lundi 14 février 2011

Le discours d'un roi. Tom Hooper.

Georges VI, roi d’avant guerre nous parle d’aujourd’hui quand les caméras tournent dans les allées du pouvoir avec la communication en passe d’accéder au trône. Ce film est plus axé sur la forme du discours que sur le fond. Le père d’Elisabeth II est la vedette principale alors que sa femme devenue « Queen Mum » nous est plus familière, ainsi que son ainé Edouard VIII qui renonça à la couronne par amour, mais dont les sympathies envers Hitler compliquèrent le destin. L’humour british rend savoureux le rapport entre le roi coléreux et son orthophoniste qui bouscule les rapports de classe et gagne l’amitié du royal coincé. La fantaisie est un remède efficace pendant ces heures graves que traverse l’Angleterre et nous passons un moment agréable avant d’être accablés, dans le présent, par Nicolas Premier (appellation Patrick Rambaud) qui ne sait même pas se gouverner, sa formation ayant consisté essentiellement à se muscler le périnée et à recueillir des éléments de langage dans des marmites douteuses.

dimanche 13 février 2011

Un pied dans le crime. Eugène Labiche.

Avant le lever du rideau, à l'Hexagone, Dominique Pinon vient faire répéter aux spectateurs :
« Rien n’est plus beau que notre France !
Aimons là de tout notre cœur !
Pour le crime pas de clémence,
Vive la France et l’empereur ! »

Nous sommes sous l’empire pendant deux heures et demie, le public rit et se régale de cette comédie bien troussée. Philippe Torreton porte, à la Giscard, la mèche couchée sur sa calvitie et Dominique Pinon une crête et un tempérament comique qui emporte la troupe entière avec deux femmes nunuches à souhait, un laquais gai, un filleul plein de bonne volonté. Proche de la commedia Del Arte, derrière de grandes oreilles, une société mesquine et cruelle se révèle. Quiproquos et mufleries, Gatinais qui avait visé un chat avec une pétoire l’entend s’écrier : « sapristi ! » d’où quelques scrupules et cas de conscience. Comme il est question de justice, on pense aux figures de Daumier croquant le bourgeois. Les portes qui claquent sont indissociables du vaudeville, elles ont disparu, un placard est toujours là et bien que le jus initial ne se soit pas éventé, des trouvailles contemporaines ajoutent au plaisir : les parois de papier se déchirent, un poêle n’en fait qu’à sa tête et le chat se rappelle à nous : « Maou »
Le rythme est enlevé, le public ravi, applaudit après un ultime couplet :
« L’épée glacée de la justice
Jamais plus nous fera frémir !
Au cœur elle a frappé le vice !
Allons dormir ! Dormir ! DORMIR !!! »

samedi 12 février 2011

Le faubourg des coups de trique. Alain Gerber.

Le titre me disait vaguement quelque chose, l’auteur aussi (chroniqueur de jazz), mais il a fallu l’insistance d’un amateur de Michel Audiard (« La nuit, le jour et toutes les autres nuits ») pour que je m’attelle aux 390 pages. Et je ne les ai pas lâchées. Ça commence fort : « l’enfance de Théo dura cent sept ans, on n’en voyait pas le bout. En ce temps là les semaines étaient bourrées de jours à craquer. »
Moi qui me suis entiché de romans anglais ou américains pour leur efficacité, leur vitalité, j’ai apprécié ici le style pas apprêté, en parfait accord avec son sujet : valoriser une classe sociale disparue des écrans éditoriaux : le peuple. Pour un autre de ses romans, Gerber a d’ailleurs reçu le prix populiste qui récompense une œuvre romanesque qui « préfère les gens du peuple comme personnages et les milieux populaires comme décors à condition qu'il s'en dégage une authentique humanité ».
Bourré de trouvailles : « Ce client là vous aurait tiré les os du corps pour en faire des castagnettes »
« ll y avait dans le ciel rose une flopée de petits nuages ronds et mauves, ou violacés.
- La sainte vierge fait des beignets pour le petit Jésus, déclara Gentil.
L’ancien marsouin était tout le temps en train d’apprendre de nouvelles phrases à Théo. Des phrases qui font rire. Des phrases qui font voir le monde autrement- c'est-à-dire comme il est en vrai, quand on s’est débarrassé des mots ordinaires, si usés qu’ils ne veulent plus rien dire. »

L’auteur met un enfant en scène, à Belfort, au début du xx° siècle ; l’exercice est périlleux, et il n’y a rien qui m’agace aussi facilement que les faux enfants, les voix contrefaites. Ici, c’est truculent, chaleureux, palpitant, généreux. En ce moment, on n’en publie pas beaucoup des comme celui là, que l’on referme, content, avec un regain d’optimisme en l’homme, et l’envie de le faire partager.

vendredi 11 février 2011

Logement : un scandale français.

Alors qu’il y avait du beautiful people dans les cinq autres débats qui se tenaient en parallèle à la MC2 pour les états généraux du Renouveau à l’initiative de Libération et de Marianne, j’ai choisi celui qui me semblait le plus important à mes yeux : là où l’injustice sociale s’incruste même si comme le souligne Doutreligne de la fondation abbé Pierre «Quand on aide les plus riches à construire, c’est une relance économique, quand on aide les plus modestes à se loger, on parle d’assistanat.» Le secrétaire d’état au logement Benoit Apparu dont la faible notoriété marque l’absence de priorité politique, ne m’a pas semblé incapable et plutôt courageux de venir argumenter sous un tel intitulé de débat. Les artifices de sa communication n’ont pu contredire le constat accablant sur ce sujet qui implique l’environnement, le vivre ensemble. Il a parlé de « mixité sociale et territoriale » et Doutreligne a semblé étonné de ce nouveau vocabulaire dans la bouche d’un partisan du bouclier fiscal alors qu’il y a aujourd'hui en France 3,5 millions de mal logés (10 millions de français touchés par la crise du logement), et plus de 180 000 dossiers déposés au titre de la loi Droit Au Logement Opposable (DALO). « En septembre 10 000 ménages ont été reconnus "prioritaires"… mais sont toujours en attente de logement.»
Ce débat arrivait avant la publication du rapport annuel de la fondation de l’abbé, et en ce qui concerne notre commune qui révise son PLU, il se superpose aux positions aberrantes de mes camarades qui se disent de gauche mais ne veulent pas de construction nouvelles dans leur quartier. Mes anciens colistiers socialistes voient peut être d’un bon œil la politique de Grenoble qui porte le taux de logements sociaux au-delà de la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbains) mais crient au bétonnage quand à la faveur de l’arrivée du tram l’occasion est offerte de densifier modestement autour de cette nouvelle voie structurante. Quand l’égoïsme s’ajoute à l’absence de vision, quelle défaite idéologique ! J'en perds ma carte. Les espaces verts seront préservés si le paysage n’est pas mité par des lotissements dévoreurs d’espace et si les transports individuels qui étouffent déjà la cuvette grenobloise ne sont pas réduits par une proximité entre résidence et travail, sans parler des HLM qui votaient de préférence à gauche ! Le PLU intercommunal irait vers plus de cohérence et permettrait aux élus dont le courage n’est pas la qualité première de dire : « c’est la faute des autres ». Le respect de la loi : "Sur les 800 000 communes concernées par la loi SRU, 367 n'ont pas fait un seul logement social, c'est un vrai bras de fer fait à la République". La crise a fait remonter partout le taux d’effort des ménages pour se loger et les classes moyennes sont impactées comme certains propriétaires pauvres, en outre les besoins ne sont pas identiques entre Paris où il devient impossible de se loger et les campagnes creusoises, d’où la nécessité de politiques régionales ; en outre des définitions du logement social sont parfois usurpées. "Il faut réguler les prix du marché du logement et empêcher les propriétaires de faire monter les prix au delà de l'indice prévu. "Une taxe sur la plus-value dégagée d'un logement devrait être appliquée lors de sa vente."" Mesures préconisées par le représentant de l’association abbé Pierre qui devant l’inégalité patrimoniale qui a explosé revient à des propositions contraignantes pour contrer une politique de défiscalisation qui a aggravé la situation avec Scellier, Robien et Borloo.
....
Dessin de Sempé.

jeudi 10 février 2011

Bruegel et Bosch : le sacre des proverbes et des délires incarnés

Bruegel, le flamand, s’est nourri des paysages, des rochers, des ruines en leur écrin italien et cette nature va occuper l’espace de ses toiles.
Icare qui vient de plonger dans la mer devient anecdotique, le laboureur au premier plan épluche la terre comme un fruit. La mythologie est dépassée, le dialogue s’installe avec le vivant, la terre.
Les mages en route vers l’adoration représentaient les trois âges, ils apparaissent comme venus de trois continents et l’enfant présenté au monde, se retourne effrayé vers sa mère, bien qu’ils viennent de déposer de l’or à ses pieds. Pressent-il le Golgotha ?
Dans la cour, où jouent les enfants les petites filles font déjà tourner leurs jupes.
Les proverbes et les expressions constituent une encyclopédie foisonnante du quotidien.
La lutte entre Carnaval et Carême expose des corps estropiés, l’écho des querelles religieuses retentit.
Dans le suicide de Saul, l’image saturée se libère.
Les archanges révoltés qui suivent Lucifer (celui qui porte la lumière) vont vers un monde effrayant.
Dans la représentation de Babel, chaque goutte de peinture exprime la vie
et le christ pliant sius la croix, noyé dans la complexité de l’image, porte un message subtil :
Dieu peut se rencontrer parmi les hommes, comme dans le tableau du dénombrement où la divinité se cache; la vierge est sur un âne.
Les activités agricoles situent la place de l’homme dans la nature et l’anonymat des acteurs nous permet d’entrer dans l’histoire. L’hiver marque une pause dans les activités, loin des pestilences de l’été que les feux de la Saint Jean ne dissiperont pas.
Bosch est également un érudit délicat, sa connaissance des racines des images s’est enrichie de la fréquentation de grands mystiques de l’époque. Son imagination foisonnante qui a fécondé nos iconographies surréalistes contemporaines a pris sa source dans le fantastique des enluminures moyenâgeuses, dans les tissus venus d’Asie qui transitaient par Venise, voire dans les monstruosités de Michel Ange. Malgré son originalité qui continue à nous étonner, il ne fut pas un hérétique; le très catholique Philippe II fut un de ses clients.
« Il prend les formes anciennes et les fait rouler vers le nouveau ». La formule est de Damien Capelazzi qui nous a régalés une fois encore aux Amis du musée car il n’est pas forcément aisé de rafraichir notre regard face à ces monuments de la peinture européenne.
L’escamoteur, c’est bien le diable et l’extraction de la pierre de folie nous épate encore.
Un loup se tient à côté du miroir qui entretient l’orgueil, il porte une coiffe. Les sept péchés capitaux sont capiteux, pas loin des délices qui éclateront dans le jardin qui leur est dédié.
L’univers sous une sphère cristalline figure sur le triptyque refermé.
Les battants une fois ouverts, Adam qui arbore un nombril occupe l’Eden et un vol d’oiseaux creuse le paysage, une chouette, celle qui voit dans l’obscurité, est au centre d’un œil, mais des créatures sombres venues du fin fond des âges perturbent le cloisonnement des panneaux où le plaisir et la douleur vont se mêler, les trois règnes se confondre parfois dans des êtres hybrides, des animaux végétalisés, des fraises énormes, des corps tourmentés jusqu’aux instruments de musique qui torturent, un corps sert de battant à une cloche, le maître des enfers défèque les âmes qu’il vient d’ingurgiter. Les performances du numérique nous permettent d’aller au plus près d’une vie après la mort tellement grouillante : mieux qu’en vrai ! Mais si je retourne au Prado, je regarderai mieux.

mercredi 9 février 2011

Touristes en chine 2007. # J 5. Encens, parcs et palais

Au petit déjeuner : œuf, mortadelle (au goût de corned beef), concombre, tomate.
Beau temps limpide pour prendre la route de Chengdé (prononcer Tchendeu) province du Hebei, nous traversons de beaux paysages de collines et de montagnes boisées, avec des champs de maïs et des vestiges de cultures en terrasse, des portions d’autoroutes sont payantes mais inaccessibles aujourd’hui, on peut les reprendre plus loin. Retour du brouillard quand on arrive en ville vers 10h30. Nous descendons au Mountain villa hôtel en face de l’entrée du palais d’été. Tentative d’arnaque au change mais Mitch rétablit la situation de main de maître, l’employé de l’hôtel se fait petit.
Wang Hui nous présente notre guide anglophone qui s’efforce de baragouiner un français en morse : madame Xu.Le temple Puningsi (paix universelle) ressemble au temple des lamas où nous brûlons des bâtons d’encens. Au-dessus plusieurs bâtiments rouges et blancs (lune, soleil). Des musiciens jouent sous les palmiers moyennant finance pour accompagner la prière des fidèles agenouillés et brandissant leurs bâtons d’encens. Ici aussi se vénère le plus grand bouddha en pied, plus grand que celui de Pékin mais taillé dans cinq arbres différents.
Les fidèles achètent des cadenas sans clef accrochés à un câble pour symboliser leur lien à Bouddha. L’allée marchande est agréable avec des commerçants en costume d’époque. Notre nouvelle guide est difficile à comprendre. Repas de raviolis aux multiples couleurs et légumes verts frits (pois gourmands)
Bishu Shanzhuang, le palais d’été est bondé et pour les tours organisés les guides sont équipés de puissants mégaphones. Palais de palissandre, des pendules là aussi, des cloisonnés, des tableaux à base de matériaux nobles (jade, ivoire). Nous refusons la voiture électrique pour découvrir le paysage dans l’enceinte d’une muraille de 10 km de long. Nous marchons au milieu des biches, sur des chemins déserts. Nous poursuivons avec notre ancienne guide notre promenade dans la bonne humeur. Près du lac des bâtiments typiques sont ravissants, petits ponts, nénuphars, le parc tranquille est fréquenté par les familles. 6h : les portes vont fermer. Hôtel, douche, un orage que nous n’avons pas vu venir nous surprend en ce jour radieux.Sortie vers 19h 30, le ciel s’est calmé, promenade dans la ville, photos. Les gens nous regardent avec bienveillance, peu d’occidentaux en dehors des deux croisés à l’hôtel.
Nous choisissons le restau qui nous semble le plus chicos mais les employés d’un autre nous escortent et tentent un anglais incompréhensible, fous rires contenus, nous mesurons toute la difficulté à nous comprendre. La plus hardie des serveuses choisit pour nous 3 plats, à la fin timide et rougissante une autre s’essaye à dire 3 mots : adorable. Nous ne pouvons nous servir seuls ni bière ni le thé. Retour à l’hôtel avec litchis, fruits confits et nougatine à déguster dans les chambres.

mardi 8 février 2011

J’ai pas tué de Gaulle. Bruno Heitz.

…mais ça bien failli. Appâté par le mensuel « Memo », j’ai fait l’acquisition pour 17€ de la BD de Bruno Heitz dont les dessins à la ligne claire convenaient bien à la littérature enfantine, avec une bonne connaissance du milieu enseignant qui n’est pas si fréquente.
Nous sommes dans les années 50, en Lorraine, où un enfant peut se perdre pour de l’argent facile lorsqu’il rencontre un nostalgique de l’empire colonial français en voie d’être perdu. Les engrenages terribles de l’Histoire avec ce qu’il faut de comique et le tragique composent une histoire palpitante, où « Tout est vrai sans que rien ne soit exact » comme disait Simenon dont la citation ouvre un récit qu’il n’aurait pas renié.