vendredi 11 mars 2016

Merci patron. François Ruffin.

L’ironie,  l'humour, mettent en évidence avec efficacité la distance entre l’indécent univers du luxe de LVMH et les conditions de vie de travailleurs licenciés par Bernard Arnaud PDG.
Parmi eux une famille d'ouvriers si loin des préoccupations mondaines considérant que le capitalisme commence à 1500 € par mois, se contentait d’une tartine à Noël et mettait pour 5 € d’essence dans la voiture, quand c’était possible.
Le rédacteur en chef du journal alternatif « Fakir » omniprésent en Robin des bois malicieux, n’est jamais en surplomb vis-à-vis des personnes en difficulté qu’il tire de la détresse.
Bobos grenoblois, nous apercevons la Picardie et nos références pour un tel documentaire vont du côté de « Strip tease », mais on peut se rappeler, sans ses dispositifs tapageurs, un côté Julien Courbet  du temps de l’émission « Tous ensemble ».
« Tous ensemble, tous ensemble» nous l’avons chanté, mais la référence à TF1 regardée par les pauvres peut amener à se faire scruter de travers par certains spectateurs enthousiastes qui se pressent devant ce film où les petits font cracher les gros, finalement pas si inatteignables derrière les cordons de CRS.
Ces fonctionnaires là protègent les actionnaires en AG au Carrousel du Louvre ; à un prochain anniversaire penser à demander aux gendarmes d’assurer le service d’ordre.
Ce film souligne une défaite de plus de l’action syndicale, supplantée par des pressions proches du chantage au pays des images : un film en est l’aboutissement. Se conduire en ruffian (jeu de mot) fait rire les salles en voyage exotique dans des salles à manger où il n’y a plus grand-chose à manger.
Film utile et bien ficelé.
« Fakir » acheté dans la foulée a une approche chaleureuse, rigolote et pertinente parfois :
«  c’est un souci pour la gauche, je pense: elle est truffée d’intellectuels, de diplômés, et du coup on va tout de suite à la théorie sans passer par les corps, les sens, les émotions, les passions. Voire il ne faudrait pas de ces émotions contre la raison. Mais la politique ce sont aussi des sentiments. »
……
Cette semaine sur Facebook, l’expression de la rue :

jeudi 10 mars 2016

L’art du portrait au XVII° siècle. Fabrice Conan.

L’historien de l’art intervenant devant les amis du musée de Grenoble a présenté un portrait de « La princesse palatine » par François de Troy, au début d’une série devant illustrer « le temps de la grandeur » pour ce genre de peinture, moins bien considérée alors que la peinture d’histoire ou religieuse, puisqu’elle n’est qu’une représentation du réel.
« Madame » mariée au frère de Louis XIV aimait moins les bijoux que son époux de convenance, et quand au cours d’une chasse, elle versa dans un fossé, le roi lui dit : « le fossé a dû être comblé ». Elle, qui ne manquait pas de verve, pouvait se permettre de se comparer à une pagode, vers la fin de sa vie. Au moment du portrait, tout est apparat, les étoffes soulignent le statut social et les colonnes, la stabilité.
« L’Atelier du peintre » d’Abraham Bosse met en scène une profession qui a gagné ses lettres de noblesse au cours du XVII°, l’activité devient rémunératrice rencontrant le narcissisme des « personnes de qualité » : il s’agit de faire le plus ressemblant possible, le plus flatteur aussi, parfois. Ici, l’artiste s’inspire des livres, des autres arts (la sculpture) et de  la nature. Derrière le portrait du roi Louis XIII, Richelieu n’est pas loin, mais posé au sol.
«  La galerie des illustres » du  château de Beauregard au bord de la Loire comporte 327 portraits répartis sur trois niveaux, elle rassasie le besoin d’images qui se faisait jour (déjà) à cette époque.
La simplicité va bien à « Louis XIII » par Dumoustier : dans une attitude naturelle, son regard est intense,
comme « Le chanoine » de  Jean Chalette.
Par contre dans son « Portrait de Jean Caulet en Apollon couronné » le modèle est engoncé sous ses lauriers, derrière un parapet inspiré de l’école flamande.
Pourtant l’inscription latine  signifie :
« Ici, sous la présidence d’Apollon, les Muses distribuent des fleurs aux poètes, et le véritable Apollon est pareil au protecteur portraituré ».
Nicolas Lagneau, lui, n’est pas loin de la caricature avec son « Hippocrate ».
Henri IV n’hésitait pas à figurer en  Mars, dieu de la guerre,  mais son fils n’en avait pas le goût. 
Sa femme, « Marie de Médicis » par Frans Pourbus, portait une robe de 35 kg cousue sur elle.
En ces temps, le côté flamand se marie au mouvement à l’italienne et au goût espagnol, la lumière vient de Bologne.
Philippe de Champaigne peint « Les enfants de Habert de Montmor », six garçons, en robe pour les plus petits, qui entourent une fille, leurs mains dans la diversité de leurs positions suggèrent la vie, amorcent des mouvements. Son Richelieu de la National Gallery où la lumière se pose sur les plis est en majesté.
Mais le « triple portrait » du cardinal, destiné à  documenter un buste du Bernin est d’une grande « densité psychologique ».
 C’est marqué sur l’ « Effigie de Nicolas Poussin des Andelys, peintre, âgé de 56 ans, Rome, année jubilaire de 1650 ». «Auto portrait » du maître classique, docte et sévère sans brillance inutile, ni effet chatoyant.
Simon Vouet est plus bouillant, il a connu les peintures du Caravage et des frères Carache,  son « self portrait » est vif.
Robert Nanteuil, se hisse à l’excellence avec ses pastels, ainsi ce « portrait de Louis XIV ».
Si les représentations télévisées de Colbert le voient en noir, c’est  que le  « Portrait de monseigneur Colbert »  par Claude Lefebvre a marqué les esprits : le serviteur de l’état est majestueux.
La fille de madame de Montespan et du roi  est morte en bas âge, Mignard la peignit en «  jeune fille aux bulles de savon ».
Je ne retiens parmi ceux « qui livrent un regard aiguisé sur leurs contemporains » au temps des Louis XIII et XIV,  que Charles Lebrun qui  a peint bien des notables (par exemple son protecteur le Chancelier Séguier ).  
Son « Portrait »  par Nicolas de Largillière, montre que le peintre des princes est devenu prince de la peinture. J’ai oublié Tournières  « qui témoigna du souci d’apparence de leur temps »

mercredi 9 mars 2016

Mad Max: Fury Road. George Miller.

« L’espoir est un leurre » : la citation est lapidaire, dans un film tout en images, aux paroles rares, bien résumé par son titre.
« My name is Max » avoue le héros masculin, vraiment à la toute fin, alors que généralement James, lui, annonce « Bond » d’emblée au pays des 007.
Les références au western sont évidentes avec des évocations de « Métropolis », là où bien des critiques voient des codes de jeux vidéo. Mais la série des Mad Max est en elle-même, mythique.
La dernière livraison remontait à trente ans ; l’univers cohérent et fort de celui de 2015 nous parle encore plus d’aujourd’hui.
Crise écologique et fanatisme décérébré, pourtant l’avenir appartient aux femmes.
Les scènes sont  explosives, grandioses, trépidantes, pendant deux heures de poursuite avec des véhicules extravagants conduits par des inhumains aux masques inventifs.
La présence de quelques tissus vaporeux enrubannant de belles créatures féminines constitue un contrepoint bienvenu parmi tant de rage, mais leur blancheur sera provisoire sous un cagnard d’enfer où l’eau est tellement rare.
On ne dira jamais assez l’importance du coupe- boulons. C’est que l’humour excuse bien des invraisemblances dans la résistance à tous les feux de l’adversité.
Le désert, sillonné par des hordes aux « antennes » élégantes s’inclinant d’une façon inquiétante, est ponctué de panaches de fumées dont les particules ne sont pas particulièrement fines.
Vite, une douche à la sortie pour se débarrasser de tant de cambouis et de poussière, mais si la tension « tient la route », trop de pression pétaradante contrarie une émotion plus subtile et durable. Me reviendront plus facilement  les vers de Heredia : « Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal… » pour habiller des souvenirs d’épopée qu’une Furiosa interprétée par Charlize Theron au seyant maquillage. Question de génération.

mardi 8 mars 2016

Ici. Richard McGuire.

Le titre, aussi élémentaire et sobre que la couverture ouvrant sur plus de 300 pages, était attrayant et on ne peut plus élémentaire.
L’idée simple d’imaginer le passé et le futur à partir du coin d’une pièce avec fenêtre et cheminée va chercher dans les mémoires et exciter les imaginations.
L’iconographie foisonnante et élégante à partir de ce lieu unique où se multiplient les images, interroge sur le temps qui passe et qui efface, d’où resurgissent des mots de tous les jours qui prennent force à apparaitre le temps d’une bulle de BD.
Les graphies diverses participent à un carrousel vertigineux, qui aurait pu nous épargner les épisodes préhistoriques, pour nous permettre de suivre quelques personnages, que nous ne faisons qu’entrevoir.
Un bel objet aux couleurs pastels où le foisonnement des images, les ruptures temporelles incessantes, nous font cependant perdre le fil de l’émotion.
« Au vingtième siècle, la majorité des gens portaient sur eux plusieurs objets essentiels. D’abord, un petit appareil qui indiquait approximativement l’heure. Il se composait d’un boitier rond de métal et de verre fixé sur une lanière de peau animale et porté autour du poignet. On l’appelait montre, parce qu’il montrait l’heure. »

lundi 7 mars 2016

Zootopia. Rich Moore, Byron Howard.

Quel plaisir de pouvoir partager avec ma toute petite fille, un de ses premiers films, où elle a bien saisi que la petite lapine avait surmonté beaucoup d’obstacles pour devenir policière !
Quelques méandres d’une société où coexistent les animaux les plus divers lui auront échappé, mais les plus grands, qui savent bien que les plus faibles ne sont pas forcément gentils, retrouveront mafia et corruption de leurs polars habituels. Avec aussi chez renards et souris, pas si bêtes, de quoi éviter de se laisser guider par la peur, ou succomber aux préjugés : si ce n’est pas d’actualité !  
Je viens de regarder la définition de « budy movie » qui caractérise justement ce film des studios Disney: deux personnalités très différentes finissent par devenir amies.
Ces deux heures pleines de trouvailles, de paysages magnifiques, d’émotions et de rires, limpides et trépidantes qui permettent aux petits et aux grands de se retrouver est une belle entreprise menée avec délicatesse sans abuser de clins d’œil malins.
Un beau message de tolérance exempt de mièvrerie.

dimanche 6 mars 2016

S’en sortir. Danielle Collobert, Nadia Vonderheyden.

Je n’ai rien compris.Où était l'entrée?
L’intérêt de ce moment fut d’essayer de remonter aux souvenirs d’autres pièces de théâtre d’une telle opacité que je n’en vis point.
Parfois des images, des phrases en cours de lecture ou de spectacle conduisent vers ailleurs mais cette fois, en essayant de m’accrocher, j’étais comme ces acteurs qui dérapent sur le plateau, sans appui, dans l’ennui. Un tel moment de glissade qui était peut être donné comme séquence de danse, je le perçus  au cours de cette heure et demie comme les seules minutes de virtuosité. Sinon les cinq acteurs n’échangent jamais, ils débitent une langue qui associe les mots pour les obscurcir dans une diction distanciée: « la douleurE ». Ils se jettent des confettis, du sable, se couchent sur du riz, mettent des robes et des perruques, méditent devant une table couverte de roseaux.
« Contraste clair entre mes voix - route étonnante pour sortir des chairs bouleversées »
Pourtant après plus de 2000 articles sur ce blog, des interrogations autour de l’écriture auraient pu m’intéresser, et l’obscurité dans laquelle je me complais parfois aurait pu m’être familière.
Là je n’ai entendu avec la maigre assistance qu’une poésie surannée, d’un sous René Char sans fulgurance,  vu seulement quelques panneaux lumineux coulissants d’une beauté très Monsieur Bricolage, des images déjà aperçues chez Mona Hatoum avec chaussures attachées derrière chaque pied d’une marcheuse. http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/09/mona-hatoum-centre-pompidou.html

samedi 5 mars 2016

J’ai vu la fin des paysans. Eric Fottorino.

Les articles rassemblés dans ce livre de 200 pages publiés dans le quotidien « Le Monde »  comptent parfois 35 ans d’âge, ils passent l’épreuve du temps, sans un soupçon d’obsolescence.
Même si l’idée des paysans «  jardiniers de l’espace » apparait plusieurs fois:
« le paysan sera-t-il le lynx du siècle prochain qu’il faudra réintroduire dans les campagnes pour y rétablir un équilibre ? L’avancée de la friche agricole est pour beaucoup le fruit d’une friche des idées »
Je connais ce monde paysan, même si quelques soubresauts récents soulignent la distance entre « connaître » et « comprendre ». Si mon père fut pour moi à un moment « un homme qui transpire beaucoup pour faire de son fils un monsieur qui rougira de lui plus tard » selon la formule de Julien Decourcelle, j’en rougis encore, de confusion.
Les photos de Depardon
ont joué pour moi dans l’appel à une lecture de ces dernières décennies du XX° siècle expliquant les racines d’une situation présente qui pose des problèmes allant bien au-delà d’une profession.
Le mot dérivé du latin « pagu », qui fut une insulte, est désuet : « paysan » signifie un état alors qu’ « agriculteur » désigne un métier.
Le maïs hybride a remplacé le « grand roux basque » malgré sa « mauvaise mine comme les gens des villes ». Ce milieu routinier comme les saisons est entré dans les rendements à coups d’intrans au bruit des moteurs, avec un sens de l’adaptation insoupçonné.
Et bien que l’on sache la diversité des situations, le rappel de la cour des comptes de 1987 notant qu’un producteur de moutons du Limousin touchait 11 000 F d’aides pendant qu’un céréalier recevait 195 000 F, est utile.
Bien des commentateurs s’extasient devant la cogestion syndicale allemande ; celle qui existe en France pour les agriculteurs est jugée néfaste par ces mêmes éditorialistes.
«  Combien de volets se ferment pour ne plus s’ouvrir, chaque année, dans les villages du Sud de la France pas seulement  dans la Lozère ou dans la Corrèze ? Les quotas laitiers, les limitations de productions céréalières, les importations massives de produits de substitution aux céréales, la course à la concentration des élevages ont, au fil du temps, donné à l’agriculture un visage nouveau, moderne, mais effrayant, une agriculture hyperproductive qui produit plus sur moins d’espace, rétrécit ses bases au risque de se dénaturer »
Si le mot crise figure souvent dans les titres des courts chapitres, nous révisons quelques paroles de ministres qui ne furent pas tous des « Lalonde de choc »,  François Guillaume syndicaliste devenu ministre, Raymond Lacombe resté paysan, Nallet, Cresson, Rocard et je ne m’en souvenais pas : Mermaz.
L’auteur, rédacteur aujourd’hui de la revue « 1 », est aussi un écrivain