mercredi 20 janvier 2016

Berlin métropole du XXI° siècle. Daniel Soulié.

Sous Guillaume II, la ville-état (Stadtstaat) a connu un développement exceptionnel, sur tous les plans. Le dernier empereur allemand, dernier roi de Prusse, notre ennemi héréditaire, abdiqua en 1918.
Après une première conférence devant les amis du musée de Grenoble
il est question cette fois des bouleversements au XX° siècle dans la ville où le XIX° a détruit le XVIII° qui avait détruit le XVII° …
Le kaiser intervenait aussi en architecture, on a pu parler de « wilhelminisme » privilégiant les monuments au style néobaroque oscillant avec la simplification néoclassique. L’art nouveau fut bien différent de chaque côté du Rhin.
En 1920 est créé le Grand Berlin qui  compte 3 700 000 habitants avec une superficie multipliée par 8. Huit fois plus grand que Paris, il est bien desservi par les transports : métro en 1900 et premier omnibus électrique, premier feu vert. L’agglomération conserve plusieurs centres.
Sous la république de Weimar, la « ville des casernes locatives » sinistres où s'entassait une population miséreuse, va se transformer ; l’industrie  va rencontrer l’architecture.
Les stucs et surcharges sont délaissés pour la brique, le fer, le verre. Paris vit alors dans ses structures hausmaniennes et les premiers gratte-ciel à New York recouvrent le béton avec des pierres. La lumière, l’air, le soleil entrent dans des appartements accessibles à tous. De 1924 à 1936, 140 000 logements sont construits.
Les lotissements jamais très élevés, avec au dernier niveau des locaux collectifs, ci-dessus celui du parc Schiller, s’organisent autour de jardins ouvriers. Les décors géométriques évoquent Mondrian, Malevitch, les fenêtres et les balcons d’angle récupèrent de la lumière.
C’est l’âge d’or de l’architecture  avec le Bauhaus (de l'allemand Bau, construction, et Haus, maison) de Walter Gropius que Goelbels déclara :
« expression la plus parfaite de l’art dégénéré ». 
Le lotissement en fer à cheval Neukölln-Britz est inscrit au patrimoine mondial.
Celui de « la case de l'oncle Tom » du nom d’un restaurant  qui se trouvait là où vont s’installer 2500 logements à la bordure de la forêt du Grunewald a gardé ses couleurs vives qui éclairent des jours pas toujours ensoleillés. 
La maison du syndicat IG Metall construite en 1930 marque une simplicité nouvelle.
L'immeuble Shell et ses façades ondulées en lignes décrochées est bien restauré alors que
le grand magasin Karstadt qui avait été épargné par les bombardements a été dynamité par les nazis à l’arrivée de l’armée rouge.
De cette époque subsistent le stade olympique qui pouvait recevoir 110 000 spectateurs et un théâtre de plein air de 25 000 places.
Le hall du peuple, haut comme trois fois Saint Pierre au centre de la ville rebaptisée « Germania » qui devait dépasser Paris, pour aller au delà des nuages, les militaires n’en ont pas voulu ; celui-ci devenant une cible trop facile à repérer.
364 bombardements ont eu lieu, 10 000 appareils ont été détruits, 50 000 personnes sont mortes. La ville très étendue a été détruite à 30% alors que Dresde, Hambourg ont été rasées.
Avec les gravats transportés par les « femmes des ruines », est édifiée Teufelsberg, la « Montagne du Diable », qui servit aux alliés de poste d’écoute des pays de l’Est.
Le gigantesque aéroport de Tempelhof fut épargné et servit aux américains et anglais lors du pont aérien de 1949.  
« Très vite, la reconstruction de Berlin ressemble à une compétition idéologique avec l'affrontement des deux blocs antagonistes dans le domaine architectural. »
Lors de la division de la ville en quatre zones d'occupation, le centre historique de Berlin se retrouve dans la partie socialiste de la ville. Enclavée dans la RDA, la reconstruction de la vitrine de l’Ouest fut longue.
Le bâtiment de la Philharmonie construit en 1963 est spectaculaire.
En 1957, après une exposition universelle d'architecture, cinquante-trois architectes de treize pays différents  parmi lesquels Gropius, Niemeyer, Le Corbusier, Taut … vont réaliser des maisons individuelles et des tours, dans le  quartier hanséatique Hansaviertel.
Il faut préciser que 80% des berlinois sont locataires.
Le mur construit en 1961 tombera en 1989.
Depuis toute l’élite architecturale s’est retrouvée là :
Foster (parlement), Pei (musée historique) Gehry, Nouvel …
le musée juif  est époustouflant.
On peut voir de l’art contemporain dans un ancien abri anti aérien réhabilité, le bunker.
De la même façon que le vote pour rétablir Berlin en tant que capitale fut serré, les discussions en matière urbanistique ne finissent pas : « Berlin n’est pas, Berlin sera »
Christian Prigent a écrit lui dans son livre « Berlin sera peut-être un jour »
« Lacs, forêts, béton, parois rutilantes, éboulis tragiques ; verres, aciers, murs troués, ronce, bières, drogues, ordures. Strates d’Histoire découpée et feuilletée. Dans un méli-mélo catastrophique et jubilatoire. Dans la lèpre et le luxe. Dans la finesse et la lourdeur. Dans l’intelligence et l’inventivité comme dans la stagnation obscure et la bêtise opaque. Berlin est une âme, en somme. Une âme affinée dans la cruauté des temps. Avec le ciel dessus. »

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