GreNews a beau jeu de relever une phrase qu’ils estiment
malencontreuse dans la plaquette des programmes de cette soirée à la MC2 :
le « sémillant nonagénaire toujours
sur la brèche » destinée à
présenter dès le mois de juin le musicien qui allait disparaitre en décembre.
La musique de Dave Brubeck est bien là, vivante, fringante, frétillante, aux
nuances changeantes.
Antoine Hervé qui nous présentait le pianiste compositeur
n’a pas perdu de son humour, sa séance a
gagné en émotion.
Quand il reprend les mots de Jack Lang qui disait que le
jazz « était la plus savante des
musiques populaires ou la plus populaire des musiques savantes », il ne
peut que rencontrer une remarque que je réitère volontiers « se cultiver,
c’est reprendre » calquée sur le très couru « apprendre, c’est
répéter ».
La musique d’« A bout de souffle » je me souvenais
qu’elle s’appelait « Blue rondo à
la turque », et peu m’importe que « Le jazz et la java » de
Nougaro se soit nommé « Three to
get ready », les retrouvailles furent un plaisir jubilatoire. Le récit
de la manière désinvolte de titrer les morceaux de jazz fut par ailleurs un moment de détente.
Les insertions malicieuses du pédagogue virtuose sur «Take five » clôturèrent une
soirée réussie avec trois rappels d’un public qui tint le tempo. Pourtant
Brubeck avait recherché parfois des rythmes novateurs pour contrarier les
foules scandant des cadences trop convenues.
Les trois morceaux les plus connus figurent dans le même
album : « Time out » aux rythmes asymétriques.
Sa musique déhanchée joua sur « Les rythmiques du
diable ».
Il forma un quartet avec Paul Desmond au saxo, Joe Morello à
la batterie et Eugène Wright à la contrebasse, et nourrit ses compositions des
apports de chacun.
Présenté comme un cowboy avec un soupçon de sang indien, le
blanc qui de surcroit connut un succès planétaire durable avait donc des
caractéristiques qui tranchaient avec la culture traditionnelle du milieu jazz.
Il faisait aussi le pont avec des musiques du monde, les contre points de la musique savante :
il eut Darius Milhaud comme maître et s’il rencontra Schönberg le pape du
dodécaphonisme, le jeune apprenti se fia plus à ses intuitions qu’à un esprit
de système.
Issu pourtant d’une famille de musiciens, il sut cacher
qu’il ne savait pas lire la musique du
moins au début de ses études. A la fin de la seconde guerre mondiale après
avoir débarqué à Omaha Beach il fut remarqué par un gradé qui le dispensa de la
mitraille, la musique lui sauva peut être la vie à ce moment là, en tous cas il
lui consacra sa vie.
Nos trajets en sont rendus plus guillerets.