Nous commençons notre randonnée par le trajet vers la 2ème station de métro proche de notre domicile : Avenida (ligne azul). Cela nous permet d’échauffer nos mollets aux grimpettes et descentes d’aujourd’hui, dans les travessas et les escaliers bordés d’un bâti d’époques différentes. Les numéros dans les rues sont très rapprochés, les appartements se répartissent plutôt en hauteur nous semble-t-il, en duplex, triplex. Des toits avec des mansardes de travers à moitié effondrées coiffent des maisons vétustes encore habitées, comme en témoigne le linge aux fenêtres.
A la station de métro, nous domptons la machine à Pass en rechargeant nos titres de transport et descendons au terminus de la ligne verte à Cais do Sodré. A la sortie, le tram moderne jaune à deux wagonnets n°15 dans lequel nous montons a beaucoup moins de charme que les petits trams, mais il propose un confort supplémentaire et affiche toutes les stations de la ligne visuellement et oralement. Nous descendons à l’arrêt Belem, Nous sommes près du Mosteiro das Géronimos, grande bâtisse blanche qui garde sa porte close aujourd’hui car c’est lundi jour de fermeture ! Nous ne sommes pas les seuls à exprimer notre déception, un italien fait une réflexion sans penser à la réputation des musées de son pays. Nous remplaçons cette visite par celle du musée Bérardo d’où sortent des cohortes bien rangées de petits enfants habillés en uniformes de couleurs différentes. Les monitrices concentrent les jeunes esprits avec des jeux de parcours sur les dalles du parvis. Aucun braillement, aucun désordre, aucune désobéissance. Le musée Bérardo est un musée d’art contemporain, gratuit, dont le donateur a démarré en collectionnant d’abord les timbres et les boîtes d’allumettes en des temps modestes avant de s’attaquer aux œuvres d’art. On y trouve les plus grands : Pollock, Warhol, Gottlieb, César, Arman, Harp, Picasso… Bonne révision aussi des peintres et œuvres vus à Bilbao. Plus de 1000 œuvres sont exposées. Photos à volonté !
A la sortie s’impose le « Padrao dos Descobrimentos » surnommé « poussez pas derrière !» caravelle de béton construite au bord du Tage à la mémoire des explorateurs navigateurs.
Au sol, une carte du monde permet de situer les différentes colonies portugaises, l’esplanade est vaste et incite à la photographie des touristes grimaçants posant avec les mêmes gestes et sourires figés.
Nos estomacs crient famine et nous nous restaurons dans une pizzeria au bord de l’eau, servis par une gracieuse brésilienne candidate à des études en Allemagne et parlant parfaitement le français. Le vin rosé du pays, très fruité, enchante unanimement nos papilles. Nous décidons de nous promener dans le quartier Ajuda qualifié de populaire par Le Routard. Mais avant nous découvrons la fabrique de Pasteïs de Belem où nous dégustons la spécialité lisboète : un gâteau constitué d’une patte feuilletée très fine fourrée d’une crème, à saupoudrer au choix de cannelle ou de sucre glace. La boutique du XIX° siècle peut accueillir jusqu’à 2000 personnes dans plusieurs salles tapissées d’azulejos bleus et exhibe des objets anciens comme la caisse enregistreuse, de faïences…ça pulse dans la maison et toujours avec le sourire.
Nous nous engageons dans la calcada d’Ajuda, après avoir remarqué le palais présidentiel avec ses deux plantons chaudement habillés pour la saison mais qui ne subissent pas les facéties lourdingues des touristes comme leurs confrères à Buckingham Palace. La rue est bordée par un régiment de lanciers d’un côté et d’un manège de chevaux de l’autre. Nous longeons le monumental Palacio National pour redescendre par la rua Guarda Joais où nous souhaitons visiter un « patio » moderne reconstitué dans lequel Le Routard nous signale une fabrique d’azulejos. La réception à l’entrée contacte la fabrique, pour qu’une personne nous guide à travers ce véritable petit village de d’artisans.
Nous passons par une ancienne boulangerie équipée de son four, traversons des couloirs, ressortons dans des coursives extérieures dominant un terrain de tennis et une route et perdons notre guide. Nous la récupérons plus loin dans son atelier adorable, à côté d’un restau présentement désert avec un jardinet de la taille d’un balconnet où poussent des plants de tomates, sous l’œil protecteur d’un Saint Antoine en plâtre. La dame nous fait pénétrer dans le deux pièces où reposent ses calques et ses carreaux et répond aux questions posées. Elle est spécialisée dans les dessins du XVIII° siècle et nous explique en français la technique des son art.
J. lui achète un lapin stylisé puis nous tentons de nous repérer vers la sortie. Dans la première courette près de la réception, un kiosque à musique attend le chanteur de fado, des guirlandes en papier donnent un petit air de fête. Il y a aussi derrière une petite chapelle, mais la porte est bien close et puis les gens du patio abandonnent leurs locaux après leur journée de labeur, alors nous ne nous imposons pas plus longtemps et nous reprenons le chemin du retour à pied, en tram historique (18E) et en métro jusqu’au Rato. Pas de musique ni fiesta dans la Travessa do Cego ce soir. Nous répertorions les incontournables visites de Lisboa en nous massant le cuir chevelu avec un engin de la maison diaboliquement agréable.
mercredi 26 octobre 2011
mardi 25 octobre 2011
Fables amères. Chabouté.
Des tout petits riens qui peuvent être graves comme cette petite fille qui se fait méchamment rabrouer par des parents à qui elle apporte le petit déjeuner au lit. Maladresses, incompréhensions du quotidien, quand la méfiance, l’ignorance nous rendent indifférents, avec des conséquences cruelles. Cette humanité où les seules paroles chaleureuses postées sur internet s’avèrent un leurre, n’a pas des traits engageants et la beauté exceptionnelle de la jeunesse qui passe devant une vieille dame, la blessera.
Des petites nouvelles coupantes, mises en image avec toujours autant d’efficacité par un auteur dont j’ai déjà dit tout le bien que j’en pense dans « Les princesses vont aussi au petit coin » et « Construire un feu » d’après Jack London.
Des petites nouvelles coupantes, mises en image avec toujours autant d’efficacité par un auteur dont j’ai déjà dit tout le bien que j’en pense dans « Les princesses vont aussi au petit coin » et « Construire un feu » d’après Jack London.
lundi 24 octobre 2011
Restless. Gus Van Sant.
La jeune fille va mourir. Le sujet peut paraître impossible, et sans en avoir l’air, c’est le tour de force de Gus Van Sant de nous rendre fulgurante cette histoire d’amour condamnée.
Le pathos est éloigné, le romantisme est remis en selle par des comportements très contemporains. Film délicat et doux. Peu importe que le temps se mesure en minutes, en mois ou en années dans cette cérémonie des adieux. Au cours d’une scène, les deux jeunes miment l’inéluctable fin et c’est très fort.
Les images aux couleurs d’outre atlantique, sans apprêt, rendent plus proches les fantômes et nous mettent dans de beaux draps en route vers nulle part.
dimanche 23 octobre 2011
Le recours aux forêts. L’Heure Bleue.
Carolyn Carlson à la chorégraphie et Michel Onfray aux textes : du beau monde.
Le metteur en scène s’appelle Wild et son danseur interprète un retrait du monde qui évoque inévitablement le film dérangeant « Into the Wild ».
« J’ai vécu assez pour en savoir assez.
Aux deux tiers de sa vie si l’on ne sait pas ce que contient le dernier tiers
C’est qu’on n’a rien appris,
Donc qu’on n’apprendra jamais,
Donc qu’on n’apprendra plus. »
J’ai pensé à Jacques Ségala l’homme à la Rolex. Sors de ce corps !
Comme je suis un homme porté à être mono tache, les moyens visuels mis en œuvre pendant cette heure brouillent parfois les mots, pourtant le propos est simple.
Une première partie avec lunettes pour des visions en 3D discrètes.
Toute la sauvagerie des hommes passée présente et à venir scandée par quatre lecteurs avec un décor, type publicité d’Air France : nuages et reflets dans l’eau qui deviendront plus inquiétants quand des branches mortes vont s’y dresser. L’humanité nage dans les larmes.
La deuxième partie c’est le retour à la nature, oserait- on dire, après la culture ?
Le danseur émérite va jusqu’à la nudité sur une surface liquide cette fois colorée par des sachets qui tombent des cintres. Le texte évoque une nature aimable où se fabriquent des poupées avec des coquelicots, mais le danseur parait tellement fragile à chercher des équilibres qu’il n’offre pas vraiment un choix séduisant.
Les moyens déployés contribuent plus à retenir de sombres constats que de douces alternatives où le goût retrouvé des groseilles s’approcheraient plus de Delerm que de la figure revendiquée du rebelle cédant « à la tentation de Démocrite » évoquée par Onfray.
« Je veux simplement en finir avec le commerce de la folie
De la sottise
De la bêtise
De la noirceur des hommes
De leur méchanceté.
Je veux passer le restant de mes jours en ma compagnie.
Seule vraie compagnie:
Celle de soi… »
C’était bien joli mais un peu espiègle.
Trop d’images tuent l’image : on dirait du … non !
....
C'est mon 1000° post me dit la machine qui comptabilise aussi une pincée de brouillons.
Le metteur en scène s’appelle Wild et son danseur interprète un retrait du monde qui évoque inévitablement le film dérangeant « Into the Wild ».
« J’ai vécu assez pour en savoir assez.
Aux deux tiers de sa vie si l’on ne sait pas ce que contient le dernier tiers
C’est qu’on n’a rien appris,
Donc qu’on n’apprendra jamais,
Donc qu’on n’apprendra plus. »
J’ai pensé à Jacques Ségala l’homme à la Rolex. Sors de ce corps !
Comme je suis un homme porté à être mono tache, les moyens visuels mis en œuvre pendant cette heure brouillent parfois les mots, pourtant le propos est simple.
Une première partie avec lunettes pour des visions en 3D discrètes.
Toute la sauvagerie des hommes passée présente et à venir scandée par quatre lecteurs avec un décor, type publicité d’Air France : nuages et reflets dans l’eau qui deviendront plus inquiétants quand des branches mortes vont s’y dresser. L’humanité nage dans les larmes.
La deuxième partie c’est le retour à la nature, oserait- on dire, après la culture ?
Le danseur émérite va jusqu’à la nudité sur une surface liquide cette fois colorée par des sachets qui tombent des cintres. Le texte évoque une nature aimable où se fabriquent des poupées avec des coquelicots, mais le danseur parait tellement fragile à chercher des équilibres qu’il n’offre pas vraiment un choix séduisant.
Les moyens déployés contribuent plus à retenir de sombres constats que de douces alternatives où le goût retrouvé des groseilles s’approcheraient plus de Delerm que de la figure revendiquée du rebelle cédant « à la tentation de Démocrite » évoquée par Onfray.
« Je veux simplement en finir avec le commerce de la folie
De la sottise
De la bêtise
De la noirceur des hommes
De leur méchanceté.
Je veux passer le restant de mes jours en ma compagnie.
Seule vraie compagnie:
Celle de soi… »
C’était bien joli mais un peu espiègle.
Trop d’images tuent l’image : on dirait du … non !
....
C'est mon 1000° post me dit la machine qui comptabilise aussi une pincée de brouillons.
samedi 22 octobre 2011
Voyages en France. Eric Dupin.
Le sous titre : « la fatigue de la modernité » aurait du inciter la Librairie du Square a ne pas placer ces 378 pages au rayon « voyages » mais dans « les sciences humaines ».
Il est surtout question de femmes et d’hommes rencontrés par l’ancien journaliste de Libération au cours de ses pérégrinations dans l’hexagone où « l’ennui provincial n’est plus ce qu’il était ».
Les paysages ont beau avoir tendance à se fermer sous les résineux grignotant les champs, leur diversité fait le charme de notre vieux pays.
C’est aussi la fracture sociale sous le nez de cet ostréiculteur :
« On s’appauvrit de plus en plus alors que les ports sont pleins de gros yachts qui valent un prix pas possible ! Il y a de quoi être écœuré. Toi tu bosses toute ta vie et tu as même du mal à payer le bateau qui te sert à travailler ».
Ailleurs une association de producteurs de lait cite marcel Aymé :
« L’injustice sociale est une évidence si familière, elle est d’une constitution si robuste, qu’elle parait facilement naturelle à ceux qui en sont victimes ».
La politique est la trame de tout le livre, vivant des alternatives dans les Cévennes bien sûr, mais aussi en Puisaye ou dans le Tarn, variante d’une somme de bonnes volontés cherchant le progrès humain.
Cycliste en Normandie, l’auteur, s’est éloigné des grandes villes. Il a pourtant marché par exemple à Lille ou dans les centres clonés des agglomérations moyennes ; il a pris le temps de l’écoute dans les zones périurbaines ou profondément rurales avec un avenir se cherchant du côté du tourisme. Là se panse peut être le manque de temps dont se plaignent beaucoup de nos compatriotes.
Dans un dernier chapitre sont rassemblés des éléments recueillis tout au long de rencontres sympathiques, évoquant un « exode urbain » avec quelques observations justes :
« …notre société dépense infiniment plus d’efforts et d’argent à la santé physique qu’à la santé mentale. On s’acharne à sauver le corps de vieillards, parfois au-delà du bon sens, et on laisse se dérégler l’esprit de tant de jeunes. »
Rappels limpides d’une réalité tellement familière qu’elle échappe parfois derrière les écrans qui nous enserrent. Et prise de recul du journaliste qui réhabilite pas sa modestie une profession dont on ne voit que trop souvent l’arrogance et le dilettantisme.
Il est surtout question de femmes et d’hommes rencontrés par l’ancien journaliste de Libération au cours de ses pérégrinations dans l’hexagone où « l’ennui provincial n’est plus ce qu’il était ».
Les paysages ont beau avoir tendance à se fermer sous les résineux grignotant les champs, leur diversité fait le charme de notre vieux pays.
C’est aussi la fracture sociale sous le nez de cet ostréiculteur :
« On s’appauvrit de plus en plus alors que les ports sont pleins de gros yachts qui valent un prix pas possible ! Il y a de quoi être écœuré. Toi tu bosses toute ta vie et tu as même du mal à payer le bateau qui te sert à travailler ».
Ailleurs une association de producteurs de lait cite marcel Aymé :
« L’injustice sociale est une évidence si familière, elle est d’une constitution si robuste, qu’elle parait facilement naturelle à ceux qui en sont victimes ».
La politique est la trame de tout le livre, vivant des alternatives dans les Cévennes bien sûr, mais aussi en Puisaye ou dans le Tarn, variante d’une somme de bonnes volontés cherchant le progrès humain.
Cycliste en Normandie, l’auteur, s’est éloigné des grandes villes. Il a pourtant marché par exemple à Lille ou dans les centres clonés des agglomérations moyennes ; il a pris le temps de l’écoute dans les zones périurbaines ou profondément rurales avec un avenir se cherchant du côté du tourisme. Là se panse peut être le manque de temps dont se plaignent beaucoup de nos compatriotes.
Dans un dernier chapitre sont rassemblés des éléments recueillis tout au long de rencontres sympathiques, évoquant un « exode urbain » avec quelques observations justes :
« …notre société dépense infiniment plus d’efforts et d’argent à la santé physique qu’à la santé mentale. On s’acharne à sauver le corps de vieillards, parfois au-delà du bon sens, et on laisse se dérégler l’esprit de tant de jeunes. »
Rappels limpides d’une réalité tellement familière qu’elle échappe parfois derrière les écrans qui nous enserrent. Et prise de recul du journaliste qui réhabilite pas sa modestie une profession dont on ne voit que trop souvent l’arrogance et le dilettantisme.
vendredi 21 octobre 2011
« Barnave n’était pas un amoureux transi. »
Robert Chagny donnait conférence à Saint Egrève sur le grand homme de la ville, né il y a 250 ans :
« Antoine Barnave : biographie et représentations ».
Pourquoi l’avocat guillotiné à 32 ans a-t-il conservé cette notoriété ?
La prétendue liaison amoureuse du héros stendhalien avec Marie Antoinette en constituait un des ingrédients essentiels, beaucoup plus que ses écrits pourtant traduits en chinois et redécouverts par Jean Jaurès :
« Introduction à la révolution française ».
Son approche théorique annoncerait Marx puisqu’il pointe l’évolution des forces productives. La révolution marque le passage d’une économie agricole gérée par un pouvoir féodal à une économie dans laquelle l’industrie et le commerce prennent toute leur place avec la bourgeoisie aux manettes.
Les légitimistes au XIX° l’ont utilisé comme témoin de la révolution « qui dévore ses enfants » et les Orléanistes se sont identifiés à lui : en mouvement au départ, puis résistant aux réformes ensuite.
Alexandre Debelle, le voisin de Voreppe, par son tableau représentant l’assemblée de Vizille qui trône à présent au conseil général de l’Isère, a mis en valeur le brillant orateur des Alpes :
« Monts sacrés d'où la France vit naître le soleil avec la liberté. »André Chénier.
La jeunesse des acteurs de la révolution m’impressionne une fois encore.
De famille protestante, Antoine accède à 20 ans à la charge d’avocat à la suite de son père.
Sa mère Marie-Louise de Pré de Seigle de Presle, fera partie de son réseau d’informateurs qui relie le constituant à sa province.
Il acquiert une connaissance des réalités économiques et peut éloigner les critiques à l’égard d’un penseur qui serait resté bloqué à l’étage métaphysique.
Quand il s’agit de « consommer la révolution », il fut plus que le lieutenant impétueux d’un Mounier grave et profond. Il pousse à une transformation des institutions, à une réforme des municipalités et l’emporte sur le futur préfet de Napoléon qui ne tenait pas à l’amoindrissement des pouvoirs du roi.
Le rédacteur de libelles déterminants tels l’Esprit des Édits dès 1788 en défense du Parlement de Grenoble, devra subir des coups violents : « monstre parfait à l’éloquence de Caligula ».
Il avait tenté d’éloigner l’émotion dans les débats qui suivirent un lynchage :
« Messieurs, on veut vous attendrir en faveur du sang versé hier à Paris.
Ce sang était-il donc si pur ? »
Lui, le fondateur du club des Jacobins s’en trouvera exclu, et le club des Feuillants qu’il va créer n’aura qu’une brève existence. Il ne souhaitera pas cumuler son mandat de maire de Grenoble avec sa place à la constituante dont il sera président pour 15 jours comme il était d’usage.
S’il avait pressenti que la vente des biens du clergé attacherait les nouveaux propriétaires à la révolution, il a perdu de sa popularité quand au comité des colonies il s’opposera à l'égalité des colons blancs avec les hommes de couleur libres, il n’était même pas question des esclaves ( 60 000 à Saint Domingue) :
« le nègre ne peut croire qu'il est l'égal du blanc »
Depuis le retour de Varennes dans le « corbillard de la monarchie » et ses conseils politiques à la reine, par personne interposée, il ira à l’encontre d’une opinion qui prend conscience de la trahison du roi, quand nait le sentiment républicain.
Lui, qui savait qu’ « une révolution doit finir », va affronter courageusement sa propre fin.
....
Dessin de Sempé
« Antoine Barnave : biographie et représentations ».
Pourquoi l’avocat guillotiné à 32 ans a-t-il conservé cette notoriété ?
La prétendue liaison amoureuse du héros stendhalien avec Marie Antoinette en constituait un des ingrédients essentiels, beaucoup plus que ses écrits pourtant traduits en chinois et redécouverts par Jean Jaurès :
« Introduction à la révolution française ».
Son approche théorique annoncerait Marx puisqu’il pointe l’évolution des forces productives. La révolution marque le passage d’une économie agricole gérée par un pouvoir féodal à une économie dans laquelle l’industrie et le commerce prennent toute leur place avec la bourgeoisie aux manettes.
Les légitimistes au XIX° l’ont utilisé comme témoin de la révolution « qui dévore ses enfants » et les Orléanistes se sont identifiés à lui : en mouvement au départ, puis résistant aux réformes ensuite.
Alexandre Debelle, le voisin de Voreppe, par son tableau représentant l’assemblée de Vizille qui trône à présent au conseil général de l’Isère, a mis en valeur le brillant orateur des Alpes :
« Monts sacrés d'où la France vit naître le soleil avec la liberté. »André Chénier.
La jeunesse des acteurs de la révolution m’impressionne une fois encore.
De famille protestante, Antoine accède à 20 ans à la charge d’avocat à la suite de son père.
Sa mère Marie-Louise de Pré de Seigle de Presle, fera partie de son réseau d’informateurs qui relie le constituant à sa province.
Il acquiert une connaissance des réalités économiques et peut éloigner les critiques à l’égard d’un penseur qui serait resté bloqué à l’étage métaphysique.
Quand il s’agit de « consommer la révolution », il fut plus que le lieutenant impétueux d’un Mounier grave et profond. Il pousse à une transformation des institutions, à une réforme des municipalités et l’emporte sur le futur préfet de Napoléon qui ne tenait pas à l’amoindrissement des pouvoirs du roi.
Le rédacteur de libelles déterminants tels l’Esprit des Édits dès 1788 en défense du Parlement de Grenoble, devra subir des coups violents : « monstre parfait à l’éloquence de Caligula ».
Il avait tenté d’éloigner l’émotion dans les débats qui suivirent un lynchage :
« Messieurs, on veut vous attendrir en faveur du sang versé hier à Paris.
Ce sang était-il donc si pur ? »
Lui, le fondateur du club des Jacobins s’en trouvera exclu, et le club des Feuillants qu’il va créer n’aura qu’une brève existence. Il ne souhaitera pas cumuler son mandat de maire de Grenoble avec sa place à la constituante dont il sera président pour 15 jours comme il était d’usage.
S’il avait pressenti que la vente des biens du clergé attacherait les nouveaux propriétaires à la révolution, il a perdu de sa popularité quand au comité des colonies il s’opposera à l'égalité des colons blancs avec les hommes de couleur libres, il n’était même pas question des esclaves ( 60 000 à Saint Domingue) :
« le nègre ne peut croire qu'il est l'égal du blanc »
Depuis le retour de Varennes dans le « corbillard de la monarchie » et ses conseils politiques à la reine, par personne interposée, il ira à l’encontre d’une opinion qui prend conscience de la trahison du roi, quand nait le sentiment républicain.
Lui, qui savait qu’ « une révolution doit finir », va affronter courageusement sa propre fin.
....
Dessin de Sempé
jeudi 20 octobre 2011
La peinture « Pompier »
A travers l’histoire de l’Ecole des Beaux Arts de Paris et la tradition des prix de Rome, Gilbert Croué revient en deuxième semaine, présenter aux amis du musée, des peintres qui connurent la gloire au XIX° siècle et l’oubli au XX°.
Il ne fait qu’évoquer Gérôme dont il présenta le travail récemment ; le chef de file des orientalistes fut un membre émérite des « académistes ».
Académiciens pour la plupart, dont les casques brillent comme ceux des soldats du feu, figés dans les références antiques d’un Pompéi sous les cendres, voire pompeux parfois : les « pompiers ». La pompe et les ors pour une peinture finie.
Le dessin est la base de tous les enseignements à l’Ecole des Beaux arts de Paris avec l’anatomie, la perspective, l’histoire. C’est là qu’étaient choisis, jusqu’en 1968, les lauréats du prix de Rome qui pouvaient bénéficier d’un séjour de trois ans dans la ville mère des arts.
Chaque candidat avait une centaine de jours pour réaliser dans sa loge « La mort de Thimophane » ou « Thémistocle au Pays d'Adméte » : bien que tant de grecs et de cadavres commençaient à sérieusement lasser au sein même de l’école.
Il fallut attendre 1925 pour que la première femme obtienne le prix convoité qui ouvre les portes des salons, et les commandes de l’état.
Les ateliers sont gérés par « les massiers » ainsi que la rémunération des professeurs et des modèles. Ils organisaient aussi Les Bals des Quat'zarts. Mythique moment de réjouissance dont les thèmes : « Enlèvement des Sabines », « Orgies romaines, « Entrée des barbares dans Rome » respectent la tradition antique et permettent de développer la créativité des étudiants rejoints par les carabins avec lesquels ils partageaient les cours d’anatomie qui invitaient à quelques blagues macabres.
Le style « pompier » projette les gestes emphatiques des héros anciens dans les périodes révolutionnaires et impériales.
Jean Louis Ernest Meissonnier : «Le siège de Paris » et ses sujets militaires, ses peintures animalières remarquables est cité par Dali comme un peintre éminent, est-ce de la dérision ?
Charles François Jalabert: « Les nymphes écoutant le chant d’Orphée »sont mignonnes.
Evariste Luminais : « La fuite du roi Gradlon », se consacre à des sujets mérovingiens
et Laurens Jean Paul : « L'Excommunication de Robert le Pieux », retourne au moyen âge.
Alexandre Cabanel cite Le Tintoret, Michel Ange, Raphaël, il a formé douze prix de Rome, et a peint, entre autres portraits à succès, une magnifique« Albaydé » dont Hugo disait :
« Car elle avait quinze ans, un sourire ingénu,
Et m'aimait sans mélange,
Et quand elle croisait ses bras sur son sein nu,
On croyait voir un ange ! »
Sur les 12 000 tableaux présentés aux salons, 5 à 7000 étaient retenus dont un tiers de nus féminins aux lueurs plâtreuses, ce qui n’est pas le cas de la « naissance de Vénus » de William Bouguereau, un maître du genre érotico kitch dont les sujets mythologiques sont un bon prétexte pour dévêtir les modèles.
« Charlotte Corday » pose en héroïne dans le tableau de Paul Baudry.
Léon Bonnat, le bayonnais a peint les hommes célèbres du XIX° et son « Job » ni trop vrai, ni trop faux est resté dans le patrimoine de nos rétines ;
Carolus-Duran (Charles Durand), portraitiste mondain, fit cependant scandale avec une « femme au gant » qu’elle venait de laisser choir.
La frontière est ténue entre chef d’œuvre mièvre et croûte séduisante.
« La leçon de catéchisme » et les scènes campagnardes de Jules Alexis Muenin peuvent se rapprocher de Courbet, alors que « mère et fille au jardin » d’Édouard Debat - Ponsan sont baignées de lumières impressionnistes. Lui qui signa « une Vérité sortant du puits » empêchée par un spadassin et un ecclésiastique, évoquant l’affaire Dreyfus, fut acquis par la famille Debré (« L’entonnoir ») pour figurer en bonne place dans la mairie d’Amboise.
Il ne fait qu’évoquer Gérôme dont il présenta le travail récemment ; le chef de file des orientalistes fut un membre émérite des « académistes ».
Académiciens pour la plupart, dont les casques brillent comme ceux des soldats du feu, figés dans les références antiques d’un Pompéi sous les cendres, voire pompeux parfois : les « pompiers ». La pompe et les ors pour une peinture finie.
Le dessin est la base de tous les enseignements à l’Ecole des Beaux arts de Paris avec l’anatomie, la perspective, l’histoire. C’est là qu’étaient choisis, jusqu’en 1968, les lauréats du prix de Rome qui pouvaient bénéficier d’un séjour de trois ans dans la ville mère des arts.
Chaque candidat avait une centaine de jours pour réaliser dans sa loge « La mort de Thimophane » ou « Thémistocle au Pays d'Adméte » : bien que tant de grecs et de cadavres commençaient à sérieusement lasser au sein même de l’école.
Il fallut attendre 1925 pour que la première femme obtienne le prix convoité qui ouvre les portes des salons, et les commandes de l’état.
Les ateliers sont gérés par « les massiers » ainsi que la rémunération des professeurs et des modèles. Ils organisaient aussi Les Bals des Quat'zarts. Mythique moment de réjouissance dont les thèmes : « Enlèvement des Sabines », « Orgies romaines, « Entrée des barbares dans Rome » respectent la tradition antique et permettent de développer la créativité des étudiants rejoints par les carabins avec lesquels ils partageaient les cours d’anatomie qui invitaient à quelques blagues macabres.
Le style « pompier » projette les gestes emphatiques des héros anciens dans les périodes révolutionnaires et impériales.
Jean Louis Ernest Meissonnier : «Le siège de Paris » et ses sujets militaires, ses peintures animalières remarquables est cité par Dali comme un peintre éminent, est-ce de la dérision ?
Charles François Jalabert: « Les nymphes écoutant le chant d’Orphée »sont mignonnes.
Evariste Luminais : « La fuite du roi Gradlon », se consacre à des sujets mérovingiens
et Laurens Jean Paul : « L'Excommunication de Robert le Pieux », retourne au moyen âge.
Alexandre Cabanel cite Le Tintoret, Michel Ange, Raphaël, il a formé douze prix de Rome, et a peint, entre autres portraits à succès, une magnifique« Albaydé » dont Hugo disait :
« Car elle avait quinze ans, un sourire ingénu,
Et m'aimait sans mélange,
Et quand elle croisait ses bras sur son sein nu,
On croyait voir un ange ! »
Sur les 12 000 tableaux présentés aux salons, 5 à 7000 étaient retenus dont un tiers de nus féminins aux lueurs plâtreuses, ce qui n’est pas le cas de la « naissance de Vénus » de William Bouguereau, un maître du genre érotico kitch dont les sujets mythologiques sont un bon prétexte pour dévêtir les modèles.
« Charlotte Corday » pose en héroïne dans le tableau de Paul Baudry.
Léon Bonnat, le bayonnais a peint les hommes célèbres du XIX° et son « Job » ni trop vrai, ni trop faux est resté dans le patrimoine de nos rétines ;
Carolus-Duran (Charles Durand), portraitiste mondain, fit cependant scandale avec une « femme au gant » qu’elle venait de laisser choir.
La frontière est ténue entre chef d’œuvre mièvre et croûte séduisante.
« La leçon de catéchisme » et les scènes campagnardes de Jules Alexis Muenin peuvent se rapprocher de Courbet, alors que « mère et fille au jardin » d’Édouard Debat - Ponsan sont baignées de lumières impressionnistes. Lui qui signa « une Vérité sortant du puits » empêchée par un spadassin et un ecclésiastique, évoquant l’affaire Dreyfus, fut acquis par la famille Debré (« L’entonnoir ») pour figurer en bonne place dans la mairie d’Amboise.
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