vendredi 5 septembre 2014

L’âge de classe.

Ma dernière rentrée datant de dix ans, ceci dit pour relativiser mes imprécations sur le charme de la reprise du travail, je ne peux pourtant réfréner mon effarement vis-à-vis de la perte de prestige de l’école, à l’heure où je deviens grand parent d’élève.
Que l’inversion du sens de la transmission soit inversée pour les apprentissages autour des écrans : ce sont nos mômes qui nous enseignent, ne m’empêche pas d’émettre quelques objections depuis mon coin de clavier. Le stade adulte est devenu tellement peu porteur en terme publicitaire que parents et éducateurs s’écrasent, ou s’énervent : il leur faut des kits pour penser. Une mallette pour apprendre qu’une fille est l’égale d’un garçon : masters, vous n’aviez pas ça dans l’armoire à valeurs quand vous postuliez au « plus beau métier du monde » ?
Ma petite lyonnaise sera dans un dispositif des plus extravagant avec les activités péri scolaires regroupées le vendredi après midi, suggéré pour les communes rurales et adopté par la troisième ville de France.
Mais les professeurs eux mêmes dont les syndicats ont été particulièrement absents du débat sur les rythmes scolaires, reprennent des lieux communs courant les médias et voient  leur travail comme source de fatigue pour les enfants. Ne sont-ils pas en mesure de proposer des activités qui conviennent à ceux qui leur sont confiés ? Et que l’on cesse de causer d’un enfant de 3 ans comme s’il avait 11ans.
Le départ à la veille de la rentrée, du dernier ministre de l’éducation dans la foulée du ministre de l’économie faisant péter les bouchons, trouvant que la politique économique n’est pas la bonne, ne donnant guère un exemple de sérieux, ni de responsabilité.
On a tellement moqué les politiques qui auraient voulu laisser une trace pour l’histoire que le ballet des incompétents, remplacés par des arrivistes occupe une scène à laquelle il vaut mieux tourner le dos si l’on veut croire aux promesses des cahiers neufs, des cartables à remplir, pardon des sacs Vuitton ou leur copie pour une pose, le temps d’un selfie.
…….  

Les illustrations proviennent du "Canard" en vacances, que les bêtises quotidiennes accumulées par mon gouvernement, depuis la rentrée, rendent un peu plus dérisoires (Rebsamen, le ministre du commerce extérieur, Valérie T. …) quant à Poutine, Netanyahou, les mots tellement répétés manquent.

Et un petit plus: dans Courrier International ce dessin du  journal Le Soir:

 

jeudi 4 septembre 2014

Rencontres photographiques. Arles 2014.

Fidèle au rituel qui nous amène chaque année dans cette ville à la personnalité forte, http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/09/rencontres-photographiques-arles-2013.html, nous avons multiplié les visites sans tout épuiser ; le prix de la journée ayant augmenté (29€).  Mais nous  avons accumulé matière à nous réjouir ou à être perplexes.
Au parc des ateliers, dont les surfaces d’exposition sont diminuées car vouées à la transformation, nous avons commencé très fort avec l’espagnol Chema Madoz poète d’un quotidien enchanteur : élémentaire et essentiel. Une cuillère avec son ombre en forme de fourchette, un collier de gouttes d’eau, un nuage en cage très Magritte, nous ont ravis.
Quelques hollandais nous ont nettement moins convaincus avec une qui se photographie chaque fois qu’elle pleure, où une autre qui saisit des femmes en train de pisser, ou celui qui se débrouille pour être sur les photos d’un journal régional.
Ce sera l’année des séries : celle des reflets d’arbres sur le capot de voitures ou divers landaus, voitures sous housses, vélos, motos,  bouches d’égouts, voire crottes de chien.
La collection Hunt de foules prises dans la première moitié du siècle précédent est impressionnante de précision. Celle d’Artur Walther avec le portraitiste des citoyens de la république de Weimar, August Sander, met en évidence aussi quelques artistes africains et chinois et donne une idée de recensement du monde.
Je ne suis pas allé voir les propositions de Christian Lacroix ni celles de Martin Parr et parmi les noms que je connaissais : David Bailey, Lucien Clergue ou Richard Avedon m’ont paru fades vis-à-vis du Chinois Kechun Zhang dont le fleuve jaune aux couleurs pastels nous emmène loin, ou lorsque des initiées pygmées nous transportent au pays des rêves. Des photos découpées pour des pièces d’identité récupérées chez un photographe ougandais sont plus puissantes que le sempiternel poseur Andy Warhol.
Mon chouchou Depardon ne m’a pas accroché. Il était pourtant là avec des monuments aux morts de la « Grande guerre » que je croyais plus stéréotypés et dont le défilement donne une idée de la France. Une salle voisine présentait « La guerre des gosses », un point de vue original ne méritant pourtant pas les faveurs éditoriales qui ont ignoré tant d’autres comme ce chinois mettant son corps en jeu ou le Camerounais Samuel Fosso dans la peau de Mohamed Ali ou d’Angela Davis.
Par contre la mise en évidence de Vik Muniz est tout à fait justifiée : son travail considérable à partir de photographies et de cartes postales déchirées recomposant des scènes classiques d’anniversaire, de salle de classe, de mariage, de première voiture, de plage… nous parlent.
Il pose de bonnes questions : « Avec le numérique et ses manipulations, la photo ne prouve plus que l'événement s'est produit. Qu'il s'agisse de notre intimité ou de notre expérience collective, où allons-nous préserver notre histoire ? »
Peu de traces des déchirements du monde à part la mise en scène de violences africaines ( Kudzanai Chiurai) ou de paysages irradiés d’Azerbaïdjan. Mais l’insipide, le désertique, à travers le kitch qui m’a paru bien ringard  à Saint Trophime : des Sopalin agrandis de Mazaccio & Drowilal,  voisinent avec leurs photographies de tee shirt ou de tapisserie représentant des animaux  pour une exposition intitulée évidemment : « Wild style » avec les commentaires  ajoutant une pelletée dans le vide :
«  l’occasion d’explorer de nouvelles modalités de monstration de nos images en essayant de tirer l’accrochage traditionnel de photographies vers un dispositif intertextuel plus vaste »

mercredi 3 septembre 2014

Turin en trois jours. # J3.

Sur le chemin du retour nous faisons halte à Reggia di Venaria Reale,  partie de la « corona di delizie », qui comporte quelques résidences royales autour de la capitale Turin. Cette demeure grandiose (1675) dont on peut visiter une cinquantaine de pièces, appartenait à la maison de Savoie. Elle s’adonnait ici à la chasse à courre (vénerie) comme à Versailles sous Louis XIII. 
Ce palais comporte une galerie telle un couloir de lumière entre jardins immenses et cour d’honneur où des jets d’eau jouent en musique à midi. On peut penser à la « galerie des glaces », les dorures en moins, la surprise et une relative simplicité en plus. La réfection récente (2007) avec des installations de  Peter Greenaway font revivre ducs et duchesses d’alors. Pourtant le passé ne fut pas toujours fastueux quand les troupes napoléoniennes s’entrainaient dans les jardins. Sont mis en valeur, là une exposition de carrosses, ici la généalogie de ceux qui occupèrent les lieux, le salon de Diane et la chapelle Saint Hubert.
A Rivoli, qui fut aussi sur le chemin  de la campagne d’Italie de Bonaparte, le château datant à la base du IXème siècle puis remanié jusqu’à une quasi ruine au XIXème accueille depuis 1984 un musée d’art contemporain dont les œuvres présentées dialoguent magnifiquement avec les plafonds et les espaces majestueux. L’arte povera s’y trouve en majesté.
Au moment où nous sommes passés, le célèbre cheval  empaillé de Cattelan n’était pas là, mais une autre de ses œuvres, un écolier aux mains transpercées y figurait, ainsi que des installations de Penone, Pistoletto, Horn pour ceux que je connaissais avec des découvertes sympathiques ou émouvantes. Ainsi le tricotage de fils électrique bordé d’ampoules de Mona Hatoum, ou les sensations inédites avec le « paradise institute » de Janet Cardiff et George Bures Miller.
« Nous étions trente mille va-nu-pieds contre quatre-vingt mille fendants d'Allemands, tous beaux hommes, bien garnis, que je vois encore. Alors Napoléon, qui n'était encore que Bonaparte, nous souffle je ne sais quoi dans le ventre. Et l'on marche la nuit, et l'on marche le jour, l'on te les tape à  Montenotte, on court les rosser à Rivoli, Lodi, Arcole, Millesimo, et on ne te les lâche pas. Le soldat prend goût à être vainqueur. » Balzac
Le récit de notre journée précédente est ici :
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/06/turin-en-trois-jours-j-2.html

mardi 2 septembre 2014

La revue dessinée # 4. Eté 14.

Rien qu’à lire le sommaire du trimestriel en BD, prix coup de cœur de la presse magazine 2014, on sait que c’est du sérieux :
bruit de bottes en Grèce avec les nazis d’Aube dorée,
les dégâts humains suite aux mutations de la Poste,
les démarches d’un psychiatre qui suit des ados qui ont fait des tentatives de suicide,
un reportage chez les évangéliques à Saint Denis…
Et les rubriques habituelles concernant  l’économie :
la Banque Centrale Européenne,
l’histoire de l’informatique de 75 à 81,
le langage, cette fois celui des cruciverbistes,
la musique avec l’excentrique Captain Beefheart, 
la culture générale où sont évoqués les romantiques…
Si l’ensemble pratique une pédagogie de bon aloi sur 225 pages avec des dessins plaisants, des angles d’approche originaux, le reportage concernant l’espionnage numérique n’apporte pas d’éléments vraiment neufs sous le titre « Big brother : souriez vous êtes fichés ».
Par contre le reportage chez les Inuits est classique mais sans tapage : une église des évangéliques vient d’être édifiée dans ce village de 200 âmes.

lundi 1 septembre 2014

Winter Sleep. Nuri Bilge Ceylan.

Un grand film violent et subtil : les dialogues sont copieux, la Cappadoce magnifique, les acteurs excellents et belle l’actrice. Quelques sujets éternels sont rafraichis : se dire ses vérités, le vieillissement, les paroles rapportées aux actes et puis où aller ?
Il faut bien 3 heures pour que les personnages se découvrent, que les situations  évoluent. Quand la neige recouvre les pauvres épaves aux alentours des maisons troglodytes, des vérités s’ébauchent.
Le personnage principal, un héritier, ancien comédien, écrit. Il se fait porter ses valises, c’est qu’il a les moyens de se montrer au dessus des contingences pour délivrer de belles paroles, utiliser ses qualités pour humilier ses proches.
Si proche de nous et tellement agaçant avec l’âge qui accuse les traits, mais Shakespeare et Tchékhov ne peuvent pas grand-chose quand au bout de l’ivresse et des contradictions, on est rendu.
Voir billet bref à propos du réalisateur qui n’a pas volé sa palme du dernier festival de Cannes : http://blog-de-guy.blogspot.fr/2009/02/les-trois-singes.html

dimanche 29 juin 2014

Un oiseau s’est posé. Manset.

17 morceaux en 2 CD pour la vingtième livraison de celui qui « voyage en solitaire » et appelle l’expression  « chanteur- culte » http://blog-de-guy.blogspot.fr/2010/10/manset.html
grâce à sa renommée proportionnelle à sa rareté : pas de concert, pas de photos, mais de solides collaborations et un univers singulier.
Il termine cet album de reprises par où tout avait commencé : « Animal on est mal »
« On a le dos couvert d’écailles
On sent la paille »
Passé le moment d’étonnement de retrouver « Entrez dans le rêve » bien rythmé, je remis la galette dans la bouche à musique, alors que le souvenir des atmosphères planantes me convenait davantage :
« Découper le monde à coup de rasoir
Pour voir au cœur du fruit le noyau noir »
J’ai redécouvert des morceaux troublants, saisissants:
« Mais où sont passées les lumières
Qui nous guidaient ?
Peut-être étions-nous trop fiers
Pour baisser la tête.
Le monde a tourné sans nous,
Sans nous attendre.
Les ténèbres sont partout
Couvertes de cendres. »
Et trouvé le seul inédit  bien dans la lignée des précédents textes mystérieux, prophétiques, mélancoliques :
« Un oiseau s’est posé
Il tenait dans son bec
Comme un papier plié
Un message mais ne savait rien
De l’endroit qui t’a vue partir »
A l’autre bout du monde, le chagrin :
« On est tous pareils, on n'a rien d'autre à faire
Que d'écrire sur un bout d'papier
La vie qu'on mène à l'autre bout d'la terre
Pendant qu'on voit les bombes tomber
Mais, de l'autre côté de le rivière,
T'as des hommes qui mangent des chiens,
Des femmes qu'ont peur de la lumière,
Qu'ont plus de lait dans les seins. »
Comme ici :
« C’est toi qui traînes la valise
Des années que tu y as mises
Le temps sur toi n’a plus de prise »
………..
J’interromps mes publications sur ce blog en juillet août et reprends en septembre.

samedi 28 juin 2014

La boussole. N°1.


Sur le créneau des « mook »(magazine+book) voilà les cathos qui débarquent avec des articles aérés, un dossier de photos d’afghans à belles gueules et l’inévitable bande dessinée à propos de Notre Dame de Paris à la mode Esméralda.
Le dossier principal promettait, puisqu’il concerne « l’autorité » mais comme l’édito, tout cela est un peu fade, les quizz un peu convenus : « 224 pages pour avancer dans la vie » dont les paroles bonnes gagneraient en force avec un brin d’humour et de fantaisie.
Par contre je n’avais jamais entendu parler dans mes journaux habituels d’un établissement scolaire à Montfermeil où les élèves assurent le ménage et la vaisselle, se rassemblent  en fin de journée pour entendre les avis, avec chaque vendredi promenade en forêt. Des points feront bondir quelques pédagogues comme la montée des couleurs, pourtant des  pistes concrètes sont proposées pour sortir du marasme des élèves qui… travaillent, dans cet établissement hors contrat.
Chez les chefs cuisiniers et leurs apprentis la rigueur est  aussi de mise.
Si le reportage au sein de la brigade des mineurs est classique, la progression de parents qui veulent rétablir le lien et des cadres pour leurs ados au cours de groupes de paroles est positive. L’autorité dans le couple est examinée : « quand on aime quelqu’un,  on cherche à l’augmenter » ; mais dans le cas de l’inceste l’autorité peut se fait perverse: le récit est bouleversant quand le conformisme de la famille étouffe toute parole.
Les politiques ne sont pas oubliés : « d’Alexandre Le Grand à Steve Jobs », puis plus précisément les présidents de la V° république :
«  A toutes les époques, sous tous les régimes et sous toutes le latitudes, c’est en fabriquant un grand dessein collectif que nos héros ont construit leur autorité et parfois leur légende. »
Il est question aussi des papes : Jean Paul II « de la cène à la scène » et retour sur le bonhomme Jean XXIII dont le discours d’ouverture du concile fut  écrit « avec la farine de son propre sac ».
L’article sur « l’autorité en état de siège » est plaisant : il est question de trône et de chaire, quand les députés restent sur le banc. De belles photos accompagnent un article sur les bidons-villes à Rio, ou sur les champs de bataille autour de Verdun.