samedi 19 mars 2011

Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants.

Le titre extrait de Kipling m’avait parlé, d’autant plus que ce livre de Mathias Enard a reçu le Goncourt des lycéens, après le prix Inter l’an dernier pour Zone.
Eh bien j’ai été plutôt déçu en regard des promesses du titre, avec un thème fort autour de la rencontre entre Michel Ange et l’empire Ottoman qui nous concerne en notre siècle pourtant loin des Renaissances. Mais je n’ai trouvé ni souffle, ni sensualité, pas d’odeurs, dans cet épisode de la vie du florentin amené à concevoir un pont entre Asie et Europe pour le sultan de Constantinople, Bajazet.
Nous ne partageons pas le processus créatif, ni la dimension colossale du projet et l’artiste lui-même ne s’est pas aperçu de la passion qu’il suscitait.
Je ne suis pas un amateur acharné de gros pavés, mais ces chapitres très courts conviennent à la lecture en métro mais n’ont pu rendre une quelconque épaisseur romanesque à partir d’une idée qui avait tout pour séduire.
Il est difficile d’entrer en sympathie avec ce Michelangelo dont la motivation principale réside dans sa rivalité avec Léonard de Vinci.
Une des rares phrases que j’ai voulu retenir de ces 148 pages trop légères :
« Michel ange reste un moment silencieux, avant de souffler : - C’est juste.
Nous singeons tous Dieu en son absence. »

vendredi 18 mars 2011

Michel Serres : « les plaques tectoniques… »

Dany a pris des notes aux « Etats généraux du Renouveau », à Grenoble le dimanche 30 janvier.
Michel Serres nous a régalés d'une conférence, limpide, chaleureuse, sur le thème pourtant si sévère : « Vivons-nous un temps de Crise ? »
Il y reprenait les points principaux de son ouvrage : « Temps des crises. »
La CRISE est comparée à un séisme violent qui fracture en surface l'écorce terrestre alors qu'il est provoqué en profondeur, par la lente et imperceptible avancée des plaques tectoniques. Pour comprendre les secousses financières et boursières qui ébranlent notre monde aujourd'hui, besoin est de remonter, dans la durée de l'histoire et dans l'espace, aux ruptures sociétales, économiques, civilisationnelles,
à des « révolutions » parfois passées complètement inaperçues.
Les campagnes qui se vident (85% des habitants en 1900, 1,2% de ruraux en 2010) : l'essayiste date la fin du néolithique dans les années 1960-70.
• L'urbanisation et la nouvelle occupation de l'espace.
• L'allongement de la vie et le nouveau rapport au corps, autrefois source de toutes les douleurs, aujourd'hui montrable parce que sain : quid des MORALES, doloristes jusque là ? (« Tu enfanteras dans la douleur » / péridurale par exemple)
• et donc les nouveaux choix de vie : avoir ou non un enfant, se marier ou pas et pour combien de temps, etc.
• La plus longue période sans guerre depuis l'Antiquité (50 ans).
• Le nombre d'humains, 1 milliard au début du XXème plus de 7 bientôt.
• Les nouvelles relations : « l'individu » et la nouvelle donne sociale :
impossibilité de « faire équipe » (divorces, groupe classe, etc.)
L'équipe de France de foot et son attitude déplorable : champion du monde de sociologie !
• Confusion entre Identité et Appartenance et risques d'intolérance et de racisme. PROBLEME MAJEUR : QUELS NOUVEAUX RAPPORTS ENTRE LES HOMMES ?
• L'arrivée en masse des nouvelles technologies et leur rôle sur l'environnement et l'espace : avec le téléphone portable et le web, nous n'avons plus d'adresse repérable et nos messages s'inscrivent sur un nouveau support (550 millions d’abonnés à Facebook). « L'espace de voisinage » ne connaît plus de distances.
• Les problèmes environnementaux : (sur 10 conflits récents, 7 au sujet de l'eau.) Polluer c'est s'approprier un espace. Devant les dangers pour la planète, réussirons-nous une coexistence pacifique afin de la sauver ?

jeudi 17 mars 2011

Les vanités dans l’art contemporain.

La conférencière, si peu conférencière, de ce soir a mis en évidence, par défaut, la qualité constante des intervenants habituels aux amis du musée. Il n’y avait qu’à entendre Jean Serroy qui, lors d’une brève intervention pour sauver Anne Marie Charbonneau du naufrage, en a plus dit qu’elle en deux heures. Elle s’était contentée de lire sans conviction, avec un micro dans lequel elle ne savait pas parler, quelques citations et projeter trois vidéos. La jeune fille qui est venue mettre en route les appareils que la maîtresse de cérémonie ne maitrisait pas, aurait mieux convenu en nous dispensant de la pédanterie : « tout le monde sait ça » ou des demandes au public quant à la marche à suivre : « est ce que je continue la projection ? » Elle s’est exemptée de nous donner quelques clefs puisque « les œuvres sont tellement fortes qu’elles parlent d’elles mêmes ». Un concentré qui aurait fini par être réjouissant de tout ce qu’il ne faut pas faire. C’était « l’inanité dans l’art contemporain ».
« La temporalité de l’artiste fait œuvre elle-même » pour un plan séquence vidéo interrompu au bout de 20 minutes parcourant une accumulation de 25 m de livres, sur lesquels sont posés de réveils et des escargots, quelques bougies fument entre les crânes incontournables des vanités du XVII°.
Une autre vidéo de Michel Blazy, l’homme des purées de légumes qui moisissent sur les murs. Ici la caméra nous conduit au cœur des décompositions où des insectes s’installent, les mouches et les asticots sont en vedette, les lumières sont boréales dans les entrailles d’un poivron qui a passé la date de péremption.
Les plus féconds à mes yeux sont deux suisses Fischly et Weiss avec un film d’une demi-heure où des objets se bousculent dans un enchainement réjouissant d’inventivité, d’humour, de profondeur. Une roue (de la fortune ?) entraine le basculement d’une planche où des bouteilles en plastique, clepsydres de fortune, ralentissent le déroulement fatal qui reprend avec des casseroles bouillonnantes, des chariots improbables sur des rails, des embrasements. Les liquides débordent, la glace fond, les déséquilibres s’avèrent moteur, ça balance, ça bascule, hésite, accélère, fume, branle au manche, les plans s’inclinent, des ballons éclatent. On attend, on est surpris par ces bricolages et l’on marche dans cette dramaturgie fragile et incertaine.
Il y aura matière pour une autre conférence sur le sujet.

mercredi 16 mars 2011

Sarkophonie - Dissection dyslexique du discours réactionnaire

Touristes en Chine 2007. # J 9. Temples perchés et monastères colorés.

Départ sous la pluie, nous sommes retardés par un groupe de français sans guide, monopolisant notre guide Marie depuis hier pour régler leurs problèmes.
"Non mais c’est nous qu’on paye !"
Dans la campagne des petits monticules de terre : des tombeaux, autour de villages pauvres; malgré la beauté des toits,tout est gris à cause du charbon.
Le monastère suspendu Xuankong Si est accroché à la falaise, soutenu par de longs troncs. C’est un haut lieu touristique qui attire beaucoup de monde, cela vaut vraiment la peine.Il y a 40 salles qui contiennent 80 statues de cuivre, fer, argile, pierre avec quelques curieux bouddhas. Les passerelles entre les différents édifices sont étroites, et de nombreux sachets de sable sont disposés avec les extincteurs, car tout est en bois ; dans une chambre un four est sous le lit pour chauffer et cuire. Notre amie Dany n’en mène pas large avec son vertige. De 1400 ans d’âge, ce temple renferme des éléments bouddhistes, taoïstes et confucéens.
En bas après un barrage, au débouché d’une conduite, un homme immergé ramasse à la main les poissons étourdis par leur chute et lance sa pêche sur la rive.
Repas sur place, les Chinois laissent des plats presque complets, sans soucis du gaspillage. Nous reprenons la route, croisant une caravane de camions surchargés de charbon occupant toute la route sur une ou deux files. Dans la montagne la conduite est redoutable : on double dans les virages et il arrive que celui qui se trouve nez à nez ne puisse se rabattre car personne ne lui en laisse la possibilité. Nous montons jusqu’à 3000 m au pic Yedou dans la brume : ce sont des alpages avec des moutons, des vaches, la flore est variée.
Monastères du Wutaishan. Plusieurs temples sont imbriqués, et nous voyons une grande variété de moines habillés de couleurs différentes. Les touristes et les fidèles sont très nombreux. Plusieurs fois, on nous demande de poser pour des photos ; nous ne nous privons pas de nous photographier mutuellement. Dans les W.C. pour femmes l’odeur est indescriptible : au-dessus de la fosse s’échappent des tourbillons de mouches.L’ensemble des temples est très coloré, les marches sont nombreuses, heureusement nous les abordons à la descente. Un bâtiment en bronze doré nous éblouit… une véritable cité religieuse. L’hôtel Flowers à l’extérieur de la ville est tout neuf. Nous mangeons dans un salon particulier de justesse, car le restaurant a été retenu pour l’anniversaire d’un monsieur de 80 ans, où les discours sont nombreux devant une grande assemblée. De la chambre nous entendons leurs chants.

mardi 15 mars 2011

Laid, pauvre et malade. De Crécy/ Chomet.

Tome deux de la série "Léon La Came", le titre accrocheur ne déçoit pas.
Le récit baignant dans des couleurs crépusculaires mène au désespoir avec habileté et force en jouant sur les registres de la caricature, du fantastique pour une approche très politique de la marchandisation de notre société jusqu’à des contrées proches d’ Aubenas.
Le héros quelque peu naïf, au départ montreur de marionnettes, va essayer de suivre les préceptes du Manuel du Savoir-Winner : ne dormir que quelques heures, ne pas lésiner sur les pots de vin, mais saura-t-il « tirer parti de ses échecs pour pouvoir repartir du bon pied » une fois qu’il aura chuté ?
La remise au goût du jour de la légende de la bête à "deux groulx" qui fit peur aux populations fait gagner les élections et un parc d’attraction va s’ériger, les produits dérivés du cochon hideux se multiplier. Toute ressemblance… rend la fable noire tout à fait intéressante.

lundi 14 mars 2011

True grit. Ethan Coen et Joël Coen.

Si ce n’avaient été les Coen à la manœuvre, je ne serais pas allé voir ce western de chez west ; à la sortie c’est le plaisir du cinéma éternel des grands espaces photogéniques où pétaradent des archétypes rassurants. Pour ma part je n’ai pas décelé la distance habituelle des réalisateurs avec le genre fondateur d’une Amérique qui tient tellement à ses guns. Le titre signifie « avoir du cran » même si « a grit » est un caillou dans la chaussure.
Quête initiatique comme d’hab’ avec trois personnages tellement différents, condamnés à se supporter, à se compléter, à se sauver.
La jeune fille au chapeau charmant genre « l’Amant » a la langue bien pendue et mène ses machos par le bout du nez, et ce n’est pas conventionnel. Mais peut être que Sarah Palin a aimé.