Au VII° siècle, Arabes et Berbères islamisés arrivent sur la
péninsule ibérique au rocher de Gibraltar (« Djebel Tariq », « la montagne de
Tariq » du nom de leur chef).
Des précisions étymologiques vont être ainsi être apportées,
tout au long de la conférence devant les amis du musée de Grenoble qui
témoignent de l’empreinte de ces siècles mal connus de notre côté des Pyrénées.
Si certaines interprétations sont toujours discutées pour
Andalousia, « Vandalousia » rappellerait que les Vandales
passèrent par là, avant que s’installent les Wisigoths.
Aussi barbares que d’autres Francs qui les ont repoussés,
ils ont adopté l’arianisme qui se distingue du catholicisme, se rendant
indépendants de Constantinople et de Rome, car pour eux Jésus est plus humain
que divin. Leurs habits composés et non plus ajustés comme les romains nécessitaient
des fibules cloisonnées par d’habiles
orfèvres.
A cause d’une succession dynastique contestée, une guerre
civile a déchiré le royaume. Rodrigue (Rodéric)
leur dernier roi occupé à réduire une révolte basque arriva trop tard pour
empêcher l’invasion omeyyade qui prendra toute son ampleur après la bataille de
Guadalete en 711.
La présence arabe dura huit siècles, à l’exception des
Asturies lieu de résistance, d’où
le titre de « prince des Asturies » utilisé pour
désigner le dauphin du roi d’Espagne.
Le moine Beatus dans son « Commentaire à l’Apocalypse » illustré magnifiquement, avait bien
annoncé la venue de l’Antéchrist avec la bête déchaînée obéissant à la grande
prostituée de Babylone alors représentée par La Mecque après avoir été Rome.
Des église romanes sont édifiées comme Sant
Climent de Taüll avec son clocher lombard
comportait un christ
pantocrator (« en majesté » et non souffrant) désormais installé
à Barcelone.
La religion musulmane étendait de Kaboul à Fez l’archipel de
ses villes au milieu des déserts ; ses ouailles ont trouvé en Espagne un
jardin où prospéraient les blés. Suite à des croisements, les oranges se sont
adoucies au Portugal, si bien que l’on dit « bortoqal » en turc
pour désigner l’agrume appelée « pomme de Chine » en
Allemagne.
Renoir rassemble « les fruits du midi » : les
mots aubergine, abricot, melon, pastèque, pêche, amande, sirop, sorbet, et
orange (amère) viennent de l’arabe tout comme alcool.
En architecture : les arcs sont outrepassés ou
bicolores, aux bains arabes de Gérone,
les fenêtres polylobées de la lanterne au dessus des salles aux différentes
fonctions datent du XIIe.
Le Hammam de Ronda
est également bien conservé.
Abd al-Rahman qui avait échappé au massacre ordonné à Bagdad
par les Abbassides
fonda l’émirat indépendant de Cordoue. Charlemagne parti pour le combattre, fut
attaqué par les Vascons à
Roncevaux ; Hruotland immortalisé par la Chanson de Roland, né à Trèves, ville rhénane, y perdit la vie.
Cordoue,
atteignit probablement le demi million d’habitants( Paris à cette époque
en comptait
5 000), sous le califat d’Abd el-Rahmân III, cheveux blonds teints au henné et yeux
bleus,
Sa
mosquée, La Mezquita,
agrandie plusieurs fois est une des plus vastes du monde.
Une cathédrale y fut incrustée qui fit dire à Charles
Quint :
« Vous
avez détruit ce que l'on ne voyait nulle part pour construire ce que l'on voit
partout. »
Le cloître
du monastère
de San Juan de Duero de Soria trahit
des influences architecturales de style « mudéjar » qui
succèda à l’art « mozarabe » et ses entrelacs végétaux.
Minarets et coupoles se multiplièrent.
Les artistes mêlaient à
l’art roman leurs arcs en fer à cheval, leurs briques et azulejos.
Ils excellaient dans la marqueterie présente dans des plafonds à caisson
et dans l’art de travailler le fer damassé.
Nos cordonniers sont les héritiers de la tradition venue de
Libye et qui fleurit à Cordoue devenue fameuse pour son travail du cuir.
« La Pyxide d’al-Mughîra » renfermait des parfums,
« Le lion de Monzón » visible au département des arts de l’islam au Louvre
servait de fontaine,
les paons affrontés sur une soie millénaire
provenant d’un atelier andalou figurent sur le dit « suaire
de Saint Sernin » au musée de Cluny.
Le palais de
l'Aljaferia à Saragosse préfigure les châteaux forts qui à l'époque sont
encore en bois par chez nous, au moment où les émirats se désunissent en taïfas
(factions).
La calligraphie
coufique, étirée, scandée, a traversé le temps. Le souvenir des moments précieux et rares où chrétiens, juifs et
musulmans vivaient en harmonie,
comme le brio d
’Al-Hakam II dont
la bibliothèque renfermait 400 000 volumes,
Saint Jacques, ressuscité depuis son champ d’étoiles (Compostelle)
resteront-ils d’avantage dans
les mémoires que le matamore (qui tue les maures) ?
Ce glaive vengeur, il vaut mieux le remettre dans les mains
d’Audiard :
« J'ai bon
caractère mais j'ai le glaive vengeur et le bras séculier. L'aigle va fondre
sur la vieille buse.»
Et la conclusion, au livret des amis du musée :
« Malgré le
sursaut des Almoravides puis des Almohades, La Reconquista sonnera bel et bien
le glas de la civilisation raffinée d’El Andalus. »