jeudi 5 avril 2012

Gaudi à Barcelone.

Serge Legat a entretenu les amis du musée de Grenoble de l’essor de Barcelone autour de 1900 et de Gaudi.
Barcelone en 1900 regarde vers Paris, tout en revendiquant une culture à la forte identité, son « art nouveau » rayonnera à l’étranger, alors les réalisations vont se multiplier sur place.
 A l’endroit de la citadelle que les catalans ne portaient pas dans leur cœur va se tenir une exposition universelle dont subsiste un parc de 30 hectares et un institut de zoologie à l’architecture remarquable.
 Le plan d’expansion de la ville par Cerda, même s’il n’est pas entièrement mis en œuvre, marque le développement d’une agglomération qui, à côté de ses quartiers gothiques, développe une urbanisation à la géométrie ambitieuse.
Concernant l’immense Gaudi, il est question aussi de Le Corbusier, « l’architecte de la caisse à savon » d’après ses propres paroles, qui a admiré les réalisations d’un de ses maîtres ayant lui-même étudié Viollet Le Duc.
Le conférencier s’interroge : les mosaïques qui recouvrent la salamandre emblématique créée d’ailleurs par Jujol ne réduisent elles pas l’image du si inventif artiste?
La polychromie, le baroque, l’ornemental sont certes ses marqueurs mais le fonctionnaliste exhibe aussi les éléments structurants de l’architecture.
Le parc du mécène Güell au départ n’était qu’un des éléments d’une cité utopique, communautaire, lieu de culture, de foi, de commerce où celui qui a été inspiré par la nature dans toutes ses réalisations a pu donner sa pleine mesure avec par exemple des colonnes qui se confondent avec des palmiers.
La casa Batllo, un ami de Güell, marchand de tissus, avec espace de vente au rez de chaussée et appartements de rapport au dessus du logement du propriétaire a des ondulations qui adoptent des formes animales. Les formes organiques de l’habitation surnommée la « maison des os » sont venues habiller une construction dont le permis de démolir avait été refusé.
La casa Vicens porte en façade une vision d’un historicisme qui sera dépassé, avec des influences mauresques; elle devait montrer le savoir faire du propriétaire marchand de carreaux de céramique, le jardin qui l’entourait théâtralisait la maison.
Le palais Güell aux cheminées insolites puits de lumière et aérations comporte des entrées originales et des espaces intérieurs grandioses.
La casa Mila ou « la pédrera » (la carrière) avec ses trois façades dans la continuité est aussi intéressante à observer en maquette avec sa structure alvéolaire. Le fer forgé est privilégié et quelques grilles dragonesques sont spectaculaires. L’architecte tenait à maitriser les techniques artisanales concernant le verre, le fer, la céramique, le bois.
La construction de La Sagrada familia devrait se terminer en 2026 pour le centenaire de la mort de celui qui est enterré dans la crypte du bâtiment le plus visité d’Espagne. Tout à son engagement religieux, il va consacrer les quinze dernières années de sa vie à cette œuvre gigantesque.
Domenech y Montaner va réaliser un palais de la musique catalane, somptueux, luxuriant avec ses Walkyries, ses colonnettes de verre.
Et son hôpital de la Santa Creu avec ses 46 pavillons qui tiennent 9 blocs du plan Cerda vaut sûrement le détour.

mercredi 4 avril 2012

« On refait le voyage » : Saint Petersburg 2004 # 5

Larissa notre guide n’est pas au rendez-vous, sa fille est malade, mais elle nous a envoyé Irina.
 Avec elle, nous découvrons le métro où les photos sont interdites par peur des attentats.
La station construite en 1955 dégage une impression de luxe avec ses lustres en bronze et ses murs de marbre, elle expose des richesses à la mesure de la ville ! L’escalator en bois descend profond et raide à cause du terrain marécageux il doit passer aussi sous les canaux et la Neva (80m environ). Bien que datant de 1955, le style adopté est « modern style » pour la décoration. Dans les stations les plus modernes, des portes automatiques donnant accès directement aux wagons empêchent ceux qui auraient abusé de la vodka de tomber sur la voie.
Nous quittons le métro et ses passagers endormis au bout de trois stations, et nous nous engouffrons dans un minibus collectif. Le transport coûte le même prix qu’avec les vieux bus publics, délabrés, sur les mêmes trajets. Nous passons le monument dédié aux morts de la 2ème guerre, grandiose, puis nous découvrons la campagne blanche.
La neige commence à tomber, ce qui indique d’après certains membres du groupe bien informés en météo et conditions climatiques une température clémente ! Mmh….Nous passons sans la voir l’ancienne ligne de front puis nous apercevons les premières habitations de Tsarkoïe selo. Le minibus bien embué s’arrête à la demande, Tsarkoïe selo porte aussi le nom de Pouchkine, à cause du collège impérial qui abrita le poète pendant ses études. Nous marchons un peu sous la neige jusqu’au palais bleu or (en peinture mate) et blanc de Catherine la grande. Comme Irina a retenu les billets à l’avance hier, nous entrons vite, enfilons des « babouches » en plastique bleu sur nos bottes pour protéger les planchers. Nous croyions avoir vu le nec plus ultra hier à l’Ermitage, mais là alors ! Nous commençons par la découverte du salon de bal, construit dans l’imitation de la galerie des glaces de Versailles ; murs blancs, avec anges, décors et porte chandelles dorés à la feuille d’or, parquets en marqueterie et immense tableau peint au plafond ; C’est saisissant. Puis nous nous engageons dans une enfilade de pièces avec des portes identiques, à l’image du salon de bal : ce sont des salles d’apparat, des salles à manger avec vaisselle assortie et faux poêles en faïence de Delft ( dans une datcha, maison secondaire d’été, il n’y a pas besoin en principe de chauffer). Et parmi ces pièces, nous tombons sur le célèbre cabinet d’ambre, reconstitué et inauguré en 2003 ; il en émane une lumière inhabituelle et chaude due à ce patchwork d’ambres de la Baltique de couleurs différentes qui tapissent les panneaux muraux. Quatre mosaïques figuratives s’intègrent dans l’ensemble, dont l’une retrouvée en Allemagne par un journaliste de « Der Spiegel » chez un antiquaire de mauvaise foi. Vraiment, c’est quelque chose d’unique. Peu à peu, les pièces se transforment selon les modes et les époques, nous traversons un salon japonais, un salon aux murs tendus de soie lyonnaise, des pièces de style empire, d’autres d’inspiration égyptienne. Ce palais aujourd’hui rénové avec soin fut occupé par les Allemands, pillé et dévasté comme en témoignent nombre de photos exposées dans les pièces reconstituées ; avant, après. Seulement une quarantaine de pièces sur mille sont aujourd’hui restaurées mais avec goût et sans lésiner sur la qualité. Certaines pièces de mobilier sont l’œuvre encore de recherche de par le monde.
Le parc ne manque pas de charme sous la neige qui tombe, ambiance ouatée et assourdie ; nous laissons avec satisfaction attendre la foule agglutinée à l’entrée du château pour profiter presque seuls des jardins. Un pauvre bougre (moujik) parvient à nous y vendre ses cartes postales à force de ténacité. Après un petit détour vers la galerie Cameron (nom de l’architecte) à côté du pavillon d’agate nous déambulons en direction du pavillon de l’Ermitage dans lequel Catherine recevait ses intimes à dîner (le plancher « ascenseur » pour monter ou descendre la table du repas garantissait leur tranquillité ). Dans le parc, des caissons de bois fermés d’un verrou protègent les statues de la dureté du climat hivernal. Le parc cède la place au parc sauvage à l’anglaise jusqu’aux grilles du domaine.

mardi 3 avril 2012

La légende de Robin des bois. Manu Larcenet.

Du bon, du marrant avec Robin en forêt de Rambouillet atteint de la maladie d’Alzheimer que soigne à coup de gourdins, Petit Jean, son compagnon impavide.
 Les textes sont suaves quand d’emblée « les champignons dardent leurs corolles sombres aux premiers rayons du soleil et les passereaux fanfaronnent leurs dernières odes à la saison qui s’achève ». 
Naturellement il essaye de voler les riches, mais il a peur de ne savoir à qui destiner ses rapines.
Toujours pourchassé par un shérif qui ressemble à John Wayne, il se retrouve face à Tarzan, autre habitant des bois, qui a pris un genre spécial: les parodies sont délirantes à point.
Le temps a passé : frère Tuck est devenu pape et belle Marianne en sa tour enfermée a été oubliée.
Messire Robin envahi de réminiscences de Carlos et Annie Cordy, va se remettre à la recherche de la belle dans une ville Nottingham désormais urbanisée.
Vraiment un bon moment de BD avec des clins d’œil, le jeu des anachronismes et toujours un brin de mélancolie chez Larcenet avec laquelle il fait si bon sourire.

lundi 2 avril 2012

Bovines. Emmanuel Gras.

Des vaches dans les prés.
Nous prenons le temps avec elles de l’aube à la pleine lune, sous la pluie normande, du vêlage en plein champ, à la séparation quand le camion qui mène à l’abattoir emporte une compagne de pacage.
Les moniteurs qui encadraient des enfants d’un institut médico éducatif avaient choisi ce documentaire plutôt que Pirates des Caraïbes 4, ils ont eu raison, à mon avis, de leur faire partager des émotions élémentaires dans une atmosphère paisible qui pouvait réduire un instant leurs cris incontrôlés.
Les images sont magnifiques sans être apprêtées et un sac plastique qui vole peut prendre des allures poétiques quand il est bien filmé.
Pour avoir gardé quelque troupeau sans souvenirs excessivement romantiques sinon de me racheter une fierté d’être né « pagu », je savais la malice d’une charolaise quand il y a une pomme à choper dans l’arbre, mais j’ai goûté l’ironie qui depuis Cannes me ramenait près de leur cuir entretenu à coups de langues énergiques.
 De Libé : « Bouse, meurs et ressuscite »

dimanche 1 avril 2012

Les bonnes. Jacques Vincey. Jean Genet.

Les servantes jouent à la maîtresse et ça se finit mal.
Je m’attendais à une pièce plus politique mais les raisons de sa réputation n’étaient pas de cet ordre, maintenant que l’œuvre théâtrale la plus jouée dans le monde est au programme des lycées.
La cruauté, la haine, les semblants qui rattrapent le réel, sont joués avec vigueur par trois actrices excellentes. Un acteur, nu bien sûr, en gants Mappa vient d’emblée apporter la distance en expliquant comment doit être jouée la tragi comédie : « Un conte… Il faut à la fois y croire et refuser d’y croire. ». Sa présence discrète mais constante ne m’a pas dérangé, contrairement à beaucoup de critiques, elle me semble de nature à respecter les indications de l’auteur culte qui s’est toujours défendu de s’être inspiré du meurtre des sœurs Papin :
 « Je vais au théâtre afin de me voir, sur la scène (restitué en un seul personnage ou à l’aide d’un personnage multiple et sous forme de conte) tel que je ne saurais - ou n’oserais - me voir ou me rêver, et tel pourtant que je me sais être. » 
La notoriété de cette pièce de 1947 va bien au-delà de la notion omniprésente qui souligne une des difficultés de la création : « d’après des faits réels ».
L’exploitation, les frustrations, les fleurs qui étouffent, les fausses familiarités, les objets qui pèsent, « Madame est trop bonne » inévitable, mais « elles déconnent ».
Le décor mécanique au service d’une mise en scène qui varie les jeux, modernise un texte qui aurait pu connaître des longueurs.

samedi 31 mars 2012

Vercors… terre de la Liberté. Reymond Tonneau.

« Histoire d’un miraculé » : c’est le sous titre de l’ouvrage de 250 pages illustré de photographies avec une préface de l’Abbé Pierre.
Paralysé par la pile de livres qui m’attendent, je ne serai pas allé d’emblée vers cette littérature où la majuscule est en général profuse et l’adjectif foisonnant.
Il a fallu qu’une dame qui a vécu de près ces évènements tragiques, à qui ce livre a été dédicacé, me le prête pour que je me replonge dans une histoire que je crois connaître un peu et dont je m’étais éloigné.
J’avais emmené pendant des années mes classes sur le plateau du Vercors conduit par un ami fervent et documenté et pensai ainsi avoir fait ma part de « devoir de mémoire » comme dit l’expression qui en a usé le sens.
A partir de cette histoire romanesque, une BD « A 18 ans sous les balles au Vercors » a été éditée, le scénario était tout trouvé.
L’aventure du jeune de Romans venant après la description d’une enfance rude et chaleureuse est pleine de suspens : le titre de « miraculé » est justifié. A Malleval, se repliant depuis le plateau, ses compagnons sont tués, lui est criblé de balles, il se relève, dévale les falaises et les ravins par « où les renards ne seraient pas passés », attend des heures interminables dans un arbre ou caché derrière un buis, alors que les allemands le traquent. Ses camarades lui avaient fêté ses dix huit ans avec une tranche de pain qu’ils avaient conservée. Son récit porte l’énergie de cette jeunesse qui nous épate à présent où il est bien difficile d’envisager de tels sacrifices pour son pays, surtout si précocement.
Comme est obsolète la formulation de l’abbé Pierre :
 « Sais-tu être frère, même de ceux qui pensent autrement que toi. 
Sais- tu causer avec eux chiquement, et les aimer… ? »

vendredi 30 mars 2012

Education, la France déjà dégradée ?

La dégradation est économique, culturelle et morale.
Mais le débat en vue de l’élection présidentielle pourrait porter sur l’école et sortir des politiques à court terme et contredirait les médias qui trouvent les débats- qu’ils organisent- bien pauvres.
Les mots nous ont tellement trahis que nous nous sommes transportés au pays des chiffres.
Ainsi la politique de l’évaluation cherche à quantifier chaque acte, et accroit la marchandisation de la société. Omniprésente dans les classes elle en modifie la pratique pédagogique.
Les estimations ne manquent pas qui s’appliquent aux appréciateurs eux-mêmes.
La France, a continuellement chuté depuis 2000 dans tous les classements internationaux qui évaluent les résultats des élèves. Le ministre de l’Education cache certaines études car les chiffres sont cruels pour le système éducatif français dont le chanoine a dit que « dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ».
Les valeurs indexées sur le CAC ?
Nous sommes dans un pays où les inégalités sociales sont corrélées le plus fortement avec les inégalités scolaires.
Dans la grande salle bien remplie de la MC2 au forum de Libération, François Dubet sociologue a plus de liberté que le politique Vincent Peillon qui m’a paru compétent sur le sujet et moins empesé que d’ordinaire. « Même Standard & Poor’s - qui n’a pas toujours brillé par autant de clairvoyance - nous le dit : la clé de la croissance de demain se trouve dans les investissements massifs que nous devons faire aujourd’hui dans l’enseignement, la formation et la recherche, de la maternelle aux doctorats, et au-delà. Mais les moyens n’ont de sens qu’en ce qu’ils permettent de servir des fins. Celles-ci s’appellent pour nous : briser le noyau dur de l’échec scolaire, mettre sur pied une formation initiale et continue des enseignants digne de ce nom, réformer les rythmes scolaires, faire évoluer le métier d’enseignant, revaloriser l’enseignement professionnel. » 
En plaçant la concertation en préalable celui ci irritera les radicaux des deux extrémités : les rétros et les raseurs de table. Sa position se veut consensuelle car il sait bien que rien ne se fera sans les personnels qui souffrent en ce moment.
L’école n’est plus rectrice. Il s’agit de convaincre pour regagner une autorité morale, intellectuelle.
- En cinq ans, presque 10% des effectifs enseignants ont été supprimés et le métier n’attire plus.
- La formation des professeurs a été réduite à néant
- Les réseaux d’aide spécialisés aux élèves en difficulté (RASED) ont été démantelés.
- Près de 150 000 jeunes sortent sans qualification du système scolaire.
Cependant le rejet de la politique de sa Majesté Hélas ne doit pas conduire à la défense d’une forteresse. Concernant l’éducation le ton rituel est à la déception, c’est devenu tellement banal que nous avons oublié le temps où la maternelle faisait notre fierté (la scolarisation des moins de 3 ans, est passée de 35% à 13%). Les médias convoquent la Finlande : amenez les flocons ! Même dans les milieux qui ne cessaient de dire « le niveau monte », il est reconnu que les performances des élèves à l’entrée en 6e, pour la maîtrise de la langue comme pour les mathématiques, ne cessent de faiblir.
 Le climat scolaire est dégradé : quand on demande aux élèves :
« quand tu ne comprends pas, tu demandes au prof ? »
80 % répondent : « oui » dans l’OCDE, 80% répondent : « non » en France.
Mais je crains que la formule qui s’étonne : « un enseignant à 11ans, 11enseignants à 12 ans » n’entre dans une politique qui considère l’éducation comme une source de dépense et non d’investissement pour l’avenir.
L’engagement du nouveau président concernera la nation et non un département ministériel, une institution et pas seulement un service public.