dimanche 24 septembre 2023

Age of content. (La) Horde.

Je venais de lever le nez d’un article faisant part des problèmes de management de la part du directeur de l’institution culturelle phare de la ville de Grenoble, attentif, disait-il, à la qualité de vie au travail mais se retrouvant comme son prédécesseur en face de personnels « épuisés », « infantilisés », ne siégeant plus au C.A. par crainte de représailles.
La saison des spectacles s’ouvrait sous de contrariants auspices. 
Et la feuille de salle laissait craindre le pire : 
avec « espace-temps totalement déconstruit » 
et « autre manière de déconstruire notre rapport à ces représentations volatiles ».
Après que furent distribués des bouchons d’oreille laissant prévoir quelque puissant son,
ceux-ci s’avéraient inutiles dans un début interminable avec voiture électrique télécommandée dépouillée de sa carrosserie avançant et reculant sur fond de quelques aboiements.
Et puis arrivent les danseurs et quand ils sont tous là, les vrombissements de la musique nous font vibrer et le propos devient clair : les rivalités virtuelles nous atteignent. 
Des bagarres chorégraphiées magnifiquement expriment parfaitement les harcèlements Internet.
Les uniformes sous cagoule disent bien l’anonymat toxique et la recherche de notoriété précaire.
Plus tard il sera question de jeux vidéo où se brouillent les identités jusqu’à un final époustouflant où la didactique s’oublie dans les étreintes. 
La cohésion du groupe de seize danseurs excellents, puissant, dynamique, respecte les diverses personnalités.
Le limpide projet, bien qu’aucun mot de français ne soit prononcé, confronte réel et virtuel sous l’abondance des images. Un spectacle beau et original.
Nous espérons voir cette année d’autres salles, comme ce soir, entièrement debout pour applaudir.    

 

samedi 23 septembre 2023

Les vertueux. Yasmina Khadra.

Le singulier aurait mieux convenu au titre, car les méchants, les tordus ne manquent pas, qui mettent en valeur le narrateur en héros sans grand mérite puisqu’il ne fait que suivre, en bon fidèle, le destin tracé par Dieu. 
« On ne peut pas être trop près du bon Dieu sans se mettre à la merci du diable. » 
Certes les péripéties ne manquent pas et comme on dirait d’une clairette qui aurait perdu de sa fraîcheur : il faut bien finir la bouteille ! 
« J’avais fait une guerre à laquelle je n’étais pas convoqué pour défendre l’honneur d’un ingrat qui ne songeait qu’à me faire disparaître ; j’étais recherché par la police pour avoir défendu l’intégrité d’une femme qui avait abusé de mon amour pour elle, et maintenant, on allait me lyncher pour avoir protégé un bien qui n’était pas à moi… » 
De la guerre de 14 au bagne, de la misère la plus noire à la quiétude la plus douce, de Verdun au désert le plus aride, le jeune homme a l’occasion d’exposer une certaine sagesse alors que les horreurs, les amours l’effleurent, il en parle mais sans jamais vibrer ni entreprendre de son propre chef, toujours guidé. 
«  … tu nous fatigues avec tes humeurs de coq qui a mal au cul pendant que sa poule pond. » 
La lecture des 540 pages est confortable dans cette édition Miallet Barrault avec circuit touristique en Algérie et sa palette de métiers de là bas.
« C’était un beau jour de septembre, chaud comme le ventre d’un chiot. »
Et si les images ne sont pas toujours aussi originales, l’on pardonnera quelques expressions anachroniques pour des conversations se situant dans l’entre deux guerres dans un langage qui ne varie pas suffisamment au gré des diverses conditions sociales aperçues.

vendredi 22 septembre 2023

Rocard, l’enchanteur désenchanté. Jean-Michel Djian.

Venu à Grenoble présenter son documentaire « J’irai dormir en Corse » sur la vie de l’ancien premier ministre disparu il y a six ans, Jean-Michel Djian dédicaçait son livre au titre parfait pour résumer l’apport de Rocard à la vie politique français et amorcer une réponse à la question : 
« Par quelle injustice alors sa pensée survit-elle moins que sa caricature, qu’entrés en scène au mitan du siècle dernier ses épigones l’escamotent ? ». 
J’en avais profité pour regretter qu’il reprenne trop dans le film la critique malencontreuse envers la complexité du verbe de l’ancien maire de Conflans Saint Honorine ; les 150 pages du livre ont permis de détromper cette impression. 
« Qui au sein des nouvelles générations nées en ce début du troisième millénaire sait que ce gros fumeur fut aussi l’instigateur de la loi anti-tabac, de la CSG, de la paix en Nouvelle Calédonie, du compte individuel de formation, de la réforme d’air France et des PTT, du livre blanc des retraites, du revenu minimum d’insertion surtout ? » 
L’intitulé du film extrait d’une lettre testament est également significatif de la richesse de sa personnalité qui au moment du dépôt de son urne funéraire avait valu de Jacques Dutronc habitant de Monticello, la formule : « Un Rocard sinon rien ! »  
« Je n’ai pas une goutte de sang corse, et n’avais jamais mis les pieds sur l’île avant 1968. Le mois de mai de cette année-là avait échauffé les esprits. Je ressentis puissamment le besoin de rassembler pour une bonne semaine, la quarantaine la plus active d’étudiants et de cadres du PSU. La mutuelle étudiante rendit cela possible en Corse. »
L’ouvrage acquis comme consolation de voir en une ville qui fut jadis « rocardienne » seulement une cinquantaine de personnes blanchies sous le harnois à l’invitation de Michel Destot,  ancien maire, est comme son objet, tranchant, honnête, stimulant. 
« Comment voulez-vous éclairer les électeurs avec des gens qui cherchent sans cesse à attiser les peurs, déformer vos propos, les décontextualiser, les tirer vers le bas. »

jeudi 21 septembre 2023

Les rencontres photographiques. Arles 2023.

 
« Etat de conscience » était le thème de cette année, tellement général qu’il ne dit pas grand-chose de plus que bien des titres de festival qui souvent tirent par les cheveux un fil conducteur.
Et  comme il s’agit de l’état de la planète, le mot «  inconscience » aurait d’avantage convenu.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2022/09/les-rencontres-de-la-photographie-arles.html
Malgré quelques lieux d’exposition fermés  les propositions sont tellement variées que les occasions de « rencontres » ne manquent pas.
les mises en scènes angoissantes de Gregory Crewdson jettent des ponts vers le cinéma 
et le facétieux et poétique Saul Leiter se rappelle de la peinture.
« Tout au loin, d'une couleur autre, dans le velouté d'une lumière interposée, la petite phrase apparaissait, dansante, pastorale, intercalée, épisodique, appartenant à un autre monde. »Marcel Proust.
Près de 500 photos de Diane Arbus présentées de telle étourdissante façon effacent  les frontières entre les portraits de personnes hors normes et « nous ».
Les Cryptoportiques sous la mairie d’Arles étaient le lieu parfait pour présenter des photos de grottes préhistoriques : « La main de l’enfant ».
Les styles varient pour faire connaître les femmes d’une communauté au Mexique,
des travestis américains,
des personnages indiens, ou la recherche de traces d’un exilé iranien d’avant Khomeiny, 
d’un Vénézuélien ou en Palestine...
Au bord du Rhône « Les enfants du fleuve » sont saisis dans leur diversité
et les couleurs mêlées d’ « Insolare » éclatent
autant que quelques poussières magnifiées en leur retour depuis le fond des âges au musée des antiques.
Il a fallu quelques années pour qu’Agnès Varda sorte de l’ordinaire et les polaroids de Wenders apparaissent moins remarquables que d’autres scrapbooks de réalisateurs moins célèbres.
Si aucun photographe nordique n’impressionne, la découverte de Jacques Léonard du temps des humanistes Doisneau, Ronis… nous ancre dans la nostalgie
comme les archives du Studio Rex dans le quartier Belsunce de Marseille et ses « photos pour portefeuilles » de ceux qui avaient quitté leurs pays.
Lorsqu’une artiste sino-malaisienne s’interroge « Simplement parce que vous avez appuyé sur l’obturateur ? » sa question rappelle l’histoire des clic-clac Kodak  et va au-delà des problèmes posés par l’Intelligence Artificielle.
Les innovations qui furent la marque du journal Libération exposées à proximité dans l’abbaye de Montmajour paraissent datées : 50 ans de bons mots et de papier jauni. 

mercredi 20 septembre 2023

Château de Fontainebleau.

Il suffit d’une heure pour rejoindre de la capitale l’agglomération bellifontaine en gare d’Avon.
Le train, à 5 €, est fréquenté par des parisiens partis pour se promener dans la célèbre forêt 
 
ou grimper sur ses rochers.
Nous avons retenu une visite guidée du plus grand château de France après Versailles.
La forteresse moyenâgeuse a été agrandie par Saint Louis
et transfigurée par l’amateur de chasse, François 1°, de retour de sa captivité italienne.
« La Joconde » de Léonard de Vinci et des œuvres de Raphaël ont rejoint les collections dans cette «  Nouvelle Rome » où prend naissance, au XVI° siècle, « l’école de Fontainebleau ».
Louis XIV y révoqua l’Edit de Nantes. 
Napoléon 1° en parlait comme de « La maison des siècles ».
En 1814, après son abdication et une tentative de suicide, 
l’empereur prononça son dernier discours devant sa vieille garde.  
«Soldats de ma Vieille Garde, je vous fais mes adieux. Depuis vingt ans, je vous ai trouvés constamment sur le chemin de l'honneur et de la gloire.» 
Depuis, le vaste espace, vu du majestueux escalier, est nommé « La cour des adieux ».
Le château, deuxième site le plus visité de la Seine et Marne après Disneyland,
comporte 1500 chambres, 40 000 objets mobiliers dont une centaine de pendules réglées chaque semaine, des hectares de toitures et de parquets, un parc et trois jardins, des étangs et un canal.

 

mardi 19 septembre 2023

Une vie de moche. François Bégaudeau Cécile Guillard.

Ce bel album de près de 200 pages traite finement des questionnements intimes quand le regard des autres est blessant.  
Elle s’appelle Guylaine : 
« Mon prénom n’a semblé prémonitoire pour personne. 
Non, personne n’a pensé qu’il sonnait comme vilaine ».
Les dessins aux volutes fluides évitent la caricature et soutiennent un texte parfois poétique sans contredire une énergie exemplaire.
La vieillesse, où les traits des moches et des beaux s’accusent, lui permet de retrouver une paix connue lors d’une enfance protégée, même si entre temps la douceur croisée parfois n’a pas permis de surmonter une solitude cachée sous le masque de la rigolote.
«Tu sais ma puce, même si tu n’étais pas belle pour les autres, 
tu le serais dans nos yeux. »
Cette dernière phrase gorgée d’amour avait été comme un coup de poignard.

lundi 18 septembre 2023

Indiana Jones et le Cadran de la Destinée. James Mangold.

Les cygnes désenchantés livrent d’ultimes images depuis l’usine à rêves hollywoodienne, 
et nos héros d’enfance so frenchies persistent.
Si des silhouettes s’effacent, 
ceux que nous avions tant aimés s’accrochent
et reviennent danser.
Bond lui même  a-t-il dit son dernier mot ?
En tous cas « Indy », Indiana Jones, parti à la recherche d’un cadran qui prévoit de « grandes perturbations » dans l'Histoire, a été rajeuni grâce à des effets spéciaux, alors que plusieurs temporalités s’emboitent, et ont même failli s’entrechoquer. 
Le film dure 2h et demie et cligne des deux yeux pour les fans de la saga en son cinquième épisode plein de rythme, d’humour.
Nous visitons des lieux ensoleillés dans des poursuites récurrentes en tok tok ou en petite Fiat. Notre nostalgie peut être fouettée par Harrisson Ford boosté à 80 ans par sa filleule, et s’accorder à notre mélancolie.