte avait résisté jusque là à tous les envahisseurs.
Quand les américains ont débarqué en Normandie il y avait bien du colonialisme dans les paquets de chewing gum, mais ils eurent un sacré bon goût de liberté, bien après, les rares voix qui crient (dans le désert) à une intervention de type impérialiste peuvent-ils entendre les populations qui remercient la France en ce moment?

jeudi 24 janvier 2013

Les Alpes de Doisneau.


L’exposition qui se tient jusqu’au 14 avril  au Musée de l’Ancien Evêché  m’a permis de découvrir de nouvelles œuvres du photographe humaniste dont je croyais avoir fait le tour, le croyant essentiellement parisien.
De la Haute Savoie, lors de vacances familiales, à Laffrey en passant par Grenoble, la variété est un des atouts de cette présentation chaleureuse qui ne se pousse pas du col. Photographies de mode dans un atelier de fabrication de skis, publicités pour l’Aronde, montages avec Maurice Baquet violoncelliste, regard d’ethnologue chez les petites gens de Saint Véran,  et toujours l’engagement politique dans les pages de la revue communiste Regards  avec des images des sports d’hiver à leur début.
Des icônes du bonheur, en noir et blanc, nostalgiques, oui bien sûr, mais l’enfant qui s’est endormi avec ses skis serrés contre lui ou le môme un agneau dans les bras sur le siège arrière de la moto conduite par son papa sont magnifiques.
Le jour va tomber, la lumière est propice.

mercredi 23 janvier 2013

Villas autour de Villefranche sur mer.



Les riches étaient bien bons quand ils ouvraient leurs villas aux communs.  
Du temps de mon grand père, le nom de Rothschild était emblématique du capitalisme tels que  sont devenus Bettancourt ou Arnault.
Nous sommes à Saint Jean Cap Ferrat et la villa Rothschild s’appelle aussi Ephrussi du nom de la baronne.
Les jardins espagnol, à la française, florentin, lapidaire, japonais, provençal, exotique, traversés de cascades, intimes et musicaux, ponctués de colonnades, offrent une ombre bienvenue  sous un soleil immuable. Beaux cactus et plantureuses plantes grasses. Le rose était la couleur emblématique de la maison, la roseraie est belle.
Le palais  construit à la belle époque est de  style renaissance avec des atours gothiques, il contient beaucoup d’objets ayant appartenu à Marie Antoinette et cultive une saveur XVII° avec  porcelaines et tapisseries de Gobelins. Un salon est dédié aux  fines porcelaines de Saxe, une table de trictrac est attribuée à François Hache qui est de par chez nous.
Gérée par la même association Culturespaces la villa grecque Kérylos est sa voisine  située à Beaulieu sur mer.
Autour du péristyle s’organisent des pièces soigneusement reconstituées de la Grèce antique avec un mobilier raffiné devant des décors recherchés au milieu d’un site exceptionnel. Nous pouvons visiter les appartements de Monsieur et  Madame Reinach qui ont fait construire ce palais qui revit grâce aux audio guides particulièrement pédagogiques. Cet archéologue Théodore Reinach  faisait partie de la fratrie des « Je-Sais-Tout », il nous fait partager jusqu’à aujourd’hui ses connaissances. Merci.