Après une première conférence devant les amis du musée de
Grenoble
il est question cette fois des bouleversements au XX° siècle
dans la ville où le XIX° a détruit le XVIII° qui avait détruit le XVII° …
Le kaiser intervenait aussi en architecture, on a pu parler
de « wilhelminisme » privilégiant
les monuments au style néobaroque oscillant avec la simplification
néoclassique. L’art nouveau fut bien différent de chaque côté du Rhin.
En 1920 est créé le Grand Berlin qui compte 3 700 000 habitants avec une
superficie multipliée par 8. Huit fois plus grand que Paris, il est bien
desservi par les transports : métro en 1900 et premier omnibus électrique,
premier feu vert. L’agglomération conserve plusieurs centres.
Sous la république de Weimar, la « ville des casernes
locatives » sinistres où s'entassait une population miséreuse, va se
transformer ; l’industrie va
rencontrer l’architecture.
Les stucs et surcharges sont délaissés pour la brique, le
fer, le verre. Paris vit alors dans ses structures hausmaniennes et les
premiers gratte-ciel à New York recouvrent le béton avec des pierres. La
lumière, l’air, le soleil entrent dans des appartements accessibles à tous. De
1924 à 1936, 140 000
logements sont construits.
Les lotissements jamais très élevés, avec au dernier niveau
des locaux collectifs, ci-dessus celui du parc
Schiller, s’organisent autour de jardins ouvriers. Les décors géométriques
évoquent Mondrian, Malevitch, les fenêtres et les balcons d’angle récupèrent de
la lumière.
C’est l’âge d’or de l’architecture avec le Bauhaus (de
l'allemand Bau, construction, et Haus, maison) de Walter Gropius que Goelbels
déclara :
« expression la
plus parfaite de l’art dégénéré ».
Le lotissement en fer
à cheval Neukölln-Britz est inscrit au patrimoine mondial.
Celui de « la case de
l'oncle Tom » du nom d’un restaurant
qui se trouvait là où vont s’installer 2500 logements à la bordure de la
forêt du Grunewald a gardé ses couleurs vives qui éclairent des jours pas
toujours ensoleillés.
La maison du syndicat IG Metall construite en 1930 marque
une simplicité nouvelle.
L'immeuble
Shell et ses façades ondulées en lignes décrochées est bien
restauré alors que
le grand magasin Karstadt qui avait été épargné par les
bombardements a été dynamité par les nazis à l’arrivée de l’armée rouge.
De cette époque subsistent le stade olympique qui pouvait recevoir 110 000
spectateurs et un théâtre de plein air
de 25 000 places.
Le hall du peuple, haut comme trois fois Saint Pierre au centre
de la ville rebaptisée « Germania »
qui devait dépasser Paris, pour aller au delà des nuages, les militaires n’en
ont pas voulu ; celui-ci devenant une cible trop facile à repérer.
364 bombardements ont eu lieu, 10 000 appareils ont été
détruits, 50 000 personnes sont mortes. La ville très étendue a été
détruite à 30% alors que Dresde, Hambourg ont été rasées.
Avec les gravats transportés par les « femmes des
ruines », est édifiée Teufelsberg,
la « Montagne du Diable », qui servit aux alliés de poste
d’écoute des pays de l’Est.
Le gigantesque
aéroport de Tempelhof fut épargné et servit aux américains et anglais lors
du pont aérien de 1949.
« Très vite, la
reconstruction de Berlin ressemble à une compétition idéologique avec
l'affrontement des deux blocs antagonistes dans le domaine
architectural. »
Lors de la division de la ville en quatre zones
d'occupation, le centre historique de Berlin se retrouve dans la partie
socialiste de la ville. Enclavée dans la RDA, la reconstruction de la vitrine
de l’Ouest fut longue.
Le bâtiment de la
Philharmonie construit en 1963 est spectaculaire.
En 1957, après une
exposition universelle d'architecture, cinquante-trois architectes de treize
pays différents parmi lesquels Gropius,
Niemeyer, Le Corbusier, Taut … vont réaliser des maisons individuelles et des
tours, dans le quartier hanséatique Hansaviertel.
Il faut préciser que 80% des berlinois sont locataires.
Le mur construit en 1961 tombera en 1989.
Depuis toute l’élite architecturale s’est retrouvée
là :
Foster (parlement), Pei (musée historique)
Gehry, Nouvel …
le musée juif est époustouflant.
On peut voir de l’art contemporain dans un ancien abri anti aérien réhabilité, le
bunker.
De la même façon que
le vote pour rétablir Berlin en tant que capitale fut serré, les discussions en
matière urbanistique ne finissent pas :
« Berlin n’est pas, Berlin sera »
Christian Prigent a écrit lui dans son livre « Berlin
sera peut-être un jour »
« Lacs, forêts,
béton, parois rutilantes, éboulis tragiques ; verres, aciers, murs troués,
ronce, bières, drogues, ordures. Strates d’Histoire découpée et feuilletée.
Dans un méli-mélo catastrophique et jubilatoire. Dans la lèpre et le luxe. Dans
la finesse et la lourdeur. Dans l’intelligence et l’inventivité comme dans la
stagnation obscure et la bêtise opaque. Berlin est une âme, en somme. Une âme
affinée dans la cruauté des temps. Avec le ciel dessus. »