samedi 18 mai 2013

Suite à un accident de voyageur. Eric Fottorino.



L’ancien directeur du « Monde » va chercher au-delà la formule sibylline des annonces de la SNCF qui ne nomment pas les suicides sur les voies.
Par son écriture pudique il apporte un peu d’humanité quand des voyageurs empêchés ne voient que des heures perdues.
« Vous êtes de la famille ? Non…Alors on ne peut rien vous dire. 
Les quais bondés sont aussi déserts que le Sahara, la chaleur en moins. L’accident de personne n’est vraiment l’accident de personne. »
Jusqu’à ce qu’il recopie des avis pris lors de conversations par Internet où  la violence se donne libre cours, il s’étonne d’être aussi un quidam parmi les quidams, qui ne le sait ?
Le camelot qui vient d’entrer dans le compartiment lui rappelle le « Rien » :
« Sa voix tonitruante nous fait sursauter. Il ne parle pas, il hurle. Il va falloir endurer son discours habituel ; « RERiens, RERiennes ! »
Alors que la presse locale est laconique sur ces nombreuses vies effacées, c’est au Maroc qu’il lit l’histoire d’un accouchement dans le train qui permet de clore avec une jolie note ces quelques pages dont le format  bref convient bien à un aller simple en RER.
La SNCF a offert au bébé, une carte Navigo valable jusqu’à sa majorité.

vendredi 17 mai 2013

Le PSG et le GPS.



Blague sur le site du Phocéen :
« - Comment appelle-t-on à Marseille un GPS en panne ?
- Un PSG »
La vitrine du capitalisme le plus éhonté a laissé voir ses aspects les plus déplaisants.
Bien sûr que les casseurs n’avaient rien à voir avec le sport, et Léonardo a-t-il à voir avec le foot quand il  croit tout se permettre ? Le Quatar a acheté l’organisation d’une coupe du monde prochainement et s’il n’achète pas seulement des hommes en short, son émergence a exacerbé les traits d’un libéralisme débridé, sa morgue, sa perte du sens commun.
Le laid trophée de champion de France de foot devait se brandir devant la Tour Eiffel : la photo est ratée !
Le foot déborde une fois encore des rectangles gazonnés, les images les plus kitsch s’autodétruisent à peine sont-elles éclairées.
En première page du Dauphiné Libéré,  le produit Beckham surjoue la joie, lui qui venait de rentrer sur le terrain pour 2 minutes, le temps d’une remise en jeu désinvolte et d’une photographie bidon. Les médias font semblant.
Canal + oublie le jeu pour filmer l’échauffement du pigiste mercenaire, quand ce n’était pas longuement sa femme dans les tribunes.
Quel amateur de foot n’a pas entendu qu’il était complice de l’entreprise d’abrutissement : « du pain et des jeux  » ?
Mais ce n’est même plus du jeu.
La réalité est  dans le classement du championnat  qui reproduit, à quelques exceptions près, la hiérarchie des budgets.
Bien que je fasse des efforts d’indifférence à cette mascarade, le foot offre une telle caricature de la société que je reste fasciné.
Je n’y perçois plus guère l’innocence de l’enfance, l’enthousiasme de l’adolescence, l’oubli des barrières sociales, mais en ce qui concerne la violence, l’individualisme, la suprématie du pognon, pas besoin de sortir du Chaudron pour qu’ils vous sautent au visage !  
Ibrahimovic ne comprenait pas les sifflets du public du parc des Princes :
« Pourquoi ils m’en veulent ? Avant moi il n’y avait rien ici. »
Certes en ces temps où la vertu cardinale est le charisme, Zlatan en a à revendre, mais les investisseurs sans culture qui viennent de découvrir le pouvoir du ballon rond devraient avoir parmi leurs conseillers en com’ quelqu’un qui leur dise que l’amour lui ne s’achète pas : même Zahia le sait.
La compétition est dénaturée, en déséquilibrant le championnat à ce point, celui-ci perd tout intérêt, les amateurs s’intéressent à qui sera le second.
J’en arriverais à apprécier Aulas qui parlait de fair play financier. 
……
Dans Le Canard de cette semaine

jeudi 16 mai 2013

Fenêtres. L’Hermitage Lausanne.


Avant Windows, il y eut dans le domaine de la peinture bien d’autres fenêtres, et l’exposition thématique du musée de l’Hermitage qui ouvre ses croisées au dessus du lac de Genève nous en offre 150, de la renaissance à nos jours jusqu’au 20 mai 2013.
Depuis Lorenzo di Credi et sa belle, jusqu’aux gribouillages de Cy Twombly qui nous amusèrent  un bref instant, la variété des points de vue des artistes des plus reconnus à travers les siècles jusqu’à des contemporains les plus inhabituels, est impressionnante.
La lumière peut pénétrer dans les intérieurs les plus sombres : juste un liseré de soleil chez Vuillard et c’est l’été, les natures mortes luisent, les perspectives amènent si loin, les jeux de Magritte ou Delvaux retournent l’extérieur en intérieur et inversement.
Marquet, Matisse encadrent leurs paysages dans les embrasures qui prennent le pouvoir en  rythmes chez Klee, Mondrian, Kelly.
Les photographes présentés offrent une transition pédagogique avec les audaces actuelles derrière l’inévitable Marcel Duchamp et sa veuve impudente (French Widow), en réalité une fenêtre à la française ( French window)  réalisée en réduction avec des carreaux noirs, différente des américaines fenêtres… à guillotine (la « veuve » comme on disait jadis).
Nous avions fait le déplacement pour Hammershoï, aux lumières d’ailleurs, et un baiser brulant de Munch mais Bonnard qui disait  « ce qu’il y a de mieux, dans les musées, ce sont les fenêtres », nous a régalé aussi et Lavier intrigué.
C’est en pinçant le nez devant un hommage de plus au carré d’un Albers qui m’a paru bien froid que j’ai accédé à Rothko qui lui succédait.
Il a suffi d’un trait plus incertain, de couleurs plus sombres pour entrevoir ses tourments ; j’ai appris que c’était une de ses dernières toiles avant qu‘il se suicide.
«La reine Hortense à Aix-les-Bains», d’Antoine Duclaux qui figure sur un dépliant donnant tous les renseignements sur cette belle exposition peut représenter, une vision immuable du rêve.
Elle est  sûrement belle, nous ne voyons pas son visage, ni de route qui monte vers elle derrière le treillage de son balcon délicatement encadré de feuilles ensoleillées.
…..
Fidèles de ce blog, veuillez bien excuser cette mise en ligne tardive, mon ordinateur ayant eu des défaillances, cette fois du côté de son alimentation.

mercredi 15 mai 2013

L’oiseau qui avait enterré sa mère dans sa tête. N’Fassory Bangoura. Philippe Geslin.



Au 15° festival « couleurs d’Afrique » à Saint Hilaire de la Côte, j’ai acheté plusieurs livres dans ce qui était alors la plus grande librairie africaine de la région tenue par le « Baz’ art des mots » de Hauterives.
Le titre de cet ouvrage provient d’un conte où il est dit que le premier animal ne pouvait pas se poser sur terre.
Les 140 pages écrites aux éditions Ginkgo par un ethnologue suisse et par un paysan sosso décrivent la vie d’un village construit dans la mangrove aux alentours de Conakry.
« Sanfoui a préparé le lieu de cuisson du sel à Wondevolia, à proximité de la digue.
 Il a ramassé la poussière.  Il a commencé à cuire le sel dans le bas-fond, auprès du champ de manioc. Il a mis trois bâches. Mais toutes les bâches n’ont pas eu le temps de donner du sel. »
J’ai commencé par les écrits du paysan-saunier, parfois répétitifs comme une mélopée pour dire les jours de sel, de riz, de travail.
 « J’ai eu de bonnes relations avec les étrangers, j’ai eu l’esprit. Tous les hommes sont bons, mais chacun a son esprit. Si tu sais cela, tu peux travailler pour tous les hommes. On ne peut pas dire que tous les hommes sont mauvais, non. »
Des photographies en noir et blanc témoignent aussi de ses vies très rudes.
« Les hippopotames ont disparu, trop chassés, trop consommés pendant des siècles. Le bruit court parfois d’une silhouette pataude rencontrée. Les rumeurs circulent, mais personne ne se souvient d’en avoir vu. »

mardi 14 mai 2013

Les petits ruisseaux. Rabaté.



« Vivre seul, se lever avec le soleil, se coucher avec les poules, ça va un moment. Et puis ça mine. Moi j'ai envie de me coucher avec une poule et de me réveiller avec une poule, pas une à plume, tu m'avais compris. »
A la pêche, au bord de la rivière, deux vieux copains ont du temps pour parler, cependant ils ne s’avoueront que petit à petit leurs secrets qui les sortent de la routine d’une retraite à la campagne.
Regard tendre sur la vie amoureuse de deux veufs respirant une santé, qu’ils savent éphémère.
Suivant l’exemple de l’un, la gourmandise va venir à l’autre. Avec une petite voiture sans permis, retour aux sources et coup de jeune.
La douce verdeur des amours valétudinaires aurait pu glisser vers la noirceur, mais il s’agit d’une douce comédie qui aime ses personnages.
J’avais connu le dessinateur plus expressionniste et noir dans la série Ibicus qui l’a porté au pinacle des auteurs de BD,  mais son humanisme donne ici toute sa mesure dans cette chronique poétique.
Il a adapté cette histoire au cinéma avec Daniel Prévost et Bulle Ogier,  je préfère m’en tenir à la version dessinée, laissant plus de liberté.
Il a aussi agrémenté de dessins, « Bien des choses », des écrits de François Morel ; ils doivent bien aller ensemble. Je m’aperçois que j’avais vu au théâtre cette compilation de cartes postales hilarantes et émouvantes et j’avais adoré.

lundi 13 mai 2013

L’écume des jours. Michel Gondry.



Du livre de Vian me restait le souvenir d’une atmosphère baroque et je m’étais dit que Gondry le bricoleur magique était  tout désigné pour porter l’œuvre culte à l’écran.
Le cinéaste est fidèle à la gentille fantaisie de l’après guerre à Saint Germain,  quand la gravité a l'élégance de se cacher sous les blagues d' une adolescence qui n’en finirait jamais. De surcroit, après un coup d’œil à Wikipédia,   je pense qu’il respecte le roman à la lettre. En apportant sa fantaisie il redonne de l’actualité à ce livre mélancolique désormais patrimonial.
« Les gens ne changent pas. Ce sont les choses qui changent. »
Les personnages saugrenus auraient gagné peut être à être joués par des acteurs qui n’ont pas la notoriété de Duris, de Tautou, de Sy, alors que les apparitions de Chabat et Torreton nous ravissent.
La poésie est là avec un goût  jazzy, mais la légèreté est fugace, la mort est  tapie sous les fleurs, Partre Jean Sol meurt le cœur arraché.
L’inventivité à chaque plan nous réjouit sans être gratuite et par exemple les images du monde du travail évoquent Métropolis sans s’appesantir.
Pendant plus de deux heures nous sommes dans une fiction rétro, très actuelle en fait, et quand les artifices montrent leurs ficelles c’est encore plus fort :
le nuage des deux amoureux est suspendu par une grue au dessus de Paris.
Ce conte délicat habite le domaine du merveilleux avant que la vie rêvée ne soit fauchée à la fleur de l’âge.

dimanche 12 mai 2013

Mémory.Vincent Delerm.



Dans la famille Delerm, je demande tout le monde.
Contemporain du père et complice de ses sensations, j’aime suivre le fils dans tous ses retours sur images trépidantes, parce que nous pouvons éprouver dans une journée bien des âges : parfois vieux comme un pré, à d’autres moments benêt comme un ado ; couturé tout le temps quand même.
Le cinéma est  très présent dans son spectacle d’une heure et quart avec la voix de Woody Allen en ouverture et le blanc visage de Buster Keaton pour conclure ; le Super 8  sur un drap et le choix d’une séance qui décevra forcément les pauvres phantasmes adolescents. Pour la comédie, il a été briefé par Macha Makeïef, alors avec quelques chansons légères d’une voix moins nasillarde, le spectacle est total, sans prétention.
Nous passons un moment agréable et émouvant : il ne recule pas devant la citation inévitable d’ « Avec le temps », puisqu’il est question du temps, en italien par Léo, « cheval fourbu ». 
Le compère Nicolas Marthureau qui joue de plusieurs instruments ajoute à la fantaisie.
Au rappel, une reprise sur l’air de « C’est magnifique » de toutes ces petites notations qui font la saveur de la vie : une bougie d’anniversaire qui se rallume, le poignet en éponge pour essuyer la sueur, les rideaux à franges en plastique…  La mélancolie, la nostalgie passent si bien avec l’humour, la légèreté, même si de toute façon « tout le monde s’en fout » puisque ce n’était que de la mode. « Je vais mourir demain matin »  est drôle.
Les cruels rires enregistrés sont bien vus quand la province est évoquée, mais n’insistent pas.
Il y a eu aussi la Rue des Rosiers.
Il est nécessaire d’avoir tous les codes : ainsi il faut savoir qu’il avait chanté aux Bouffes du nord avec Lhasa une chanteuse américano-mexicaine qui vient de mourir pour tout saisir du duo avec la bande son.
« C’est nous qui l’avons changé
En quelques heures
A l’œil nu c’est compliqué
De voir les sept erreurs
Le reste n’a pas tremblé
Dans cette affaire
Rien ne sera recensé
Sur l’échelle de Richter
Pas le mur, le couloir de l’entrée
Les fissures, le papier peint déchiré
Pas le bruit, le parquet de cinquième étage
Pas la nuit, les pieds nus sur le carrelage »