jeudi 22 mars 2012

Le musée Cocteau.

En bord de mer dans la charmante ville de Menton est installé le nouveau musée dédié à Cocteau.
L’architecture qui se veut à l’image de l’œuvre de l’artiste protéiforme,  
« difficile à ramasser », peut prêter à discussion.
Non que la ressemblance avec le bâti alentour soit une règle intouchable, et j’apprécie parfois des surgissements architecturaux inattendus. Mais il se trouve que la construction trapue en forme de « tielle à la sétoise» est souvent montrée en vue aérienne par son côté le plus photogénique; en l’abordant à pied de loin, nous avions pris l’édifice de Rudy Ricciotti pour un parking. Le donateur américain Wunderman à qui l’on doit l"essentiel des œuvres présentées, n’a pu voir l’aboutissement de sa collection, il est mort quelques mois avant l’inauguration.
Derrière ses rideaux atténuant la lumière méditerranéenne, le musée propose des dessins, des photographies, des tableaux, des céramiques, une tapisserie, des bijoux, des extraits de films.
L’élégant auteur des « Enfants terribles » et des « Parents terribles » était éclectique.
 J’ai préféré ses dessins d’un seul trait à ces amoureux aux couleurs vives installés au « Bastion » lieu qu’il avait investi auparavant.
 On retient surtout le poète plutôt que le « prince frivole » qui connut les délices et les affres de l’opium. Et sa « Belle et la bête », son « Testament d’Orphée » m’ont paru datés.
Mais je comprends que l’artifice à ce point puisse séduire.
Par contre parmi un stock de citations légères et concises certaines n’ont pas pris la poussière :
« Ce qui caractérise notre époque, c’est la crainte d’avoir l’air bête en décernant une louange, et la certitude d’avoir l’air intelligent en décernant un blâme. »

mercredi 21 mars 2012

« On refait le voyage » : Saint Petersburg 2004 # 3

Il a neigé cette nuit, tout est blanc.
Aujourd’hui, c’est Tour de ville avec minibus et guide de l’agence Bolshoï Tourism (Bolshoï veut dire grand en russe). Le guide est une jeune femme blonde, prénommée Larissa. Elle parle un français presque sans accent.
Elle nous commente la perspective Nevski et ses palais puis nous dévie sur une superbe place, la place des arts, entourée de musées et théâtres. Au centre, la statue de Pouchkine qui participa à l’élaboration de la langue russe moderne à travers la littérature et la poésie. Nous repartons sur Nevski Prospekt. Nous apercevons au passage le cirque et une école pour jeunes filles de « classe moyenne » ; Catherine II avait décidé qu’il y aurait des écoles pour les filles, mais pas de mixité sociale. Après un contrôle de la police concernant l’assurance du véhicule, obligatoire depuis peu, nous jetons un œil à travers la vitre du bar Pouchkine, et nous stoppons sur l’île Vassilievski (Traduction = Basile), près de l’une des colonnes rostrales, anciens phares de la Neva décorés de proues de bateaux, celle devant laquelle les mariés se font photographier. Larissa nous explique aussi que les bulbes des églises représentent la forme des cierges, la lumière qui monte vers le ciel et leur nombre symboliserait les personnages sacrés. De façon plus pragmatique il semblerait surtout que cette forme permette à la neige de glisser plus facilement. Le minibus reprend la route à travers l’île, parmi les universités, les palais et la maternité.
Il se dirige vers le golfe de Finlande par l’une des 3 routes possibles (la petite, la moyenne, la grande). Nous traversons des quartiers style art nouveau avant d’atteindre le front de mer défiguré par un hôtel gigantesque. Quant à la Baltique, elle est gelée, impossible de distinguer la terre de la mer. Nous allons y faire quelques pas et photos. Curieux, nous observons une moto-ski qui remorque de quoi percer la couche de glace pour des pêcheurs, tâches noires au loin dans cette lisse étendue glacée. Nous remontons au chaud dans le Mercedes et quittons l’île pour la terre. Un arrêt est prévu à l’Eglise Saint Nicolas des marins, préservée même pendant la période soviétique. C’est une pure merveille, à plusieurs égards : d’abord sur le plan architectural, pas de grande voûte écrasante mais un plafond bas, des icônes dans des cadres en or sacrément baroques, assorties à un iconostase d’une grande richesse, deux poêles en faïence, des bougies allumées partout. Mais l’autre intérêt, c’est d’assister à un office orthodoxe dans une église pleine à craquer de fidèles. Comme il n’y a pas de bancs, les vieilles se sont regroupées près des poêles qui offrent des rebords pour s’asseoir. Quelques personnes à genoux se prosternent comme à la mosquée. Le pope bénit une table chargée de victuailles apportées là par les fidèles et garnies de bougies. D’une voix profonde, il chante, en tant qu’intercesseur, une litanie dans laquelle il cite des noms écrits sur des papiers
( accompagnés d’un billet de banque). Une chorale mixte a cappella lui répond en antiphonie. Dans l’un des bas-côtés, une femme en tablier noir sert une boisson et un morceau de gâteau ou de pain, que nous interprétons comme étant la communion. Sous le même uniforme, ses copines vendent des bougies ou des icônes. L’ambiance est chaleureuse. Il y a à l’étage une autre église que nous ne verrons pas, utilisée pour les fêtes. A l’extérieur, l’église et son clocher indépendant sont parés d’une façade blanche et bleue ; l’église arbore d’élégants balcons en fer forgé dont se servait la famille royale. Nous quittons ce lieu qui a enthousiasmé tout le monde.
Nous atteignons la Cathédrale et le couvent de Smolny situés à l’emplacement d’anciens chantiers navals (On y calfatait les bateaux et smolny veut dire goudron en russe). Les bâtiments sont en cours de rénovation, comme en témoignent les échafaudages et le ton cru du bleu des constructions de droite en contraste avec le bleu fané des constructions de gauche. A côté, l’institut Smolny était réservé aux jeunes filles de la noblesse, elles y apprenaient leur travail de bonne épouse. Nous continuons la balade motorisée le long des jardins de Tauride. C’était la propriété du prince Potemkine, vainqueur en Crimée (aussi nommée Tauride) et amant affiché de la grande Catherine. Toutes les rues que nous traversons sont bordées de palais ; pas de pierre, les constructions sont en briques recouvertes d’un enduit et peintes, de même que les atlantes et les caryatides.

mardi 20 mars 2012

Habibi. Craig Thompson.

Comme je ne suis pas du genre à passer mille et une nuits sur une BD, je ne suis pas allé au bout de ce pavé de 670 pages.
Je n’ai pas été entortillé par les ornements, les volutes, les arabesques d’une histoire qui entrelace joliment les brutalités d’un monde violent aux effluves d’un merveilleux revenu à des racines sacrées.
Mes mots auraient pu virer au positif mais l’arrière plan religieux omniprésent étouffe les personnages. L’esthétique très soignée ralentit une lecture dynamique. Tous les lieux et toutes les époques se mêlent.
J’avais l’impression d’avoir entre les mains un volume daté d’un XIX° siècle corseté, dont les grands mots seraient devenus atones même si l’esclavage et les ravages de la planète sont d’actualité.
Du temps où les livres étaient rares et l’espace compté, depuis j’ai su apprécier les plages silencieuses, l’humour.
 Je ne suis pas monté à bord du bateau échoué dans le désert.

lundi 19 mars 2012

Eléna. Andrei Zviaguintsev.

Je venais de voir « Les bonnes » de Genet, alors je n’ai pu m’empêcher de dire à la sortie du film que je venais de voir : « La bonne ».
Même si les usages interdisent de divulguer la fin, très vite nous comprenons qu’un drame se prépare.
J’ai beaucoup aimé le rythme des plans séquences qui nous laissent le temps d’entrer dans l’intimité des personnages, entre lesquels les rapports de classe demeurent malgré les apparences.
Les liens familiaux surnagent dans cette société violente, désespérante que les cinéastes russes, trop rares, savent décrire avec une lucidité bouleversante.
La musique de Phil Glass convient à cette froideur qui n’est pas celle du thermomètre.

dimanche 18 mars 2012

La loi du marcheur. Nicolas Bouchaud.

L’acteur joue pendant 1h 50 Serge Daney.
Les paroles du critique emblématique des Cahiers du cinéma et de Libération sont portées avec une vivacité extraordinaire. Le dispositif est original et sobre, avec des variations autour d’un extrait de « Rio Bravo » où l’acteur se projette sur l’écran.
Je retournerai lire les « Cahiers » qui m’avaient découragé à force de paroles péremptoires et souvent absconses. Nous recroisons des mots qui tapissaient notre mémoire : « faux raccords, yéyés, portes vitrées, photos charbonneuses, accident métaphysique, Ava Gardner, A bout de souffle, Nuit et brouillard, l’Amérique… »
Dans ce spectacle j’ai surtout retenu les hésitations du passeur, sa modestie, son originalité, et à travers l’évocation de son enfance, cette notion de promesse qui recommence à chaque fois qu’on envisage d’aller dans une salle obscure. L’interrogation sur notre position de spectateur va au-delà des références à nos films préférés, il s’agit rien moins que de notre conception de la vie, des autres.
« Par chance il se trouve que le cinéma - et ça je l'ai découvert plus tard - était né dès le début sur deux jambes, une jambe absolument populaire, basique, triviale, imaginaire, et une jambe cultivée, compliquée, philosophique, élitaire, et qui a fait la critique, et que donc choisir le cinéma c'était sans s'en rendre compte choisir une culture. . . une maison avec deux portes, une porte que tout le monde prend- et qu'il faut prendre sinon on comprend rien au cinéma, et puis aussi une porte dérobée dans laquelle les gens - dès le début. dès le début - ont demandé au cinéma des choses absolument extravagantes. Il suffit de lire. Je sais pas. les textes qu'Abel Gance jeune homme écrivait, c'était quand même un intellectuel malgré tout Abel Gance eh ben moi je m'en suis pas rendu compte à l’époque mais je trouve que c'était le bon choix - ça je le regrette pas - d'avoir choisi le cinéma puisqu'on pouvait y rentrer avec tout le monde ou tout seul. »

samedi 17 mars 2012

XXI. Hiver 2012.

Après le numéro quelconque consacré aux utopies, celui ci consacré aux « Justes » constitue une livraison essentielle, pas seulement pour les articles traitants du thème principal, pas forcément  justement titré, se déroulant surtout dans des tribunaux. Un avocat est persuadé de l’innocence de son client, un père veut comprendre pourquoi sa fille a été violée à mort, un alpiniste virtuose est condamné pour homicide par imprudence après la mort de son bébé.
Le récit d’une catastrophe qui a tué autant de monde que la seconde guerre mondiale m’a secoué : la grande famine en Chine à la fin des années 50 où une population se retrouve dans la situation des camps d’extermination au plus profond de ses campagnes. Un monsieur veut édifier un muret à la mémoire de ceux qui sont morts pendant cet épisode stupéfiant : sur 121 habitants de son village seulement 50 ont survécu. Mais cette initiative est mal vue du pouvoir. De 35 à 55 millions de morts demeurent un secret d’état.
Le trajet de Johannesburg au Congo dans la cabine d’un camion avec une femme au volant nous dit beaucoup sur un continent flageolant raconté aussi en BD à travers les enfants des rues de Kinshasa.
Dans les effets de la mondialisation : ces femmes indonésiennes qui vont travailler à l’étranger comme domestiques.
Le reportage photographique porte cette fois sur une novice au New jersey, là rien ne bouge.
Le portrait de Bachar el Assad, qui suicide son pays après avoir représenté un espoir, replace l’actualité dans l’histoire, comme une interview d’Orhan Pamuk écrivain turc prix Nobel dont les racines sont à Istanbul, sa compagne est indienne et il dispense ses cours à l’Université de Columbia ; ses propos prudents sont intéressants.

vendredi 16 mars 2012

Ça commence à se voir !

J’avais renoncé à envoyer des courriers aux journaux quand sur leur site internet ils ont préfiguré les réactions sommaires type twitter, mais je n’ai pu résister à la complaisance de Patrick Cohen sur Inter; mon message n’a pas été accepté par le modérateur alors que ceux à tonalité UMP avaient droit de cité.
Où je reprochais au dit journaliste de s’être tu au moment des « n’importe quoi » de C. Bruni lors d’un repas télévisé et de ne pas intervenir quand V. Pécresse ne cessait d’interrompre M. Sapin, comme il l’avait fait pour protéger H. Guaino des saillies de D. Cohn Bendit. Et j’ajoutais avant que D.Schneiderman le souligne que l’anniversaire de Fukushima par les antis nucléaires - dont je ne suis pas - avait eu lieu sous des projecteurs éteints. La chaîne humaine entre Lyon et Le Tricastin a connu un silence retentissant, alors que G. Depardieu à Villepinte…
P. Val peut être content de ses troupes avec lesquelles ils attendaient impatiemment, le croisement des courbes, pour le spectacle. Leur parti pris commence à se voir. Je me garderai d’accabler les médias pour excuser la gauche de ses imprécisions et puis c’est tellement évident. Mais j’aimerais comprendre pour quelles raisons Val qui chantait :« rien n’est plus poétique que l’autogestion », qui pendant des années donna des leçons des plus vertes, est tombé dans les rets de la droite la plus cynique, la plus grossière.
Les hommes ne sont pas tous, bon sang ! des Besson, des Woerth, les femmes des Dati, des Boutin, des Bruni…
Il reste bien un lieu qui n’est pas enfoui sous les buvards républicains, où sous le mot 
« morale » on peut coller quelques images, où tout ne se vend pas, où payer ses impôts est un devoir, une fierté, un temps d’avant que la com’ ne nous ait rendu complètements cons.
Parce qu’au bout du bout, c’est bien de cette idée de l’homme que proviennent nos choix politiques : l’autre est-il une menace ou un frère ?
Après les églises où le mot « amour » résonne dans le vide, les préaux à proximité de chez nous sont désertés ; clignotent seulement de grands rassemblements où la gesticulation a pris la place de l’engagement. Les matchs de Ligue des champions ont tué ceux du quartier.
Rue 89 filiale du nouvel Obs dont le directeur donne le ton de l’opposition aux 75% d’Hollande, a rédigé un article sur la fin des blogs. Il ne resterait alors que 140 signes pour faire signe.
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Dessin du Canard: