Après les maisons et beffrois vus par des peintres qui
inscrivent pour la première fois des paysages dans des tableaux religieux,
le conférencier revenu devant les amis du musée de Grenoble
a choisi quelques artistes remarquables du XV° siècle pour leurs chefs
d’oeuvres destinés aux églises, et aux riches croyants en voyage, avec en
prime, en leur avènement, des portraits saisissants.
Charles le Téméraire qui apparaît dans le
« Retable de Sainte Colombe » de Van der Weyden, meurt en 1477 sans
héritier mâle, sa fille Marie épouse Maximilien de Habsbourg, empereur
germanique qui laissera à son petit fils Charles Quint la moitié de l’Europe.
Les possessions
Bourguignonnes sont morcelées. Les canaux s’ensablent, les villes d’Ypres,
Bruges et Gand déclinent, alors qu’Anvers devient un centre économique important
où travaillent les orfèvres. La brillante cour ducale de Bruxelles attire
peintres, sculpteurs, enlumineurs, tapissiers.
Van Eyck, s’il n’est pas l’inventeur de la
peinture à l’huile, a bien utilisé ce produit nouveau pour sa fluidité, son brillant, peignant une foule
de détails somptueux. L’utilisation de la toile qui remplace petit à petit le
bois permet également des œuvres monumentales. Jan, frère d’Hubert Van Eyck, a
réalisé des missions diplomatiques pour Philippe le Bon pour lequel il était
plus qu’un valet de chambre.
Son retable de « L’Adoration de l'Agneau
mystique » composé de 24 panneaux a été volé treize fois en six siècles.
Pour situer sa place centrale dans notre civilisation, le traité de Versailles
en 1918 a
contraint l’Allemagne à restituer les panneaux volés et même ceux qui furent
achetés.Adam et Eve y sont en
majesté, tellement humains.
L’engouement pour les peintres flamands, qu’il ne convient
plus m’a-t-il semblé de traiter de « primitifs », est toujours fort
du côté de Berlin, de Madrid ou dans l’aire
de la ligue hanséatique qui avait transporté des centaines de retables
dans ses bateaux.
« Le portrait
des époux Arnolfini » dont
chaque détail peut être examiné avec soin et admiration, est une
prouesse technique : rien que sur le miroir entouré de scènes de l’ancien
et du nouveau testament figure un autoportrait du peintre.
« La
Vierge du
chancelier Rolin » où le donateur « est à la
hauteur » ne comporterait pas moins de 130 références au Cantique des
cantiques : jardin clos, rose sans épine, carrelage avec des étoiles à
huit branches : l’étoile du matin...
Les «
Portraits du cardinal Niccolò Albergati» permettent de voir
le passage du dessin à la peinture et la virtuosité des deux manières.
Si l’influence de Van Eyck
par ses prototypes stylistiques aux rendus méticuleux venait du Nord,
celle du « maître de Flémalle »
Robert Campin, est plus au sud.
Réaliste et symbolique, sacré et profane le « Triptyque de Mérode »,
représente l'Annonciation dans toute
la richesse des étoffes et des couleurs.
Parmi la vingtaine
d’œuvres qui lui sont attribuées, « La
Trinité affligée »
en grisaille est d’une présence étonnante.
L’individu
s’annonce dans « Portrait d'une
femme », son visage
de trois quarts a dépassé les profils
italiens, ses mains sont là, magnifiques.
Le « portrait d’une jeune fille »,
habillée à la française, de Petrus Christus est charmant, la « Joconde
des musées berlinois » figurait dans la collection des Médicis.
« Saint Eloi
à l’étude », le
patron des orfèvres s’apprête à recevoir d’autres clients qui se reflètent dans
le miroir alors qu’un couple achète une bague de fiançailles.
La vierge s’évanouissant
au moment de « La Descente
de Croix » porte toute la douleur du monde. Rogier
van der Weyden dans des compositions majestueuses anime
intensément ses personnages à la psychologie affinée.
Hugo van der Goes participe aussi au passage
des temps médiévaux vers la
Renaissance, sa « Mort
de la Vierge »
est intensément dramatique.
Allez ! Un dernier pour la route : « Le
jugement dernier » de Hans Memling.
De ces temps de guerre et de famine, nous est parvenue, sous
les loupes, une poésie puissante née de la spiritualité. Et l’art du portrait
annonce un humanisme qui nous paraît d’autant plus chaleureux qu’à mesure où
notre planète se réchauffe, se glacent nos rapports sociaux, s’hystérisent nos
débats.