lundi 6 février 2017

Jackie. Pablo Larrain.

Jacqueline Bouvier devient une Kennedy lorsqu’elle est aspergée du sang du président et alors elle va assurer pour elle et pour l’Histoire un deuil digne. Mais une part de mystère de la femme élégante et courageuse demeure, et c’est bien ainsi.
Le récit de la préparation de la cérémonie des adieux à Kennedy par le réalisateur du biopic de Neruda n’apporte pas de révélations nouvelles. C’est comme si on retrouvait un numéro de Paris Match de 1963 et qu’on relise l’article accompagnant les photographies restées floues pour l’éternité : nous replongeons dans une violence qui dure depuis si longtemps quand la mort guettait à bien des fenêtres.
Les secrets persistants autour du meurtre de Dallas ne sont pas traités ici. Le fil scénaristique est  tenu par un journaliste interviewant la subtile veuve huit jours après le drame. Ses interrogations, les sincérités successives de la jeune femme, laissent entrevoir, ce qu’il y a lieu de retenir ou pas, au moment où les divulgations de la vie privée en politique pointaient leur nez.
De Michelle Obama à Melania Trump en passant par Trierweiler, nous reviennent quelques noms, puisqu’il il est question de « première dame » et nous mesurons les distances. Nous sommes amenés à réexaminer aussi nos rapports aux secrets que nous ne dédaignons pas quand nous avons plus volontiers retenu « Happy birthday Mister président » que la crise de Cuba, même si les cris de la fillette de Mỹ Lai, cinq ans après se sont superposés aux malheurs de cette femme qui perdit deux enfants.
John-John, le petit garçon de trois ans qui donnait la main à sa maman dans ces moments, s’est tué dans un accident d’avion en 2000.
Au milieu du fracas, elle écoute un fois encore « Camelot », la comédie musicale :
« Si jamais je devais vous quitter 
Cela ne serait en été.
Vous voyant en été, je ne pourrais jamais m'en aller. »
Cette innocence à jamais envolée souligne la tragédie, elle a mis de côté le tailleur rose taché  pour prendre un voile noir fort seyant : la légende nous est nécessaire.    

dimanche 5 février 2017

A présent. Vincent Delerm.

Je viens de passer un bout  de semaine avec le père en livre
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2017/02/journal-dun-homme-heureux-philippe.html
et  avec le fils en « songwriter » songeur.
A la première écoute je me suis dit : «  c’est toujours pareil ! Ces mélodies assoupissantes»,
et puis un autre jour sa mélancolie m’a convenu et m’a accompagné agréablement.
La coïncidence générationnelle me lie à ce père et à son fils en auditeur qui se laisse prendre au lasso facilement. Elle n’est pas étrangère à mon indulgence, à des connivences, à du plaisir de retrouver un familier.
Le garçon :
« Je suis le garçon qui devait regarder la route en voiture »
A présent :
«  Le trajet qui n’en finit pas
Et la banquette arrière immense »
Cristina :
Toujours la vie rêvée.
« Toutes les histoires que Cristina
Te racontais au pied des tours
Tu faisais comme si c’était toi
Qui les avait vécues un jour. »
La vie devant soi :
Toujours le ferry boat.
« Cours derrière l’autocar »
Et le tropisme anglais, sûrement pour les brumes.
Dans le décor :
« Et les filles à Marble Arch
Toi tu regardes en passant
Et tout est pareil qu’avant. »
Ou une brune.
Je ne veux pas mourir ce soir :
« Il y a une fille qui penche
Une robe des tennis blanches
Et la peau qui a froid
Il y a ça. »
Et je l’aime bien comme ça :
Danser sur la table : ce n’est pas pour lui, et il le raconte bien dans la chanson.
Et celle en duo avec Biolay :
Les chanteurs sont tous les mêmes :
« Encore Paris la pluie
L’amour l’après-midi »
La dernière fois que je t’ai vu :
« Une infirmière et arrivée quand je quittais la chambre
Et c’est la dernière fois que je t’ai vu
Elle a dit : c’est votre petit fils ? Il est grand. »
Il est grand, modeste,  tristou sans trémolos, un peu molo molo, mais ses paroles amortissent, et ses musiques changent de toutes les saccades, des jérémiades. Les méchancetés font une pause.

samedi 4 février 2017

Journal d’un homme heureux. Philippe Delerm.

1988/89 fut une belle année pour l’auteur à succès de « La première gorgée de bière », il relit le journal qu’il tenait alors, ajoute aujourd’hui quelques remarques légères et nous en redemandons.
Toujours la petite musique simple qui apaise, rassure et nous relie
même si parfois affleurent quelques procédés
La forme du journal va si bien aux jours dont il nous apprend à mieux apprécier la lumière, la fragilité et donc le prix.
Une choucroute de la mer, la peinture qui s’écaille, les saisons, la pluie, la littérature, son fils, sa femme, le travail de prof,:
 « Je crois ce que je fais utile. J’affirme que je le trouve agréable…. Sûrement parce que les enfants et les adolescents d’ici n’ont ni l’agressivité ni la morgue des jeunes des milieux urbains trop défavorisés ou trop favorisés. »
La douceur, la modestie : 
« Des euphorbes presque phosphorescentes et d’autres plantes dont j’ignore le nom déclinent à profusion un intervalle de couleur très mince, entre le vert de l’acacia et celui des orties »
Pas de prescription. Je n’hésite pas à choisir la facilité de copier en quatrième de couverture :
« Je me suis levé ce matin en pensant que la journée allait être bonne. Je crois que je me coucherai ce soir en me disant que je suis le plus heureux des hommes. Comment ne pas frissonner un peu à cette idée ?
Je suis riche, incommensurablement riche de ce qui manque à presque tout le monde : le temps. »

vendredi 3 février 2017

Les uns, les autres.

Quand vient le froid, le solitaire demande la solidarité et s’agrippe au groupe, alors que la société a déjà bien émietté les individus depuis des saisons.
Il fut un temps où la distinction politique séparait le « particulier » du « partageux », à présent tout se brouille.
De nos digicodes à Trump, l’individu boursouflé d’aujourd’hui attaque les constructions communes, et tant de coups de griffes dans le contrat social peuvent nous conduire à claquer la porte derrière nous et nous barricader.
Alors classe contre classe, ma pomme sur le dessus du panier, ski plutôt que foot ?
Rien n’est simple: le sport co n’est pas forcément coco et bien des avancées pour tous ont tenu à des individus hors pair.
De nos années ferventes, on aurait pu croire qu’aurait subsisté un peu de compréhension à l’égard de son « prochain ».
Ce terme «  prochain » renvoie au catalogue catholique et son cortège de cagoules pointues quand d’autre part, les circonvolutions autour du terme « ensemble » sentent le samovar collectiviste.
Les contradictions crient lorsqu’un réfugié sur une plage s’envisage plus fraternellement au loin qu’un immeuble nouveau sous nos fenêtres.
Quelques surlignages de paradoxes feront-ils avancer une dialectique qui va et vient de l’individu au collectif ?
Les élèves sont de plus en plus placés en « îlots » pour travailler en groupe, alors qu’ils n’ont jamais été aussi individualistes, bâchant leur coreligionnaires à coup de réseaux dits sociaux,  tout en se protégeant d’un milieu qui n’a jamais été aussi agressif sous ses bienveillances rabâchées.
Dans les milieux qui cherchaient en pédagogie, ceux qui prônaient avec le plus de conviction le travail en équipe étaient les personnalités les plus fortes aux qualités individuelles les plus manifestes.
Il me semble que les directives d’aujourd’hui, à propos de travail en commun, visent plus à une mise en conformité qu’à l’émergence d’intelligences collectives. Les formations bricolées aux accents autoritaires ignorent les paroles des professeurs tout en « vendant » par ailleurs le respect de la parole des jeunes.
Les maîtres d’hier, encore des termes proscrits, qui mettaient en place des démarches coopératives s’escrimaient aussi à fabriquer des outils qui permettaient à chaque élève d’avancer à son rythme. Ces pratiques se forgeaient dans la délibération entre adultes, ô combien jaloux de leur indépendance, de leur liberté. Ceux qui en ont exprimé les principes les plus appréciés étaient avant tout des praticiens dont les mots ont été capturés par  quelques bavards opportunistes squattant désormais les officines ministérielles. 
Par exemple les livrets de compétences dont on causait dans les groupes Freinet étaient élaborés sur le terrain et chacun se les appropriait comme il l’entendait, sans obéir à une quelconque circulaire, bien mal nommée en l’occurrence, puisque la forme ronde symbolise l’égalité des délibérants, des décideurs.
Pour les familiers du blog, il ne s’agit pas seulement du sempiternel retour vers les mômes,  mais à voir les positionnements des nations par rapport à l’ Europe ne peut-on parler de postures infantiles ?
Et parmi ceux qui présentent les alternatives les plus radicales à nos embourbements démocratiques, qui voit de convaincants leaders, des collectifs entraînants ? 
Dans les altitudes démocratiques où aime se situer par exemple le monde libertaire, l’autoritarisme est souvent de mise et les dissidents en son sein ne prospèrent guère, quant aux compromis, ce n’est pas le genre de la maison.
Pourtant : « La vérité finale de l’indépendance de chacun, c’est l’interdépendance de tous.»
Marcel Gauchet
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Trop tard encore cette semaine pour « Le Canard » mais dans "Marianne" ce dessin de Tignous assassiné il y a deux ans.

jeudi 2 février 2017

Kandinsky. Damien Capelazzi.

Au moment où l’exposition de Grenoble à propos des années parisiennes d’un des pères de l’abstraction a fermé ses portes,  
le conférencier devant les amis du musée a illustré par un nombre impressionnant d’images, le sous titre annoncé : « les couleurs en partance » et porté à notre connaissance quelques éléments éclairants.
« La couleur est la touche, l’œil, le marteau, l’âme, le piano : l’artiste est la main qui par le bon choix des touches met l’âme du spectateur en vibration ».
Vassili K. est né à Moscou en 1861 alors que l’empire s’ouvre vers l’occident, d’une mère énergique et tranquille et d’un élégant père d’origine mongole, marchand de thé.
Le couple aisé et cultivé se sépare, une tante maternelle élèvera le petit.
Lors de ses études de droit, il est amené à se rendre dans la région de Vologda pour étudier les persistances du droit coutumier où le jugement des faits reste moins important que l’intention.
Il pénètre dans les isbas aux teintes vives qui ont un effet magique sur le synesthète qu’il est, associant les notes de musique à des couleurs auxquelles il est particulièrement sensible depuis l’enfance.
« L’homme malade » de Wassilij Maximow, est tourné vers le coin rouge comme tous les êtres allongés, là où brûlent les lampes sacrées. En russe « krasny » signifie à la fois rouge et beau.
Kandinsky découvre des territoires qu’il va peupler de tant de regards nouveaux.
Devant « Les meules au soleil »  de Monet exposées à Moscou il écrit :
« Et soudain, pour la première fois, je voyais un tableau… Je trouvais également que le peintre n'avait pas le droit de peindre de façon aussi imprécise. Je sentais confusément que l'objet faisait défaut au tableau. Et je remarquais avec étonnement et trouble que le tableau non seulement vous empoignait, mais encore imprimait à la conscience une marque indélébile… »
Il est marqué également par une représentation du Lohengrin de Wagner, « œuvre d’art totale ». Lui, le fougueux, entretiendra une amitié avec l’inquiet Schönberg affranchi de la musique tonale avec lequel il se sent en harmonie totale, comme il sera sensible aux écrits scientifiques de Goethe.
Dans « Composition V » en 1911 : « le blanc sonne comme un silence ».
Le bleu a tendance bluesy est concentrique, le jaune vient vers nous et  rejoint les codes anciens où le carré rouge est terrestre, et jaune le christ des icônes. Ces images pieuses sans marqueur temporel s’adressent au groupe alors que les tableaux côté latin sollicitent l’individu.
Le « peintre législateur » exerçait en costume trois pièces, il a été un organisateur efficace, un communiquant habile qui savait présenter des novateurs mêlés à des œuvres patrimoniales, un professeur exigeant en particulier au Bauhaus, le maître de plusieurs écoles : « Phalanx » (Phalange), « Der Blaue Reiter »( Le cavalier bleu), « NKVM » (Neue Künstlervereinigung München) (Nouvelle Association des artistes munichois).
« Improvisation 28 ». Le théoricien a mis en pratique trois temps :
1) l’impression venant de l’extérieur  
2) l’improvisation où parle la nature intérieure
3) la composition qui se forme lentement.
« Paysage près de Murnau avec une locomotive » Installé à Munich où les artistes sont attirés par une vie culturelle très active, il rejoint Anton Ažbe, peintre des corps, puis s’en éloigne pour se lancer dans les paysages.
Et si sa façon en « impasto »  quand la peinture est épaisse, ne figure pas sur ses toiles les plus connues, elle étonne. « La chanteuse »  
« Les œuvres de Kandinsky ne datent pas: elles font date. »
 Un cavalier, élément marquant de son vocabulaire, apparaît dans  « La vie mélangée »
Et dans le « Tableau avec archer » les bulbes des clochers se confondent avec la montagne. S’il a toujours regardé du côté des arts populaires, de là provient une nouvelle naissance.
 « Le paysage romantique » passe du figuratif à l’abstrait, du profane au sacré, de l’apparence à l’indicible, faisant « disparaître l’objet pour accéder à la marge invisible ». Influencé par les théosophes qui syncrétisent de nombreuses traditions religieuses, il reste fidèle à une spiritualité russe, à l’instar de son contraire Malevitch qu’il ne pouvait « voir en peinture », lui qui écrivait : « L'homme doit arracher le monde des mains de la nature, afin d'en construire un nouveau dont il soit le maître »
Trois continents s’entrechoquent dans le « Tableau avec l'arc noir », noces alchimiques où se glissent des partitions graphiques et la « douga », arc d’un attelage qui servait à conduire les équipages des troïkas.
S’il a eu l’impression d’être tiré d’un rêve à l’entrée de la première guerre, « La fugue » (1914), sa deuxième épouse Nina participe à créer autour de lui une bulle bleue jusqu’à sa disparition en 1944. Elle sera assassinée en 1980 dans son chalet à Gstaad pour un diamant, les toiles de son mari ont été épargnées.
Le « Monde bleu » de 1934, est l’une des nombreuses toiles exposées par la fondation Guggenheim qui acheta aux nazis quelques œuvres non détruites.
« Toute œuvre d'art est l'enfant de son temps et, bien souvent, la mère de nos sentiments. »

mercredi 1 février 2017

Equateur J 11. De San Juan de la Terra (Amazonie) à Riobamba.

Nous avons changé de programme, en échangeant un détour par une cascade contre la visite d’un refuge pour animaux sauvages que nous organise Juan, même s’il ne peut pas nous accompagner.
Il faut bien 20 minutes pour descendre le Napo dont nous voyons plusieurs affluents. Nous apercevons des pêcheurs qui lancent leurs filets et deux orpailleurs qui travaillent. Nous sommes les premiers visiteurs au refuge encore fermé, où une jeune allemande nous confie à un étudiant en école de commerce à Lille, l’un des 12 volontaires employés dans le sanctuaire.
Tous les animaux soignés ici proviennent du marché noir ou ont été abandonnés par leurs propriétaires plus ou moins licites. Le but est de pouvoir relâcher le plus de pensionnaires dans la forêt, sans mettre en danger la vie  sauvage en transmettant des bactéries contractées chez les humains, sans réinsérer non plus ceux qui en sont incapables physiquement (un ara aux ailes coupées par exemple) ou ne sachant se nourrir seuls.
Nous avons ainsi la possibilité de voir des bêtes dans des cages adaptées et dans leur milieu naturel, que nous ne pourrions apercevoir autrement : des singes écureuils en liberté s’élancent de branches en branches,  ce sont d’anciens pensionnaires relâchés qui se sont multipliés et trouvent plus pratique de continuer à se nourrir ici.
Nous avons vu deux toucans à ne pas approcher, des aras de différentes couleurs, des perroquets verts, des singes araignées avec le dénommé Rétro, triste et affectueux, des singes avec une tête proche des ursidés, des pécaris dont l’un tète avec bonheur le bout de mes chaussures, des tapirs dont on apprend l’appartenance à la famille du cheval, des ocelots, un anaconda, des tortues partagent leur bassin avec un petit caïman.
Les aras et les perroquets s’agrippent aux grilles aussi bien avec leur bec qu’avec leurs pattes et les aras s’élancent parfois en déployant leurs ailes dans un vol majestueux. Ils sont capables de produire un vacarme puissant.
Les singes se servent de leurs membres et de leur queue pour se suspendre et progresser. Dans une cage un « serial killer » ne peut supporter la présence d’un autre mâle qu’il provoque et qu’il tue : il n'accepte la société que de ses femelles et de ses fils.
Nous avons reçu la consigne de ne pas parler aux animaux notamment aux oiseaux et de ne pas les nourrir.
Le coût de l’entrée permet entre autres de financer la nourriture des bêtes. Une maison sans eau ni électricité tenue par deux personnes a été conçue plus profondément dans la jungle pour mieux acclimater les animaux et les habituer à l’absence de l’homme. 
Notre jeune guide se laissera peut être tenter par l’expérience. Cette association créée par des suisses, fonctionne grâce à des volontaires du monde entier.
Nous reprenons la pirogue qui nous dépose à l’embarcadère où nous retrouvons notre chauffeur.
Il faut refaire le chemin jusqu’à Baños et c’est sans scrupule que certains s’accordent un petit temps de sommeil. Nous faisons halte à Las Américanas dans un restau où nous découvrons le cevice et nous calons face à un plat de riz aux fruits de mer spécialité du coin.
Nous reprenons la route pour Riobamba où nous arrivons vers 18h avec quelques hésitations pour trouver l’hôtel Estacion situé à côté d’une gare désaffectée. Il n’existe plus de chemin de fer en Equateur depuis l’arrivée des voitures made in USA, hormis ceux restaurés pour les touristes.
L’hôtel est une bonne surprise d’ailleurs recommandé par le Routard. Après avoir appuyé sur une sonnette, on pénètre dans un couloir bordé de vitrines d’expositions : sculptures précolombiennes, fers à repasser vapeur… qui nous conduit à la réception. De là part un escalier en bois qui mène à chaque étage à un petit salon, entre deux chambres. Le proprio aime la brocante avec de vieilles machines Singer, d’antiques radios disposées sur les étagères de la cage d’escalier. C’est cosy : peu de lumière mais beaucoup de charme. Nous ne nous attardons pas cependant car en chemin nous avons aperçu le grand marché du samedi.
Nous n’en voyons que la fin car les marchands remballent, les machines à coudre sont à l’arrêt et attendent d’être pliées.
Nous nous promenons dans une ville paisible où les gens s’habillent élégamment les hommes portant costume et cravate pour aller manger. Une limousine telle un « corbillard » fleuri attend devant une église  la sortie des mariés.
Nous n’avons pu entrer car deux invités surveillent l’entrée de la nef. Il y a plusieurs parcs dotés de bancs, écrins de statues en bronze. Nous déambulons jusqu’à 7h et rentrons à l’hôtel où nous devons prendre contact avec notre nouveau guide, José, remplaçant d’Edgar, envoyé par l’agence de Quito suite à nos récriminations. Il est barbu et sous sa casquette a tout du style révolutionnaire sud américain tel qu’on l’imagine. Il joue d’emblée son rôle en faisant un petit topo. Nous allons manger et nous nous en remettons à notre Commandante pour le restau. Nous ne sommes pas déçus : menu à 2,50 $ : soupe aux tripes ou consommé de poulet, jus de fruits, plat de carne avec riz et macédoine, gâteau marbré. Pendant que nous mangeons, un jeune s’approche de nous et nous demande si nous sommes français : il est haïtien et adore la France qu’il fréquente quand il peut, amateur de foot et amoureux de Paris …
Nous rentrons vite nous coucher, le réveil doit sonner à 4h 30. Aïe !
Nous avons fait nos adieux à notre guide Edgar, en tenue relax/maison, fatigué, qui nous souhaite bon voyage avec sincérité et réaffirme son amour de la langue française. Mais il ne peut s’empêcher une nouvelle (ancienne) blague grivoise :
« Quel est le comble pour une musicienne ?
Mettre le do sur le sol pour l’introduction du morceau … »

mardi 31 janvier 2017

Fatale. Cabanes Manchette.

Ne pas se fier à une couverture  ne rendant pas compte du talent du dessinateur qui sait très bien installer une atmosphère glauque chez les bourgeois de Bléville, un port normand bien nommé dans les années 60.
Mon référent pour le genre, vices et vicissitudes en province, est Chabrol  le cinéaste, si on n’a pas lu Patrick Manchette, un auteur de polar culte que par ailleurs cette BD donne envie de connaître.
« Vous savez ce qu'on dit : ce qui nous retient de nous abandonner à un vice, c'est que nous en avons plusieurs...»
Si j’ai bien aimé le trait vif, les aquarelles subtiles de Cabanes, certains types trop rapidement croqués ne s’accordent pas avec les mystères d’Aimée la mal nommée, le personnage principal. Cette femme énigmatique dont pas seulement la beauté est fatale change de patronyme et de couleur de cheveux tout en suivant un destin meurtrier qui nous échappe longtemps.
140 pages qui se sirotent avec ce qu’il faut de pluie, de vent, de suspens, de violence, d’invraisemblances, de poésie, de caricatures, de belles formes, de surprises, de classicisme et d’originalité.