mercredi 9 septembre 2015

Mona Hatoum. Centre Pompidou.

Actuellement sont présentés à Beaubourg de froids « tableaux-reliefs » de Gottfried Honegger et des photographies de mannequins de Valérie Belin dont on se demande classiquement : elles sont en vrai ou en cire? Rien de neuf.
Par contre les cents œuvres de Mona Atoum valent par leur diversité, leur intensité, d’être partagées jusqu’au 28 septembre.
Installations, sculptures, photos, dessins, vidéos, ont demandé pour beaucoup des collaborations tant la réalisation était parfois minutieuse et acrobatique.
Une exposition qui redonne de la crédibilité et de l’attrait à l’art contemporain qui souvent s’étourdit de mots et d’artificialité.
La sexagénaire traverse toutes les écoles :
arte povera : présence de cheveux dans de nombreuses réalisations,
minimalisme : un  bras rotatif creuse le sable et efface sa trace
art cinétique : un cube constitué de fils barbelés,
agrandissements de ready made : râpe à fromage comme paravent,
surréalisme : un berceau dont le fond est tendu de fils coupants...
Ce classement peut être dérangé et d’autres exemples proposés : des mappemondes de toutes sortes sur tous supports, des grenades en verre de Murano, dessin sur savon des territoires qui devaient être restitués par Israël…
Les ustensiles de cuisine deviennent étranges.
Le monde parait si fragile, composé de billes posées sur le parquet.
La puissance des performances n’est pas simulée et l’authenticité de l’artiste anglaise d’origine palestinienne née à Beyrouth, traverse toute ses œuvres, qu’elles soient dramatiques, déchirantes, humoristiques ou simplement belles.

mardi 8 septembre 2015

Merci pour ce Mammouth. Jul.

Sixième volume de la série « Silex in the city » qui en a vu d’autres
Cette fois péripéties autour d’un mariage de Rahan de la Pétaudière et Web Dotcom qui génère : recherches  en généalogie remontant au-delà de Louis Silex, enterrement de vie de garçon, emplettes pour les femelles, et même voyage vers « Darwinsalem, la ville trois fois singe » avec passage au pied du « fémur des lamentations ».
C’est que fusent les jeux de mots dans le registre Jean Poulpe II, Abilis Holiday, Lascaux de Gama…
Mais le moment de découverte est passé et l’accumulation de Darwin Coperfield, Carnivore Adamo… parait parfois tirée par la tignasse. 
Même si la rominidée connue au « réseau évolution sans frontières » délivre des prédictions « au tarot darwinatoire » originales et si les discussions s’animent autour des « Glaciations dangereuses » de Choderlos de Lascaux qui dépassent le militant de l’évolution durable peu enclin à apprécier des « romans épistolaires d’avant l’invention de l’écriture ».
Le titre qui évoque un certain moment, n’a rien à voir avec Bactérie Trierweiller.

lundi 7 septembre 2015

Les secrets des autres. Patrick Wang.


« De l’importance de se parler» telle est le fil du deuxième film de cet auteur américain d’origine  taïwanaise qui fournit une occasion de plus d’apprécier la façon de décrire les familles par les cinéastes asiatiques.
Même si les deuils sont quelque peu abondants, le dénouement paisible arrive naturellement,   au bout d’histoires à recomposer, filmées d’une façon originale, avec d’excellents acteurs.
Aucune leçon n’est délivrée doctement qui viserait à engraisser cette quête tellement moderne d’affection dégoulinante confondant les « like » et « amis FB » sur fond de désinvolture avec ne serait ce que quelques brins d’attention envers frère, père, sœur, épouse…
Pas de pathos ; la forme par ses ellipses n’obscurcit en aucune manière le film, mais nous laisse mesurer ce qui parfois nous manque tant : le temps pour réfléchir, retrouver, dépasser, créer…

dimanche 6 septembre 2015

Au bonheur des mômes 2015. Le Grand Bornand.

Derrière les baskets roses d’une petite fille de 4 ans, un aperçu de trois jours dans le village haut savoyard où les princesses sont reines à l’orée des rentrées.
Nous sommes revenus dans ce lieu exceptionnel pour une séquence enchantée :
Si la vache est l’animal fétiche de cet événement en sa 24° édition, lundi, celle qui pisse était de la fête. La montée en téléphérique (« téléfrite »), pour aller au rendez-vous de la grenobloise « Fabrique des petites utopies » dont le spectacle « Un mystérieux voyage en forêt » nous a ravis, pouvait se vivre comme une  traversée poétique des nuages,
Le « Haltéro circus show » s’était réfugié à l’église pour cause de pluie et ses acrobaties ont plu, même si leur comique à répétition se montrait quelque peu insistant, comme la quête traditionnelle des applaudissements.
Le projet  de la compagnie « Octopus » concernant « le droit à la liberté d’expression, à l’éducation et l’apprentissage du vivre ensemble » m’a paru copieux, mais « Lulu et Géromine au pays des crayons » était accessible, sans démagogie, poétique et sincère.
Les « Histoires minuscules »  sympathiques et sans prétention de la compagnie « Après la pluie », tombaient à pic, le mardi, jour de grand beau, alors que les « histoires vagabondes » plus ambitieuses manquaient, à mon avis, de cohérence. Il est si difficile de jouer, de parler d’une façon appropriée aux enfants.
Au « Gaine park » nous avons retrouvé Louis Do Bazin qui dans les parades de la journée inaugurale nous avait convaincu avec une leçon magistrale de montreur de marionnettes.
Il s’agissait cette fois de glisser sa main dans des personnages en peau de bête pour visiter un parc préhistorique avec des accessoires et des stands inventifs de belle facture.
Les occasions de jouer pendant une semaine foisonnent et sont adaptées à la diversité des âges ; des vaches sur bicyclette abreuvent les chalands nombreux qui peuvent bénéficier de la gratuité pour la moitié des spectacles.
Ainsi pour se mettre en appétit, le dimanche nous avons rencontré une panthère orange animée façon « Royal de luxe », écouté un chanteur, et accompagné une «batucada ».
Manège, Barbe à papa et maquillage incontournables, sont payants bien sûr, mais les hébergeurs ne nous flinguent pas : « l’Isalou » dans le cadre du vieux village du hameau du Chinaillon est une maison d’hôtes familiale aussi sympathique que « l’Alpage » qui nous avait accueillis l’an dernier, complet cette année en cette période judicieusement choisie par les organisateurs, quand les parents ont repris le travail, laissant leurs enfants livrés aux sucettes grands parentales. Donc retenir dès juillet hôtel et spectacles.

samedi 5 septembre 2015

Et si on aimait la France. Bernard Maris.


Si la disparition, de l’économiste pédagogue, son assassinat, a mis plus de temps à devenir tangible pour moi, que de ne plus voir de dessins nouveaux de Cabu ou de Wolinski, la lecture de ce livre m’a fait mesurer le poids d’une perte de plus.
Non qu’il y ait  tant de fulgurance, de génie dans ces 140 pages inachevées, mais les propos tenus, venus depuis ce côté de la rive gauche revêtent importance et originalité.
Depuis les mots de notre enfance « on est en république ! » ceux de notre adolescence : «  Et la galanterie française ! », nous mesurons ces évidences perdues et s’il cite abondamment Christophe Guilluy observateur de la France périphérique, c’est qu’il va lui aussi à l’encontre de la doxa conforme à gauche. http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/06/la-france-peripherique-christophe.html
« Et la question sociale ? Elle est cachée sous le paillasson du pavillon.
La question sociale celle des inégalités, du pouvoir d’achat, de l’accès aux services publics est reléguée dans le péri urbain… les grandes villes peuvent se concentrer sur la question des voies piétonnes ou cyclables, des espaces verts, et, demain des ruches sur les toits. »
Il rappelle l’histoire :
« on disait que le paysan français avait vaincu l’ouvrier allemand en 14 »
Il souligne la précocité de la régulation des naissances en France qui remonte au 18° siècle :
« le coitus interruptus : un modèle d’équilibre ».
Il a des accents poétiques pour évoquer la géographie de nos prairies bien peignées, et adresse un hommage à son instituteur qui leur faisait la lecture le vendredi sans se soucier de « champ lexical ».
Il sait bien que si l’économie est mondialisée, les mentalités restent nationales.
Mais il se garde bien d’une « vision rhumatismale de la France » pour s’en prendre « aux salauds qui conchient la France de bretelles, de ronds-points, de promotions immobilières, de supermarchés, de zones industrielles, d’immensités pavillonnaires parsemées de rues aux noms d’arbres, filles de tristesse des architectes… »

vendredi 4 septembre 2015

Envie de rentrée.

Je ne sais si la nuance orthographique aperçue (envie de rentrer/de rentrée) à l’entrée d’un magasin de jouets a pu être saisie par tous les passants pas forcément soucieux de distinguer un nom et un verbe.
Même si depuis 10 ans, je ne suis plus dans l’active, je me sens plus légitime à causer de l’école qui a employé ma vie que de la crise grecque dont les caricatures m’accablent.
Je continue de goûter les mots autour de la maison des promesses : l’école.  
Certes avec « promesse », un tel mot fleuri, je livre une vision poétique et niaise, ô combien datée d’une institution qui vise aujourd’hui à flatter plutôt les paresses de préférence au travail. 
Les mots s’usent ou signifient leur contraire comme cette revendication paradoxale de moins d’état quand les souverainistes ont le vent en poupe et en appellent à de petites nations.
Les annonceurs s’obstinent à parler de beau temps lorsque la terre brûle, et l’idée est vendue que pour mieux embaucher : il faut licencier plus facilement.
Le ministère (pas le magistère) dit valoriser le latin alors que sa suppression est actée; je me retrouve du côté de D’Ormesson à trouver Najat VB « charmante », quitte à faire grincer les dents de celles qui n’ont pu en dire autant de Luc Ferry qui eut pourtant ce bon mot :
« Le bac : pour ne pas l’avoir, il faut en faire la demande »
Je me garderai de gloser sur le mot « travail » quand une collègue raconte le soin qu’elle avait apporté pour rendre le premier jour ludique et qu’une petite lui demanda : « quand est ce qu’on travaille ? »
Je veux juste pointer la disparition du mot « retenir » qui dans notre univers fugitif entre mémoire incontinente, et avalanche d’images, rejoint le terme « inscription » dans quelque caverne de polystyrène, quant à « élever » : ne se dit même plus pour les poulets et « instruction » figure elle encore dans les registres de l’armée ?
Comme dit  Régis Debray : «  nous créons du neuf à partir de ce que nous avons reçu » mais que peuvent saisir des politiques à la volonté défaillante où le surf sur l’opinion ne leur épargnera même pas le bouillon ?
En cette rentrée des blogs, dans mes rédactions, où je prolonge le plaisir suranné de choisir mes mots, je vais m’appliquer à ne point trop déplorer, tout en sachant que les occasions ne manqueront pas, de s’indigner devant quelques notoires notables, tant d’assurés si sûrs, et autres infaillibles trompeurs.
Notre excellent député, Brottes, va chez EDF, c’est bien payé, et pour lui on se débrouille pour qu’il n’y ait pas d’élection partielle; notre conseiller départemental, Ribeaud, qui multiplie les fonctions, le suppléera, un poste de sénateur n’étant pas vacant.
J’essayerai de ne pas être trop noir, garder la crise dans des tonalités grises,
mais quand tant de copier/collé tiennent le haut du pavé,
quand à la tête du ministère dédié : « Modiano, connais pas » 
quand dans certains états aux Etats-Unis on n’apprend plus à écrire,
quand on a depuis longtemps banni tout conseil en dessin,
est ce exagéré de voir des dangers quant au devenir des savoirs ?
« A quoi bon apprendre, c’est sur Internet ». 
....................
Pas dessin du "Canard" cette semaine, ils m'ont semblé tellement anecdotiques, mais cette image transmise sur facebook:

jeudi 3 septembre 2015

Greuze Jean Baptiste. Vien Joseph-Marie.


















Devant les amis du musée, le conférencier Fabrice Conan a rassemblé sous le titre « Le réalisme vertueux » : Jean Baptiste Greuze qui eut une grande notoriété de son vivant et Joseph-Marie Vien, le seul peintre qui ait eu les honneurs du Panthéon.
Des nuances seront apportées aux images dites de calendriers, quand Greuze y figurait au temps où la morale était en vue, avec ses femmes aux sentiments froissés et ses garçons aux yeux mouillés.
Né à Tournus  en 1725, sa précocité fut repérée par le peintre lyonnais Grandon. Il monte à Paris et ne suit pas le chemin balisé qui l’aurait conduit vers la peinture d’histoire, la plus prestigieuse.
Alors que les artistes flamands réalistes sont davantage reconnus, le quotidien apparait dans ses toiles, loin des nymphes sur leurs nuages et des canons académiques.
Il fut comparé à Molière pour la vérité de ses œuvres, qui au Louvre « fixent un moment la hâte des caravanes étrangères ».
Un de ses premiers tableaux  dont le titre « Le petit paresseux » n’est plus adapté aux convenances d’aujourd’hui, révèle un moment d’intimité simple et émouvant.
C’est le temps de Marivaux. Si les vertus sont exaltées, la pompe et la solennité sont éloignées. «  Les œufs cassés » signifient la perte de la virginité d’une jeune fille.
Greuze ne sera pas particulièrement attiré, comme d’autres, par les ruines romaines en accompagnant un mécène, en Italie. Mais « Le manège napolitain », avec le geste de la même origine, d’une jeune fille signifiant son mépris à un faux marchand qui voulait la séduire, peut constituer un souvenir plaisant de ce voyage.
Le marquis de Marigny lui commanda deux tableaux pour la marquise de Pompadour, envers laquelle il ne se montra pas particulièrement  courtisan : « La simplicité »  formait le pendant  d’« Un Berger qui tente le sort pour savoir s'il est aimé par sa bergère ».
Une de ses œuvres les plus célèbres  s’intitule: « Un mariage, et l’instant où le père de l’accordée délivre la dot à son gendre, dit « L’Accordée de village ». A son propos Diderot écrivait : « Le sujet est pathétique, et l'on sent gagner une émotion douce en le regardant. La composition m'en a paru très belle : c'est la chose comme elle a dû se passer. Il y a douze figures : chacune est à sa place, et fait ce qu'elle doit ». L’auteur avait su se faire attendre, et le succès viendra dès sa présentation ; la cote s’élèvera au dessus de la moyenne. L’encyclopédiste qui voyait la concrétisation de son goût pour la peinture morale avait prévu qu’il s’agissait  d’une « peinture particulièrement destinée à être copiée ».
Madame Geoffrin, dont le salon était célèbre, parla d’une « fricassée d’enfants » dans « La mère bien aimée ». Il avait aussi son franc parler, quand devant faire le portrait de la dauphine, il demanda qu’on l’en dispense parce qu’ « il ne savait pas peindre de pareilles têtes ».
Son mariage avec la belle Anne-Gabrielle Babuti ne fut guère heureux et sa vraie vie oublia les scènes vertueuses de bonheur familial.
Pour le plaisir de partager ce portrait d’enfant parmi les nombreux qu‘il proposa, je choisis « L’oiseau mort » dont il existe plusieurs versions.
Les portraits de Bonaparte, Talleyrand, Franklin et du jeune Mozart témoignent d’une vie riche,  commencée avec Louis XV et qui se finit sous l’empire en 1805.
Le tableau « L'Empereur Sévère reproche à Caracalla, son fils, d'avoir voulu l'assassiner » constitue aux yeux des historiens de l’art «un ancêtre inattendu à la peinture néo-classique française ».
Jacques-Louis David  fut le représentant le plus connu de ce style plus épuré que les  titres des tableaux, il s’agissait de « régénérer les arts en développant une peinture que les classiques grecs et romains auraient sans hésiter pu prendre pour la leur ».
Il eut Vien comme maître. Celui-ci fut prix de Rome avec « David se résignant à la volonté du Seigneur qui a frappé son royaume de la peste ».  
Le montpelliérain n’honora pas seulement des commandes royales : « Saint Thibault offre au roi Saint Louis et à la reine Marguerite de Provence une corbeille de fleurs » sur fond d’architecture antiquisante.
Sa « sultane reine » et son « sultan noir », études pour « La caravane du sultan à la Mecque », sont restés comme des témoignages des mascarades mémorables qui se déroulaient  alors à Rome dans ces années 1748 .
Au goût du jour, « La Marchande d’Amours » reprend  le thème d’une fresque ancienne.
Vien vécut 93 ans.