lundi 11 juin 2012

Sur la route. Walter Salles.

Comme je n’aurai pas le temps de lire toutes les œuvres « cultes » des siècles passés, je suis allé voir le film inspiré du livre de Kerouac, malgré des critiques mitigées avec lesquelles je suis d'accord : c’est du « light ». J’étais bien dans la cible avec ceux à qui le livre a été vendu au prix d’un film.
Je ne sais la distance qu’apporte l’adaptation, mais pendant 2h 20, l’écrivain d’origine québécoise apparaît comme un simple spectateur assis à l’arrière d’une voiture américaine des années 50, sans dilemme, sans passion.
Les paysages sont beaux, oui ! Les images du début passant du noir à une route qu’arpentent vivement une paire de jambes étaient  pourtant de bon augure et les personnes qui ont vu le film avec moi ont aimé les musiques : c’est bien le moins pour le père de tous les road books traduit en sages images.
Il y a bien vers la fin une poussée de fièvre mais due à une tourista un peu sévère, autrement peu de sueur, pas de flamme sinon celle de briquets pour joints et Camel, pas vraiment d’ivresse, ni même de désir qui passerait entre des personnages que j’ai trouvé trop lisses.
La réalisation est trop conformiste pour traiter de ceux qui désiraient s’évader des conventions dont la quête initiatique est dépourvue ici de spiritualité.
Il ne semble être question que du passage de l’adolescence à l’âge adulte sur fond d’amitié bancale.
Ce n’est pas désagréable mais trop sage.

dimanche 10 juin 2012

Louis Armstrong. Antoine Hervé&Michel Delakian.


Comme d’habitude, Antoine Hervé évoque avec talent tous les instruments de l’orchestre, mais cette fois il est venu avec un complice trompettiste plus convainquant d’ailleurs avec son instrument qu’avec sa voix, pour une évocation de « Satchmo » (satchelmouth, « bouche en forme de besace »).
Sont mis en évidence, les suraigus et les vibratos de celui dont le premier conservatoire fut une maison de correction.
Depuis les orchestres sur les bateaux à aube du Mississipi à ses formations « hot » five ou seven :
« ce que nous jouons c’est la vie » disait il.
De la Nouvelle Orléans à NewYork en passant par Chicago, des racines afro Caraïbes jusqu’à la consécration mondiale, la figure tutélaire du jazz a donné au soliste toute sa place et popularisé le scat, aussi inventif avec sa voix qu’avec sa trompette.
« Je viens d’une ville où tout le monde rit, chante, danse et tape du pied » 
Sa personnalité généreuse a contribué à sa popularité
« Pourquoi souriez- vous toujours ? » 
« Parce que je suis payé pour ça » 
Pour donner une leçon à un de ses batteurs qui était venu à un concert diminué par une consommation excessive d’alcool, il l’invita à un plantureux repas bien arrosé et à la fin de la fête, en claquant la porte il lui dit :« ça, pas avant un concert ! ».
Les batteurs, nous dit Hervé, sont comme les capotes :
 « c’est plus sûr avec, mais sans c’est quand même meilleur ». 
Le conférencier qui sera dans le off à Avignon, considère que
« le jazz est comme une gambas, à décortiquer » 
et Roland Yvanez ajoute qu’ « Antoine Hervé le débarrasse d’une enveloppe pédante indigeste pour retrouver sa pleine saveur originelle ; en particulier dans sa relation au corps, au rythme, à la danse. Sa métaphore culinaire affiche d’emblée les tonalités principales de ses leçons : simplicité et humour… en contrepoids d’une érudition encyclopédique. »
J’avais trop confiance en Internet pour me redonner la citation qu’il fit de Gerber qui a si bien écrit sur Louie mais je ne l’ai pas retrouvée. Nous avons eu droit à « Hello dolly » à « When the saints » mais pas de « Wonderful world » mais rien que dans l’introduction de « West End Blues » deux phrases permettent à Gunther Schuller d’écrire « à elles seules, résument presque entièrement le style de Louis Armstrong et son apport au langage du jazz. La première est saisissante, en raison de la force, du dynamisme de ses quatre premières notes (sol, mi bémol, ut, fa dièse). Nous sommes immédiatement sensibles au swing terrifiant qu’elles expriment, bien qu’elles soient jouées sur le temps, non syncopées, et qu’aucune référence rythmique ne nous soit fournie, puisque Louis Armstrong joue sans accompagnement. »

samedi 9 juin 2012

France culture papier.

Format et périodicité de XXI pour une lecture confortable de 200 pages de textes courts et variés.
« En moyenne on prend sa retraite ou on perd ses parents à l’âge de 63 ans. On vit toute sa vie sous le regard des parents. » Jean Viard.
« En France 800 000 enfants de 4 à 10 ans sont encore devant la télé à 22h. » 
De Rousseau :
« Il est donc à croire que les besoins dictèrent les premiers gestes et que les passions arrachèrent les premières voix »
à Frédéric Pommier qui « dresse un bilan humoristique des pathologies langagières des hommes politiques » :
« en amont », « s’inviter dans la campagne électorale », « il ne faut pas stigmatiser », 
« faire bouger les lignes », « indigné »
Où apparaît le paravent de Karen Blixen, les racines « White trash » d’Eminem, où j’ai découvert Alan Turing inventeur de l’informatique et apprécié de relire un entretien avec Tavernier alors que Sicco Mansholt ressurgit depuis les années 70 dans un dialogue avec PMF (Pierre Mendès France) c’était au moment des prophéties du Club de Rome : saisissant d’actualité !
Et Vilar avec Varda quand ses innovations pour un théâtre populaire passaient par les horaires, le vestiaire gratuit, un prix des places unique, la suppression des pourboires …
Il est question de Santé avec Servier et les PIP (prothèses mammaires), du vin qui gagne en degrés, du Sahara et de Vienne, d’un déjeuner sous l’herbe, quand Spoerri avait enterré les restes d’un pique nique et fait appel à des archéologues aujourd’hui.
Politique avec Clémentine Autain, Philippe Meyer, le retour des rois, et une plaisante radiographie de la France quand à Hénin Beaumont les pompes funèbres sont florissantes alors qu’une photo témoigne à Sarcelles du « ï »de laïcité qui disparaît chaque fois qu’il est réinstallé sur une façade pour ne laisser voir que « La cité », un prof se désespère à entendre: « faire de l’argent comme on fait du fromage » et il ne parle pas que des élèves.
De l’actualité et du temps long.
« Quand l’enfant dessine un rond, il montre qu’il a construit un espace de sécurité interne suffisamment fermé et que le rond peut se refermer »
 Alors à deux ans il peut dire « Oui »
« Dire oui, c’est accepter que quelque chose de l’autre vienne en soi »

vendredi 8 juin 2012

Revenu maximal, revenu moral ?

« Dans les années 1970, les ouvriers pouvaient espérer atteindre le niveau de vie des cadres supérieurs en un peu plus de trente ans. Contre 150 ans aujourd’hui... »
Les droits étaient différenciés mais des relations d’interdépendance étaient possibles, continuer à «faire société» devient donc au XXI° siècle de plus en plus difficile quand les pourvoyeurs en huile sur le feu sont légion.
Les images peuvent se multiplier pour évoquer l’explosion des inégalités mais le sociologue Robert Castel et Christophe Deltombe Président d’Emmaüs ne se sont pas attardés sur les constats au forum de Libération à Grenoble quand « une masse croissante vit au jour la journée ».
Jean Luc Mélenchon a lancé dans le débat public, la proposition d’un revenu maximal à hauteur de 20 fois le Smic. Cette proposition permettrait d’améliorer la condition des plus démunis. Dès le début de son mandat, Hollande a pris des mesures concernant les dirigeants du secteur public et les salaires de ses ministres et de lui-même : bravo !
Mais finalement au cours de ce forum, il a été plus question du minimal que du maximal.
« Le renforcement des minima sociaux et du RSA pourrait fournir une réponse plus consistante, à condition qu’il soit reformé. Ainsi le RSA étendu aux jeunes pourrait inclure aussi, outre l’API, la SS et la prime pour l’emploi, couvrant de ce fait la plupart des situations sociales déficitaires. L’allocation de base devrait être augmentée. Surtout, il devrait devenir un dispositif accès à l’emploi durable et non un palliatif qui risque d’entretenir la précarité. Sous ces conditions le RSA pourrait accomplir la double fonction de garantir un revenu assurant la satisfaction des besoins de base de ceux et de celles qui sont à distance de l’emploi durable, et d’accompagner les bénéficiaires sur la voie du retour à cet emploi durable. »
A distinguer d’une allocation universelle ou revenu d’existence qui semble une formule dangereuse car d’un montant forcément médiocre, elle déstructurerait le marché du travail. Les protections les plus fortes étant historiquement liées au travail.
Si l’importance de revenir à ses questions va de soi pour ceux qui fréquentent ces colloques, où le partage du travail n’est pas un gros mot, où chacun réserve sa tolérance à d’autres domaines que l’écart entre le salaire des hommes et des femmes, l’écho de ses belles intentions était étouffé à l’époque par le brouhaha autour des beefsteaks Hallal ou les extases de Carla !
Alors qu’au-delà de l’économie qui accepte plus de huit millions de personnes sous le seuil de pauvreté(< 954€) sur notre sol où il y a 1 700 000 travailleurs pauvres, et selon l'INSEE, environ 90 000 sans abris, il s’agit encore de cette lutte sempiternelle qui voudrait que chaque homme soit un sujet de droit. 1/3 des ménages éligibles au RSA n’y recourent pas.
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Dans le Canard de cette semaine:

jeudi 7 juin 2012

Au Musée d’art moderne de Saint Etienne : Jan Fabre.


 Le belge qui fit scandale en tant que metteur en scène à Avignon en 2005 présente de sages productions néanmoins fortes dont le titre « l’heure bleue » suggère une approche poétique.
Les œuvres parfois gigantesques impressionnent par l’intensité du travail avec des stylos bleus recouvrant le papier usés en quantité industrielle. De l’entrelacs des gribouillis naissent des formes crayonnées ou arrachées aux feuilles.
Le classique recul nécessaire pour voir naitre des formes qui n’apparaissent pas d’emblée est renouvelé, notre admiration devant tant d’énergie au service d’une démarche originale n’était pas offerte à priori. La visite sur place la rend incontestable.
J’avais acheté il y a fort longtemps, sans connaître la notoriété du belge, un poster intitulé « le facteur Rollin » où n’apparaissaient telles des étoiles dans le ciel provençal, que les boutons de la vareuse du modèle de Van Gogh, il m’avait déjà bien plu.
« Je crois à la beauté parce que la beauté est la couleur de la liberté, et la liberté la couleur de la beauté » 
 Par ailleurs la diversité d’artistes Coréens invités exposés avec six artistes stéphanois est stimulante.
La finesse est un trait commun à beaucoup et si je ne suis toujours pas convaincu par certaines vidéos qui squattent trop largement les installations d’art contemporain, j’adhère plus facilement aux choix de ce musée qu’à ceux de notre « Magasin » grenoblois.
Le travail de Jee Soo Kim enchante le quotidien, les dessins sur calque de Sylvia Marquet sont émouvants, les gouaches d’Elzevir familières et rafraichissantes, les trames de Park et les lignes de Chung minutieuses et sensibles.

mardi 5 juin 2012

Nyarlathotep. Rotomago Julien Noirel.


Séduit par le graphisme et persistant à essayer de lire du Lovecraft, j’ai emprunté cette belle bande dessinée. Mais décidément je suis imperméable au fantastique bien qu’une ville crépusculaire où la chaleur devient étouffante puisse nous évoquer des préoccupations bien réelles :
 « Et chacun sentit que la terre et peut être même l’univers tout entier, avaient échappé au contrôle des dieux ou des forces qui régnaient jusqu’ici pour tomber sous l’emprise des dieux ou de forces parfaitement inconnus »
Déjà qu’avec un dieu, j’ai du mal, alors si une flopée s’en mêle, je tourne vite les pages.
Il est question d’un cauchemar qui donne naissance à une nouvelle où un conférencier qui a tout d’un prophète annonce évidemment un cataclysme.
« Les foules affluaient à ses côtés, n'attendant que ses ordres, 
 Mais le quittant, ne pouvaient plus dire ce qu'elles avaient entendu ; 
Cependant parmi les nations se répandait la nouvelle stupéfiante 
Que les bêtes sauvages le suivaient et lui léchaient les mains. » 
Je n’ai pas suivi.

lundi 4 juin 2012

Moonrise Kingdom. Royaume au clair de lune. Wes Anderson.


Quel enfant des années 60 n’a imaginé vivre sur une île, être un trappeur intrépide fuyant le monde avec une petite amie ? Etre orphelin.
Le réalisateur de Fantastic Mr. Fox nous offre une parenthèse enchantée aux couleurs de miel avec tout le sérieux qui sied à l’enfance, alors que les adultes sont fragiles et démunis.
Un petit garçon ingénieux élevé chez les scouts, fait coïncider la nature avec la carte de ses rêves, au temps où les livres étaient encore des boîtes à trésors et l’aquarelle une manière de saisir les lumières.
Le rythme est enlevé, la poésie facétieuse, l’humour dans tous les coins. Des scarabées au bout d’un hameçon font de belles boucles d’oreilles et même pas mal, la foudre ne laisse qu’un peu de noir sur les joues. De nouvelles inventions pour un couteau à lames multiples. Spectacle familial par excellence.
La musique de Benjamin Britten accompagne tout le film qui se conclut par Françoise Hardy :
« C’est le temps des copains, le temps de l’amour, et de l’aventure. Quand le temps va et vient, on ne pense à rien, malgré ses blessures…».