samedi 30 juin 2012

La saison des mangues introuvables. Daniyal Mueenuddin.

«Je te prends comme épouse Lily, dans la richesse et la maladie, dans la joie et la tristesse, jusqu’à ce que la mort nous sépare » 
C’était avant la cérémonie officielle d’un mariage, ce beau serment sera respecté et parfois oublié, mais toute la vie est bien là dans ces mots qui s’opposent.
Comme dans ce roman qui ramasse des existences aux destins chaotiques ou tout tracés, là bas au Pakistan.
Je ne savais du pays que ce qu’amène la lecture des journaux : de l’oppression, de l’obscurantisme; ce livre révèle des plaisirs élémentaires, des rêves et des drames, des visages.
Dans les années 70 jusqu’en 2000 où des changements sont à l’œuvre, nonchalamment, la malice des personnages, serviteurs et maîtres, les sauve parfois de fatalités implacables.
Le style de ces nouvelles entrelacées rend agréable la lecture des 310 pages, même si parfois le dévoiement de bien des énergies agace nos occidentales mentalités.
« Ce fut un voyage qui ramena Saleema à son enfance, au travers de villes qui ressemblaient à celles autour de sa maison, cent cinquante kilomètres plus à l'est, d'innombrables rangées de vilains immeubles en béton, des bazars grouillants, des taudis, des mares d'eaux usées envahies par des nénuphars comestibles, suivis de la pleine campagne, d'orangeraies en fleur, de champs de moutarde jaunes. Mais, cette fois, elle roulait dans une belle voiture et non dans un car vétuste, empuanti par la foule. Le soir précédent, elle s'était verni les ongles : sa main reposait sur la portière, le souffle du vent lui effleurait les doigts, elle se sentait jolie. Ils traversèrent des plantations de manguiers, des champs de blé prêts pour la moisson, Rafik égrenait son chapelet en plastique usé, récitait les quatre-vingt-dix-neuf noms d'Allah, son regard voilé laissait filer le paysage sans le voir. » 
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Le blog marque une pause en juillet août,
je reprends la pose en septembre.

vendredi 29 juin 2012

La culture peut-elle donner un sens à l’Europe ?

Il y a beau avoir été fait référence à Dante, Voltaire, Garcia Lorca… Brecht, Cervantès… nous retiendrons de ce débat de haute tenue au forum de Libé, l’éloge des échanges Erasmus dont Umberto Eco dit :  
« 80% des étudiants Erasmus se marient avec des étrangers et leurs enfants deviennent bilingues ; c’est un projet d’une grande valeur sexuelle »
Le modérateur Robert Maggiori a apporté sa pierre alors que Frédéric Mitterrand se la jouait faux modeste, bien qu’il sache toujours conter à défaut de beaucoup compter.
L’écrivain italien trouve « Après deux whiskies, il existe plus d’analogie entre moi et un Suédois dans sa façon de penser qu’entre moi et un Américain ».
De l’intérêt de l’ivresse pour aller plus loin que l’impalpable. Le ministre de la culture d'alors situe une frontière de l’Europe aux dernières églises en Ukraine : « Moi qui suis agnostique et européen, je suis toujours ému quand je vois une cathédrale dans un pays éloigné». Mais il ne va pas jusqu’aux racines chrétiennes qui excluraient, il appelle à l’ouverture au monde en se montrant méfiant à l’égard des langues régionales quand elles sont repliées sur elles mêmes.
Aux Etats-Unis dans les bibliothèques universitaires, la distinction de deux philosophies est un système de classement: la continentale d’un côté, et l’insulaire empirique qui relie anglais et américains de l’autre.
Il y a 371 sens au mot culture, cela laisse de l’espace pour débattre, elle n’est pas réduite exclusivement aux livres classiques, à la langue. Elle se compose « de routes pas seulement de roots. »
C’est une attention au monde, une inquiétude, un éloignement de la nature, on ne laisse pas le cadavre de son frère aux animaux, on l’enterre.
La morale devance la coutume.
Même pendant les guerres, la germanophilie pouvait se distinguer de la collaboration, bien qu’on puisse être cultivé et tyrannique.
La culture n’est pas un linceul qui uniformise, elle n’est pas pasteurisée et le rappel de Pasolini est utile.
Il regrettait la disparition des lucioles, sous l’effet des lumières aveuglantes de l’industrie du divertissement.
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Le dessin du Canard de cette semaine:

jeudi 28 juin 2012

Histoires des peintures. Daniel Arasse.

25 émissions de France Culture sont rassemblées dans ce livre de 2003.
« Il faut donc savoir voir, mais aussi avoir l’outil permettant aujourd’hui de théoriser ce qu’on voit »
Voilà l’objet même de cet ouvrage qui comporte quelques passages difficiles malgré l’humour et les qualités pédagogiques du passeur.
Notre regard sur la peinture est un regard sur le temps : avec toutes les précautions pour repérer les anachronismes, nous sommes amenés à enrichir notre vision du monde en général. Nous examinons les perspectives, découvrons dans un détail des vérités cachées. En puisant encore dans le vocabulaire de l’esthétique, quand les projecteurs sont braqués sur les conditions d’une exposition, les péripéties d’une restauration, notre regard sur la politique, sur les médias en devient plus critique.
Retrouver des œuvres familières, et par l’intelligence de celui qui aimait monter sur les échafaudages des restaurateurs de fresques, les approfondir, constitue une expérience enrichissante.
De Michel Ange à la disparition de l’objet nous entrons dans la chaîne où « le propre du créateur est de s’approprier le passé pour le transformer, le digérer et en donner un autre résultat… »
Des espaces s’ouvrent quand on envisage par exemple le maniérisme comme une réponse aux crises religieuses, économiques, politiques du XVI° siècle, « au sentiment d’incertitude, d’instabilité, de fragilité du monde »
Montaigne : « Le monde est une branloire pérenne, je ne peins pas l’être, je peins le passage »

mercredi 27 juin 2012

Mots d’enfants # 3

Merci à la grand-mère de Titouan et Lilou d’avoir transmis ces mots :

« Ça me fait des guilis sur mes cuisses, les étoiles d'araignée sous ta table. »

 « - Mamie j'ai faim 
- Déjà? Tu viens de prendre un bon goûter! 
- Oui, mais ça va vite, mon corps, il est en pente! » 

Titouan découvre que dieu n'existe pas.
"Un jour j'ai voulu le prier, eh ben il a même pas répondu....alors....." 

 Devant une petite souris au pied d'une énorme citrouille:
« - Oh, qu’est-ce qu'elle voit, la souris?
 - Un potiron 
- Non! Un gros rond » 

Un jour devant une image de vaches:
 « - C'est quoi ce veau? 
- Son nouveau - né. 
- Ah, et l'ancien, il est où? »

« Les militaires, ils doivent se mettre en garde à vue ». 

Lilou, a eu quatre ans, elle est en vacances à Niort.
Au bord de la Sèvre elle observe les canards: ils vont souvent par deux.
« Ah oui, le canard et sa canaille! » 

Quand Lilou n'est pas contente elle boude, elle se cache la tête dans les coussins du canapé.
 « - Alors Lilou, tu boudes? 
- Non, je regarde le coussin de près. »

mardi 26 juin 2012

L’appel des origines. Nairobi. Callède Séjourné Vernet.

A la recherche de son père, une belle métisse revient en Afrique.
Nous sommes dans les années 20, sur un beau paquebot entre deux prises de vues d'un truculent réalisateur, elle file le parfait amour avec un bel anthropologue à la recherche du premier homme de l’humanité.
Destins parallèles : « un même souffle résonne au fond de leur cœur ».Too much.
Le chef de l’expédition, plein de sagesse, a la tête d’Einstein.
Les dessins, les couleurs sont bien jolis mais les personnages sont vraiment trop simplistes même si nous croisons Karen Blixen et son beau chasseur, nous sommes loin du charme d’ « Out of Africa ».
L’intérêt de cette B.D. trop lisse est limité.
 A retenir seulement : Roosevelt vint faire un safari de plusieurs mois en Afrique au cours duquel 3000 animaux furent abattus.

lundi 25 juin 2012

La petite Venise. Andréa Segre.

Qu’il est bon de retrouver le cinéma italien qui parle avec humanité du monde le plus actuel à travers de beaux personnages ! « O sono Li » est le titre original.
Nous en apprenons de belles sur des procédés des filières de l’immigration chinoise et aussi sur une tradition avec des lumignons flottant sur l’eau pour célébrer le poète Qu’ Yuan qui s’est suicidé 300 ans avant J.C.
Nous découvrons dans la lagune de Venise, hors saison, les pêcheurs de l’île de Chioggia qui abordent une retraite apaisée avec les copains à coup de grappa. L’eau submerge parfois les rues mais chacun vaque naturellement à ses occupations.
La tendresse entre Bépi, veuf Yougoslave depuis 30 ans en Italie, et Shun Li, une jeune fille mère chinoise arrivée sans son fils est finement traitée.
Cette amitié ne pourra durer, les communautés y sont hostiles, jusqu’à la violence.
Mais la poésie les unit au dessus des préjugés xénophobes.
Les images sont belles sans tomber dans l’esthétisme,  et nous passons un moment agréable malgré quelques surlignages pas indispensables à mon avis.

dimanche 24 juin 2012

Dracula. Philip Glass et Kronos Quartet.

Je vais souvent aux concerts de musique avec un brin d’appréhension surtout que la réputation de l’américain en minimaliste répétitif peut refroidir.
Je suis revenu de cette soirée de musique vivante au cinéma, emballé, et si je goûte en général surtout les images, cette fois j’ai préféré de loin la musique.
Le film de 1931 n’est pas démodé, il est au-delà des modes, un archétype à connaître, mais je préfère la mésange à la chauve-souris, un Côte du Rhône à une resucée d’hémoglobine fut elle prélevée à un cou mignon et les espaces d’un thé au Sahara plutôt que le carton pâte Transylvanien.
Au début du cinématographe, un musicien jouait du piano sous l’écran, ce soir ils étaient quatre à la MC2, le Kronos Quartet, avec des cordes et deux en plus aux claviers, à illustrer les images déjà expressives, créant une ambiance bien plus sophistiquée que ne le décrivaient les décors et les mines sans surprise des acteurs.
La tension était là avec ce qu’il faut de reprises, de montées : de quoi ressortir exsangue, mais c’était pour de rire.
Ce type de concert est pédagogique et si, comme pour une rock star, de jeunes lycéennes sont allées solliciter des autographes, à celui qui a composé aussi la musique de « The hours », c’est que c’était gagné ! La pop avait rencontré la musique savante.