vendredi 6 juin 2014

Le Postillon. Eté 2014.

Il a dû bien se vendre le bimestriel avec son titre en première page : « Piolle pollueur », légende gratuite d’un dessin qui voit le nouveau maire de Grenoble reconnaissable seulement grâce à son maillot à pois, ayant attaché Safar et Destot sous un panneau « défense de déposer des ordures ».
Pourtant à l’intérieur rien à ce sujet de pollution, sinon Fioraso en cible récurrente et Vallini en ligne de mire, avec Ferrari nouveau président de la Métro qui va bientôt entrer dans le castelet où il risque quelques coups de massue en carton bouilli. Par contre le dessin d’un Jérôme Safar en crieur enthousiaste pour vanter « Le postillon » qui montrerait « la face cachée de Piolle » est plus drôle.
Effectivement sous le titre « Le vert à moitié plein », le journal joue son rôle critique en précisant ce que les journaux nationaux ont ignoré : la PME que Piolle avait cofondée, Raise Partner, où sa femme est toujours salariée, gère les risques de la bourse pour des investisseurs. Mais nul besoin de clamer son indépendance à toutes les pages comme s’ils en doutaient : le mieux quand on prétend à l’exemplarité journalistique c’est dans les actes sans besoin de sous titre, et en se relisant pour éviter d’avoir deux fois la même brève sur la même page où il est question … d’Albert Londres.
Par ailleurs les aficionados de « pièces et main d’œuvre » qui levèrent quelque lièvres voir  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/03/le-postillon-fevrier-2014.html donnent dans le reportage nostalgique : avec Libéria ancienne fabrique de vélos et une visite chez un fabricant de tampons en caoutchouc et « una brizi de littérature patoise ». Une galerie de portraits d’hommes qui vivent dans la rue, au jardin de ville  et place Grenette parlera aux grenoblois.
Je fais partie des psychorigides passibles « d’une thérapie collective » qui regrettent que les articles ne soient pas signés, mais quand on prétend être exigeant avec la démocratie, l’anonymat ne me semble pas cohérent avec la crédibilité, la vérité(Pravda), l’honnêteté.
De même que des militants qui ont fait la campagne de Piolle qui parlent sous pseudos, manquent de courage politique, leurs paroles en sont amoindries et dévaluent le titre : «  il n’y aura pas de printemps grenoblois ». En tous cas pour la transparence, faudra attendre : en matière d’informations le voile de pollution au dessus de la cuvette ne s’est pas totalement levé. 
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Dans le Canard de cette semaine: 



  

jeudi 5 juin 2014

Galeries Nunc et Space junk .

A Grenoble, au 7 de la rue Génissieu derrière le cinéma le Club, au cœur du bobo quartier Championnet, la galerie Nunc accueille Eugénie Fauny qui recouvre ses images de ruban adhésif : Rimbaud brille, et Basquiat est sous pellicule. Toutes les métaphores sont autorisées jusqu’à « un monde  en morceaux qui serait ainsi "recollé " mais peut être en faudra-t-il plus.
Elle a trouvé son truc et le sol recouvert de mots est d’un bel effet, mais de la même façon que dans l’intitulé « Gallery, bookstore & more », le Scotch® Art d’Eugénie « créatrice de beauté » gagnerait à plus de modestie. Car il est difficile d’être à la hauteur de telles appréciations, quand il ne s’agit que de jeux pop sympathiques : «  Elle apporte un sens artistique et philosophique à des images vides de sens, qui, sans son intervention, finiraient à la poubelle. »
J’ai préféré finalement ses formats sur le web https://myspace.com/plastikart qu’en grand pour de vrai… pour une fois.
Au 15 de la même rue, l’espace Space junk  dédié à la « Board Culture » (culture de la planche à roulettes ou des neiges) propose les travaux de Didier Ra.
Difficile de ne pas penser à Druillet devant ses boards où sont collés des crânes, des  tuyaux, des objets électroniques et de l’électro ménager agencés sous un vernis comme masques égyptiens ou précolombiens. Bien que cet univers de science fiction matiné de punk attitude ne me soit guère familier, il faut reconnaître une cohérence à l’exposition dont l’artiste par ailleurs tatoueur décrit comme « pur plaisir personnel, sans message pseudo-intellectuel caché derrière chaque œuvre ».

mercredi 4 juin 2014

XXI. Printemps 2014.

200 pages de mon trimestriel de référence, comme je les aime, variant les lieux, les regards, allant au-delà de l’émotion par une documentation précise ; se tenant loin de l’actualité immédiate et pourtant au cœur de nos questionnements.
Cette fois le dossier principal est consacré en trois articles à des êtres « lumineux », exceptionnels, sans être au dessus des autres : Nathanaël le Grenoblois victime d’un accident en montagne que ses copains tractent jusqu’à des sommets inaccessibles, Margaret en Haïti chirurgienne de la reconstruction qui intervient dans des conditions démentes, Sanal en Inde en lutte contre les superstitions, et il y a du boulot !
 Nous passons côté sombre avec des photos des « mangeurs de cuivre » dans une entreprise qui fut gigantesque au Congo, parmi les vignobles du Médoc arrosés de pesticides dans les pas d’une solitaire qui se bat seule contre le silence pour dénoncer un scandale qui fait penser à celui de l’amiante, ou cette « belle de guerre » en Bosnie condamnée 20 ans après.
Rendez vous prévisible autour de la guerre de 14 et des chercheurs infatigables qui arrivent à identifier les inconnus qui reviennent encore à la surface des terres autour de Verdun, ou le portrait fouillé de Pistorius dont le slogan était « je suis la balle dans le chargeur ».
Ceux qui connaissent Amin Maalouf n’apprendront rien de bien neuf sur sa biographie qu’il a traité dans son œuvre avec bien plus de densité, de passion, de couleurs. Par contre le regard de Stassen auteur de bandes dessinées sur l’Afrique du sud est original, multipliant les angles et restituant ses impressions avec efficacité. 

mardi 3 juin 2014

Un peu de bois et d’acier. Chabouté.

Le titre « Banc public » aurait mieux traduit la simplicité de ce récit muet, élémentaire où se succèdent, se rencontrent, un enfant qui grave un cœur, des solitaires et des couples, un chien , un jogger, des vieux qui viennent partager une pâtisserie , un skateur, une lectrice, un clochard et le policier qui le traque, des commères, un musicien, un amoureux au bouquet de fleurs, et l’employé qui doit le repeindre au fil des saisons qui passent... sur plus de 300 pages.
Un guitariste tonitruant distrait un professeur dans la lecture de son traité de musicologie comparée. Le temps s’écoule,  le récit est rythmé, notre temps de lecture lui est délicieux, car l’humour est léger, la poésie certaine qui n’ignore pas le réel, le dessin noir et blanc est rigoureux et élégant. Des aménageurs  remplaceront le ringard que nous aurions inaperçu par un moderne plus design où il sera impossible de s’allonger. Dans ce blog, la dernière chronique consacrée à ce dessinateur peut se lire en cliquant ici : http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/10/fables-ameres-chaboute.html

lundi 2 juin 2014

Deux jours, une nuit. Jean Pierre et Luc Dardenne.

En général on ne va pas voir un film des Dardenne pour les actrices mais pour mieux comprendre la société. Oui, d’accord, Marion Cotillard joue bien et sa démarche avec des boots fait plus peuple que people, mais le débat quant à un prix d’interprétation à Cannes me parait  de peu d’intérêt. Le temps d’un week-end la jeune femme soutenue par son mari et des cachets va tenter de surmonter sa honte, rencontrer parfois celle des autres ou leur violence.
Ce tour du côté de la classe ouvrière est vraiment d’actualité quand notre humanité est interrogée au-delà d’une sortie des urnes.
La question posée aurait semblé incongrue à une époque ou  le mot « camarade » n’était pas tourné en dérision:
« choisissez - vous une prime de 1000 € ou le maintien dans l’emploi d’une collègue ? »
Le partage du travail, « travailler plus pour gagner plus », le chômage, l’individualisme, la solidarité sont traités au cours d’un porte à porte qui permet de nuancer les réponses individuelles. La jeune femme fragile se rassure en formulant ses demandes  toujours de la même façon, cela n’est pas une maladresse mais une compréhension intime de la  psychologie des personnages par les réalisateurs. Il en est de même avec la question de chacun : « que font les autres ? » un vieux lien à ses semblables qui conduisait jadis vers la générosité.
Un bon film politique sans manichéisme avec une pointe d’espoir. La formule  qui conviendrait en conclusion : « ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent » appartient à Victor Hugo. A retrouver le poème en entier, on ressentira un souffle séculaire ravivé par ce film nécessaire.

dimanche 1 juin 2014

« Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous ». Barbara.

Bien des personnes qui ont connu Monique Andrée Serf dite « Barbara », insistent sur sa fantaisie, sa joie de vivre :
« Moi je m’balance
Dégrafez le col blanc
De vos consciences »
Pourtant la couleur noire reste pour ceux qui l’ont tant aimée la couleur dominante.
Et nous avons tant vénéré ce noir.
De mes souvenirs d’adolescent, me revient une copine qui jurait « à mourir pour mourir, je choisis l’âge tendre », j’espère qu’elle se porte bien en ce moment, mais dans cette sincérité romantique se disait le désir de vivre intensément au dessus de sa propre existence.
Brel nous exaltait, Ferré nous transcendait, Brassens nous élevait, Barbara qui les a chantés nous a accompagnés et se retrouve aux moments les plus graves de nos vies.
« Ce fut, un soir, en septembre,
Vous étiez venus m'attendre,
Ici même, vous en souvenez-vous ?
À nous regarder sourire,
À nous aimer, sans rien dire,
C'est là que j'ai compris, tout à coup,
J'avais fini mon voyage,
Et j'ai posé mes bagages,
Vous étiez venus au rendez-vous,
Qu'importe ce qu'on peut en dire,
Je tenais à vous le dire,
Ce soir je vous remercie de vous »
Nous avons voyagé  avec elle, par vol de nuit de préférence, passant du parc lourd et sombre de Marienbad à l’île aux mimosas.
Et notre vie en est plus forte.
« Oh, que j'aurais voulu vous ramener ce soir,
Des mers en furie, des musiques barbares,
Des chants heureux, des rires qui résonnent bizarres,
Et vous feraient le bruit d'un heureux tintamarre,
Des coquillages blancs et des cailloux salés,
Qui roulent sous les vagues, mille fois ramenés,
Des rouges éclatants, des soleils éclatés,
Dont le feu brûlerait d'éternels étés, »

samedi 31 mai 2014

Comment redonner vie à une époque ?

« C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar.
Les soldats qu'il avait commandés en Sicile se donnaient un grand festin pour célébrer le jour anniversaire de la bataille d'Eryx, et comme le maître était absent et qu'ils se trouvaient nombreux, ils mangeaient et ils buvaient en pleine liberté. Les capitaines, portant des cothurnes de bronze, s'étaient placés dans le chemin du milieu, sous un voile de pourpre à franges d'or, qui s'étendait depuis le mur des écuries jusqu'à la première terrasse du palais ; le commun des soldats était répandu sous les arbres, où l'on distinguait quantité de bâtiments à toit plat, pressoirs, celliers, magasins, boulangeries et arsenaux, avec une cour pour les éléphants, des fosses pour les bêtes féroces, une prison pour les esclaves.»  
Extrait de « Salammbô » de Flaubert.
Sous la verrière des Subsistances au bord de la Saône à Lyon, lors des assises du roman, Chantal Thomas, Charles Lewinsky et Ali Bader étaient invités à répondre à la question de la frontière entre documents historiques et imagination.
L’une aime le XXVIII° siècle, elle vient d’écrire : « L’échange des princesses » et donne envie de le lire. La dernière production, « Retour indésirable » du Suisse se déroule pendant la seconde guerre, et « Papa Sartre » de l’irakien vivant à Bruxelles ne peut se passer que dans les années 60 quand l’existentialisme existait à Bagdad.
Débat bien construit, bien préparé, après une lecture d’un beau texte de Sorj Chalandon qui a été bègue :
« Les mots étaient coincés. Dans mon ventre, dans ma tête, enfouis de peur en peur jusqu’au silence. Ils n’osaient vivre leur vie. Ils restaient là les mots. A  me hurler en gorge, papillons effrayés par la violence du jour. Je haïssais les mots… »  Depuis il les a apprivoisés.
Les écrivains occupés à raconter des histoires ont renoncé à envoyer des messages mais ne peuvent cacher leurs opinions ; je n’ai plus la citation exacte, mais l’auteur qui publie est  comme le voyageur arrivant à la frontière à qui l’on demande d’ouvrir sa valise et ne sait ce qu’elle contient.
Que dit le roman historique de la modernité ? Il entre dans cette catégorie quand une période se finit : Proust a-t-il écrit des romans historiques ?
Alors que la science historique peut se situer hors de la vie, dans une érudition morte et subir les influences des pouvoirs, le roman, plus libre, plus précis, permet de retrouver les décors, ressuscite les mots, révèle les mystifications. Depuis le présent vibrant, ouvrir l’incertitude de l’avenir.
La langue d’autrefois est difficile à trouver pour éviter de tomber dans des formulations genre Jacquouille La Fripouille, quand la parole est donnée à ceux qui ne l’avaient pas ; au cuisinier d’Alexandre Le Grand ou  celui de Marco Polo.
Pourtant les mots de  la reine Marie Antoinette avaient toute leur force :
« je porte malheur à tous ceux que j’aime ».
Comme le cygne à l’allure majestueuse, l’écrivain agite ses petites pattes sous la surface.
Chantal thomas décrit sa démarche comme claudiquante, cherchant à s’enfoncer dans l’érudition pour mieux l’ignorer, quand Lewinsky évoque une recherche-baleine avec des tonnes d’eau à ingurgiter pour quelques crevettes.
A la rencontre de fantômes, en allant vers la liberté, l’auteure fait émerger l’impur, car il s’agit de faire vivre des personnages, non de les faire revivre. Et de les faire évoluer, non de les « clouer » à jamais.
En faisant entendre une voix ignorée d’eux-mêmes, certains choisissent  le mode de l’autobiographie fictive ou de donner la parole à des comédiens spécialistes en travestissement se révoltant contre l’écrivain arrogant.
Le passé n’est pas une couche  de réalité destinée à agrandir le présent, l’humour peut déboutonner les habits taillés pour le triomphe et le tragique. Il convient de ne pas haïr son époque mais lorsque qu’un autre temps vous poursuit, l’écriture vous sauve.
Dans le lexique nomade distribué lors de ces journées :
« Acuité du langage qui resserre ses anneaux ; illusion de pouvoir saisir le monde à travers le mot juste. La précision seule me semble belle, brutale et poétique. Alors seulement Louise n’appuie plus sur l’interrupteur mais le va-et-vient. Hubert ne prend plus appui au montant de la porte mais sur son dormant. Le cadavre d’Aristide ne sent pas mauvais, il a cédé ses liquides. Chloé, par temps de verglas, ne roule pas lentement, mais avec un œuf sous la pédale du frein. Alors seulement, Daniel ne franchit pas les obstacles, son cheval les boit. »