jeudi 16 février 2012

La rigoureuse géométrie de Mondrian.

Pieter Cornelis Mondriaan, le peintre complexe, va aussi simplifier son nom en Piet Mondrian.
Né en 1872 en Hollande dans une famille calviniste, il est inquiet du passage vers l’an 1900.
Ses paysages influencés par Van Gogh traitent des données permanentes des Pays Bas : l’eau, le ciel, la terre, puis il abandonne le vert pour le rouge, le bleu, le jaune : les primaires.
Ses références remontent à l’âge d’or de son plat pays, au XVII° siècle: quand il sera reconnu comme « le Rembrandt de la modernité », quelle lumineuse consécration !
Catherine De Buzon conférencière a apporté ses éclairages aux amis du musée de Grenoble:
« comment ce jeune homme fragile, pauvre, peu instruit va-t-il, au fil d’une traversée de l’image, conduire la peinture sur les terres conceptuelles de l’abstraction ? Des années de recherches formelles pour travailler ensuite durant vingt ans sur l’exclusive (ou à peu près) d’une surface peinte avec verticales et horizontales, le noir et le blanc et les trois couleurs primaires. 
Sept signes, comme sept notes et toute la musique du monde ! » 
La peinture est « una cosa mentale » depuis Léonard de Vinci, autrement dit, avec Klimt, une affaire intellectuelle : la peinture se fait dans l’atelier, les sous bois forment des rythmes une fois que les images de la promenade se sont sédimentées.
S’il peint des fleurs pour répondre au goût du public, il poursuit ses recherches apportant dans une grande rapidité d’exécution, des couleurs tonitruantes.
Il revendique l’artificialité de la peinture, la perspective disparaît, mais pas sa ferveur quand les branches sont comme des arches de cathédrale.
En 1909, année heureuse, il se fiance et révèle au public un rouge moulin archétypal incandescent, audacieux, extravagant. Ses dunes sensuelles, ses accords chromatiques évoluent vers plus de froideur mais lorsqu’il dérive vers les théosophes, le public ne le suit plus. Kröller-Müller va l’aider financièrement, un moment.
Avec les cubistes Picasso, Braque, à Paris, ses formes se décomposent, se recomposent. A partir de la représentation d’un immeuble en démolition, il fortifie sa géométrie peuplée de signes plus et de minus (moins) qui apparaissent dans des ovales, des carrés reposant sur un angle.
Un critique d’art Theo van Doesburg lui propose un vitrail à partir d’une de ses propositions ; désormais les couleurs primaires enchâssées dans des lignes noires vont constituer son champ de recherche de pureté, son chant d’amour divin. Il ne veut pas de cadre à ses tableaux, pour que la lumière respire.
Une bombe dans son jardin de Londres lui fait surmonter ses réticences à partir pour New York.
Lui qui influencera l’architecture était fait pour rencontrer cette ville.
Il recommandera Pollock à Peggy Guggenheim et saura exprimer les rythmes le jazz rigoureusement, harmonieusement.
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 Je reprends la publication des articles sur ce blog dans une semaine.

mercredi 15 février 2012

Toulouse.

Quelle ville en dehors de Paname a pu se voir dédier une chanson comme Nougaro le fit si bien ?
C’est que la ville rose ne manque ni de caractère ni de couleurs :
quelques traits verts (46 jardins) et trois canaux,
du violet des violettes rapportées de Parme par un soldat de Napoléon qui ont bien poussé quand les maraichers avaient un répit,
avec le bleu du pastel qui fit la fortune éphémère de la ville occitane,
le rouge et noir des capitouls est depuis 1907 celui du stade toulousain.
Capitale de la région la plus vaste Midi Pyrénées, 3° ville universitaire, avec 15 000 habitants nouveaux dans l’agglomération par an.
Au Nord : le bourg autour de la basilique Saint Sernin occupe un des lobes d’une ville en forme de cœur alors que la cité autour du Capitole en dessine l’autre moitié sur la rive droite où la Garonne change de cap. Après les romains au premier siècle et les Volques Tectosages, tribu gauloise, les Wisigoths se sont arrêtés là entre océan et Méditerranée.
J’ai appris à cette conférence de Myriam Pastor, aux amis du musée de Grenoble, qu’un plat emblématique français, le cassoulet, était à l’origine un ragout de mouton bien sarrasin.
La ville est prospère au temps des comtes de Toulouse et des capitouls ; les Raimond se succèdent. La religion cathare a séduit 2000 personnes dans la ville qui comptait déjà 40 000 habitants. La croisade contre ces albigeois menée par Simon de Montfort qui fut tué lors du siège de Toulouse, laissa des traces durables. Des épidémies ravagèrent la population et un incendie gigantesque détruisit 7000 maisons, mais si l’indigo des colonies supplanta le pastels, des fortunes eurent le temps de s’édifier pendant l’âge d’or où les coques , boulettes qui rassemblaient ces herbes précieuses, valurent le terme de « pays de cocagne » à la région.
Cent clochers dominent les toits de tuile et 49 tours capitulaires dépassent des bâtiments assez peu élevés en raison de la nature alluviale des sols.
De nombreuses confréries ont laissé des cloitres agréables, des chapelles remarquables.
Les anciens abattoirs reçoivent des œuvres contemporaines depuis un rideau de scène gigantesque de Picasso, et la fondation Bamberg accueille dans un hôtel particulier renaissance 35 tableaux de Bonnard. Le métro, dans chacune de ses 38 stations, présente une œuvre contemporaine.
L’aéronautique emploie 30 000 salariés mais la ville ne veut pas s’enfermer dans une monoculture industrielle qui fait sa renommée.
La description d’une telle ville convenait tout à fait bien à une évocation artistique, historique.
Pourtant s’il a été fait mention de l’accueil des républicains espagnols, quelques mots concernant par exemple le quartier du Mirail auraient pu étonner les amateurs de cartes postales mais m’auraient personnellement contenté, car il me semble qu’on y travaille à la police de proximité, malgré l’autre.

mardi 14 février 2012

Inès. Loïc Dauvillier. Jérôme d’Aviau.

Femme battue.
Face à l’incroyable : quand en France par exemple, une femme meurt tous les trois jours des suites de violences domestiques, on s’indigne et on oublie.
Le traitement de ce sujet, dans cette BD, est vraiment bien mené :
ce n’est pas un fait divers spectaculaire, mais une histoire inscrite dans un univers banal où les mots sont rares. Les voisins doivent-ils intervenir ?
Le copain qui passe et ne voit rien, ou ne veut pas voir.
Les images montrent la monstruosité mais aussi la tendresse désespérée, la petite si petite et ses grands yeux innocents et la maman qui s’accroche.
Pas d’effets grandiloquents, l’efficacité est plus évidente dans le dépouillement et la sobriété.

lundi 13 février 2012

Sur la planche. Leïla Kilani.

Une jeune ouvrière venue de la campagne travaille le jour à décortiquer à la chaîne des crevettes dans le port de Tanger.
Le soir, sous sa robe traditionnelle, elle a enfilé un blouson et un jean pour se livrer à des trafics, à des larcins : elle se déchaîne.
Elle n’est pas folle la guêpe, pas épaisse de corps, mais d’une vitalité, d’une verve poétique qui transmet une énergie extraordinaire au film.
La réalisatrice marocaine pour sa première fiction décrit une réalité sociale crue à travers une intrigue policière qui se permet de commencer par la conclusion, en restant passionnante, tant les rapports dans la petite bande de voleuses, « bricoleuses de l’urgence » qui jubilent, bougent, se cassent, sont au cœur de la vie.
Les clichés ensoleillés sont loin, mais la mondialisation a les coudées franches au bord des zones tranchantes.

dimanche 12 février 2012

Zebda. Second tour.

Le phénomène politique et musical, avait séduit il y a huit ans à la fois les campings et Le Lubéron : les toulousains sont enfin de retour.
Les temps ont changé depuis le toilettage des grands chants de lutte, désormais la question devient lancinante : où en sont les promesses ?
 « Dans le parcours qu’ils appellent Jules Ferry
 C’est les mêmes qui ont les places les plus pourries »
La pochette du CD est illustrée par la photographie de1952 de Mimoun derrière Zatopek grimaçant dans le sprint final. Un athlète dont on a oublié le nom chute derrière le duo mythique.
Dans le morceau qui passe le plus volontiers, un marché s’installe autour de l’église, le dimanche matin,  alors les marchés-de-Provence chantés par Bécaud sont définitivement fossilisés,
« Des roumaines même l’air vague
Te font regretter une bague 
Il faut qu’elles fassent de l’argent 
Sinon on les astique au détergent » 
Une chanson est consacrée aux femmes voilées et leurs silhouettes en traversent d’autres.
« Est-ce un principe de précaution 
Ces barricades de chiffons 
Et s’il fait peur à l’Amérique 
Ce look casse pas des briques » 
Les certitudes en ont pris un coup et si l’ironie, l’énergie sont là, la forme interrogative prime.
« Deux écoles chez nous se tiraient la bourre 
L’une disait « soit érudit » 
L’autre chuchotait « remplis ton caddie » 
Si je crois percevoir quelques désillusions dans leurs paroles, j’aime que leurs musiques continuent à m’entrainer.
« Ce jour là je me sens pas seul 
Putain qu’est ce quelle prend dans la gueule l’identité nationale » 
Leur démarche est civique, mais la belle chanson sur les mains ne constitue pas vraiment une défense du travail manuel, alors qu’ils se veulent des « ouvriers » de la musique et de la poésie. Parole d’instit’ qui échappa à la fourche. Leur faculté d’interpeller est intacte dans la « correction » quand la société n’arrive pas à aller au bout de la phrase : « les hommes naissent … libres et égaux… » 
 Non, Mouss ne finira pas en « guitariste chilien », mais la politique avec ces airs là reprend de la couleur et une grinta de bon aloi.
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 F. Morel de vendredi sur Inter :

Les mots des pauvres gens par franceinter

samedi 11 février 2012

Ecrire est une enfance. Philippe Delerm

« Le petit maître » que le prof de lettres aurait aimé être en peinture, il l’est pour moi en littérature. L’amateur de Proust, ambitionnait d’être édité dans la blanche de Gallimard mais sa sincérité, sa simplicité, sa modestie n’en font qu’un écrivain pour instituteur. C’est pour cela que je le comprends, que je l’aime, avec toutes ses contradictions, dans sa fidélité à son amour de jeunesse, Martine sa femme, et dans son admiration sans vergogne envers son fils Vincent.
Il revient sur ce qui l’a constitué comme écrivain, ses premières lectures, Crin Blanc,
« l’école comme un royaume », ses phares inattendus : Léautaud et Jules Renard,
ses soutiens dans le monde des lettres : D’Ormesson, Le Clézio, Gerber.
Il remonte à la genèse de certains de ses livres, et dit son admiration d’Hamerchoï, Barbara, des Vestiges du jour.
Lui qui sait bien doser mélancolie et bonheur, revendique ce qu’on médisait de lui :
« l’art d’accommoder les restes ». 
Il évoque les images de vocabulaire qui occupaient les murs des classes :
 « Une perfection douloureuse émanait de ces représentations du monde saisies dans la ligne claire du graphisme. Douloureuse, parce que dans le jardin potager, le jardinier qui bêche son coin de terre ne se disputera jamais avec la jardinière, que l’enfant qui cueille les cerises les pieds sur le quatrième barreau de l’échelle profite à l’infini de cette harmonie indestructible, qu’il peut être tout aux cerises, rien ne sera jamais menacé. Bienfaisante pour les mêmes raisons, bien sûr. Le monde de l’école protège, arrête sur image. Tout est simple clair. » 
 Du Delerm.

vendredi 10 février 2012

C’est quoi être de gauche ?

Pour conclure ma tournée des débats au forum Libération de Lyon en novembre 2011, j’ai suivi une discussion que j’aurai jugée bien inutile quand les clivages allaient de soi, mais depuis quelque Kouchner est passé par là et des missions dévolues à Rocard, Lang ont rimé avec démission, érosion.
Je connaissais ce vieux routier d’Henry Weber, j’ai découvert avec plaisir la philosophe Cynthia Fleury.
- Liberté, égalité, droit de l’homme, solidarité, laïcité, écologie… La liberté est entrelacée à l’égalité, c’est l’indivisibilité des lois.
- Indépendance du parquet, respect de la parité, fin du cumul des mandats …
- La gauche du XXIe siècle sera internationaliste, éco-socialiste, alter européenne et féministe.
- Clinton: « Il faut que la marée fasse monter tous les navires » 
- Pour la maitrise du devenir collectif une puissance publique revigorée ira de soi et la suprématie de l’être sur l’avoir adviendra.
- Dans la formule « Le marché est un excellent serviteur, c’est un mauvais maître »
le mot « marché » a remplacé « l’argent » du proverbe.
 A reprendre mes notes, bien des formulations paraissent tellement pieuses, comme se raréfie l’attitude de se laisser affecter par le malheur d’autrui.
- Le peuple existe, le peuple est raisonnable, le peuple est souverain : c’est cela la démocratie.
Le rappel des fondamentaux n’est pas inutile avec ce mot « peuple » qui en arrivait à paraître obscène dans certaines bouches, avec droits sociaux, projet de civilisation, éducation.
Dans une atmosphère dont le réchauffement inquiète, les sentences s’accompagnent désormais de précautions envers la planète.
- L’homme devra se réconcilier avec la nature.
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Dans le Canard de cette semaine: